198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 février 1791.J [Assemblée nationale.) la Déclaration des Droits. (Vifs applaudissements .) Je vous propose de décréter : Art. 1er. Qu’il ne sera perçu aucuns droits et impôts indirects sur les denrées ou marchandises, à l’entrée des villes et bourgs dans l’intérieur du royaume. Art. 2. Qu’il sera pourvu à une contribution soit personnelle ou autrement, soit sur les maisons ou les loyers, ou de telle autre manière qui paraîtra plus douce et plus équitable en remplacement des droits d’entrée. Art. 3. Que la municipalité de Paris sera autorisée à vendre les bureaux et murailles de l'enceinte de Paris, de la même manière que les aulrt-s biens nationaux. Art. 4. Qu’il sera pourvu au sort des receveurs, contrôleurs, brigadiers et commis des barrières, pourvu qu’ils aient 25 ans de service sans interruption. M. Pétion de Fillenenvé, secrétaire , dopne lecture de la lettre suivante adressée àM.le Préskient de l’Assemblée nationale par l’assemblée électorale du département de Loir-et-Cher : « Blois, le 14 février 1791. « Monsieur le Président, « L’assemblée des électeurs du département de Loir-et-Cher nous charge d’avoir l’honneur de vous faire savoir qu’elle a élu pour son évêque, M. Grégoire, curé d’Emberménil. (Vifs applaudissements.) Ses vertus, ses lumières, son patriotisme, sont les titres qui lui ont obtenu nos suffrages. « Veuillez, Monsieur le Président, vous réunir à nous pour forcer sa modestie à accepter.... » Un membre à droite : Il acceptera. ( Applaudissements à gauche.) M. Pétion de Villeneuve, continuant sa lecture... « à accepter une dignité que ses qualités éminentes rendront encore plus digne de nos respects. (Vifs applaudissements.) « Signé : Les président, secrétaire et scrutateurs de l’Assemblée électorale du département de Loir-et-Cher. » M. le Président. Un membre de la commune de Haguenau demande, par lettre, à avoir en communication des pièces déposées au comité des recherches, et nécessaires à la justification des députés de cette ville, et à leur défense, dans le procès qui se poursuit au tribunal du district établi à Saverne. M. de Foucault de Fardimalie. Je demande que l’Assemblée accueille la demande de la commune de Haguenau et que, de même que l’Assemblée l’a toujours entendu, on continue de donner communication à tous les inculpés des pièces qui sont à leur charge. D’un autre côté, à présent que les tribunaux sont établis, je me joindrai à M. de Macaye pour demander la suppression de tous les comités des recherches du royaume. Voix à gauche : Pas encore ! A l’ordre du jour! M. de Vautrée. J’ai l’honneur de vous assurer qu’il n’y a pas de petite ville où l’on n’ait établi de ces comités; c’est une inquisition horrible. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il seradonné communication des pièces demandées.) M. d’Ambly. Il reste la motion de M. de Foucault , M. Goupil-Préfeln. Le comité des recher� ches n’a jamais été plus nécessaire à la chose publique; je demande que l’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) La discussion sur les droits d'entrée dans les villes est reprise. M. Prieur. Nous sommes quatre opinants pour le rejet des droits d’entrée; si personne ne se présente pour les défendre, il me semble inutile de continuer la discussion. M. Rœderer, membre du comité d'imposition. Messieurs, le comité d’imposition n’a jamais pensé que les droits d’entrée des villes ne fussent pas par eux-mêmes un impôt essentiellement mauvais;- mais il croit cependant que, dans l’état des besoins du Trésor public, dans l’état d’in fer-tilité où la féodalité a réduit les terres, il faut nécessairement recourir à quelques-uns de ces mauvais impôts. La taxe à l’entrée des villes a paru à votre comité la moins contraire à vos principes. Avant de la décréter néanmoins, je demande que l’Assemblée veuille bien examiner le projet sur le droit de patente, qui a été distribué ; et, dans la discussion on examinera si ce droit de patente est susceptible d’extension, s’il peut produire au delà de ce que nous avons espéré, sans entraîner les gênes d’une inquisition comme les droits d’entrée des villes. Au premier cas, si ces droits de patente peuvent être étendus au delà de ce qu’a prévu le comité d’imposition, alors nous