204 119 mars 1791. | |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L'orateur de la députation dit : « Messieurs, déjà presque tous les corps de la capitale sont venus successivement offrir leur hommage aux représentants de la nation. La crainte d’interrompre des travaux précieux à tout l’Empire français a retenu, jusqu’à présent, dans un silence respectueux, plus de 500 familles dévouées depuis longtemps à l’institution de la jeunesse. Aujourd’hui que le bonheur général va couronner la glorieuse et pénible carrière de l’auguste Assemblée, ces mêmes familles demandent à élever la voix au pied de l’autel de la patrie, pour y payer le juste tribut de l’admiration et de la reconnaissance. « Après avoir aplani les inégalités monstrueuses de l’ancien gouvernement, vous allez, Messieurs, vous occuper de nous donner un plan d’éducation vraiment nationale, fondé sur ces principes qui sont la base et la sagesse de vos décrets. Quenoussentonsbientoutleprixdece travail, toute l’importance de nos fonctions et de nos devoirs! Autrefois nous étions obligés de ne former que des sujets ; et dans cet âge où l’esprit, comme la cire, prend toutes les impressions, nous ne leur aurions dit qu’en tremblant : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Maintenant, Messieurs, notre sphère s’estagrandie: d’après vos lois, nous élèverons donc des hommes, nous ferons donc des citoyens, des heureux! Nous leur donnerons donc enfin l'attitude imposante de l’homme qui sent sa dignité ; de l’homme quine trouve autour de lui ni maîtres, ni esclaves. Nous leur inspirerons une religion sans fanatisme et sans superstition; une morale douce, humaine et bienfaisante; un amour invincible de la patrie ; une soumission parfaite pour Jes lois émanées de l’Assemblée nationale; et enfin, un attachement inviolable pour un roi restaurateur de la liberté française. Nous ne puiserons plus dans l’antiquité, pour y trouver des exemples de dévouement, de vertu et d’héroïsme. C’est au milieu de ce Sénat auguste, c’est là que nous montrerons à nos élèves les Lycurgue et les Solon ; et nous leur dirons que ce n’est que par les vertus civiques qu’ils conserveront à leur postérité le bienfait d’une Constitution libre, établie par la vertu, et dont la vertu seule peut maintenir la force et assurer la durée. « Nous avons déjà mis, Messieurs, entre les mains de nos élèves, le catéchisme de la Constitution française, avec un parallèle de leurs droits et de leurs devoirs. Oui, Messieurs, nous formerons une génération digne de vous, de la liberté et de la Constitution. Que nos serments en soient les lidèles garants. Nous jurons (et nous demandons à le jurer officiel ement et comme fonctionnaires publics), nous jurons d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi, et d’élever dans ces principes la jeunesse qui nous sera confiée. ( Applaudissements .) « Signé : Les maîtres et maîtresses des petites écoles qui ont nommé pour porter la présente adresse: MM. Le Chevalier, président; Rouiileau, secrétaire; Patris, Goussu,Che-melat, Gharvet, Vappereau, Varangue, Le Bœuf, Lesbos, Gourdault, Duverger, De-vergie, Plongenet, Lambert, Morisot-Barbe, Coudroy, Lepitre, bourgeois. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale a rendu à l’homme sa dignité première, en lui faisant connaître ses droits. Elle en applaudit d’autant plus au travail qui a pour but de faire connaître aux hommes leurs devoirs, de les leur faire aimer, et de rendre faciles tous les sacrifices que la patrie commande. Le grand art de former des citoyens, e< t art qui ne pouvait recevoir son développement et sa perfection que chez un peuple libre, sera bientôt l’objet des travaux de l’Assemblée nationale. Votre zèle lui promet des coopérateurs fidèles et vous assure des droits à sa bienveillance. L'Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » (. Applaudissements .) Plusieurs membres demandent l’impression du discours de la députation et de la réponse de M. le Président. (Cette motion est décrétée.’) L’ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur le classement qui doit déterminer V évaluation rectifiée des procureurs dans les divers tribunaux du royaume. M. Tellier, au nom du comité de judicalure. Messieurs, avant de présanter à l’Assem lée nationale le classement destiné à recitfier l’évaluation des procureurs, et assurer le remboursement du titre de leurs offices sur le pied de cette rectification, le comité de judicature croit devoir rappeler les décrets qui ont ordonné cette mesure préliminaire, et justifier par quelques réflexions la forme dans laquelle il a procédé à ce travail. Il n’est plus nécessaire d’établir aujourd’hui que le remboursement des offices ministériels, sur le pied de la finance effectivement versée dans le Trésor public, n’eût offert, à la plupart d’entre eux, qu’un remboursement tout à lait illusoire. Toutes les fois que l’Assemblée a pu reconnaître des bases moins ruineuses pour tous les officiers de justice, elle n’a pas balancé un moment à renoncer à celle-là. On sait encore que le remboursement, d’après l’évaluation