[Assemblée nationale.) AllCIllYfiS PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791.) nale, s’il y a des traités qui garantissent au Saint-Siège la possession de la ville d’Avignon et duComtat Venaissin, dans aucun de3 traités conclus entre la France et la cour de Rome, on ne voit pas que la France lui ait garanti la ville d’Avignon et le Comtat Venaissin. Nos registres de cette cour ont été consultés ainsi que les recueils diplomatiques. Si la France eût donné cette garantie par des traités ou autrement, la cour de Rome l’aurait fait valoir dans quelques circonstances; et l’on n’en trouve nas d’exemple. D’ailleurs cette garantie aurait dû être renouvelée et rappelée toutes les fois que nos rois, après s’être emparés d'Avignon et du Com-lat Venaissin, les ont restitués. On voit, au contraire, par les différentes lettres patentes données, pour cette restitution, en 1664, 1689, 1774, que nos rois, par une clause réservatoire, se sont conservés leurs droits sur Avignon. Cette clause doit éloigner toute idée de garantie, et annuler même les actes très anciens dans lesquels cette garantie aurait été stipulée. Différents mémoires sur Avignon disent encore que la possession des papes n'a jamais été paisible, et qu’il y a eu souvent des réclamations de la part de nos souverains. » M. de Clermont-Tonnerre. La réponse de M. le rapporteur est incomplète, ne résout qu’en partie la difficulté. 11 a répondu à une question que je n’avais pas faite et j’en ai fait une à laquelle il ne répond pas. Je demandais en effet si la possession du pape ue lui avait pas été garantie non pas par la France, mais par quelques puissances de l’Europe. Cette question est motivée par une réflexion de M. le rapporteur : il s’est demandé au cas où Avignon appartiendrait à quelque grande puissance, s’il serait de la politique de prononcer cette réunion et il a pensé que non. Le cas doit rester le même si la possession du pape a été garantie par quelque grande puissance; cette objection nulle en justice n’est point sans fondement en politique. M. de Menou, rapporteur. Il n’existe que deux traités entre les rois de France et les papes relativement à Avignon et au Comtat Venaissin. Plusieurs membres : Ce n’est pas cela. M. de Menou, rapporteur. Il faut au moins me donner le temps d’achever ma phrase. Dans ces deux traités, on ne trouve aucune trace qu’un prince étranger, qu’un monarque de l’Europe soit intervenu pour garantir au pape la possession d’Avignon et du Comtat. ( Vifs applaudissements à gauche et dans Les tribunes.) Dans les traités du roi de France avec les autres puissances, il n’en est nullement fait mention ; et s’il y avait eu des actes de garantie, lorsque Louis XIV et Louis XV s’emparèrent de ce pays, les puissances garantes n’auraient pas manqué de faire des réclamations; or, il n’en a été fait aucune. ( Applaudissements à gauche.) Tout ce qu’on trouve, ce sont deux conventions et même plusieurs conventions entre les cours d’Espagne, de France et de Rome relativement au passage des troupes dans les Etats d’Avignon et du Comtat Venaissin. Si l’Assemblée l’ordonne, je vais lui en faire lecture; mais cela n’a aucun rapport avec la garantie. Plusieurs membres : Non 1 non ! 467 M. de Menon, rapporteur. Je terminerai, en observant que, s’il existe des traités entre le pape et les princes étrangers pour la garantie de ses possessions, ces traités sont extrêmement secrets. La France n’en a eu nulle connaissance. M. de Traey. Je demande à M. le rapporteur si le Comtat Venaissin et Avignon n’ont pas été traités anciennement comme faisant partie du corps germanique. C’est un doute que j’ai dans la tête et sur lequel je voudrais bien qu’on m’éclairât. M. de Menou, rapporteur. J’observe à l’Assemblée que le préopiuant vient de proposer une des questions les plus difficiles à résoudreetsur lesquelles les historiens ne sont nullement d’accord. Il est certain qu’il a existé autrefois une espèce de suprématie de la part des empereurs, sur une partie de la Provence et de toutes les provinces environnantes {Murmures.) tantôt à cause du rovaume d’Arles,tantôten qualité de suzerain de la Bourgogne; mais ce royaume d’Arles est une espèce de problème dans l’histoire.... {Rires à droite.) Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! M. de Menou, rapporteur.... car les historiens contemporains ne sont nullement d’accord; ce qu’il y a de certain, c’est que de temps en temps les empereurs ont accordé des diplômes, des investitures. Enfin, Charles IV, empereur, est le dernier qui soit venu en Provence prendre possession du royaume d’Arles, qui semble avoir fini au commencement Cette délibération fut envoyée, et toutes les communes du Comtat, je dis toutes sans exception, ne répondirent à cette délibération qu’en s’assemblant en corps de commune, pour prêter sans aucun commissaire, sans aucune intervention étrangère, un nouveau serment de fidélité au pape. Voilà comment se sont conduits les Com-tadins quand ils ODt été libres. Cette délibération est du 16 novembre 1789. Vous savez ce qui s’est passé depuis. (Murmures à gauche .) On n’a révoqué en doute la fidélité de ces habitants, que lorsqu’Avignon est venu attaquer le Comtat, que Gavailloa a été saccagé et souillé par les plus grands crimes. La terreur a achevé ce que la séduction avait commencé. C’est lorsque des brigands, car je ne crains pas de les appeler ainsi, ont fait pendre quatre citoyens irréprochables dans Avignon, et ont fait fuir la plupart des habitants de cette malheureuse ville, qu’on a arraché ces actes qu’on cherche à faire valoir aujourd’hui. Il ne faut pas avoir une grande connaissance des hommes pour être bien persuadé que ceux qui ne doivent rien, qui ne payent rien, pas même les frais de la souveraineté, ne désirent pas légèrement de changer de souveraineté. Lorsque M. Bouche fit pour la première fois la motion de la réunion, vous ne lui avez répondu que par un sourire moqueur. M. Bouche. Eu ordonnant l’impression de ma motion. M. l’abbé llaury. La même motion vous a été représentée deux fois, deux fois vous avez prononcé l’ajournement, et deux ajournements valeut à peu près un décret. (Rires.) Je persiste à demander l’impression du rapport, parce qu’il n’y a pas un seul homme qui puisse répondre à cent objeis accumulés les uns sur les autres. 11 nous faut ce guide de la discussion ou bien décréter le projet sans le discuter. Je sens le tort que je ferai à une bonne cause en la défendant et j’insiste sur un délai qu’on ne refuserait pus dans uu tribunal pour une contestation d’un écu. Cependant s’il faut traiter la question à fond, je suis prêt; mais j’observe qu’on a produit des titres et des pièces nouvelles dont la communication est de droit naturel, s’il eu existe encore dans le monde. Je demande donc que le rapport soit imprimé et distribué, et que la discussion soit entamée trois jours après la distribution. Après ces trois [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1791. ] jours, vous recevrez les derniers soupirs de notre patriotisme. (Rires et applaudissements à gauche.) Je demande de plus que l’Assemblée, instruite des troubles qui intéressent d’autant plus sa sollicitude, qu’elle a appris que c’était au nom de la France qu’on tentait de faire des conquête?, déclare qu’elle prend sous sa protection spéciale la ville d’Avignon et toutes les communes du Comtat, et qu'elle défend provisoirement toute espèce d’üostilité. Un membre à gauche ; Et de quel droit ? M. l’abbé Manry . En vertu du droit sacré que lui donnent les pétitions de la ville d'Avignon et du Comtat, qui ont réclamé son intervention et sa protection. En lin je demande qu’elle déclare qu’elle traitera comme ennemi du bien public tous ceux qui troubleront la paix dans le Comtat? Voici le décret sur lequel je