[15 mars 1791.J [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 109 quilliser; nos démarches, nos paroles, nos actions ont été fondées sur la Constitution. Elle veut que les citoyens puissent se réunir paisiblement et sans armes pour rédiger des adresses, soit au Corps législatif, soit aux corps administratifs, soit au roi. Elle veut encore que nul ne puisse être inquiété pour ses opinions, même religieuses. D’après ces lois, qui sont la sauvegarde de la liberté publique et individuelle, on s’est assemblé à Nîmes et à Uzès paisiblement et sans armes, on a rédigé des pétitions qui manifestent notre haine pour les discordes civiles et notre attachement à la Constitution, qui doit faire le bonheur de tous les Français. Ce sont les propres termes de nos pétitions. Cette démarche légale a néanmoins servi de prétexte pour faire soupçonner nos principes et pour donner quelque espèce de fondement à une inculpation. On a argumenté de la publicité donnée à ces pétitions ; mais c’est précisément la publicité de notre démarche qui en garantit la loyauté, et certes il y a de la franchise à livrer ses opinions à l’approbation ou à la censure publique. Ce n’est pas ainsi que se machinent les complots : lfjs trames s’ourdissent dans le secret et dans les ténèbres. La publicité de nos pétitions leur imprime donc le caractère distinctif de la loyauté française : elles n’ont eu d’autre but, ces pétitions, que d’exprimer notre désir de voir la Constitution s’achever et se consolider sur les bases rte la religion et de la monarchie, et de hâter le moment où la France reconnaissante pourra jouir de tous les bienfaits de l’Assemblée nationale : ce sont encore Jes propres expressions de nos adresses. Loin de nous donc ces inculpations démenties par la procédure que vous avez récemment supprimée. Dans cette procédure dirigée contre nous, et composée de plus de cinq cents témoins, pas un ne donne le plus léger indice d’aucune coalition, d’aucun complot. Nous, des complots 1 ..... ah! Messieurs, au lieu de conspirateurs, vous ne voyez devant vous que des victimes ! Messieurs, nous avons rempli vos ordres. M. le Président. L’Assamblée nationale se fera rendre compte des faits que vous avez allégués pour votre justification. Vous pouvez vous retirer. Un membre demande que le discoms prononcé à sa barre parles particuliers de Nîmes et d’Uzès, soit renvoyé aux comités des recherches et des rapports, réunis. (Ce renvoi est décrété.) M. Dufraisse-Duchey. Je demande que le rapport des comités soit fait dans trois jours ; on ne peut retenir plus longtemps éloignés de leurs affaires des citoyens que l’on en a séparés. Plusieurs membres : L’ordre du jour! (L’Assemblée décrète l’ordre du jour sur la motion de M. Dufraisse-Duchey.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'affaire du Clermontois (1). M. de Vismes, au nom du comité des domaines. (1) Voyez ci-dessus séance du 10 mars 1791, page 22, le rapport de M. Geoffroy sur cet objet, et séance du 12 mars 1791, page 54, le commencement delà discussion de ce rapport. Messieurs, rien ne peut mieux manifester la sagesse et l’impartialité de l’Assemblée nationale, que la solennité de cette discussion. Plus le citoyen, que son décret intéresse, se trouve, vis-à-vis d’elle, dans une position extraordinaire, plus elle a senti qu’elle ne devait se rendre qu’à une démonstration complète. En remplissant la mission rigoureuse que vous lui avez imposée relativement à l’affaire du Clermontois, votre comité des domaines a toujours eu sous les yeux cette importante considération. Il n’a rien épargné pour justifier votre confiance; et l’avis sévère que Jui commandaient les principes à la garde desquels vous l’avez établi, est le résultat d’un long et religieux examen. Son opinion, Messieurs, n’a point été ébranlée par l’argumentation plus ingénieuse que solide des défenseurs deM. de Coudé ; argumentation dont tout l’art consiste à vouloir faire dégénérer en une controverse diplomatique ce qui doit se réduire à une pure question de domanialité. Je vais m’appliquer à ramener cette grande cause au point de simplicité dont elle est susceptible. Je ne négligerai néanmoins aucun des développements qui me paraîtront les plus propres à éclairer votre justice, je répondrai même à des difficultés qui n’ont pas été faites dans cette tribune. Car, puisque votre devoir est de ne prononcer qu’en parfaite connaissance de cause, le nôtre est de ne vous laisser rien ignorer. Deux actes, Messieurs, sont soumis à votre examen : la donation faite au Grand Coudé en 1648, et le contrat passé en forme d’échange, entre le roi et M. de Condé, en 1784. L’ordre naturel des choses semble vouloir que l’on s’occupe d’abord de la donation de 1648 : mais l’examen de l’acte de 1784 tient à des principes et à des faits si simples, son sort est même si indépendant de celui de la donation, que je n’ai vu que de l’avantage à suivre une méthode contraire. J’aime à écarter d’abord ce qui s’expédie facilement, alin de fixer ensuiie l’attention tout entière sur ce qui en exige le plus. Si les défenseurs de M. de Condé font tous leurs efforts pour éloigner la décision de cette partie de l’affaire, vous ne prendrez point le change sur les motifs et le but de leur marche. Convaincus que les objections delà maison de Condé ne sont pas mêmes spécieuses, ils aiment mieux éluder le combat, qu’avouer leur défaite. PREMIÈRE PARTIE. Echange de 1784. L’acte de 1784 est qualifié d'échange : les défenseurs de M. de Condé disent que c’est une vente ; il est juste de leur accorder ce point. Aliéner une chose moyennant une somme qui devient le principal d’une rente co sthuée, ce n’est pas échanger, c’est vendre. Mais en vain changerons-nous la dénomination du contrat de 1784 : le résultat sera toujours le même. Il sera toujours vrai de dire que M. de Condé a vendu ce qu’il possédait illégitimement, ce qui ne pouvait appartenir qu’à l’Etal, ce dont, par conséquent, on pouvait et l’on devait Je dépouiller sans lui en payer la valeur ; car on ne doit pas payer le prix de sa propre chose, et, lorsqu’on l’a fait par erreur, la loi en accorde la répétition. Ce que M. de Condé a vendu au roi, en 1784, appartenait à l’Etat par deux raisons : parce que c’eiaient des droi's régaliens , ei ensuite parce