[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juin 1791.J 53 le Corps législatif ait licencié non pas l’armée, mais un seul régiment. Voici maintenant une autre observation. Je demande comment on notifiera à un commandant les ordres du roi ou le décret du Corps législatif qui ordonne le licenciement. Plusieurs membres : Par proclamation. M. Ilalès. Je demande que le comité soit chargé de présenter la manière de punir en pareil cas les traîtres. M. Ooiipillea». Il me semble que la deuxième partie de l’article donne au roi le droit de licencier l’armée et cependant vous avez décrété le contraire. Je demande donc que l’article soit rédigé différemment et de manière à conserver son rapport avec l’article constitutionnel que vous avez décrété. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Je réponds à M. Malès qu’un colonei qui retiendrait son régiment sous les armes, lorsque le commandement lui en aurait été ôté ou le licenciement ordonné par l’autorité supérieure, commettrait un délit contre la discipline militaire,' dont la répression se trouvera dans le Code pénal militaire qui doit vous être présenté par le comité militaire. M. Prieur. Je soutiens qu’un colonel dont le régiment serait licencié par un décret du Corps législatif sanctionné parle roi, et qui retiendrait, malgré la loi, ses soldats sous les drapeaux, commettrait un crime qui devrait être porté à la haute cour nationale et non pas au Code pénal militaire, parce que le crime le plus grave contre la société, c’est un attentat qui a pour objet de résister aux lois constitutionnelles de l’Etat. Je demande donc qu’on admette l’amendement de M. Matés. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Voici la rédaction que propose le comité : Art. 5. « Tout commandant d’armée ou corps de troupes, d’une flotle ou d’une escadre, d’une place forte ou d’un poste, qui en retiendra le commandement contre l’ordre du roi ; « Tout commandant qui tiendra son armée rassemblée lorsque la séparation en aura été ordonnée ; tout chef militaire qui retiendra sa troupe sous les drapeaux lorsque le licenciement en aura été ordonné, seront coupables du crime de révolte et punis de mort. » M. de Sillery. Je demanderai qu’on ajoutât : tout capitaine de vaisseau particulier , parce qu’un capitaine de vaisseau est un général dans sa partie. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Gela rentre dans la discipline militaire et de la marine; nous faisons ici une loi contre un attentat qui menace la chose publique. Or, le commandant particulier qui manque à l’ordre qn’on lui adonné, commet un crime grave; mais c’est un crime contre la discipline militaire et voilà pourquoi le comité n’a pas cru devoir le placer ici. (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 5 dans sa nouvelle rédaction.) La suite de la discussion est renvoyée à demain. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du ministre de la guerre qui prie l’Assemblée de décider quels tribunaux seront charges d’instruire et de juger les délits militaires des indïvidxis de la ci-devant maréchaussée ou de la gendarmerie nationale. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Il existe dans la ci-devant maréchaussée des affaires importantes qui y entretiennent des divisions fâcheuses, et dont la décision ne peut avoir lieu par voie d’administration. Des abus d’autorité, des actes d’insubordination, même des malversations en sont les causes ou les prétextes, et soit que les imputations aient des caractères de vérité, ou quVUes soient calomnieuses, les dispositions vio entes des acccusateurs et des accusés, les uns contre les autres, ne font qu’accroître le désordre. « Je fus frappé, dès mon arrivée au ministère, de l’exemple donné par la compagnie de maréchaussée de l’ancien Dauphiné, de sa résistance à des ordres supérieurs, et de son insubordination marquée; cependant, les motifs exposés par cette compagnie, l’espèce d’approbation que paraissent y donner les corps administratifs, et un concours de circonstances avaient déterminé mon prédécesseur à soumettre cette affaire à une information extrajudiciaire. « Un in-pe teur général de la maréchaussée fut envoyé à Grenoble pour y procéder; il eut ordre d’engager des membres du département et du corps municipal à s’adjoindre à lui pour celte opératiou: mais ils s’y refusèrent. De son côté, le prévôt général récusa l’inspecteur; les contrariétés les plus extraordinaires s’élant opposées à l’exécution des ordres du roi, il fut question de faire poursuivre judiciairement cette affaire. M. l’ancien garde des sceaux fut consulté par M. de la Tour-du-Pin ; je consultai moi-même M. Duport, et cependant le tribunal où celte affaire devait être portée et le mode de procédure à suivre restèrent indécis. Les cours martiales ayant commencé alors à être mises en activité, je crus convenable d’en établir une pour lui déférer l’instruction et le jugement de l’affaire de la compagnie île maréchaussée du Dauphiné. Il fut prescrit, en conséquence, à M.Duchilleau, commandant à Grenoble, de faire procéder aux opérations préliminaires; mais, arrêté dès le coz - menemment par des difficultés dans l’application de plusieurs articles du décret sur l’organisation des tribunaux militaires, M. Duchilleau me fit part de ses observations et de quelques questions à résoudre : je les communiquai au comité militaire de l’As-emblée nationale, avec prière de provoquer, s’il était nécessaire, des décrets sur ces questions. J’attendais depuis longtemps des décisions, lorsque les membres du comité militaire chargé du travail relatif à la jurisprudence militaire, m’annoncèrent qu’ils étaient persuadés qu’il ne fallait point rendre les gendarmes nationaux justiciables des