[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1790.] 31 1 leurs pertes ; elle sera pour les administrateurs un appui dont il leur est impossible de se passer plus longtemps; et ils y trouveront encore ia juste récompense de leurs désintéressements, de leur dévouement et de b urs peines. « Nous sommes avec un profond respect, Monsieur le président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Paris, 12 mars 1790. « Les administrateurs de la caisse d'escompte. » Vous voyez, Messieurs, que les administrateurs de la caisse d’escompte, en hésitant à donner les quatre-vingts millions avant le premier avril, n ? faisaient que remplir un devoir vis-à-vis des actionnaires qu’ils représentent, vis-à-vis des porteurs de billets dont ils doivent regarder les droits comme sacrés, vis-à-vis de vous-mêmes, en craignant de s’écarter de la lettre de vos décrets qui n’annonçaient l’avance qu’en six mois. Vous apercevez maintenant, que dès que les quinze millions, dont les échéances tombent en avril, mai et juin, ne font pas partie des cent soixante et dix millions dont vos décrets ont imposé à la caisse d’escompte Je devoir de faire l’avance d’ici au premier juillet, il serait possible que sa créance sur l’Etat se portât d'ici à cette époque à cent quatre vingt-cinq millions, et pour s’exposer à cette possibilité, il a fallu toute sa soumission à vos désirs, et à la nécessité des circonstances. Vous pouvez vous rappeler que lorsque la note du premier ministre des finances fut lue dans cette Assemblée, le 6 de ce mois, le reproche qu’elle contenait donna à la caisse d’escompte l’apparence d’un refus plus que sévère, tandis qu’elle remplissait sévèrement un devoir, en craignant de s'écarter de la teneur de votre décret du Î9 décembre 1789. Depuis l’époque de la lettre que je viens d’avoir l’honneur ne vous lire, les circonstances ont encore changé d’une manière frappanie, relativement à la position de la caisse d’escompte vis-à-vis des finances de l’Etat; et ce changement mérite dès aujourd’hui toute votre attention. Votre décret du 17 de ce mois, en autorisant la vente des biens du domaine et du clergé jusqu'à concurrence de deux cents millions, fait prévoir quelque différence dans la forme du paiement que vous aviez destiné à la caisse d’escompte. Vous lui aviez donné des assignats; déjà il lui en avait été délivré; déjà elle en négociait; déjà sa correspondance à cet égard s’établissait : un nouvel ordre de choses paraît se préparer ; ses arrangements vont être intervertis ; les porteurs d’assignats vont s’occuper du sort de ces effets ; l’époque de leur remboursement, annoncée pour des quotités considérables de mois en mois en 1791, ne se concilie plus avec la forme des ventes qu’il faut régler pour l’exécution de votre décret du 17 de ce mois. De là naît la nécessité la plus urgente de pourvoir non seulement à la tranquillité des porteurs d’a-signats, dont le nombre n’est point sans doute très grand jusqu’à présent, non pas seulement encore à l’intérêt des actionnaires, qui ne doit pas être en péril d’après l’authenticité de leurs créances; mais surtout, Messieurs, aux droits des porteurs de billets, les plus sacrés de tous; ce sont eux qui ont des titres recommandables à vos soins, à votre vigilance, à votre protection : c’est pour eux, particulièrement, que le comité des finances vous propose de surveiller les opérations des administrateurs, qui de leur côté vous le demandent depuis si longtemps, avec la confiance de l’intégrité. Cette surveillance devient de plus en plus indispensable, depuis que le gage des assignats va passer dans les mains des municipalités. De nouveaux arrangements nous sont dictés par les circonstances, et dans peu de jours votre comité) des finances s’expliquera à cet égard. Mais il regarde comme un préalable important, comme un acte de sage administration relativement au crédit es â la tranquillité publique, que quelques-uns des douze commissaires, nommés pour aviser au choix et à l'estimation des biens qui doivent être aliénés aux municipalités, soient autorisés, dès à présent, par vous à prendre connaissance du nombre d’assignats délivrés à la caisse d’es-ompte ou négociés par elle : à aviser aux moyens de concilier l’aliénation dont ils sont chargés, avec la sûreté du gage des porteurs de billets; enfin à préparer les opérations devenues à cet égard indispensables, et dans le plus court délai. Toutes ces précautions doivent précéder l’aliénation et même l’estimation des biens. Il est notoire qu’une quantité équivalente à deux cents millions, sera tôt ou tard désignée; la forme du paiement ne peut donc être trop tôt déterminée. Votre comité des finances persuadé que cette extension de pouvoirs attribués à vos commissaires influera beaucoup sur le crédit et la tranquillité publique, et qu’elle ne vous paraîtra devoir éprouver dans les circonstances présentes aucune difficulté, m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant: PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, a décrété et décrète que les douze Commissaires nommés par son décret du 17 de ce mois, pour aviser au choix et à l’estimation des biens domaniaux et ecclésiastiques, qui seront vendus et aliénés à la municipalité de Paris, et autres municipalités du royaume, sont autorisés à choisir quatre d’entre eux pour prendre connaissance successivement de la situation et des opérations habituelles de la caisse d’escompte, et pour mettre la commission en état dé concilier l'intérêt des créanciers de la caisse d’escompte, porteurs de ses billets, avec les mesures qui pourraient être prises avec les-dites municipalités, relativement aux biens domaniaux et ecclésiastiques, qui leur seront aliénés. M. Fréteau. Vous avez déjà refusé plusieurs fois de charger des commissaires de l’examen des opérations de la caisse d’escompte. La lettre des administrateurs est du 12 mars ; les choses ont bien changé depuis cette époque : on présente dans cette lettre, comme un mérite, l’obéissance de la caisse d’escompte au décret du 19 décembre, par lequel elle a été chargée de fournir lit) millions. On établit ce mérite sur une prétendue faculté d’apporter en compensation des valeurs de l’emprunt de 25 millions; mais la caisse elle-même a dit que ce prêt a été fait, non par délibération générale, mais individuellement par les actionnaires et de leurs deniers particuliers... H n’y a compensation que lorsqu’il y a identité de créanciers. Ainsi ce prétendu mérite est nul ; ainsi ce motif ne sert à rien. Je pourrais faire beaucoup d’autres observations; mais cet objet n’est pas dans l’ordre du jour; mais avant que de s’en occuper, il est nécessaire d’examiner