sèche, faite en exécution de l’élit de 1771, aurait été presque aussi préjudiciable à un grand nombre de procureurs, si 1 Assamblée ne s’était pas occupée des moyens de rendre cette loi moins frustratoire pour eux. M. d’André. Monsieur le Président, il est impossible de délibérer, quand il y a cinq cents étrangers dans la salle. M. Tellier, rapporteur , continuant la lecture de son rapport : Cependant, à moins de n’avoir aucun mode certain de liquidation, à moins d’errer sans guide dans une opération dont la direction ne don pas être arbitraire, il était indispensai le de ne pas abandonner entièrement les dispositions de cet édit, qui a déjà servi de règle pour la liquidation de tous les antres offices du royaume, soumis à l’évaluaiion. Il est, comme on a eu lieu de le dire dans h s précédents rapports, un véritable cou-irat enire l’Etat et les titulaires; contrat qui, au moment des suppressions prononcées par l’Assemblée nationale, avait près de vingt ans d'exécution. C’est pour cela que l'Assemblée nationale a cru devoir l’adopter pour déterminer le remboursement des offices dont le prix a été fixé d’après cette loi. Mais, sur les représentations du comité de judicature, elle a remarqué qu’une ILule de procureurs avait eu la faculté d'acheter et de vendre le titre de ses offices beaucoup au delà (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.] de la valeur fixée en exécution de l’édit, parce que presque to> s en dissimulaient le véritable pnx, sous la dénomination de fonds d’étude, pratique, clien è e, débets et recouvrements, qui n’en étaient que les accessoires; elle a senti que ce moyen d’éluder les termes de la loi avait porté un grand nombre d’officiers à ne donner qu’une valeur très modique à leurs titres afin d’echapper à l’i i î pot, qui était toujours proportionné aux évaluations. ü’apièsces considérations, l’Assemblée a cru devoir venir au secours de ceux de ces officiers dont les évaluations avaient été presque nulles; mais elle a voulu puiser, dans les évaluations mêmes, letemède à leur inégalité, afin de ne pas sortir des dispositions de l’édit. Elle a donc adopté la rectification desévaluations trop faibles, d’après celles qui pouvaient lui désigner le prix auquel elles devaient ètie portées. Pour rendre cette rectification plus juste, elle a d’abord envisagé que le prix du titre des offices de procureurs devait être égal dans tous les tribunaux d’une importance à peu près semblable. Car la faculté de postuler, étant la même pour tous, ne pouvait, dans ce cas, avoir de valeur différente. La variation ne frappait que sur les accessoires du titre, tels que la clientèle, et les recouvrements plus ou moins considérables, qui y étaient attachés. Il fallait do. c ramener les titres à une valeur commune entre les tribunaux de la même force; et c’est pour cela que l’Assemblée a jugé convenable de décréter, le 21 décembre dernier, que « les tribunaux de même « nature permit divisés au moins en cinq classes. « Que chacune sera composée de tribunaux « égaux, autant que faire se pourra, sous les rap-« purts combinés de l’étendue, de la population « et du nombre d’officiers de leurs juridictions. « Que ce te division ainsi formée, l’évaluation « la , lus forte des offices de chaque classe sera « irise i our former une évaluation commune à « tous les olficiers de la même classe. « Et en lin que les olfices, soumis à l’évalua-« tion, seraient liquides sur le pi d de l’évalua-« lion commune à la dusse dans laquelle ils au-« roui été rangés. » Pour -'exécution de ce décret, il fallait recueillir les i enseignements les plus exacts possibles sur l’étendue, la population, le nombre d olficiers de chaque juiiuiction, et sur les évaluations que ces officiers avaient faites. Le comité s’est livré à toutes les recherches nécessaires pour y parvenu*. Les états dressés leplus récemment, ont été fournis, tant par les bureaux de ia chancellerie que pur ; es parties casuelles, au commissaire du roi, directeur général de la liquida ion, qui s’est entendu avec le comité pour les fai, e disposer dans un ordre approprié à l’o-péraiimt po ptale. Ces réflexions ayant déterminé l’Assemb:é;‘ à proscrire toute espèce d’exception pour quelque tribunal que ce fût, le comité a dû se co f rmer à ses volontés. Comment aujourd'hui pourrait-on attaquer une opération proposée dans un rapport imprimé et distribué quinze jouis avant la discussion qui a duré deux séances, dans le cours desquelles plusieurs autres prop ts ont été successivement présentés et îvje és? Avec ces circonstances, il serait difficile du demomrer à l'Assemblée que le décret de-21 et 24 décembre lui a été surpris. Mais, sans tr.ip s’-ppuyer sur c jtte espèce de moyen de forme, il e>t si facile de justifier le fond des née siens prononcées, que l’Assemblée ne doit craindre que de perdre du temps en permettant que la qne�iioo soit ouverte de nouveau sur les démets dont on vient de parler. La comparaison d - ce q 'aurait c -ûié le remboursement sur le pied de l’évalua ion pure et simple, avec ce que coût.