cours martiales, et qu’ainsi ils se disposaient à proposer, sur cet objet, leurs vues à l’Assemblée. « C’est cette difficulté non encore résolue qui tient, comme vous le voyez, Monsieur le Président, toutes mes dispositions en �suspens : elle 34 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juin 1791.] ne peut être levée que par le Corps législatif. Je le supplie de prendre cette importante matière en considération, et de décider quels tribunaux seront chargés d’instruire et juger les délits militaires des individus de la ci-devant maréchaussée ou de la gendarmerie nationale; cette décision est sollicitée de toutes parts : les accusés la réclament plus vivement encore; j’ai dû la leur promettre, mais les lenteurs qu’ils éprouvent les aigrissent, et devenus injustes envers l’administration, ils se permettent do l’accuser de retards qu’il n’est pas en son pouvoir d’empêcher. « Il est d’autant plus essentiel que l’Assemblée prononce sur cet objet que je me vois forcé de suspendre une partie des nominations, attendu que si des personnes accusées se trouvaient n’y avoir point de part, elles pourraient so plaindre qu’on a préjugé l ur affaire, ou du moins établir contre elles des préventions défavorables. « Je suis, etc. « Signé : Duportail » (L’Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité militaire.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DAUCHY. Séance du mardi 7 juin 1791, au soir (t). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir. Un membre demande la parole sur ce procès-verbal pour proposer une addition à l’article 10 du projet de décret sur les baux à convenant et domaines cougeables, adopté dans cette séance. M. Corosier du Mousîoir demande que l’article 10 reste tel qu’il a été décrété hier et qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour et adopte le procès-verbal.) M. le Président. J’ai reçu une lettre des administrateurs du directoire du département de la Gironde qui annoncent que, sans l’activité et la prudence ce la municipalité de Bordeaux, une sociéié, si us la dénomination de club monarchique, aurait pu altérer la tranquillité qui règne dans cette vide, si la municipalité n’en avait suspendu les séances. Un membre demande la lecture de cette lettre. M. CoroIIer du üioustoir. L’Assemblée a consacré la séance de ce soir à la discussion des domaines congéables exclusivement à toute autre question ; je demande en conséquence l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, ordonne la lecture de la lettre des administrateurs du directoire du département de la Gironde.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Nous nous hâtons de vous instruire d’une mesure que les circonstances nous ont impérieusement dictée. Depuis plusieurs jours, la plus grande fermentation régnait dans la ville; des particuliers connus par leur incivisme, et qui avaient déjà voulu se réunir sous la dénomination de club monarchique, annonçaient l’intention décidée de se rassembler sous le nom d’amis de la patrie. Ils cherchaient à rallier à leur parti les mécontents qu’ils pouvaient rencontrer. On parlait d’enrôlement, d’armes, d’argent répandu, de projets de causer une commotion générale au moment où l’on apprendrait que nos ennemis attaqueraient nos frontières. Un grand nombre de prêtres et de ci-devant privilégiés étaient rentrés dans la ville; enfin, Monsieur le Président, tout ce qui pouvait rendre cette association dangereuse s mblait se réunir. « Convaincu du patriotisme inaltérable de vos concitoyens, ce n’est pas pour la chose publique que nm s avons eu à craindre, mais c’est pour ceux mêmes qui auraient voulu l’attaquer ; nous avons craint qu’ils ne devinssent la victime de leur audace. Nous avons réuni, hier et ce matin, le district et la municipalité. Le résultat de la délibération a été que la tranquillité publique exigeait impérieusement une défense provisoire à toute autie société que celles déjà formées et reconnues de s’assembler : tel a élé l’objet de l'adresse que nous avons délibéré de faire publier par la municipalité. « Nous avons l’honneur, Monsieur le Président, de vous eu adresser quelques exemplaires. « A peine était-elle publiée que nous avons été instruits que cette même sociéié se rassemblait dans la maison des religieux feuillants, qu’elle avait même commis quelques violences contre des particuliers que la curiosité y avait conduits, et que le nombre grossissait à chaque instant, et s’élevait déjà à plus de 2 ou 300. Nous avons aussitôt envoyé des commissaires à la municipalité, réunis à d’autres du district, afin de pouvoir prendre sur l’heure les mesures que les circonstances exigeraient. « Des députés de cette association se sont rendus à la municipalité pour annoncer qu’ils étaient assemblés, et pour remettre une copie de leur règlement. « Leur discours, sous des expressions mal déguisées, annonce le but qu’ils ont decombattre la Constitution. Le maire leur a ordonné provisoirement de se séparer. Un instant après, ils ont renvoyé des députés pour déclarer qu’obéissant aux ordres des corps administratifs, ils allaient se désunir, mais que les directoires solliciteraient avec courage la cassation de cette défense provisoire. « La municipali'é s’est rendue à la maison des Feuillants, qu’elle a fait fermer, et tout s’est dissipé sans troubles ; mais déjà de toutes les parties de la cité ou se portait dans ce quartier, et bientôt il y aurait eu un attroupement considérable sans la promptitude et la sagesse des précautions qu’ont pris les officiers municipaux; nous espérons que t’adresse calmera les esprits, et que la tranquillité publique ne sera pas troublée. <« Nous sommes, etc. « Signé : Les administrateurs du département de la Gironde. »