[4 mars 1790.] 24 [Assemblée'fnationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ordonnances; les juges, qui en connaîtront, être invités à redoubler de zèle et d’activité. Au surplus, être enjoint aux municipalités du ressort de faire usage de tous les moyens qui sor, en leur pouvoir pour arrêter le cours des désos dres, et se saisir de la personne de leurs auteure et à tous les dépositaires de la force publique, d leur prêter aide et main-forte, sur les réquisitions qui leur en seront faites; être ordonné, en outre, que le présent arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, et envoyé dans tous les bailliages, sénéchaussées et municipalités, pour y être pareillement lu, publié et affiché, à la diligence des substituts du procureur général du roi, qui seront tenus d’en certifier la Cour dans le mois. dudon. La Gour faisant droit au réquisitoire du procureur général du roi, ordonne qu’à la diligence de ses substituts dans les sièges royaux et des procureurs d’offices dans les juridictions seigneuriales, chacun en droit soi, il sera informé des faits mentionnés dans le présent réquisitoire, pour le procès être fait et parfait, aux auteurs, fauteurs et participes desdits délits, suivant la rigueur des ordonnances. Ladite Gour invite les juges, qui en connaîtront, à redoubler de zèle et d’activité; au surplus, enjoint aux municipalités du ressort de faire usage de tous moyens qui sont en leur pouvoir, pour arrêter le cours des désordres, et se saisir de la personne de leurs auteurs ; et à tous les dépositaires de la force publique de leur prêter aide et main-forte sur les réquisitions qui leur en seront faites : ordonne en outre que le présent arrêté sera imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera, et envoyé dans tous les bailliages, sénéchaussées, municipalités pour y être pareillement lu, publié et affiché, à la diligence des substituts du procureur général, qui seront tenus d’en certifier la Gour dans le mois. Fait à Bordeaux, en Parlement et Chambre des vacations, le 20 lévrier 1790. Monsieur Daugeard, président. Collationné. Signé : Delpech. M. le baron de Menou. La dénonciation faite à l’armée patriotique par M. Boyer-Fonfrède le jeune, aide-major général, est une pièce importante : nous en demandons la lecture. M. de Montmorency. Je donne lecture de ce document ; Dénonciation de la chambre des vacations du PARLEMENT de bordeaux, faite à V armée Bordelaise, PAR M. BOYER-FONFRÈDE, aide-major général. Messieurs, vous connaissez sans doute le motif qui m’amène au milieu de vous, et vous êtes animés d’avance des mêmes sentiments d’indi» gnation qui me font parler. La chambre des vacations du parlement de Bordeaux vient de rendre un arrêt qui doit trouver autant de dénonciateurs qu’il est de citoyens, et dans le ministère que je viens remplir, je n’ai d’autre mérite que celui d’avoir prévenu tous les volontaires de l’armée. Cet arrêt, Messieurs, qui va être remis sur votre bureau, n’a pas précisément le caractère de sédition de ces écrits incendiaires que repoussent même les partisans du despotisme; la chambre des vacations a préféré la perfidie à la violence, et a voulu frapper avec moins de force, pour frapper avec plus de sûreté. Le parlement de Rennes, du moins, avait apporté, jusque dans ses crimes, une sorte de fermeté courageuse qui redoublait la haine des patriotes sans exciter leur mépris; mais la chambre des vacations du parlement de Bordeaux, colorant, par une lâche adresse, ses principes féodaux et ses desseins criminels du voile du bien public et de l’amour de la paix, a voulu tromper le peuple qu’elle n’avait pas la force de combattre, et a montré le sentiment de sa faiblesse en même temps que celui de son crime. Je ne relèverai point à vos yeux, Messieurs, toutes les vieilles et coupables maximes, les rapports exagérés, la douleur feinte et perfide et les doutes injurieux qui empoisonnent cet écrit ; il suffit de ces premières phrases pour en juger; et cest un grand adoucissement pour un coeur citoyen de n avoir pas à rappeler et à combattre tant de principes pervers et blasphèmes publics, qui coûtent même à prononcer. Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, — dit le réquisitoire du procureur général , —cette réunion des députés de chaque bailliage, que vous aviez sollicitée vous-mêmes, pour être les représentants de la nation ; tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés n’ont produit jusqu’à présent que des maux qu’il serait difficile d’énumérer. Lst-il vrai, Messieurs, j’en appelle à vos cœurs, dignes de sentir et de goûter la liberté et les heureux changements qui ont déjà signalé les premiers travaux de nos représentants ; est-il vrai que leur réunion n’ait produit jusqu’ici que des maux ? Quoi 1 la destruction des privilèges, des bastilles, des ordres arbitraires, de tous les despotes, grands et petits, des corps intermédiaires qui trompaient ie monarque et le peuple, de la vénalité des offices et des officiers ; la réforme des lois criminelles, l’établissement des municipalités, le sanctionnement de la dette publique ; tant de bienfaits ne seront considérés que comme des maux 1 Ge sont des maux sans doute pour les mauvais citoyens, pour ceux que les abus faisaient vivre, et qui perdent tout en perdant le droit d’opprimer ; ce sont des maux pour ceux qui ne demandaient les Etats Généraux que dansl’espoii de se les voir refuser ; qui voulaient ériger leurs usurpations en droits, et qui n’ont combattu le despotisme ministériel que parce qu’il contrariait le despotisme parlementaire. Qu’ils gémissent donc entre eux de leurs pertes ; qu’ils pleurent sur l’heureuse révolution qui nous rend tous libres, égaux et heureux ; leur douleur aristocratique sera un nouvel hommage rendu à la bonté de nos lois et à la sagesse de nos représentants; mais qu’ils se gardent de répandre leurs plaintes séditieuses! Tous les regrets sont criminels quand la nation n’a que des espérances ; qu’il ne leur soit permis de publier que leurs remords parmi le peuple; ie peuple n’a ni remords , ni regrets ; et s’il lui en restait quelqu’un, ce serait d’avoir été détrompé si lentement et délivré si tard de ceux qui ont l’audace de se nommer aujourd’hui ses pères. Que penser , Messieurs , de cette affectation , de ne désigner l’Assemblée nationale que par le ' titre de députés de bailliages? La chambre des vacations a craint qu’en prononçant ce nom cher et révéré de tous les Français, elle ne réveillât toutes les idées de bonheur, d’espérance et? de liberté qui accompagnent l’image auguste de l’As- [4 mars 1790), 25 [Assemblée nationale. I ARCHIVES PARLEMENTAIRES. semblée de nos représentants; elle a craint que ce mot seul ne les réfutât et ne les confondît. Il semble, en effet, que tous les corps anticonstitutionnels et aristocratiques se sont accordés à refuser son véritable nom à l’Assemblée de la nation ; c’est ainsi, je pense, qu’un athée doit frémir en prononçant le nom sacré de ta Divinité. Les fastueuses descriptions par lesquelles la chambre des vacations a voulu alarmer et soulever le peuple, ne sont que des phrases de rhéteur; ces exagérations convenaient à des remontrances, mais le temps des remontrances est passé. Sans doute de grands maux ont affligé la Haute-Guienne et le Limousin : nous en avons gémi dans le fond de nos cœurs et nous avons cherché à les adoucir et à en prévenir la durée autant que par des arrêts; mais ces malheurs sont à leur terme, et tout est pacifié dans ces provinces ravagées. Où donc est le but de l’arrêt du parlement? Au nom de qui viennent-ils nous commander quand nous avons des représentants et des municipalités légales? Où est la force publique dont ils veulent disposer? Fallait-il d’ailleurs déplorer en style emphatique les malheurs de la nation et calomnier ses représentants, pour consoler et pacifier le peuple? Voyez, Messieurs, la lettre du comité de Brives qui a mis ces droits de l'homme si métaphysiques et cette constitution si compliquée, à la portée du simple paysan ; voilà des citoyensqu’a-nime le bien public l" voilà les vrais missionnaires de la paix et de la liberté!... Pour les chambres de vacations, qu’elles nous jugent, puisqu’il le faut, encore quelques instants; qu’elles vivent et meurent en paix, et ne rappellent plus leur existence, si elles ne veulent hâter l’instant de leur destruction : voilà l'autorité qu’on peut laisser encore à leur justice souveraine. Je me sens entraîné, malgré moi, Messieurs, par l’indignation que m’inspire l’arrêt de la chambre de vacations ; mais le temps m’arrête et me force à me résumer. Les troupes patriotiques se sont formées pour le maintien de l’ordre et de la liberté ; mais pour protéger celle des citoyens, il faut être citoyen soi-même ; ainsi, c’est un grand honneur, en même temps qu’un rigide devoir : Or, comment conserver ce droit glorieux, de défendre les droits