ferons volontiers le sacrifice des droits d’entrée et l’Assemblée supprimera les droits d’entrée. (Applaudissements.) En conséquence, je demande qu’on fasse le rapport des patentes et qu’on ajourne après cet examen la question sur les droits d’entrée. (L’Assemblée décrète l’ajournement du décret sur les droits d’entrée des villes jusqu’après le rapport concernant les droits de patente.) L’ordre du jour est un rapport du comité des contributions publiques sur les patentes. M. d’AlIarde, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des contributions publiques, eu vous soumettant sonrapport sur le timbre, vous annonça qu’il s’occupait d’un droit de patente. Nous devons aujourd’hui vous entretenir des détails relatifs à ce droit, et des motifs qui ont déterminé votre comité à le mettre au nombre de vos moyens de finance. La position, Messieurs, dans laquelle vous vous trouvez pour lixer la somme et la nature des impôts, est singulièrement fâcheuse. Les dilapidations de l’ancien régime ont plus que doublé les charges annuelles qu’on ne peut éviter de faire supporter à la nation. Car tel est le malheur du despotisme, qu’il semble, pour ainsi dire, se survivre dans ses effets ; il atteint, par ses suites désastreuses, les générations pour lesquelles il n’existe plus. Alors les contributions d’une bonne nature ne (1) Ce document est incomplet au Moniteur. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.) J99 peuvent pas suffire aux dépenses publiques, alors l’opinion inquiète se refuse à ces impositions. Il faut donc, dans ces circonstances, que le revenu national se compose d’impôts directs et indirects; et quoiqu’il soit vrai que la terre, qui produit tout, paye nécessairement tout, ce dérangement des prix des productions, son avilissement dans les mains des premiers vendeurs, tandis qu’il est néanmoins excessif pour les consommateurs, ces fruits amers du système général de vexations auquel fut livré cet Empire, font que ce n’est pas sans raison qu’on craint de demander aux cultivateurs et aux propriétaires le payement direct de la totalité de l’impôt, et qu’on est porté à demander l’avance d’une partie de cette contribution aux agents de l’industrie, et aux capitalistes qui s’en font rembourser en détail par les proprietaires dans le salaire de leurs services, ou dans le loyer de leurs capitaux : car on ignore encore qu’il n’y a de véritable moyen d'atteindre les capitalistes, que celui de faire baisser le taux de l’argent, et de les conduire ainsi à placer leurs capitaux en terre, ou à les prêter à ceux qui les cultivent. Vous avez consacré la nécessité des impôts indirects, puisque ce n’est que d’après l’estimation approximative de leurs produits que vous devez fixer la contribution foncière dans une proportion correspondante aux besoins de l’Empire. Votre comité ne s’est dissimulé aucune des objections qui militent contre les impôts indirects, aucune des entraves qui entourent leur perception. ïl gémit sous la difficulté d’en lier les principes avec ceux d’une Constitution libre; il a dû se pénétrer de ce respect que commande le domicile du citoyen ; il a dû se rappeler l’horreur avec laquelle vous aviez rejeté tout système inquisitorial, et l’anathème dont la liberté avait frappé dès sa naissance la gabelle, les droits d’aides; enfin toutes les formes vexatrices, tout impôt attentatoire à la dignité de l’homme. Il a dû vous présenter une forme d’impôt exempte de ces reproches; ces considérations lui ont fait écarter du mode qu’il soumet à votre sagesse toute idée d’imposer aucun droit à la fabrication, à la vente en détail. Cependant vous avez décrété un droit sur les actes, sur les successions; vous avez imposé le papier sur lequel ces actes doivent être écrits; mais le produit présumé de ces impôts, en y joignant même l’évaluation de ceux que les terres peuvent raisonnablement supporter, n’est pas encore assez considérable pour atteindre la hauteur de vos besoins. Pressé entre l’extrême nécessité et la difficulté non moins extrême d’imposer, votre comité s’est vu forcé de faire tomber l’avance de l’imposition sur ceux qui débitent les productions ouïes marchandises, et qui se récupèrent toujours de cette avance avec avantage, avec restitution de leurs fonds et de leurs intérêts, aux dépens