[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. î 5 brumaire an II 357 (5 novembre 1/93 dissements de la multitude pressée autour et dans le temple, juré de n’enseigner désormais que les grands principes de morale et de la saine philosophie, de prêcher contre toutes les ty¬ rannies politiques et religieuses, et de commen¬ cer enfin à montrer aux hommes le flambeau de la raison; ils ont scellé leur serment en brû¬ lant dans un vase plein d’encens leurs lettres de prêtrise qui répandirent pour la première fois la bonne odeur autour d’elles. Tout le peuple, les protestants et les catholiques, ont juré, par acclamation et enthousiasme, avec l’oubli de leurs anciennes superstitions, celui des que¬ relles qui ont si longtemps inondé le pays du sang français versé par les rois et les prêtres; il n’y aura plus désormais dans cette ville qu’une seule manière de prêcher la morale, qu’un temple, celui de la vérité, qu’un seul dépôt des restes inanimés de l’homme que la superstition faisait revivre sans cesse, pour tourmenter les vivants. Un grand tableau des droits de l’homme va remplacer le tabernacle des ridicules et imbé¬ ciles mystères, et plusieurs autres tableaux por¬ teront sur les murs l’Acte constitutionnel; comme l’on n’était pas muni de ces tableaux, on y a suppléé momentanément parle dépôt, dans le tabernacle, d’un exemplaire in-8° des droits de l’homme et de l’Acte constitutionnel signé de nous, du maire, du procureur de la commune et du président de la Société populaire; cette scène si neuve s’est passée avec un enthousiasme universel qu’il serait impossible de peindre; mais nous devons vous dire qu’elle n’était que la suite d’une fête civique où tout le peuple, toutes les autorités constituées et nous, sommes allés rendre, sur la place publique, hommage aux vertus de deux héros républicains, de deux sans-culottes morts glorieusement pour la dé¬ fense de la liberté, ce sont les citoyens Mulon et Tartu, tous deux nés plébéiens, tous deux ayant commencé par être mousses, et tous deux élevés par leurs vertus civiques et leurs talents au grade de capitaine de vaisseau qui leur était interdit pour jamais sous l’ancien régime. Le premier commandait la frégate la Cléopâtre ; sa mort au milieu du combat contre deux frégates anglaises dont il avait pris une, a été suivie de la perte de sa frégate. « Le second n’ayant eu que la cuisse empor¬ tée, a eu quelques quarts d’heure d’intervalle en¬ tre sa blessure et sa mort, il les a employés à en¬ courager son équipage et à donner des leçons de patriotisme, à son fils, mousse à son bord. Je meurs pour la liberté de mon pays, je meurs content, apprends à combattre pour elle et sois toujours Vennemi des tyrans. Telles ont été ses dernières paroles à ce jeune enfant qu’il a laissé pour venger sa mort. La frégate l’ Uranie, que commandait ce brave homme, avait déjà fait plusieurs prises, et elle tenait en cale deux cent cinquante prisonniers espagnols qui l’entra¬ vaient ; elle a battu complètement la frégate an¬ glaise, mais elle n’a pu s’en emparer. Elle est ren¬ trée ici suivie de la corvette qu’elle avait prise quelques jours auparavant; toute la garde na¬ tionale, tous les marins, tout le peuple, toutes les autorités constituées ont répandu des fleurs sur le mausolée élevé sur la place publique à la mémoire de ces deux héros de la marine répu¬ blicaine, et nous avons donné le nom de Tartu à la frégate que commandait ce capitaine, et qui s’appelait Y Uranie. La municipalité vous enverra le procès-verbal de cette fête dans la¬ quelle il y a eu plusieurs accessoires importants dont nous ne vous parlons pas. Elle a consacré le jour du repos de l’ère républicaine et nous avons, par un arrêté exprès, établi ce nouvel ordre dans les travaux du port. Pas une seule réclamation ne s’est élevée contre, et le jour d’hier, tous les vieux saints ont passé sans que personne daignât s’en apercevoir. « Nous avons cru devoir récompenser le cou¬ rage de ces prêtres philosophes qui, les premiers, ont osé secouer aussi énergiquement le joug de la superstition. Nous leur avons assuré, leur vie durant, la pension de douze cents livres, dont six jouissaient comme curés; les deux autres, comme aumôniers