352 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [26 juillet 1790. les pères ont été tués à la guerre, et de ceux qui, en perdant leur père, ont perdu des emplois qui faisaient toute leur fortune. On croirait peut-être que ces malheurs étaient un titre pour obtenir des grâces du roi. Pour en avqjr, il fallait être ou vil courtisan des ministres, ou protégé par eux. Mon père a été tué. Il avait une finance de 100,000 livres et j’ai été ruiné. Je sers depuis 16 ans : j’ai un emploi sans appointements; on m’a seulement accordé une pension de 800 livres. M. Canins. Il ne faut pas confondre les indemnités pour perte d’emploi; elles se trouveraient sujettes, ainsi que les pensions, au maximum , et cela ne serait pas juste. On peut commencer ainsi la rédaction de l’article : « Les veuves et enfants des officiers tués au service de l’Etat, les veuves et enfants qui ont obtenu en conformité des ordonnances, etc. » M. Dupont (de Nemours). Je partage certainement l’estime et les égards que l’Assemblée nationale témoigne pour les services militaires, mais je la supplierai d'observer qu’il y a des services civils d’un degré d’importance qui leur imprime une égale considération, et réclame, pour les veuves et les enfants de ceux qui les ont rendus, des récompenses à la fois honorables et utiles. Je vous citerai ceux d’un homme justement célèbre : M. Poivre, ancien intendant de l’Ile-de-France, qui a employé 40 ans de sa vie à quatre voyages infiniment périlleux dans l’archipel des Moluques, pour procurer à la nation la culture des épiceries fines, dont les Hollandais s’étaient exclusivement emparés, et qui a tellement réussi dans cette grande opération, que cette culture est actuellement en pleine vigueur à l’Ile-de-France, à l’IIe-de-Bourbon et à Cayenne, et ouvre pour la nation une source immense de richesses. M. Poivre n’était pas militaire; il a risqué sa vie, mais il n’a pas été tué ; il n’a perdu qu’un bras dans ses travaux. On a donné 1,000 écus de pension à la veuve, et 1,000 francs à chacune de ses deux filles. Ces pensions sont sujettes aux retenues actuellement établies. On dit que les services civils qui, selon les ordonnances et règlements, assuraient des récompenses aux veuves et aux enfants, conserveraient leur efficacité pour les pensions qui sont à recréer en faveur des titulaires actuels. Mais les ordonnances et règlements n’ont statué que sur les services ordinaires et médiocres, rendus sans reproche, un certain nombre d’années. Les ordonnances et les règlements n’ont pas prévu les grands hommes, et n’ont pas dû les révoir, car les grands hommes sont très rares. es ordonnances et règlements n’ont pu prévoir qu’un homme donnerait à son pays trois cultures nouvelles, de la plus grande importance, et qu’il doublerait la richesse de trois colonies ; qu’il le ferait avec une habileté et des dangers au-dessus de ce que l’on pouvait imaginer. Je demande donc que l’on ne borne pas les droits des veuves et des enfants, au titre que peut leur acquérir la mort de leurs maris et de leurs pères tués au service. Parce qu’un homme n’a pas eu le bonheur d’être tué, sa famille ne doit pas en pâtir, si véritablement ses services exigeaient degrandes vertus, et ont eu une grande utilité. Il y en a qui n’ont pas été tués, mais qui ont été grièvement blessés. 11 y en a qui n’ont pas été tués, mais qui se sont tués eux-mêmes de fatigues et de peines de toute espèce, et qui n’ont mené qu’une vie languissante, qui était un fardeau de plus. Je demande donc que les dispositions de l’article soient étendues aux veuves et aux enfants de tous ceux qui ont rendu des services très distingués. M.Fréteau présente une nouvelle rédaction de l’article : elle obtient la priorité et est décrétée ainsi qu’il suit : Art. 5 « Les veuves et enfants qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements, dans lesquels leurs maris ou leurs pères étaient attachés à un service public, et notamment les veuves et enfants d’officiers tués au service de l’Etat, jouiront de nouvelles pensions, rétablies en leur faveur, et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que les pensions desdites veuves et celles de tous leurs enfants réunies, n’excéderont pas la somme de 3,000 livres, qui sera le maximum des-dites pensions : les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d’une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur faveur. » M. le Président met aux voix l’article 6. Il est adopté dans la teneur suivante : Art. 6 « Les anciens règlements ayant, à différentes époques, soumis des pensions à des réductions, converti en rentes viagères des arrérages échus et non payés, suspendu jusqu’à la mort des pensionnaires, d’autres arrérages échus et non payés, il est déclaré : 1° que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n’excéderont pas le montant des pensions anciennes supprimées, s’entend du montant desdites pensions, déduction faite de toutes les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l’année 1789 : toute exception aux règlements qui établissaient lesdites réductions étant anéantis ; « 2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus, et non payées, continueront à être servies aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement, et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie ; « 3° Que les arrérages échus, non payés et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l’Etat, et payés comme tels, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu’à.ceux qui obtiendront une nouvelle pension. » M. Camus, rapporteur, relit l’article 7. M. Delley d’Agier. Le comité des pensions propose une échelle de proportion qui correspond parfaitement avec les égards dus à la vieillesse; mais je ne vois pas qu’il ait fixé le minimum. Les soins et les dépenses qu’exigent les infirmités d’un vieillard ne peuvent permettre d’en réduire une seule au-dessous de 3,000 livres. Je propose cet amendement : « Les pensionnaires actuels qui auront 75 ans, et dont les pensions s’élèvent au-dessus de 3,000 livres, ne pourront être réduits au-dessous de cette somme. » (L’amendement est adopté.) L’article est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous : Art. 7. « Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n’a pas été [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 juillet 1790.] fixé, ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans ; la somme de 15,000 livres s’il est âgé de 70 à 80 ans, et la somme de 20,000 livres s’il est âgé de plus de 80 ans. Les pensionnaires actuels âgés de plus de 75 ans, qui jouissaient de pensions au-dessus de 3,000 livres, conserveront une pension au moins de ladite somme de 3,000 livres ; ceux qui, ayant servi dans la marine et les colonies, auront atteint leur 70e année, jouiront de la même faveur que les octogénaires; les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l’âge de 70 ou 80 ans, jouiront de la faveur accordée à cet âge. » M . le Président. Je vais mettre aux voix l’article 8. M. Delley d’Agfer. Je demande, par amendement, que la pension d’une personne qui en réunissait plusieurs soit, établie sur la totalité de ces pensions. Cet amendement est adopté et l’article est décrété en ces termes : Art . 8. « Il ne sera jamais rétabli qu’une-seule pension en faveur d’une seule personne, quand elle aurait servi dans plusieurs départements, et quand ce dentelle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles; mais la fixation de la nouvelle pension sera réglée d’après le total des pensions réunies. » M. le Président met aux voix les articles 9, 10 et 11 ; ils sont adoptés dans les termes suivants : Art. 9. « Ceux qui, ayant fait quelque action d'éclat, ou ayant rendu des services distingués, dignes d’une’gratification, d’après les dispositions des articles 4 et 6 des décrets du 10 de ce mois, n’en auraient pas été récompensés, ou ne l’auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée, sans espoir de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de deux millions destiné aux gratifications.» Art. 10. « Les personnes qui, ayant droit à une pension ou à une gratification, préféreraient aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans J’article 5 du décret du 10 de ce mois, en ferontla déclaration, et l’adresseront au comité des pensions, qui eu rendra compte au Corps législatif. » Art. 11. « L’Assemblée nationale se réserve de prendre en considération ce qui regarde les secours accordés aux Hollandais retirés en France; et jusqu’à ce qu’elle ait prononcé sur cet objet, ces secours continueront d’être distribués comme parle passé. » M. Pâmas, rapporteur, donne une nouvelle lecture de l’article 12. M. Lanjuinais. Je propose de s’assurer, par un examen de la fortune des citoyens, si les titres des pensions étaient obreptices ou subreptices. M. Garat, Vaïnè. Cette motion a été rejetée par la question préalable il y a quelques jours. D’ailleurs, comment mettre ce principe à exécution dans des formes inquisitoriales? Je demande, au nom de la chose jugée, que la formule proposée par M. Lanjuinais, soit rejetée. M. Tuant. Je demande la question préalable. M. Delley d’Agier. L’arbitraire et l’inquisi-lre Série. T. XVII. 853 tion doivent être bannis de nos décrets. Je demande qu’on vote sur l’article. (L’amendement de M. Lanjuinais n’étant pas appuyé n’a pas de suite.) L’article est décrété ainsi qu’il suit : Art. 12. « Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui, se trouvant privées des pensions qu’elles avaient précédemment obtenues, n’auraient pas de titre suffisant pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d’être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de leurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités dont elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de deux millions, répartis et distribués d’après les règles suivantes ; cinq cents portions de 1,000 livres ; mille portions de 500 livres, quatre cents portions de 200 livres, treize cent trente-deux de 150 livres. Les secours de la première classe ne seront donnés qu’à des personnes mariées ou ayant des enfants : ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées ou ayant des enfants ou sexagénaires ; les secours des troisième et quatrième classe seront distribués à toutes personnes qui y auront droit.» M. le Président met aux voix les articles 13 à 17. Après quelques courtes observations ees articles sont adoptés en ces termes : Art. 13. « Les mémoires présentés dans les différents départements, par les personnes qui ont obtenu des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l’Etat, ensemble les mémoires que touies personnes qui, prétendant avoir droit aux récompenses pécuniaires, et jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions, qui les examinera et vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont déjà été remis. Il sera adjoint au comité six membres pris dans l’Assemblée, et choisis au scrutin, en la forme ordinaire, de manière que Je comité sera à l’avenir composé de dix-huit membres. » Art. 14. « Après l’examen et la vérification des états et pièces énoncés en l’article précédent, le comité dressera quatre listes : la première comprendra les pensions à payer, sur le fonds de dix millions, ordonné par l’article 14 du décret du 16 du présent mois; la seconde comprendra les pensions rétablies par les articles 2, 3, 4 et 5 du présent décret; la troisième liste comprendra les secours établis par l’article 9; la quatrième liste comprendra les personnes dignes des récompenses établies par l’article 5 du décret du 10 de ce mois, et qui les auront préférées aux récompenses pécuniaires. Ces listes seront présentées au Corps législatif, à l’effet d’être approuvées ou réformées par lui, et le décret qui interviendra, sera ensuite présenté à la sanction du roi. » Art. 15. « Lorsque le décret rendu par le Corps législatif aura été sanctionné par le roi, les pensions comprises dans la première liste seront payées sur le fonds qui y est destiné par l’article 14 du décret du .16 de ce mois. A l’égard des pensions et secours compris dans les seconde et troisième liste, il sera fait fonds par addition entre les personnes chargées du payement des pensions, du montant desdites listes. Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédées * dans le cours de l’année précédente, de manière 23