des consommateurs ou des premiers vendeurs de productions. « N’imaginez pas pouvoir faire contribuer les marchands à l’impôt, disait le sage Franklin au parlement d’Angleterre; ils piettent l’impôt dans leurs factures .» Quand on taxe leur commerce, on les constitue percepteurs à charges d’avances, dont les derniers acheteurs ou les premiers vendeurs leur font nécessairement la restitution; aussi le plus grand mal des impôts sur les marchandises est-il dans la gêne et le ralentissement qu’il apporte au commerce. Ce mal est moindre dans une imposition qui n’exigera point d’exercice habituel, et dont le système est ordonné sur les bases les plus simples, combiné de manière que le nécessaire qui ne doit jamais être taxé, n'en soit point altéré, et que le superflu passe par les proportions graduelles d’une taxe dont le maximum sera très modéré. L’impôt sur les vendeurs peut être rendu léger pour les habitants des villes; en quelque sorte nul, ou du moins insensible pour les habitants des campagnes, qui doivent toujours être l’objet de la sollicitude du législateur. Substituer ces droits à ceux qui existent, ce sera donc moins exercer un acte de rigueur que de modéraiion ; ce sera moins exiger un impôt qu’en faire la remise. Votre comité a cru qu’il fallait lier l’existence de cet impôt à un grand bien fait pour l’industrie et pour le commerce, à la suppression des jurandes et maîtrises que votre sagesse doit anéantir par cela seul qu’elles sont des privilèges exclusifs. La faculté de travailler est un des premiers droits de l’homme. Ce droit est sa propriété, et c’est sans doute suivant l’expression de ce ministre philosophe qui avait deviné quelques-unes de vos pensées, c’est sans doute la première propriété la plus sacrée, la plus imprescriptible, Cependant on a vu dans presque toutes les villes du royaume l’exercice des arts et métiers se concentrer dans L s mains d’un petit nombre de maîtres réunis en communautés. Ces maîtres pouvaient seuls, à l’exclusion des autres citoyens, fabriquer ou vendre les objets de commerce particulier dont ils avaient le privilège. Pour obtenir ce privilège tyrannique, i) fallait passer par toutes les épreuves, par toutes les exactions que le génie de la fiscalité et du monopole avait multipliées: la cherté et la longueur de l’apprentissage, la seryitude prolongée du compagnonnage, les frais et les formalités de réception épuisaient une partie de la vie du citoyen laborieux et des fonds dont il avait besoin pour monter son commerce : les frais seuls d’un repas de communauté absorbaient les produits d’une année. En voyant se combiner avec ces exactions les franchises accordées aux fils de maîtres, l’exclusion donnée aux étrangers, c’est-à-dire aux habitants d’une autre ville, aux forains; enfin la facilité avec laquelle ces corporations pouvaient se liguer pour hausser le prix des marchandises, et même des denrées ; on. parvient à croire que tous leurs efforts tendaient à établir dans l’Etat une caste exclusivement commerçante. C’était déjà un mal pour quelques citoyens ; ce fut aussi un mal pour tous : plus de choix, plus de concurrence parmi les ouvriers, par conséquent moinsde bénéfices pour l’acheteur qui aurait gagné soit la diminution du prix, soit la perfection du travail. Ce fut un mal pour eux-mêmes: le concours de plusieurs communautés pour un ouvrage, leur rivalité, les prétentions réciproques dont elles se fatiguaient, firent naître des procès interminables. L’esprit de fiscalité, qui voit moins ce qui est en droit que ce qui est en produit, protégea ces abus, dont les communes introduisirent la servitude au moment qu’elles échappaient à celle de la féodalité. Couverts de Iq poussière des siècles, ces abus 200 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. exercèrent leur funeste activité jusqu’au temps 1 où un Turgot parut. 