[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ™ £"3� 1793 33 E Saliceti, représentant du peuple près Varmée dirigée contre Toulon, à ses collègues compo¬ sant le comité de Salut public de la Convention nationale (1). « Au quartier général d’Ollioules, le 10 frimaire de l’an II de la République une et indi¬ visible. « Citoyens, mes collègues, « L’ennemi commence à sentir qu’il lui sera difficile de tenir dans Toulon aussitôt que nos batteries dirigées contre Malbousquet joueront ; aussi a-t-il fait ce matin un grand effort pour s’en emparer. Avant le jour, il a réuni une grande partie de ses forces, il s’est porté sur l’aile gauche de l’armée de la République et avant que nous en eussions reçu avis au quartier général, il s’était déjà emparé de nos avant-postes et même de la nouvelle batterie. « Je me suis rendu avec le général Dugom-mier sur les lieux, nous avons rallié le peu de monde que nous avons pu, l’ennemi a été a ta-qué vigoureusement; il a résisté, la victoire a été un instant incertaine, mais la bravoure des soldats de la République l’a décidée du côté de la cause de la justice et de la raison. La batterie et tous les postes ont été repris, l’ennemi mis en déroute a été forcé, la baïonnette dans les reins, de rentrer dans Toulon. Il a eu environ 400 hommes tués, presque tous Anglais, beau¬ coup de blessés et 200 prisonniers parmi les¬ quels le général anglais Ohara, commandant en chef dans Toulon, un colonel espagnol, aide de camp du général Gravina et plusieurs autres officiers de marque. « Quoique le combat ait été bien chaud, notre perte n’est pas considérable; elle se réduit à une quarantaine de tués et 100 blessés. Le général Dugommier et l’adjudant général Cer-voni ont été légèrement blessés ; le général ( sic ) Mouret, Garnier et Buonaparte se sont, dans cette occasion, conduits d’une manière dis¬ tinguée. « Cette victoire, citoyens collègues, est le prélude d’une bien plus éclatante que j’espère d’avoir sous peu le plaisir de vous annoncer. « Vive la République ! Ça ira ! « Saliceti. » « P. -8. — Dans cet instant, arrive un par¬ lementaire anglais. Il est porteur d’une lettre du général des forces britanniques dont vous trouverez ci-joint copie, ainsi que de la réponse du général Dugommier (2). » F Lettre du général Dugommier (3). « Au quartier général d’Ollioules, le 7 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique française. « Citoyens représentants, « J’ai reçu le décret par lequel vous me confiez l’armée d’Italie en me chargeant de (1) Archives nationales, carton AFn 281, plaquette 2,346 pièce 30. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comilè de Salut public, t. 9,p. 73. (2) Ces pièces manquent et n’ont pu être retrou¬ vées. (3) Archives nationales, carton G 283, dossier 799. lre SÉRIE. T. LXXXI. plus de diriger les forces employées contre Tou¬ lon. Il est inutile de vous dire que le fardeau est pesant plus encore par les circonstances que par lui-même. Il n’est personne d’instruit qui ne le reconnaisse, mais celui qui aimait la République avant qu’elle existât en France ne consulte que son désir de la voir triompher et lorsqu’il peut s’entourer de frères d’armes qui pensent comme lui et qui contribuent avec loyauté de toutes leurs facultés au succès de l’entreprise, il ne peut hésiter de partager avec eux les travaux qu’elle exige. Votre comité de Salut public vous fera part de nos dispositions ; en attendant l’exécution, nos prières sont l’hymne de la liberté et notre refrain : Vive la République ! « Dugommier, général en chef de Varmée d'Italie et chargé de diriger les forces contre Toulon. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Lettre du général en chef Dugommier, datée du quartier général d’OUioules, le 10 fri¬ maire (2). « Citoyen ministre, cette journée a été chaude, mais heureuse; depuis deux jours une batterie essentielle à notre place faisait feu sur Malbos¬ quet, et inquiétait beaucoup, vraisemblable¬ ment, ce poste et ses environs. Ce matin, à cinq heures, l’ennemi a fait une sortie vigou¬ reuse, qui l’a rendu maître d’abord de tous nos avant-postes de la gauche et de cette batterie. A la première fusillade, je me transportai avec célérité à l’aile gauche, je trouvai presque toutes ses forces en déroute; le général Garnier se plaignant de ce que les troupes l’avaient aban¬ donné. Je lui ordonnai de les rallier et de se porter à la reprise de notre batterie; je me mis à la tête du troisième bataillon de l’Isère, pour me porter de même, par un autre chemin, à la même batterie. Nous avons eu le bonheur de réussir; bientôt ce poste est repris; les ennemis, vivement repoussés, se replient de tous côtés, en laissant sur le terrain un grand nombre de morts et de blessés; cette sortie enlève à leur armée plus de 1,200 hommes, tant tués que blessés, et faits prisonniers ; parmi ces derniers, sont plusieurs officiers d’un grade supérieur; et enfin, leur général en chef, M. Ohara, blessé d’un coup de feu au bras droit ; les deux généraux devaient être touchés dans cette action, car j’ai reçu deux fortes contu¬ sions, dont une au bras droit, et l’autre à l’épaule, mais sans danger. Après avoir renvoyé vivement l’ennemi d’où il revenait, nos répu¬ blicains, par un élan courageux, mais désor¬ donné, ont marché vers Malbosquet ; sous le feu vraiment formidable de ce fort, ils ont enlevé toutes les tentes d’un camp qu’ils avaient fait évacuer par leur intrépidité. (1) Moniteur universel ’n° 77 du 17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793, p. 312, col. 1] et n° 78 du 18 frimaire an II (dimanche 8 décembre 1793), p. 316, col. 1]. Voy. d’autre part, ci-après, annexe n° 3, p. 44, le compte rendu du rapport de Barère d’apres d’autres journaux. (2) La lettre de Dugommier est également insérée dans le Bulletin de la Convention du 6e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (vendredi 6 dé¬ cembre 1793). 3 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *g 34 « Cette action* qui est un vrai triomphe pour les armes de la République, est d’un excellent augure pour nos opérations ultérieures, car, que ne devons -nous pas attendre d’une attaque concertée et bien mesurée, lorsque nous faisons bien à l’improviste * « Je ne saurais trop louer la bonne conduite de tous ceux de nos frères d’armes qui ont voulu se battre. Parmi ceux qui se sont le plus dis¬ tingués, et qui m’ont le plus aidé à rallier et pousser en avant, ce sont les citoyens Bona¬ parte, commandant d’artillerie; Arena et Cervani, adjudants -généraux. « Dugommier, général en chef. » Barère, au nom du comité de Salut 'public. Citoyens, si le comité de Salut public ne vous annonce pas tous les jours des succès complets, c’est le sort inévitable de plusieurs armées agissantes à la fois sur plusieurs points de la République, qui veut qu’elles partagent entre elles les hasards de la guerre. Voici les résul¬ tats. Aux armées de la Moselle et du Rhin, bra¬ voure soutenue, succès retardés ; au Nord, snccès réels; à la Vendée, les brigands cherchent à rentrer dans leurs anciens repaires, mais ils sont poursuivis par les armées de la Répu¬ bliques; au Midi, avantage remporté sous les murs de Toulon. Voici les détails. Barère fait lecture de plusieurs lettres datées de Schumberg, les 11 et 12 frimaire, adressées au comité de Salut public par les représentants du peuple, Soubrani et Michot (Richaud); elles contiennent les détails d’une affaire qui a eu lieu entre les troupes de la République commandées par le général Hoche, et les Prussiens, dans laquelle ces derniers, beaucoup plus forts, ont obligé nos braves républicains à se retirer sur Limbach, Deux-Ponts, Hornbach. La retraite s’est faite avec le plus grand ordre : nous n’ayons pas perdu une seule pièce de canon; pas même une voi¬ ture de transport. Une autre lettre écrite par les représentants du peuple, Lacoste et Baudot, qui doivent rem¬ placer Soubrani et Michot (Richaud), près l’armée de la Moselle, contient les mêmes détails