294 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sorte que les cartes ont été délivrées sur la liste qu’on avait dressée des personnes qui s’étaient présentées pour être reçues aux Jacobins. C’est ainsi que cette Société s’est trouvée être composée dans une seule journée de six cents membres au moins. Je ne doute pas que dans ce nombre il n’y ait de bons citoyens; mais je dis aussi qu’il y a des intrigants. Nous avons vu un capitaine de canonniers venir faire serment aux Jacobins; nous avons vu des sections de Paris venir leur dire qu’elles se ralliaient aux... Plusieurs voix : C’était pour la Convention. DUBOIS-CRANCÉ : On n’a pas besoin d’aller aux Jacobins pour dire qu’on se rallie à la Convention. Nous avons su que Marseille avait offert aux Jacobins un bataillon pour les défendre. Etait-ce aussi pour la Convention? Il y a des membres qui prétendent que tous ces discours s’adressent à la Convention ; et moi je soutiens qu’ils ne s’adressent qu’à une partie des membres de la Convention. On sait qu’il a été tenu aux Jacobins des propos indiscrets. Je n’en accuse pas mes collègues, mais les scélérats qui s’y trouvent. On y a vu des hommes venir du Midi pour intriguer ici. On y voit tous les jours un individu nommé à la commune par Robespierre, un homme qui aurait péri avec tous les membres de cette commune s’il n’avait pas eu le bonheur de ne pas s’y trouver dans la nuit du 9 au 10; Lacombe, qui y est sans cesse à désigner les meilleurs citoyens comme des scélérats. C’est au comité de Sûreté générale à faire son profit des dénonciations qui ont été faites ici. Je reviens à la question. J’ai été le premier à dire qu’aucun fonctionnaire pubüc ne devait être membre d’une société qui surveille sa conduite ; qu’il ne pouvait pas être en même temps juge et partie. Si l’on considère les divisions que fait naître cette Société, qu’elle nous empêche de réunir ici l’unanimité qui nous donnerait la paix dans un mois G applaudissements ), on conviendra qu’il faut que les Jacobins soient épurés par vous ou par un de vos comités. Vous en avez incontestablement le droit, puisque plusieurs de nos collègues, chargés de missions, lorsque le salut public l’a exigé, ont suspendu ou régénéré des sociétés de département. Que cette opération soit faite, et aussitôt vous verrez la paix renaître. Je demande acte de la déclaration que j’ai faite que les Jacobins qui conspiraient contre la France avant le 9 thermidor n’ont pas été épurés comme ils devaient l’être. Je demande en outre que vous renvoyiez aux trois comités réunis pour vous proposer les moyens de rendre cette Société utile à la chose publique. [Si les représentans du peuple dans les dé-partemens peuvent épurer les sociétés populaires, par quel privilège celle de Paris pourroit-elle échapper à l’examen de la Convention nationale, ou à l’épuration de vos comités. Je demande donc que les trois comités réunis soient chargés de vous présenter un décret qui fixe un mode d’épuration pour la société des Jacobins.] (95) (95) J. Paris, n° 15. BOURDON (de l’Oise) : La fin de cette discussion doit prouver au peuple qu’il y aura toujours ici unanimité pour les principes. La Convention avait adopté indiscrètement une motion d’un de nos collègues; cette proposition ressemblait à la conduite insensée d’un mauvais économe qui, parce qu’il y aurait dans son champ une source empoisonnée, voudrait la combler plutôt que d’ôter ce qui en corromprait les eaux vivifiantes. Les sociétés populaires sont un instrument démocratique dans le gouvernement révolutionnaire ; ne nous éloignons jamais de la démocratie, car elle fait le bonheur du peuple. Je vote pour que vous mettiez aux voix les propositions de Dubois-Crancé. [Ce discours est souvent applaudi.] (96) Ces propositions sont adoptées (97). 55 Un membre, au nom des comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, fait un rapport, dont l’impression et la distribution est décrétée, et d’après lequel le décret suivant est adopté : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de Législation, de Sûreté générale et de Salut public, Décrète qu’il n’y a lieu à aucune inculpation contre Barras et Fréron, et que ces deux représentans du peuple ont dignement rempli leur mission (98). TREILHARD, au nom des comités réunis de Salut public, de Sûreté générale et de Législation : Citoyens, appelée par le voeu du peuple français pour préparer et pour assurer les destinées de la république, c’est toujours avec le sentiment d’un profond regret que la Convention se trouve distraite des grands objets qui devraient l’occuper tout entière. Ce sentiment est plus pénible encore quand on détourne ses regards pour les fixer sur des passions et sur des luttes particulières ; il est à son comble quand le ralentissement de sa marche trouve son principe dans le sein même de la représentation nationale; nous en avons assez fait la triste épreuve dans la discussion de l’affaire dont je dois vous rendre compte. Des pièces vous ont été annoncées comme pouvant offrir des traces de dilapidation de la part de deux de nos collègues ; et vous qui sentez fortement que le soupçon même ne doit pas atteindre un représentant du peuple, vous en (96) Débats, n° 744, 230. (97) Moniteur, XXII, 156-157; Débats, n” 744, 227-230; Ann. Patr., n“ 642; Ann. R. F., n° 13; C. Eg., n° 777; F. de la Républ., n° 14; Gazette Fr., n” 1008; J. Fr., n° 739-740; J. Mont., n 159; J. Paris, n" 15; J. Perlet, n° 741 ; M. U., XLIV, 205. (98) P. V., XLVI, 276-277. C 320, pl. 1330, p. 35. Décret attribué à Treilhard par C* II 21, p. 5. J. Paris, n°15.