11 éclaira le roi un moment, el un moment ces abus cessèrent d’être. Il se relevèrent bientôt; le temps n’était pas encore mûr pour ces idées. Les parlements regrettaient les procès, les princes regrettaient le privilège qu’ils avaient de faire échapper, moyennant finances, quelques sujets à la police des jurandes. Ils voulaient l’abus: les uns parce qu’ils jugeaient les contestations qu’il faisait naître, les autres parce qu’ils vendaient l’exemption de l’abus. Un arrêt du conseil, bien mieux approprié aux maximes qui dominaient alors, qu’aux vrais intérêts du commerce, détruisit le fruit d’un des plus beaux édits qui aient honoré le commencement du règne du roi, et rétablit les jurandes, les maîtrises, les communautés d’arts et métiers. On capitula avec la raison, on abandonna une partie bien faible des chaînes du commerce pour conserver le reste, on pallia le mal, on ne le guérit pas. 11 vous reste, Messieurs, à effacer ces derniers vestiges de la servitude. Votre comité a pressenti les objections : en les aplanissant devant votre sagesse, il ne fait que hâter l’instant de votre décision. Parmi les commerçants, il y a deux classes : celle des commerçants en gros et celle des commerçants en petit. Cette dernière classe gagne sans doute à la liberté du commerce : votre comité propose de lui donner la faculté d’en cumuler les différentes branches selon son intelligence et son intérêt. Cette liberté serait-elle donc nuisible aux commerçants en gros? Non sans doute, les maisons connues le seront toujours. Il arrivera de deux choses Tune : ou les concurrents leur seront inférieurs, et alors la rivalité devient nulle; ou les concurrents leur seront supérieurs, et alors la considération de l’avantage public doit l’emporter; c’est dans ce sens que l’intérêt du commerce est distingué de celui du commerçant; dans le cas d’égalité, leurs avances, leur nom font pencher la balance de leur côté. Mais les maîtres actuels ont acheté un privilège. Les dépouillera-t-on? Non, Messieurs, on leur rendra au contraire des capitaux utiles à leur commerce, en même temps que la liberté de l’étendre à toutes les parties qui pourront leur convenir selon leur capacité et leurs moyens. Nous venons d’établir que cette liberté était conforme à l’intérêt du négociant; nous avons oublié une considération sur laquelle nous ne craignons pas d’être démentis, c’est qu’elle est conforme à leur patriotisme. Dirait-on qu’elle est opposée à l’intérêt du commerce? L’âme du commerce est l’industrie; l’âme de l’industrie est la liberté; je ne m’arrêterai pas à prouver des vérités aussi généralement reconnues. Graindrait-on la multiplicité des ouvriers? Mais leur nombre se compose toujours en raison de la population; ou, ce qui revient au même, en raison des besoins et de la consommation. Craindrait-on d’être exposé aux risques d’une fabrication incomplète ou frauduleuse? Mais on sait combien sur cet objet la police des jurandes était illusoire; on sait que les ouvriers des faubourgs et des autres lieux privilégiés ne travaillent pas moins bien que ceux qui sont soumis à l’inspection des maîtres; on sait que, par la rivalité, ils exercent les uns sur les autres une sorte d’inspection bien plus efficace; cette rivalité élève, perfectionne les talents, qu’une police 115 février 1791.] despotique décourage et flétrit. D’ailleurs il est une surveillance qui est très à la portée du citoyen, et dès qu’il peut l’exercer, celle de la loi n’a plus lieu : la surveillance de la loi doit commencer là où cesse celle du citoyen. Or, il n’y a que deux professions dont les "éléments soient tellement reculés des connaissances du citoven qu’il ne puisse plus exercer pour lui-mème cette surveillance. Ges deux professions sont celles des pharmaciens et des orfèvres, pour lesquels votre comité réclame des règlements particuliers. D’après ces considérations, votre comité a cru devoir vous proposer que tout homme serait libre d’exercer telle profession, tel commerce, tel métier, telle cumulation de métiers el de commerce qui leur paraîtront conformes à leurs talents et utiles à leurs affaires: et au lieu des capitaux considérables qu’il fallait débourser pour être admis dans une jurande qui ne donnait le droit de faire qu’un seul métier, qu’un seul commerce, et qui laissait le maître soumis à la perte entière de ce capital, si son entreprise ne réussissait pas; de n’exiger d’aucun des aspirants que de se faire connaître à leur municipalité, et de payer une redevance annuelle, proportionnée à l’étendue et au succès de leurs spéculations, augmentant, dimiDuant, cessant avec elles. La quittance de cette redevance annuelle serait consignée dans une patente, dont le droit serait tarifé dans des