de ses concitoyens, à des juges usurpateurs, qui ne reconnaissent point l’Assemblée nationale, par qui nous existons libres et pour laquelle nous nous sommes armés, et qui maudissent publiquement la révolution qui a fait de nous des soldats patriotiques ! Je conclus, Messieurs, àce que le conseil général de Farinée déclare déchus de tous les grades, ainsi que de celui de volontaires, les membres de la chambre des vacations du parlement de Bordeaux. Je conclus, en outre, à ce que l’arrêt rendu par cette chambre, le 20 février, soit dénoncé à la municipalité actuelle, composée des jurats et des électeurs, avec l’instante prière de la dénoncer à son tour à l’Assemblée nationale. Boyer-Fonfrède jeune, aide-major général. ADRESSE DES CITOYENS DE L’ARMÉE PATRIOTIQUE BORDELAISE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE. Du 27 février 1790. Nosseigneurs, nous avons juré de maintenir la constitution. Ce serment auguste nous impose l’obligation étroite de poursuivre avec vigueur et de vous dénoncer hautement tous ceux qui chercheraient à y porter atteinte; manquer à l’un ou à l’autre de ces devoirs, rester dans l’inaction ou garder le silence lorsque la constitution et les hommes respectables à qui nous la devons, sont attaqués, ce serait se montrer traître envers la patrie; ce serait se rendre coupable d’impiété: mais nous serons fidèles à notre serment, et au péril même de notre vie, nous remplirons les devoirs qu'il nous impose. Dans votre adresse aux Français, vous paraissiez douter, Nosseigneurs, qu’il y eut un seul homme qui, tournant ses regards en arrière, voulut relever les débris dont nous sommes environnés, pour en composer l’ancien édifice. Eh bien, de pareils hommes existent au milieu de nous, et ce sont les magistrats tenant la chambre des vacations du parlement de Bordeaux. Nous savionsbien qu’ils regretteraient la perte de leur grandeur passée, de leurs illusions, de leurs espérances.... Que ne se bornaient-ils pas àde stériles regrets; mais ils veulent égarer le peuple et se jouer de sa crédulité. Des brigands ont commis de grands désordres dans le Limousin, le Périgord et l’Agenais; et dans bien des lieux ils ont réussi, dit-on, à séduire quelques habitants des campagnes, ils en ont forcé d’autres à les suivre et à partager leurs excès. Personne n’a gémi plus sincèrement de ces désordres que les Vrais amis de la constitution, et personnelle s’est montré plus ardent à les réprimer. Cependant la constitution est restée inébranlable au milieu de ces mouvements criminels. Les ennemis du bien public ont beau les attribuer aux maximes nouvelles, ils ont beau se flatter que la nation regrettera ses fers, leurs espérances sont déçues, et ils sont réduits à employer d’autres moyens. Un arrêt du parlement de Bordeaux, du 20 février, publié et distribué le 24, en tête duquel se trouve un réquisitoire signé Dudon, a jeté l’alarme dans notre cité au moment où tous les bons citoyens s’occupaient paisiblement en exécution de nos décrets de la formation d’une nouvelle municipalité. Plusieurs des membres du parlement, et même l’auteur du réquisitoire que nous vous déférons, avaient prêté, comme nous, le serment constitutionnel.En le voyant dans nos assemblées, nous nous plaisions à croire que, touchés de l’exemple et des conseils que le roi venait de donner à son peuple, ils se réuniraient désormais à nous pour louer et bénir votre ouvrage, et pour jouir, comme nous, du bonheur que de nouvelles lois, des lois qui méritent ce nom sacré, puisqu’elles sont l’expression de la volonté générale, préparent à toutes les classes de la société. Quel a été notre étonnement? Quelle a été notre indignation, de voir qu’au lieu de suivre ces leçons touchantes du roi citoyen, des magistrats n’aient pas craint de lever l’étendard de la révolte, et de publier des principes évidemment f destinés à jeter le trouble parmi nous! Us ont pris le prétexte des attroupements qui ont été commis dans certaines provinces de leur ressort , pour nous calomnier, Nosseigneurs, et affectant de confondre la liberté dont vous avez posé les fondements, avec la licence la plus effrénée, ils osent vous imputer à vous-mêmes, des excès dont vous gémissez, et auxquels vous avez tâché, de concert avec le roi, d’apporter le plus prompt remède. Voilà, disent-ils, en parlant des attroupements séditieux , du pillage , du meurtre et des incendies qu’ils prétendent vouloir réprimer; voilà les pre -