-ront les eval allons rectifiée-� et les indemnités accordées pour les accessoires des titres, prouvera que le comité s’est montré fort humain; et l’Assemhlée a encore enchéri sur le comité lui-même. Le comité craindrait plutôt aujourd’hui qu’on ne l'accusât d’avoir préparé, par le classement qu’il soumet à l’Assemblée, un remboursement trop avaotag1 ux aux ofliciers dont il s’agit. Mais si IVn fait aiten ion que l’etat des procureurs aux parlements, chambres des comptes, cours des aides, bureaux des finances et élections, est entièrement « éiruii, puisque ces juridictions n’existeut (dus, et que les contestations qui s’y portaient sont renvoyées uevant les corps-administratifs et b s tribunaux de districts; si l'on considère que les procureurs dans les tribunaux ordinaires perdeut une grande partie de leurs clientèles par la nouvelle division des tribunaux, les changeme ts de territoire, et les retranchements dans l’étendue de leur juridiction; que la réouctiou, des émoluments attribués aux avoués, la simplification de Ja procédure dont le comité de Constitution s’est déjà occupé, l’exclusion prononcée contre les nouveaux fonctionnaires de toute postulation auprès des tribunaux de paix, lu concurrence accordée par les decrets à l’universalité des gens de loi et praticiens, pour exercer les fonctions d’avoués, anéanti sent la plus grande partie d, s avantages et des profits que ces officiers reliraient de leur ancienne possession; si I on envisage enfin que beaucoup d'entre eux, ou n’ont pas de contrats d’acquisition, ou n’ont passé que des actes sous seing pr vé, qui ne peuvent pas être admis comme bu.-es des indemnités accordées par les décrets des 21 et 24 décembre, on se convaincra qu’ils n’ont de ressource que dans le classement qui doit rectifier leur évaluation, et que ce qu il aurait de favorable pour eux ne sera tout au (dus qte le dédom uagement de toutes les perles qu’ils éprouvent. Ceux d’entre eux qui ont apprécié leurs offices à leur jusie vaf ur n’ont, comme on le conçoit aisémmt, aucune augmentation à espérer, puisque c’est sur leur évaluation même que s’opère la rectifica ion de celles qui se trouvaient trop modiques dans les tribunaux d’une importance à peu près égale. Après cette justification, le comité doit encore 207 prévenir l’Assemblée des motifs qui l’ont déterminé à faire un plus ou moins grand nombre de classes, suivant la nature des différents tribunaux. Il savait que les tribunaux ordinaires étaient si nombreux/ qu’ils exigeraient cm moins cinq classes; et c’est pour cette raison qu’il a proposé à l'Assemblée de décider que la division ne serait pas inférieure à ce nombre. Dans le cours de son travail, il a reconnu qu’il était indispensable d’en faire sept, latitude que lui laissait le décretdu21 décembre. En examinant les masses de population dont chaque classeaété composée, on n’aura pas de peine à se persuader qu’il n’était pas possible de les réduire à moins, pour former des classes de tribunaux à peu près égaux. Nous disons à peu près , car la précision exacte n’était ni praticable, ni nécessaire dans une telle opération. Les élections et les maîtrises qu’on y a réunies, attendu qu’il n’y a presque point de procureurs d.atis cutte dernière espèce de tribunaux et que les offices n’y sont pas d’une différence remarquable, ont pu se diviser plus facilement en cinq classes. A l’egard des parlements, cours des comptes et aides y jointes," et des bureaux des finances, le comité n’a pas trouvé, dans les bureaux de l’administration, des éclaircissements qui pussent diriger sa marche pour leur classement, comme pour celui des tribunaux ordinaires ; mais leur importance et leur petit nombre les faisaient as-ez connaître pour déterminer le travail du comité, qui a d’abord été aidé par les instructions de plusieurs membres de l’Assemblée. Il observe que ces tribunaux, n’excédant pas dix, onze et douze de chaque nature, n’étaient pas, comme les autres, susceptibles d’être divisés, au moins en cinq classes : il a été inévitable de les réduire à trois, pour Ie3 amener à des évaluations rectifiées, qui correspondissent à la valeur la plus rapprochée des titres nus, PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale décrète que les procureurs des tribunaux, tirés hors classe, dans l’état ci-après, ne recevront pour tout remboursement de leurs titres que le montant de Dévaluation qu’ils en ont faite, sauf les indemnités précédemment décrétées ; et qu’à l’égard des autres, leurs évaluation? seront rectifiées et remboursées d’après les classements suivants; CLASSEMENT Pour déterminer l'évaluation rectifiée des procureurs dans les divers tribunaux du royaume. TRIBUNAUX ORDINAIRES. Tribunaux tirés hors classe, attendu que les évaluations des procureurs qui y postulaient, comparées avec celles qui sont en général les plus fortes dans les tribunaux égaux en étendue, population et nombre d’officiers, leur sont encore de beaucoup supérieures, et ne peuvent être adoptées comme règle d’évaluatiou commune, sans porter Dévaluation des classes correspondantes, souvent au double du prix que se payaient les titres nus de3 offices de procureurs.