proportions tellement modérées, que l’obtention de cette patente serait toujours accessible. La base proportionnelle de ce droit serait établie d’après la valeur locative de l’habitation, seule mesure approximative de l’importance du commerce que les principes de votre Constitution vous permettent d’adopter; car l’insulte que ferait à la liberté toute inquisition domestique, doit faire rejeter tout autre moyen. Votre cou ité cependant a cru qu’il pouvait être fixé un maximum pour cette sorte de contribution, et qu’il y avait quelques motifs pour fixer ce maximum à deux cent cinquante livres. Il s’en rapport" à votre sagesse et pour le principe et pour le terme de la limite à mettre à la valeur des patentes. Il a pensé qu’il ne fallait chercher dans ce droit qu’une légère compensation des anciennes perceptions, qu’il ne fallait même l’élever que jusqu’à la hauteur d’une somme dont l’imposition devînt insensible, par cette considération déjà énoncée, que le négociant n’en faisant que l’avance et se récupérant sur la vente des marchandises, il fallait craindre pour l’intérêt du commerce d’en faire trop hausser le prix. L’avance de cette taxe intérieure pour le petit négociant et proportionnelle à ses bénéfices serait acquittée d’autant plus aisément qu’il ne payerait plus la jurande; que par le bienfait de la loi, il pourrait employer à commencer son commerce le capital dont on le privait anciennement pour payer l’admission dans une jurande. Votre comité, Messieurs, a adopté des bases supérieures pour la fixation du prix des patentes des marchands de vin, aubergistes, traiteurs et autres qui débitent des boissons. Ce qui l’a conduit à adopter cette mesure, c’est la nécessité de remplacer de la manière la moins imparfaite, une partie des produits des droits d’aides et de détail que votre sagesse a proscrits, et qui sont incompatibles avec une Constitution libre. Gette taxe qui paraît au premier coup d’œil supérieure à celle des autres, est cependant balancée dans la même exactitude. Si le droit (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.] augmente d’un côté, il décroît de l’autre en proportion . Si votre comité a cru devoir imposer les riches, les propriétaires, et même les services du commerce, qui présentent des bénéfices considérables, il ne peut jamais perdre de vue ceux qui sont l’objet principal de votre sollicitude, les citoyens des classes indigentes. 11 a évité avec soin tout ce qui aurait pu augmenter le prix des consommations du pauvre : c’est ce qui l’a déterminé à diminuer de moitié le prix des patent s, lorsqu’elles seraient données aux boulangers, et à n’en mettre aucune sur ceux qui vendent les légumes, le poisson, ou qui étalent dans les marchés et dans les rues. Cette règle d’humanité, Messieurs, lui a paru prescrite par les principes de bienfaisance qui vous animent. Votre comité a pensé qu’il était utile que les citoyens s’adressassent aux municipalités pour prendre cette patente : l’ordre public exigeait que toutes les personnes qui exercent des professions fussent connues : il vous propose d’allouer aux municipalités une partie du produit pour droit de surveillance et pour être employée à leurs dépenses particulières. Il nous reste à vous présenter une considération d’équité. En supprimant les jurandes, maîtrises et communautés, la justice de l’Assemblée nationale veut que l’Etat se charge de leurs dettes et que les particuliers qui ont acheté des maîtrises soient dédommagés. La mesure que le comité propose est conforme aux règles de la justice. Il a considéré l’avance de leur capital pour le droit de maîtrise comme un placement viager, et il l’a considéré comme devant profiter pendant 30 ans. Ce terme est plus long que celui de l’estimation habituelle de la durée de la vie d’un homme de l’âge de celui qui est en état d’embrasser une profession, de faire un métier, de se livrer à un commerce; après avoir déterminé une déduction d’un trentième par chaque année de jouissance, il a estimé que cette déduction ne devait plus avoir lieu au-dessus de 20 ans de jouissance, de manière qu’en aucune supposition, le maître d’une communauté actuelle ne pourra pas recevoir moins d’un tiers du capital qu’il aura fourni au gouvernement pour l’acquisition de sa maîtrise. Votre comité a cru qu’il