702 [États gén. 1789. Cahiers. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] pauvres privés de ramasser les bois morts et souches mortes, qui ne font aucun tort aux bois, comme les feuilles et bruyères dont ils sont privés de pouvoir ramasser, pour faire la litière à leurs bestiaux; cesdits objets sont très-utiles, pour l’engrais des terres, en exceptant néanmoins les trois mois de rigueur pour la conservation des plaisirs de Sa Majesté. Fait et arrêté par nous, soussignés, en l’assemblée tenue à cet effet, cejourd’hui 16 avril 1789, Et avons signé : Berger ; Amiot ; Broujier ; Peulier; Barbe; Delalande; Grisillon; Hébert; Fougues ; Jean Doré; J. Margat; Baptiste Legendre ; Canut. Coté et paraphé ne varietur , par nous, Jacques Gautier, procureur fiscal des bailliage et châtellenie de Mesnil-Saint-Denis, par l’absence de M. le bailli dudit bailliage, au désir du procès-verbal dressé par nous, cejourd’hui 16 avril 1789. Signé Gautier. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances des habitants et cultivateurs de la paroisse deMessy (l). 1° Comme leur paroisse est un pays de culture, ils s’en occuperont plus particulièrement; ils croient que le meilleur moyen d’encourager la culture est de donner de la considération aux cultivateurs, non pas en leur donnant des médailles ou des jetons qui, la plupart, sont donnés à ceux qui le méritent le moins, et font le contraire du but que l’on se propose. On leur donne d’un côté des médailles, de l’autre, à la moindre opposition qu’ils font de ne pas se soumettre aux volontés arbitraires des sous-ordres du gouvernement, on les fait traîner en prison, ou mettre dans un dépôt. On a toujours contre eux les formes qu’ils ne peuvent connaître. Non, jamais le régime féodal n’a fait tant de mal aux campagnes que la manière actuelle de les gouverner; autrefois, du moins, ils ne dépendaient que d’un seul maître ; ses fantaisies satisfaites, ils étaient tranquilles ; actuellement, pour peu qu’ils aient dans leur voisinage quelques personnes en place et qui connaissent les préposés du gouvernement, ils sont à chaque instant menacés d’une corvée qui leur ôte les moyens de donner à leurs terres la culture convenable, et les réduit par là dans la plus affreuse misère. Ils ne peuvent pas encore savoir s’ils sont à couvert de cet impôt des plus désastreux ; malgré qu’ils payent la corvée en argent, on leur rappelle tous les jours d’anciennes corvées obtenues pour des chemins très-particuliers, en aucune façon utiles au public; car toutes les fois que l’on aperçoit une utilité générale, on supporte ses peines avec moins de douleur. Pour en citer quelques exemples : Deux seigneurs qui sont M. Daguesseau et M. Lenoir, qui jouissent de la réputation d’être humains: l’un a fait bâtir un château et a sur-le-champ fait faire un chemin par corvées pour aller à sa terre. Gomme il jouissait d’un crédit redoutable, on se pressait d’aller à cette corvée, crainte de la prison ou du dépôt. L’autre a deux moulins, à trois quarts de lieue d’une grande route ; pour leur donner plus de valeur, il a fait faire par corvée un chemin qui va aux deux (1) Nous publions co cahier d’après un manuscrit des 4-rchives de l'Empire. moulins. Notez que ladite corvée avait été commandée en 1781, qu’on la fait payer actuellement. Notez que les douze paroisses qui ont été commandées pour ladite corvée ont éprouvé, cette année, un fléau terrible par la grêle du 13 juillet 1788 ; lesdites douze paroisses ont perdu, par défaut de récolte, plus de 809,000 livres, et c’est cette même année que l’on choisit pour leur faire payer leur corvée. On a fait saisir les meubles des cultivateurs; leur grande misère a fait que l’on n’a pas été plus loin. — Jugez, d’après cet exemple, de la tranquillité que les campagnes peuvent avoir. Le pavé qui conduit à ces deux moulins coûtera, par l’adjudication qui en a été faite, 40,000 livres. Un seigneur voisin, en a fait faire un de la même étendue à ses dépens, qui ne lui a coûté que 7 à 8,000 livres. Gela fait voir-que l’on est prodigue quand cela ne coûte rien. Gomment avec de pareils procédés avoir des hommes pour cultivateurs? Non, il faut des serfs. 2° Pour l’avantage de la culture, il faudrait des baux plus longs, même centenaires ou viagers. On ferait des volumes sur les avantages qui résulteraient de pareils baux pour les campagnes. On ne fera que présenter les principaux. 