fais la motion que l’Assemblée s’explique sur-le-champ. « L'Assemblée nationale décrète que le rapport qu’elle vient d’entendre sur l’affaire d’Avignon et du Comtat Venaissin, sera imprimé et distribué, et que la question sera traitée au fond trois jours après la distribution. « En attendant, l’Assemblée nationale déclare qu’elle prend sous sa proteciion spéciale la ville d’Avignon et toutes les communautés du comtat, qu’elle défend toutes les hostilités et toutes voies de fait aux habitants d’Avignon et du Comtat, en vertu du droit que lui donnent leurs pétitions, et qu’elle regardera comme ennemis publics tous les perturbateurs de l’ordre et de la tranquillité des citoyens dans cette province. » M. Charles de Lameth. Le préopinant vient de faire deux propositions, l’une de l’ajournement, l'autre d’un décret provisoire. De ces deux mesures, l’une est cruelle, l’autre impossible pour l’Assemblée, puisqu’elle est injuste. 11 s’est opéré une révolution à Avignon; elle a amené des crimes, elle en amènera encore. Elle a amené des barbaries, parce que le parti qui s’oppose à la Révolution est plus puissant qu7en France. C’est une guerre de partis et, en politique comme en religion, il n’y a rien de plus cruel. En proposant un ajournement, M. l’abbé Maury n’a pas réfléchi que l’armée victorieuse des patriotes du Comtat est à 5 lieues de l’armee des aristocrates. ( Applaudissements .) Par calcul d’intérêt pour eux, il aurait dû demander que le décret fût rendu dans cette séance et que les commissaires partissent cette nuit pour prévenir, s’il est possible, le saccage de la ville de Carpentras. M. l’abbé Maury a oublié que, par sa proposition d’ajournement, il voulait égarer l’Assemblée, car, si, comme il le prétend, deux ajournements valent un décret, en suivant la môme conséquence, le troisième ajournement vaudra un jugement. (Applaudissements.) M. l’abbé Maury est encore en contradiction avec lui-même, car plusieurs fois il nous a dit qu’il était prêt à traiter le fond de la question, et aujourd’hui il demande des délais. L’Assemblée a ajourné cette question lorsque le vœu du Comtat Venaissin n’était pas bien connu encore; elle a craint de passer pour usurpatrice. Mais aujourd’hui que ce vœu est bien avéré, elle ne peut différer ae prononcer la réunion sans exposer ce pays aux plus affreux combats; ce serait un acte de barbarie que de retarder une mesure qui rendra au Comtat la liberté et la tranquillité 469 et qui y fera cesser le crime. Quand ce pays sera sous l’heureux génie de la France, alors les aristocrates s’en iront ou se tairont. (Applaudissements.) L’ajournement au contraire favorise, je dirai plus, commande les crimes et les horreurs dont se plaint le préopinant. Quant au décret provisoire qu’a proposé M. l’abbé Maury, il est inutile de le combattre. L’Assemblée n’a pas le droit de donner des ordres dans un pays, quand elle n’en a pas prononcé la réunion. (Murmures et applaudissements.) Je demande comment l’Assemblée recevrait l’intervention d’une puissance qui, dans ce moment, viendrait lui dire : « Je vous prie défaire cesser la marche de votre Révolution et d’imposer silence au parti patriote et à votre petit parti aristocratique ; je veux que les choses restent où elles en sont jusqu’à ce que j’aie examiné qu’est-ce qui a tort ou raison. » (Applaudissements.) L’Assemblée, sans doute, recevrait cette proposition avec mépris. Devons-nous arrêter la marche de la révolution avignonnaise? Dans le sanctuaire de la Révolution française, pouvons-nous décréter une mesure contre-révolutionnaire? Non! cette mesure déshonorerait l’Assemblée et serait en pure perte ; car vous ne seriez même pas obéis ; car les départements qui environnent le Comtat et qui aiment la liberté, regarderaient cette cause comme la leur et continueraient de protéger la liberté avignonaise. C’est donc pour l’intérêt aristocratique du Comtat que