n’avaient que cent pistoles, mais ils ont tous montré la même vertu, nous les avons cru dignes du même traitement; c’est à vous à modifier ce que vous croiriez inconvenant dans notre arrêté que nous joignons à la présente. Nous devons au surplus à la vérité de vous dire que ces huit ci-devant prêtres ne s’attendaient à rien, plusieurs d’entre eux nous avaient fait part de leur détermination, mais nous ne leur avions laissé concevoir aucun soupçon de faveur, aucun espoir de récompense; ils avaient peut-être compté sur la générosité de la nation fran¬ çaise, et en cela ils n’ont point eu tort. Voici les noms de ces prêtres philosophes : Masdebor, ci-devant aumônier de 4e régiment de la marine; Jean-Robert Quesnet, curé de Saint-Hippolyte; Guy Beaupoil, vicaire de Marennes; Nicolas Pluchoneau, aumônier de l’hôpital de la marine; François-René-Auguste Leydet, curé de Notre-Dame de Rochefort; Antoine Chemineau, curé de Fouras; Basil, curé de Saint-Nazaire, dis¬ trict de Marennes, et Bonneau, curé de la com¬ mune d’Olonne. « Nous vous adressons copie de l’arrêté sous¬ crit après leur serment par les cinq premiers, les autres qui n’ont pu être présents nous ont écrit des lettres dont nous avons donné lecture au peuple et que nous déposons, avec les origi¬ naux de nos arrêtés, à la municipalité de Roche-fort. « Tout va marcher ici rondement, le peuple va de lui-même au flambeau de la raison que nous lui montrons avec douceur et fraternité; le tribunal révolutionnaire que nous venons d’établir fera marcher les aristocrates, et la guil¬ lotine fera rouler les traîtres. .. Lequinio, Laignexqt. » Serment (1). s Nous, prêtres assermentés sur la Constitution républicaine de France, et attachés de cœur et d’affection à toutes les lois de la République, reconnaissant l’évidence des vérités philoso¬ phiques qui ont donné lieu à ce régime destruc¬ teur de toutes les espèces de tyrannies, et vou¬ lant donner une preuve non équivoque de notre patriotisme et de notre amour pour la liberté et l’égalité et du désir dont nous sommes ardem¬ ment animés de concourir d’une manière franche et ferme au bonheur de tous les hommes de quelque religion qu’ils puissent être, nous pro¬ mettons, ainsi que nous venons de le jurer en chaire en présence du peuple, dans le temple de la Vérité, autrefois l’église paroissiale de cette ville, de n’être désormais que des prédicateurs (1) Archives nationales , carton C 278, dossier 735. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f�11 358 de morale, de a’ enseigner d’autres maximes que celles de la droite raison, de ne développer d’autres principes que ceux de la saine philoso¬ phie et de n’apprendre à tous les hommes de quelque pays qu’ils puissent être qu’à s’entr’ai¬ mer, à s’entre-secourir et à défendre leur liberté contre les tyrans politiques et religieux de toute espèce. A Eochefort, ce dernier jour de la première décade du second mois de l’an II de la Répu-blique une et indivisible. Signé : François Masdebord, ci-devant aumô¬ nier du 4e régiment de la marine; Quesnet, ci-devant curé de Saint-Hippolyte; Latdet, ci-devant curé de-Notre-Dame; Nicolas Plu-choneau, ci-devant aumônier de l’hôpital de la marine; Guy Beaupoil, ci-devant curé de Marennes et desservant de Bourg-Sefranc, annexe de Marène. Pour copie conforme à l’acte gui nous a été remis, et que nous avons déposé à la municipalité de Eochefort ; Lequinio, représentant du peuple; Laigne-lot, représentant du peuple. Arrêté (1). Nous, représentants du peuple français en¬ voyés dans la Charente -Inférieure, rendant avec satisfaction hommage au courage et à l’esprit philosophique des citoyens François Masdebord, aumônier du 4e régiment de marine, Jean-Ro¬ bert Quesnet, curé de Saint-Hippolyte, Guy Beaupoil, vicaire de Marennes, Nicolas Plucho-neau, aumônier de l’hôpital de la marine, Fran¬ çois-René-Auguste Laydet, curé de Notre-Dame de Eochefort, lesquels sont venus aujourd’hui dans le temple de la Vérité, autrefois l’ église paroissiale de cette ville, rendre hommage à la raison et à la vérité, brûler leurs lettres de prê¬ trise en présence de tout le peuple, devant lequel ils ont juré de n’être désormais que des prédi¬ cateurs de morale, de