valait mieux alors courir les risques de rembourser au-dessus de ce qui est dû aux maîtres des communautés actuelles, que de rembourser au-dessous : qui1 s’il fallait qu’il y eût une perte légère, c’était à l’Etat à la supporter, et que le particulier ne devait jamais être lésé; que, dans l’incertitude d’une mesure précise, l’Etat ne pouvait pas engager avec le particulier une guerre de parcimonie. Vous êtes sans doute frappés de la simplicité de ce plan; il est une suite de vos principes ; tout est respecté dans ce système, la propriété du citoyen et, surtout, la liberté, la dignité de l'homme; il suit une marche uniforme dans ses proportions graduelles; à une multitude de petits privilèges exclusifs qui se croisent et multiplient sans cesse les contestations et les procès, et qui entraînent une stagnation considérable de capitaux, à des droits destructeurs de toute industrie, aussi inconséquents que tyranniques, succédera une liberté générale sous un droit modéré et payé à des époques annuelles et qui seront à la commodité des contribuables. Le despotisme, qui courbe et flétrit les talents, les fatigue par l’oppression ou par les entraves ; 201 la liberté, qui les élève et les alimente, ne veut que surveillance, franchise, égalité. PROJET DE DÉCRET Pour l'établissement d'un droit de patente, en remplacement des jurandes et maîtrises et d’une partie des droits sur les boissons , proposé par le comité de l'imposition. Art. 1er (1) ; A compter du 1er avril prochain, les droits perçus sur les boissons, à la vente en détail; ceux connus sous le nom d’impôts et billots, et devoirs de Bretagne ; d’équivalents du Languedoc, d 1 Masphaneng en Alsace, le privilège de la vente exclusive des boissons dans les ci-devant provinces de Flandre, Artois, Hainaut et Cambrésis ; les inventaires, les droits perçus à l’enlèvement à la vente et revente en gros, à la circulation ; le droit de fabrication sur les cartes à jouer; celui des papiers et cartons à l’entrée des lieux y sujets, et autres droits de même nature, sous quelque dénomination que ce soit ou puisse être, sont abolis. Sont exceptés de la présente disposition les droits d’entrée dans les villes, qui continueront d’être acquittés provisoirement , comme par le passé, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur nouveau mode de perception ou sur leur remplacement. Art. 2. A compter de la même époque, les offices de perruquiers, barbiers-étuvistes, les droits de réception de maîtrises et jurandes, ceux du collège de pharmacie et tous privilèges de profession, sous quelque dénomination que ce soit, sont également supprimés. Art. 3. Les titulaires des offices de perruquiers, barbiers-étuvistes, remettront au commissaire chargé de la liquidation de la dette publique, les provisions de leurs offices, pour être procédé à leur liquidation, laquelle sera faite sur le prix de l’évaluation, à raison du centième denier. Art. 4. Les particuliers qui ont obtenu des maîtrises et jurandes, ceux qui exercent des professions en vertu de privilèges ou brevets, remettront pareillement au commissaire, chargé de la liquidation de la dette publique, leurs quittances de réception, pour être procédé à la liquidation des indemnités qui leur seront dues; lesquelles indemnités seront réglées sur le pied des fixations de l’édit du mois d’août 1776, et autres subséquents, et à raison des sommes versées au Trésor public sous les déductions ci-après déterminées. Ceux qui ont obtenu des maîtrises au concours, ou qui les ont gagnées pour prix de leurs talents ou services, conformément aux usages établis, seront traités, pour lesdites indemnités, à l’instar de ceux qui ont payé leurs maîtrises ou jurandes, en justifiant par eux du titre qui leur accorde le droit d’exercer leur profession . Art. 5. Les citoyens reçus dans les maîtrises et jurandes, depuis le 1er avril 1790, seront remboursés de la totalité des sommes versées au Trésor public. A l’égard de ceux dont la réception est antérieure à l’époque du 1er avril 1790, il leur sera fait déduction d’un trentième par année de jouis-(1) Nota. Le comité de l’imposition propose l’ajournement de cet article jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait décrété les autres articles et réglé les droits d’entrée dans les villes.