[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 avril 1790.] 293 un état du produit desdits droits de mutations endant l’espace de vingt années, le total du pro-uit sera abloté; il en sera pris uu vingtième qui formera l'intérêt du principal remboursable ; il sera libre à la commune de se libérer comptant sur le pied du denier vingt, ou d’en passer au profit du ci-devant seigneur un contrat à constitution de rente au même taux, remboursable dans dix années à raison du dixième du prix -, « 3° Les directoires des départements veilleront à ce que toutes les municipalités qui se seront engagées à rembourser le principal provenant du prix desdits droits, soient entièrement libérées par une imposition égale et proportionnelle sur tous les habitants, dans l’espace de dix ans en remboursant chaque année le dixième du prix. » Messieurs, ajoute l’orateur, si l’Assemblée pouvait se déterminer à étendre l’application que je propose sur tous les objets casuels ou éventuels elle délivrerait, dans six mois, des gênes de la féodalité, les fiefs ou terres seigneuriales de trois grandes provinces. Plusieurs membres demandent que ces trois articles soient examinés par le comité féodal. Le renvoi au comité féodal est prononcé, mais la discussion continue. M. Muguet de Hfanthou. Afin d’écarter la fraude et d'éviter que nous ne soyons pas exposés à prendre demain une délibération contraire à celle qui serait prise aujourd’hui, je propose de délibérer d’abord sur l’article 40du projet de décret primitif qui est ainsi conçu : « Si le propriétaire qui aura racheté les droits seigneuriaux, casuels et autres, dont son fonds était chargé, vend ce même fonds, ou l’aliène dans les deux années postérieures au rachat, par un acte volontaire quelconque sujet au droit de mutation, le droit sera dû nonobstant le rachat. > M. Tronchet, rapporteur . Le comité féodal consent à la tranposition de l’article 40. M. le Président consulte l’Assemblée, qui décide que la discussion de l’article 40 (devenu art. 41), aura lieu immédiatement. M. Tronchet, rapporteur. L’article est fondé sur deux motifs : le premier est d’éviter une fraude, le second de prévenir une injustice qui pourrait se commettre de bonne foi. La fraude est aisée à prévoir, le taux du rachat étant moindre que le droit. Nous avons établi un prix de rachat inférieur au droit, parce qu’il s’agit réellement d’un contrat aléatoire dont la hase est l’incalculabilité du droit et l’incertitude de son échéance. Il serait possible qu’après avoir déjà vendu un fonds sous seing privé, le redevable vînt se racheter; alors la casualité, qui fait l’objet du contrat, serait réellement détruite, la fraude serait manifeste. Si vous ne prenez pas le parti qui vous est proposé dans l’article, vous ne verrez le censitaire se racheter que quand il voudra vendre. Vous ferez une inju-tice, et vous irez contre vos vues constitutionnelles. (On demande la question préalable. — Elle est combattue par M. Goupil et appuyée par MM. Lan-juinais et de Suint-Martin.) M. de Saint-Martin présente un plan qui consiste à faire une masse du produit des droits casuels d’une seigneurie pendant un certain nombre d’années pour en former une année commune, qui, calculée au denier 20, donnerait le capital du remboursement; le remboursement sera fait soit par les communautés en général, soit par les particuliers, au marc la livre de la taille. M. Tronchet, rapporteur. Le mode qu’on vous présente est inadmissible. Vous avez décrété que le rachat n’est qu’une faculté individuelle dont vous avez rejeté toute opération commune et forcée ; ce mode est d’ailleurs d’une exécution impossible. Il faudrait pour celase procurer les baux, les en-cillerets et autres renseignements; mais ce secours ne se rencontrerait guère que dans les fiefs un peu importants. D’ailleurs, les trois quartsdes propriétaires de fiefs régissent par eux-mêmes, et n’ont pas de registres qui puissent faire foi. (La question préalable est encore demandée. — L’Assemblée délibère et la rejette.) M. Brlllat-Savarin. L’article nuit au rachat et à la liberté de vendre ; il est totalement contraire aux premières notions de la justice. Le droit racheté n’existe plus; or, un droit qui n’existe plus ne peut pas produire d’effet. M. Buzot. Cet article est directement contraire aux principes du comité et aux vôtres ; il contient une injustice manifeste ; il est contraire à vos principes. En effet, vous avez déclaré le régime féodal aboli; en prononçant le rachat des droits casuels, vous avez changé la nature de ces droits; il s’ensuit que le censitaire doit racheter ou payer. A quelque époque qu’il paie, il remplit ce que la loi exige de lui; on ne peut exiger rien de plus. Il est immoral de voir partout de la fraude et de l’injustice : si la fraude existe, on trouve dans le droit commun les moyens nécessaires pour la réprimer. Vous vous occupez beaucoup de l’avantage du créancier, et très peu de celui du censitaire. Cependant il arrivera souvent aux pères de famille, aux personnes peu riches, d’être obligés subitement de vendre des fonds pour en faire un emploi pressant ; que feront-ils alors ? Seront-ils considérés comme coupables de fraude et punis par le payement du droit de mutation ? Le comité a d’ailleurs obvié à tous les inconvénients qu’on pourrait craindre, si l’amendement n’était pas adopté, en exigeant que les droits casuels soient rachetés avec les droits ordinaires. Cet article nuirait à la vente des biens ecclésiastiques. Beaucoup de propriétaires vendront des biens éloignés d’eux pour acheter des fonds domaniaux à leur convenance : s’il faut attendre. deux ans pour vendre, ils ne pourront pas acheter, ou bien vous les forcerez à payer les droits que vous leur avez donné la faculté de racheter. Cette loi est donc contraire à vos grandes opérations politiques ; elle pèse sur le censitaire ; elle n’est favorable qu’aux créanciers : elle confirme le régime féodal. — Je demande que l’article 41 soit entièrement rejeté. M. Populns. Un droit de servitude racheté, payé et qui se renouvellerait pendant deux ans après le rachat serait inconvenant. On a tort de calomnier le peuple et de supposer qu'il se livre à la fraude; le censitaire est aussi honnête que le propriétaire du fief. Je mets en fait qu’il y a à peine deux ventes sur cent où le prix soit simulé, même dans les pays où le retrait n’a pas lieu : il ne faut pas punir quatre-vingt-dix-huit personnes qui contractent de bonne foi, parce que sur cent on peut trouver deux coupables.