que les précédents. Armée du Rhin. Strasbourg, 11 frimaire , Dieche général de divi¬ sion, commandant à Strasbourg, à Bouchotte, ministre de la guerre (1). « Je n’ai que le temps d’écrire que l’armée a eu un avantage considérable hier, 10 frimaire. L’armée s’est battue toute la journée. Notre droite les a repoussés au-delà de Gambsheim; leurs redoutes ont été enlevées la baïonnette aux reins, ainsi que les hauteurs qu’ils occu¬ paient, et d’une si rude manière qu’il n’y en a pas d’exemple. L’ennemi a perdu considérable¬ ment de monde, et nous très peu. Tous les enfants de la République étaient animés de la même ardeur et du même courage. La gauche (1) Bulletin de la Convention du 6e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (vendredi 6 dé¬ cembre 1793), a aussi gagné du terrain; et deux divisions qui étaient séparées par quelque espace, se sont réunies. Il est inutile de dire qu’aucun répu¬ blicain n’a fui : depuis que nous avons des généraux sans-culottes, on ne connaît pas ça. Quelques blessés que nous avons eu criaient de toutes leurs forces en entrant dans la com¬ mune de Strasbourg : Vive la République ! Ça va, ça ira, mon sang coule! Un autre : Rai mon bras emporté, mais je m'en /..., ça va, ça ira, et vive la République! Enfin, on ne peut se faire une idée de leur dévouement à la Ré¬ publique. « Signé: Dieche. » Barère lit ensuite deux autres lettres ; elles renferment des détails sur l’ affaire du général Hoche. Nos troupes se sont battues pendant trois jours avec un courage au-dessus des éloges, elles ne se sont décidées à la retraite que par le grand nombre de troupes fraîches qui se présentaient pour les combattre et qui excédait leur nombre de plus de 20,000. Quant à la nouvelle Vendée, Barère lit un grand nombre de lettres qui toutes s’accordent sur les détails. Les unes sont écrites par les administrateurs composant le comité de cor¬ respondance du département d’Indre-et-Loire, à Tours; les autres par les représentants du peuple qui se trouvent dans ce canton. Il en résulte sommairement que pour rentrer dans leurs anciens repaires, les rebelles tentent un passage sur la Loire ; qu’ils sont entrés dans la Flèche, qu’ils ont été ensuite obligés d’éva¬ cuer; plusieurs y sont péris de misère et de froid, n’ayant ni chaussures ni habits, et qu’ils menacent d’attaquer Angers, où ils paraissent vouloir hiverner. Le général Coumer écrit de Saumur, le 13 frimaire : « L’ennemi vient de se porter sur Angers, qu’il attaque sur tous les points; depuis trois heures du matin le canon gronde; mais l’esprit des habitants et de la garnison est excellent, et la ville est très bien fortifiée. Ainsi, je ne doute pas que ses tentatives ne soient vaines; c’est en vain qu’ils veulent passer le pont de Cé, les soldats républicains sont là pour les en empêcher. Saumur est dans un état respec¬ table; il vient d’être proclamé en état de siège par un arrêté des représentants du peuple. Le patriotisme qui anime les habitants eu la gar¬ nison, promet une bonne défense si les ennemis venaient nous attaquer; ce que je ne crois pas. Je compte bientôt pouvoir vous annoncer que les rebelles ont été repoussés sur tous les points. » Voici l’extrait de la lettre du représentant du peuple, Guimbertaut, au comité de Salut public, de Tours, le 14 frimaire. « Hier nous avons reçu une bonne nouvelle; on nous a appris l’évacuation de la Flèche. Les brigands ont fait de grandes pertes dans leur retraite. L’armée de Mayence les poursuit toujours, toutes les dispositions sont prises pour les empêcher de passer la Loire. Ce mâtin le général a fait battre inopinément la générale, aussitôt tous les citoyens se sont rendus en armes aux différents postes, et les administra¬ teurs à leur tête. On vous a représenté cette ville en état de contre-révolution, c’est une calomnie, il vous aurait suffi pour vous assurer du contraire, d’être témoins du courage et de l’énergie de ces braves républicains. « Vive la République! Mort aux brigands!