je demande que cet ajournement n’ait pas lieu. L’Assemblée ne sera d’ailleurs jamais plus instruite; le vœu du peuple est manifesté hautement; si vous différez votre décision, vous aurez à vous reprocher tous les malheurs qui arriveront inévitablement dans ce pays. (Applaudissements.) M. de Clermont-Tonnerre. Je partage l’intérêt que le préopinant témoigne pour les aristocrates du Comtat. (Murmures aux tribunes.) Mais mes sentiments sur ceux qu’ils appellent patriotes ne sont pas les mêmes; et ce sentiment est encore fortifié chez moi par le journal, l’affreux journal de cette armée, que je n’appellerai pas patriote, car elle traîne à sa suite 5 bourreaux. Elle a déjà fait plusieurs exécutions, demande de l’argent et offre la paix à Carpentras moyennant 2 millions et 30 têtes à son choix. (Applaudissements à droite.) Un membre à gauche : Cela est faux 1 M. de Clermont-Tonnerre. On veut que je donne le nom de patriotes à ces gens-là! Je ne le leur donnerai jamais. De pareils patriotes me font horreur. Je ne répondrai pas à tout ce que le préopinant a dit de personnel à M. l’abbé Maury. J’observe qu’il y a 15 questions sur lesquelles M. le rapporteur a présenté son opinion et qu’il existe entre ses mains une foule d’actes et de titres qu’il est nécessaire d’examiner, parce que, s’il est des actes et des délibérations envoyées au milieu des horreurs qui remplissent le Comtat, certainement ils ne peuvent être honorés du nom d’actes libres. Je certifie que je serai dès à présent en état d’en discuter la majeure partie. Mais il a présenté un calcul des délibérations des communes du Comtat, et je soutiens que l’on ne peut se servir de ces pièces, tant qu’elles n’auront pas été communiquées et méditées. M. le rapporteur a parlé du vœu des Comtadins. il a fait un calcul; il a présenté 51 communautés. (Assemblée nationale.] AKCUIVES PARLEMENTAIRES. (30 avril 1791.] 4t0 Ce calcul est absolument conforme à celui gui a été imprimé hier par une des parties; je soutiens que, pour contredire ou approuver ces calculs, il faut connaître les dates de ces différents actes... M. de RIcnou, rapporteur. Les voici. M. de Clermont-Tonnerre. G ir s’il en est quelques-uns datés du lendemain d’un massacre, on ne peut trop y apercevoir l’emblème de la liberté. M. l’abbé Maury propose d’apporter le re-mè le le plus prompt à tant d’atrocités. M. Charles Lametli prétend que vous n’avez pas ce droit et vous propose froidement de déclarer que ce pays vous appartient. Les adversaires de cette opinion auront droit de se plaindre de n'avoir pas eu connaissance du rapport et des actes qui l’ac-pagnent, et je soutiens qu’il faut que ces pièces soient communiquées. Alors nous vous démontrerons que c’est à la première motioa faite ici, que c’est aux premières relationsdequelques députés avec lesAvignonais, que s’attache, par une chaîne non interrompue, le système d’horreur, de proscription, d’assassinats qui ont amené coque l’on appelle aujourd’hui un vœu libre. Je ne puis concevoir qu’on appelle révolution les crimes de certaines têtes qui veulent en faire taire quelques autres. C’est depuis que la Révolution se présente de la sorte que les honnêtes gens s’en éloignent, et c’est ainsi que vous réduirez, avec le temps, le parti de la Révolution à un petit nombre de factieux qui ne sauront pas même la défendre. M. BouUcvlHe-SSumelz. Monsieur de Clermont, vous vous faites tort, vous prostituez votre talent. M.deCIeriiîont-Tonnerre. J’appuie donc l’ajournement jusqu’au délai demandé par M. l’abbé Maury; et je demande, en outre, que M. de La Tour-Maubourg, qui connaît mieux quenousl’état des choses, puisqu’il a fait le voyage d’Avignon en qualité de colonel du régiment de Sois-ounais, veuille bien nous indiquer les moyensqui lui paraissent les plus propres à rétablir le calme dans Avignon, et tout particulièrement les moyens de retirer du Comiat les déserteurs