11 est facile de démontrer que les propriétaires y gagneraient. Le peu de bénéfices que feraient les cultivateurs, ils le mettraient sur leurs terres gui leur rapporteraient un intérêt considérable et ils cher-cheraientà augmenter, par toutessortes demoyens, leurs connaissances ; ils les communiqueraient à leurs enfants et à leurs voisins, au lieu qu’à présent, ils tâchent, sitôt qu’ils ont la plus petite épargne, de retirer leur posiérité d’un état qui est si peu sûr et est vexé aussi cruellement, et qui jouit de si peu de considération, puisque tous les autres ordres de l’Etat s’accordent pour les mépriser, notamment les commerçants, les avocats de Bretagne, les Etats du Dauphiné, même le ministre vénéré de la nation auquel, malgré le peu d’intelligence qu’il leur accorde, ils rendent toute la justice qu’il mérite. Si les baux étaient plus longs, par conséquent leur étal plus assuré, l’on verrait tout changer ; les fermiers ne craindraient plus de paraître devant leurs propriétaires ; les plus intelligents et les plus aisés ne s’empresseraient plus de les quitter, comme on le voit tous les jours. Us communiqueraient leurs connaissances à leur enfants et à leurs voisins, et en peu de temps on verrait les campagnes fleurir, tous les sujets de Sa Majesté heureux, parce que les cultivateurs s’attacheraient 1 tous les ouvriers qui dépendent d’eux; ils les récompenseraient, dans leur veillesse, des services qu’ils leur auraient rendus; ou le voit par Je petit nombre de cultivateurs, propriétaires et fermiers, qui sont assurés de rester dans leurs fermes; ils viennent au secours de tous les ouvriers qu’ils emploient et ne sollicitent pas, comme les commerçants, des hôpitaux pour les faire panser dans leurs maladies ; au lieu que les fermiers à courts baux, changeant tous les neuf ans, ne peuvent s’attacher à personne et font beaucoup moins de bien, vu leur existence précaire. Les baux des abbés, il semble qu’il y a un moyen bien facile d’en assurer la jouissance sans qu’ils puissent être lésés; comme il faudra nécessairement un cadastre général pour asseoir les impositions royales, toutes les fois que lesdits baux seraient au-dessus de la valeur de l’estimation de la paroisse, ils faudra qu’ils subsistent. 3° Que les droits d’échange soient supprimés ; [Paris hors les murs.] 703 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] qu’il soit permis aux cultivateurs d’échanger les terres situées sur le même terroir ; ce serait un avantage considérable pour la culture, car une ferme de 300 arpents en huit ou dix pièces vaut un tiers de plus , à terrain parfaitement égal, qu’une ferme divisée en deux cents pièces, ce qui est très-commun dans le labour. 4° Un objet bien onéreux à la culture, par conséquent à l’Etat, mais très-délicat à traiter, c’est les dimes et cbamparts. 11 devrait être permis de les rembourser au denier trente de leur valeur, ou faire une estimation par arbitre qui donnerait, sur l’objet sujet auxdits droits, une valeur foncière représentative des dimes et cbamparts. 5° La suppression des travaux publics pendant le temps des récoltes; depuis plusieurs années, les cultivateurs sont obligés, faute d’avoir une quantité suftisante d’ouvriers, de faire faucher une partie de leurs récoltes, ce qui occasionne beaucoup de perte; cet objet est d’une utilité trop générale pour que toutes les classes de la société ne s’y prêtent. 6° Toutes les fois que l’on sera obligé de mettre des impôts pour les besoins extraordinaires qui sont à la charge des propriétaires et non des locataires, il est aisé de voir que tous les discours que l’on tient pour prouver que les propriétaires les payent toujours, sont des sophismes. MM. les officiers des cours souveraines, qui sont des propriétaires, ont fait apercevoir le vrai par les oppositions qu'ils ont apportées quand on a voulu mettre la corvée en argent sur les propriétaires, et la facilité avec laquelle ils l’ont laissé mettre sur les locataires. On leur a trop d’obligations du moment actuel pour faire aucune réflexion à ce sujet. On peut faire voir que tous les impôts sur les terres portent sur la classe industrieuse des cultivateurs et fermiers, comme les cordes qui servent à tirer les sons mélodieux de l'instrument -de musique. 