n’enseigner d’autres maximes que celles de la raison, de ne déve¬ lopper d’autres principes que ceux de la saine philosophie, et de n’apprendre à tous les hommes, de quelque pays qu’ils puissent être, qu’à s’entre-aimer, à s’entre-secourir et à dé¬ fendre leur liberté contre les tyrans politiques et religieux de toute espèce, et considérant que la nation française, toujours généreuse et juste ne peut refuser une subsistance honnête à des citoyens qui, conduits par les circonstances et tous les vices de l’ancien régime, et ayant em¬ brassé une profession qui ne reposait que sur l’ignorance du peuple et le besoin de soutenir le despotisme du trône en trompant les hommes simples et sans lumières, se trouveraient main¬ tenant hors d’état d’apprendre une autre profes¬ sion; désirant d’ailleurs récompenser ces ci¬ toyens vertueux qui, les premiers, ont osé se¬ couer le joug de la superstition et de la domi¬ nation papale. Nous arrêtons que les citoyens dénommés ci-dessus jouiront, leur vie durant, d’une pension de douze cents livres qui leur sera payée quar¬ tier par quartier, et qu’ils pourront se retirer en tel heu qu’ils voudront de la République, en se mettant sous la surveillance des munici¬ palités, et se conformant d’ailleurs à toutes les lois de la République; les autorisant à déve¬ lopper partout ces grands principes de la raison et de la philosophie qui les ont portés à la dé¬ marche courageuse qu’ils viennent de faire, et à se présenter au district duquel ressortira la municipalité où ils se retireront, lequel nous requérons d’enregistrer le présent sur la copie qui leur sera délivrée, signée de nous, et de leur faire compter la pension ci-dessus mentionnée. Nous rendons cet arrêté commun aux citoyens Antoine Chemineau, curé de Fouras, Bazil, curé de Saint-Nazaire, district de Marennes, et Bon¬ neau, curé de la commune d’ Olone, dont le pre¬ mier nous a fait passer ses lettres de prêtrise pour être brûlées, ainsi qu’elles l’ont été en pré¬ sence du peuple; et les deux autres nous ont écrit qu’ils renonçaient à une profession men¬ songère, et de laquelle on s’est si longtemps servi pour tenir le peuple dans l’aveuglement, l’escla¬ vage et la misère. A Eochefort, le dernier jour de la première décade du second mois de l’an deuxième de la République française une et indivisible. L’original de la profession ci-dessus mention¬ née, remise en nos mains, est déposé à la muni¬ cipalité de Eochefort. Lequinio; Laignelot. La Société des francs républicains de Saint-Elix-Gimois, canton de Simorre, département du Gers, ravie du décret qui frappe les députés traîtres, envoie une adresse de félicitations à la Convention nationale sur son énergie. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de la Société des Francs -Républi¬ cains de Saint-Elix-Gimois (2) : Adresse de la Société des Francs -Républicains de Saint-Elix-Gimois, canton de Simorre, dépar¬ tement du Gers, à la Convention nationale. « Citoyens représentants, « Le gain de trois batailles eût moins ravi nos cœurs que votre décret du 2e jour de la 2e dé¬ cade du 1er mois. Ce jour, qui l’a fait éclore, sera mémorable : il est le complément du 2 juin, il vous mérite l’hommage de la reconnaissance publique. Encore un décret, citoyens, contre les traîtres de l’intérieur, et vous aurez rempli, sur cet objet, votre tâche glorieuse envers la patrie qu’ils ont tant de fois déchirée. Faites traduire devant le tribunal révolutionnaire les infâmes meneurs du parti fédéraliste, les agents de l’exé¬ crable Brissot, qui, aujourd’hui, sont reclus dans tous les départements : il faut qu’ils payent de leur tête leurs horreurs et leurs forfaits. Dites en même temps qu’à la paix les hommes suspects seront déportés, que les biens de tous ces mes¬ sieurs seront confisqués au profit de la Répu¬ blique; alors le peuple, qui vous chérit, s’écriera avec allégresse : « Vivent à jamais nos célèbres Montagnards, ils ont aimé la justice, ils ont vengé le sang des soldats victimes de la liberté,, ils n’ont épargné aucun coupable, pas même (1) Archives nationates, carton C 278, dossier 735. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 325. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 765.