français qui font toute la force de cette armée prétendue patriotique à laquelle ils se sont joints. M. Robespierre. Les horreurs qui ont désolé le Comtat sont un pressant moiif de bâter notre délibération et non de l’entraver et de la retarder par des discussions inutiles ou des tableaux exagérés de la situation des Comtadins. Je déclare que, si M. de Clermont a voulu exciter notre commisération pour les viciimes malheureuses des deux partis, elle ne peut leur être refusée. Oui nous les devons, oui nous les donnons, ces sentiments de commisération, à tous les partis. Ils sont dans notre cœur et nous les donnons non seulement à ceux qui ont péri par trahison sous le poignard du fanatisme mais encore à ceux qui ont été à leur tour victime de la vengeance excitée par leur propres crimes. ( Applaudissements .) Dans un état ae révolution, au milieu de la chaleur des partis, il est peut-être pardonnable de soutenir, avec quelque énergie, les abus mêmes qu’on croyait la source de son bonheur et de défendre des préjugés, même les plus déraisonnables au milieu desquels on a vieilli et dont on n’a pas encore su se débarrasser pour s’élever aux hauteurs sublimes de la philosophie. (Applaudissements.) Mais c’est cette commisération qui nous fait un devoir de délibérer et de prendre enfin un parti qui puisse terminer ces rivalités qui ont déjà fait couler des ruisseaux de sang et rétablir ce repos heureux réclamé par l’humanité. Ne nous faisons pas illusion. Des hommes excités, de3 hommes victimes se sont vengés. Ils n’ont pu prendre des mesures modérées. Il y a eu une révolution dans le Comtat. Il y a eu, suivant le cours ordinaire des choses, deux partis, l’un qui désirait secouer un joug oppresseur, et l’autre qui voulait le conserver peut-être parce qu’il en profitait. Ce dernier parti a été vaincu jusqu’aujourd’hui. Qu’on le plaigne si l’on veut, mais qu’on vienne au secours de tous. Et ne nous habituons à considérer comme des factieux que ceux qui, ayant été provoqués d’une manière cruelle et perfide, se portent à des excès contre leurs oppresseurs. Cependant point de mesures provisoires ; vou3 ne pouvez que prononcer la réunion. Toute mesure provisoire est impraticable, à moins que vous ne considériez le Comtat comme une province dont les affaires vous regardent, à moins que vous n’ayez des droits sur ce pays. S’il vous est étranger, vous n’avez pas plus le droit de donner des lois au Comtatque d’y aller porter vos armes; vous n’avez pas plus de droits sur lui que vous n’en auriez eu à imposer votre autorité dans le Brabant. L’envoi d’une force quelconque dans le Comtat, sans la déclaration de réunion à la France, serait une violation manifeste du territoire étranger. Si nous n’avons aucun droit sur ce pays, nous ne pouvons y envoyer d’armée sans être des oppresseurs. Si nous avons des droits, il faut le déclarer et agir sans délai. D’ailleurs les mesures provisoires ne pourraient avoir que de funestes effets. Ne pourrait-on pas croire que vos troupes ne seraient venues que pour en imposer aux partis victorieux ; et si le chef de ces troupes avait adopté des principes contraires à ce parti, ne pourrait-on pas soupçonner que le chef et l’armée seraient venus pour protéger ce qu’on appelle le parti aristocratique, qui est le parti vaincu. Je demande, en conséquence, que l’ajournement soit rejeté et que la discussion commence sur le fond du projet de décret. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur l'ajournement. M. de Cazalès. Je serai très court; il me paraît généralement convenu qu’il est instant de porter un remède aux malheurs qui afiligent en ce moment Avignon et le Comtat. Il n’y a donc plus d’autre question à discuter dans ce moment que celle de savoir si une mesure provisoire serait dangereuse et si vous avëz le droit de l’ordonner. Le préopinant, en combattant la proposition de M. l’abbé Maury a étabü qu’il serait possible que le chef des troupes que vous enverriez eût une conduite contraire à vos intentions. Je suis peu surpris d’entendre cette objection sortir de la bouche de ce préopinant ; elle m’étonnerait davantage de la part de M. de Lameth qui est dans l’armée depuis son enfance. Les opinions politiques des chef de troupes sont libres ; mais, quand iis vont exécuter les ordres qui leur sont donnés par le souverain, ils n’ont plus d’opinions ; ils doivent remplir ponctuellement la mission qui leur est confiée ou, s’ils éprouvent quelque répugnance à le faire, donner leur démission. L’Assemblée juge trop bien l’armée française et ceux qui 30 avril 1791 .J [Assemblée nationale.] la commandent pour avoir quelque inquiétude de cette nature. On a prétendu que l’Assemblée n’avait pas le droit de prendre des mesures provisoires avant d’avoir prononcé sur le fond même de la question ; on a prétendu que la France n’avait pas le dro t d’envoyer des troupes pour rétablir le calme dans Avignon et le Gomtat avant que cette province lui appartînt. Ces te objection me paraît bien futile, car il est impossible de se dissimuler que nous avons le soin naturel de notre défense, que nous avons tous les droits que nous imposent notre intérêt particulier et notre conservation. Donc s’il est intéressant pour la France de calmer les troubles d’Avignon, elle en a incontestablement le droit. ( Murmures à gauche.) Je n’aperçois pas la cause de ces murmures; car j’ai incontestablement le droit d’éteindre le feu qui est à la maison de mon voisin lorsqu’il peut se communiquer à la mienne et la mettre en danger. Je crois donc que la mesure provisoire qui vous est proposée par M. l’abbé Maury est de toute justice et que vous avez le droit de r ordonner. Il reste alors la question de savoir si vous jugerez une question aussi importante que celle qui vous est soumise sans donner aux membres de l’Assemblée le temps de l’examiner, sans donner aux adversaires de l’opinion de M. le rapporteur le temps et les moyens de lui répondre. Puisque M. le rapporteur ne s’est pas contenté d’examiner l’intérêt de la France dans la conquête qu’il vous propose, puisqu’il a encore voulu colorer l’injustice diplomatique, l’injustice ma-chiavéliste en prouvant que la nation française avait des droits sur le Gomtat, soit par le droit positif soit par l’expression du vœu du peuple avignonais et comtadin, il est absolument nécessaire de discuter quels sont ces prétendus droits positifs que nous avons sur Avignon, ces droits positifs qu’on peut repousser par une seule phrase du pape Ganganelli à l’ambassadeur de Louis XV qui cherchait à l’embarrasser dans toutes les arguties de la chicane et du droit des gens : « Si 500 ans de possession ne sont pas un titre, dite s-moi quel est le souverain de l’Europe qui puisse être tranquille sur so i trône et dont on ne puisse pas contester le droit? » Il faut donc examiner les droits et le3 faits, il faut savoir si le vœu du peuple est vraiment celui de la majorité, s’il est exprimé librement. Rien n’est si essentiel pour constater le véritable vœu du peuple que de l’assujettir à des formes; il n’existe aucun peuple sur la terre qui ait le droit d’exprimer son vœu sans se soumettre aux formes qu’il s’est lui-même prescrites. J’appuie donc les dispositions provisoires qui vous ont été proposées par M. l’abbé Maury et je demande, de plus, que dès ce soir même on fasse partir des commissaires civils chargés de faciliter la réussite des mesures provisoires que vous avez décrétées. Quant à la question essentielle de la réunion, je demande qu’elle soit discutée avec une solennité qui ne laisse aucun doute sur la justice du décret que vous rendrez. M. Pétïon de Villeneuve. Sous prétexte d’ajournement on n’a cessé jusqu'à présent de discuter le fond même de l’affaire; mais il ne s’agit pas de se livrer sur-le-champ à celte discussion