7° Qu’il soit établi des consuls ruraux, pour juger les difficultés qui surviennent entre les cultivateurs ; que les plus instruits et les plus intelligents soient nommés ; que lesdits consuls soient leurs représentants et leurs défenseurs; que l’on forme des arrondissements pour les nommer; qu’il leur soit aussi donné quelques marques d’honneur, toujours accordées par les suffrages de leurs confrères, quand ils se sont distingués dans leur état, qui est aussi susceptible d’émulation que tous les autres arts, et on verra' que cet état, si méprisé par toutes les autres classes de la société, sortira de la nullité dans laquelle il languit depuis des siècles. 8° Qu’il soit fait un cadastre général de la valeur des terres de chaque paroisse, pour établir les impôts; que les Etats provinciaux établis, ils envoient dans leur arrondissement l’estimation générale. Si quelque municipalité a à se plaindre du taux auquel elle aura été portée, par comparaison à d’autres, qu’elle ait le droit de faire des représentations et de demander des arbitres pris parmi les consuls ruraux ou nommés par eux, pour examiner, en concurrence avec la paroisse quelle citera, si son taux n’est pas forcé ; et par le rapport fait auxdits consuls, ils jugeront. Par ce moyen, on aura, en peu de temps, la valeur vraie de toutes les propriétés. Rien ne décourage tant les cultivateurs que l’arbitraire de l’impôt. Qu’il n’y ait qu’un seul rôle pour toutes les impositions des terres de la môme paroisse. 9° Le droit, sans lequel tous les autres avantages deviennent nuis, d’avoir la permission de détruire tout animal qui dévasterait leurs champs, parce qu’il est impossible qu’il puisse exister deux propriétaires d’une même chose ; car il est sur que fa propriété du fonds est nulle, si un autre propriétaire du gibier fait manger ce que le propriétaire du fonds cherche à faire venir. Nous en avons depuis vingt ans un bien funeste exemple ; la manière infâme dont les hommes puissent abuser de leur soi-disant droit de chasse, va peut-être nous amener une disette absolue. Depuis vingt ans tous les meilleurs pays de culture ont récolté plus d’un sixième de moins ; que l’on réfléchisse au vide que cela occasionne dans les récoltes, on verra que le moment critique dans lequel nous nous trouvons vient delà; oui, nous avons des exemples que des gens en crédit louaient des chasses, comme on loue des terres, et qu’ils se faisaient des revenus aux dépens des malheureux cultivateurs qui, très-souvent, sont obligés de labourer une partie de leurs blés. La fureur insensée de la chasse est portée à un point si extraordinaire que nous n’avons, d’après M. Necker, par 100 lieues carrées que treize cavaliers de maréchaussée pour la conservation et la tranquillité des citoyens, et nous avons, pour pareille quantité de terrain, au moins deux cents hommes armés et quatre cents animaux, tant chiens que chevaux, pour la conservation des animaux destructeurs des récoltes. Tant qu’un pareil fléau subsistera, il ne faut pas chercher à encourager la culture ni à vivifier fes campagnes. Comment ! nos lois ont permis à un citoyen de défendre son argent même aux dépens de la vie du malheureux qui ne cherche souvent à le voler que pour faire subsister une famille qui est sur le point de périr de misère, souvent occasionnée par le ravage de ses champs , et la loi ne permettra pas de détruire des animaux aussi voraces, qui viennent manger ce que le malheureux cultivateur a semé sur un champ qu’il a cultivé à la sueur de son front pendant dix-huit mois, sans qu'il courre les risques de languir dans un cachot ou ramer dans une galère ! Si l’on ne pourvoit à ce fléau destructeur des campagnes, tout objet de régénération de l’Etat est manqué. Nous enjoignons et chargeons expressément nos députés de faire insérer tous les susdits articles dans le cahier général de la prévôté et vicomté de Paris, principalement l’article du gibier, qui doit faire une des lois constitutionnelles de la nation, sous les peines de perdre l’estime générale dont ils jouissent. Signé Le Duc; de Lacoür; Tassu , Dufloc; Parvenu; N. -H. Vallet; Antoine Vallet; Decan ; Nicolas Vincent; de Coudun ; Lanfant; Nicolas Barrat; Nicolas Vallet; J. Vaignau, Barton; Boucher; S. Robiche; Huget; Antoine Gassu ; Barat; Lccointre; Claude Romme; Louis-Honoré de Gau; Paul Domine ; Rejes, syndic.