extrêmement sérieuse. On a dit que vous aviez le droit d’envoyer des troupes pour éteindre l’incendie, afin qu’il ne s’étendit pas jusqu’à vous. Ge serait une véritable 471 violation du droit des gens. (On applaudit.) La conséquence de ce principe serait sans contredit, que l’empereur pourrait envoyer des troupes en France. J’observe d’ailleurs qu’un décret de jeudi a formellement prescrit cette mesure provisoire; vous ne pouvez aller contre ce décret. Je réponds maintenant à la demande de l’ajournement. On sollicite un délai quand on voit Avignon en feu; on sollicite un délai quand on sait qu’il peut causer la ruine de Carpentras. L’affaire sur laquelle vous avez à prononcer est connue, elle a été discutée longtemps; elle a été envisagée sous les deux i oints de vue de droit positif et de droit naturel. Rien n’empêche que vou3 vous livriez à une discussion dont vous ne devez pas cesser de vous occuper qu’elle ne soit terminée. Plusieurs membres : La question préalable à l’ajournement. M. Madier de Monijan. Le3 commissaires peuvent être envoyés saris inconvénient. M. (l’André. Je pose en principe que la France n’a pas le droit d’envoyer des troupes ou des commissaires pour mettre fin aux troubles qui régnent dans le Gomtat sans déclarer que celui-ci fait partie de l’Empire français, et je conclus simplement à ce que l’Assemblée passe à l’ordre du jour sur la motion d’ajournement et à ce que la discussion commence sur le fond de la question. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. de Wirien. J’ai un fait à rappeler. M. Prieur. J’ai demandé la parole, Monsieur le Président, ou donnez-la moi, ou qu’on ferme la discussion. M. de Virien. Je vais répondre à l’objection faite par M. Pétion. M. Prieur. Une réponse à une objection n’est point un fait. M. de Virleu. On vous a présenté, comme formant la majorité du Gomtat, les délibérations do 51 communes. Il y a 8 jours que le rapporteur vous a dit n’en avoir encore que 28. Celles qu’il a reçues depuis n’ont pu être connues que de lui. Je déclare qu’hier, à 9 heures, le comité n’en avait encore examiné aucune. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. de Cazalès. Monsieur le Président, j’ai amendé la motion de M. l’abbé Maury en demandant l’envoi de commissaires civils. M. d’Anbergeon de Marinais. Je demande la division. M. de Cazalès. Je réclame la parole. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. de Cazalès. L’ajournement d’une question est toujours à l’ordre du jour. M. le Président. L’ordre du jour et la question préalable ont été demandés sur le projet de décret de M. l’abbé Maury; la motion de l’ordre du jour ayant de droit la priorité, c’est cette motion que je vais mettre aux voix. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 472 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 avril 1791.] (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur le projet de décret de M. l’abbé Maury.) M. d’Aubergeon de Marinais. Je demande qu’avant de passer à l’ordre du jour, M. de La Tour-Maubourg qui seul peut avoir une connaissance exacte des faits soit entendu à la tribune. M. l’abbé Maury. Je demande pardon de la liberté avec laquelle je vais parler. Vous ne me soupçonnerez ni de vouloir vous offenser, ni de vouloir vous menacer, car je ne suis pas fou. Nous n’avons connaissance ni du rapport, ni des pièces qui y sont jointes; nous déclarons, en conséquence, que nous ne prendrons aucune part à la délibération. ( Rires à gauche ; applaudissements à droite.) M. de Menon, rapporteur. Personne ne s’oppose à la communication des pièces justificatives; je vais les remettre toutes au comité diplomatique où chacun aura la liberté d’en prendre connaissance. M. l’abbé Maury. Et votre rapport? Nous en voulons aussi communication. M. de Menou, rapporteur. Vous le trouverez également au comité. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. REWBELL. Séance du samedi 30 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. d’Estourmel donne lecture d’une adresse des maîtres perruquiers de la ville de Cambrai , département du Nord, qui demandent la conservation de leurs charges. (L’Assemblée en ordonne le renvoi au comité de la liquidation.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions et adresses suivantes : Pétition des employés aux barrières incendiées ; ils sollicitent l’Assemblée de réaliser la promesse qui leur avait été faite par la Ferme générale et le ministre d’une indemnité. (Cette pétition est renvoyée au comité des pensions.) Adressedu sieur Dubiez, fermier à Arcquanières, dans le Hainaut autrichien; il supplie l'Assemblée d’ordonner qu’une somme de 4, 608 livres saisie sur le sieur Camine, conducteur de moutons, par les employés du bureau de Bercu, lui sera restituée. (Cette adresse est renvoyée, avec les pièces y annexées, au pouvoir exécutif.) Adresse des administrateurs du directoire dudé - partement du Cantal; ils demandent la translation des religieuses de Notre-Dame et delà Visitation de Saint-Flour. dans Jè monastère de la ci-devant abbaye de Feniers près Condat. (Cette adresse est renvoyée aux comités ecclésiastiques et des recherches, chargés de présenter leur avis incessamment à cet égard.) Lettre et pétition des huissiers des d'devant cours et juridictions de Paris , lesquels ont l’honneur de soumettre à l’Assemblée un projet de règlement relatif à l’exercice de leurs fonctions dans les nouveaux tribunaux. (Celte pétition est renvoyée aux comités de Constitution et de judicature.) Procès-verbal de la municipalité de la ville du Mur-de -Barrés, au département de l'Aveyron , contenant, avec le détail des honneurs rendus à la mémoire de M. de Mirabeau, une adhésion à tous les décrets et l’annonce de la prestation de serment de la presque totalité des fonctionnaires publics ecclésiastiques du district. M. Boussiôn. Messieurs, je suis chargé paF lettre du district de Lauzun, département de Lot-et-Garonne, de prendre l’avis de l’Assemblée nationale pour dénoncer un membre de l’Assemblée qui est absent ou qui a abandonné son poste depuis le mois d’octobre 1789; il s’agit de M. Malateste de Beaufort, curé de Montastruc, district de Lauzun. Le fait est que la municipalité l’a dénoncé au tribunal, le tribunal à l’accusateur public sous l’inculpation de prédications séditieuses. L’accusateur public a obtenu la permission d’informer; il y a déjà 2 témoins ouïs ; la procédure s’instruit. Mais, comme M. de Beaufort est censé être membre de l’Assemblée nationale, l’accusateur public se propose d’envoyer... (Murmures.) Plusieurs membres : Puisque M. de Beaufort n’est pas réclamé par l’Assemblée, l’accusateur public peut le poursuivre. ( Murmures et marques cC approbation.) Un de MM. les secrétaires: Voici une adresse de M. Loisel qui demande que Loisel, jurisconsulte, son aïeul, soit mis au rang des grands hommes. (Rires.) Plusieurs membres : Qu’a-t-il fait ? M. Gonpil-Préfeln. Ce Loisel est un ancien jurisconsulte qui a traduit les lois romaines et qui, le premier, a proclamé cette maxime : « Si veut le roi, si veut la loi. ». M. Prieur. Est-on bien sûr que ce soit le même? M. Goupil -Préfeln. Oui, Monsieur; c’est Antoine Loisel, de Beauvais, auteur des Instituts du droit civil, ouvrage dans lequel il a consacré la maxime que j’ai déjà éooncée. M. Prieur. En ce cas, il faut renvoyer la pétition à l’ancien régime. ( Rires et vifs applaudissements.) M. Guirault, citoyen de Bordeaux , est admis à la barre et dit : « Messieurs, l’importance de vos travaux et votre zèle pour la chose publique m’ont persuadé que je servais votre zèle si, abrégeant l’une de vos opérations, la plus longue et la plus délicate, je parvenais à ménager vos précieux moments. Sous ce rapport, je vous présente (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.