[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1791.J 601 que le piège qu’on vous tend est grossier ! Voyez ce concert d’opinions, de volontés, qui règne dans toutes les parties de l’Empire ! Pouvez-vous croire encore que la Constitution ne soit pas le résultat de la volonté générale ? Pouvez-vous penser qu’elle ne doive pas faire le bonheur du peuple français? Abturez donc vos erreurs, vos préjugés ; réun ssez-vous aux amis, aux défenseurs de la patrie et de la liberté, et vous acquerrez des droits imprescriptibles à l’estime et à la reconnaissance de tous vos concitoyens. Votre comité, Messieurs, a pensé que dans les régiments d’infanterie française et étrangère, et dans l’artillerie, le premier drapeau attaché au premier bataillon, qui, jusqu’à présent a été blanc, devait porter désormais les couleurs nationales ; que tous les autres drapeaux devaient porter les couleurs affectées aux uniformes des régiments, a nsi que leur numéro, afin que chacun d’eux pût aisément se distinguer; qu’il était utile de placer dans tous les drapeaux une inscription qui rappelât sans cesse aux soldats leurs devoirs et leurs obligations. Il a également pensé que les étendards ou guidons attachés au premier escadron de carabiniers, de cavalerie, de chasseurs à cheval, de hussards et de dragons, devaient porter les couleurs nationales ; que les autres devaient porter les couleurs des uniformes, et avoir, ainû que l’infanterie, leur inscription et leur numéro. Votre comité militaire a cru également qu’il était convenable de laisser subsister dans les drapeaux, étendards et guidons, les marques distinctives qui attestaient les actions glorieuses et la valeur de plusieurs régiments ; valeur qui, sans doute, a été commune à tous, mais dont tous n’ont pas été à portée de donner les mêmes preuves. Tels sont les moiifs du décret que j’ai l’honneur de vous proposer. (L’Assemblée] nationale, ouï le rapport de son comité militaire, décrète les articles suivants :) Art. 1er. « Le premier drapeau de chaque régiment d’infaQterie française, allemande, irlandaise et liégeoise, de chaq*ue régiment d’artillerie, ainsi qne le drapeau de chaque bataillon d’infanterie légère; le premier étendard de chaque régiment de cavalerie française, de hussards, chasseurs à cheval, et de carabiniers ; le premier guidon de chaque régiment de dragons, porteront désormais les trois couleurs nationales, suivant les dispositions et formes qui seront présentées à l’Assemblée par son comité militaire. Art. 2. « Les autres drapeaux des régiments d’infanterie française, allemande, irlandaise et liégeoise, et des régiments d’artillerie; les autres étendards des régiments de cavalerie française, de hussards, de chasseurs à cheval et de* carabiniers ; les autres guidons de chaque régiment de dragons, porieront désormais les couleurs affectées à i’uni-iorme de chaque régiment, suivant les dispositions et formes qui seront présentées à l’Assemblée par son comité militaire. Art. 3. « Tous les drapeaux, étendards et guidons porteront d’un côté l’inscription suivante : Discipline et obéissance à la loi; de l’autre côté, le numéro du régiment. Art. 4. « Les cravates de tous les drapeaux, étendards et guidons seront aux couleurs nationales. Art. 5. « Ceux des régiments qui portaient, dans leurs drapeaux, étendards et guidons des preuves honorables de quelques actions éclatantes à la guerre conserveront ces marques de leur bonne conduite et de leur valeur ; mais toutes armoiries ou antres distinctions qui pourraient avoir quelque rapport à la féodalité seront entièrement supprimées sur les drapeaux, étendards et guidons. » (L’Asse nblée adopte ce projet de décret et ordonne l’impression du rapport de M. de Menou, pour être envoyé à tous les régiments.) M. Alexandre de Lameth. Messieurs, dans le moment où le minière doit faire une promotion des officiers que vous avez décrétés, il esl embarrassé sur un point, et je dois vous demander qu’elle esl votre intention. Plusieurs Français ont servi chez les puissances étrangères, il y en a plusieurs qui sont en France depuis le commencement de la Révolution, et qui ont demandé du service. M. deWimpfeu est un de ces officiers. M. Jarry, qui a servi le roi de Prusse, et dont Frédéric faisait le plus grand cas, qui a montré des sentiments très patriotiques, se trouve aussi dans le cas de ne pouvoir pas être employé, à moins que l’Assemblée nationale ne dise que c’est son intention. Je la prierai donc de vouloir bien décider si le ministre pourrait employer plusieurs officiers qui, étant Français, sont revenus au moment de la Révolution française et ont demandé du service. (Oui! oui !) Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre est autorisé à employer dans l’armée les Français qui ont servi chez les puissances étrangères, et qui sont rentrés en France depuis l’époque de la Révolution. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Alexandre de Lameth, rapporteur. Ou avait décidé que, pour être aide de camp, il faudrait avoir 10 années de service d’officier. Plusieurs généraux ont voulu choisir des personnes qui sont dans la garde nationale qui n’ont pas le temps d’officier. Je demande si l’Assemblée, pour cette fois, trouve bon que l’on puisse choisir... (Non! non!) Les places d’aide de camp sont des places de confiance; il est très possible de pouvoir employer daus ce moment... (Non! non!) Je vous assure* qu’il y aura beaucoup de difficultés, si l’on veut tenir exactement la loi qui exige 10 années de services pour aide de camp. Voici le décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète que les officiers généraux employés pourront choisir leurs aides de camp, pour cette fois seulement, parmi les officiers qui ne seront pas brevetés depuis dix ans. » M. Millet de Mureau. Je demande la question préalable sur cet article ; lorsque vous avez établi des aides de camp, il y a eu quelques oppositions à cet établissement. Et lorsqu’on vous a parlé de l’instruction de ces officiers, ou vous a a dit qu’on y pourvoirait daus le mode d’application. Lorsqu’on vous a présenté ce mode le 602 [Assemblée nationale.] degré d’instruction, n’avant pas pu être établi par des écoles, le comité militaire y a pourvu en faisant tomber notre choix sur des officiers qui lussent capitaines. Depuis, on vous a proposé différents amendements à ce décret; il fallait donner toute latitude aux choix. Mais aujourd’hui cetie latitude est donnée, et certainement les officiers généraux, pour un aide de camp qu’ils ont à nommer, ont vingt demandes et vingt suiets à choisir. L’ar.'ii le qu’on vous propose aujourd’hui est un dérr< tdecirconstance, et un décretquidoit favoriser cer’ainement quelqu’un. ( Applaudissements .) Il est de la dernière inju ticeque dans un corps, par exemple, dans ce ui de l’ariiilerie, où il y aenvi-rou quatre cents lieutenants, on veuille prendre indistinctement un officier, c’est-à-dire celui qui sera à la queue; voilà, Mes-icnrs, cependant, quel est le déc et qu’on vous propose. Assurément je ne suis point dans le secret, mais encore une fois ce décret me paraît êire un décret qui ne peui que favoriser quelques individus. Je de i ande donc de deux choses l’une ; ou la question préalable sur l’article, ou, si vous voulez passer par-dessus l’msti uclion, je demande aiors par amendement que les ofticiers généraux qui choisiront dans la ligne des officiers ou sous-olficiers, des lieutenants qui voudront devenir aides de camp, ces olficiers ne poissent avoir la commission de capitaine que lorsqu’ils l’auraient eue à leur tour dans leur corps. Plusieurs membres : La question préalable sur le projet de décret. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur le projet de décret.) M. llillet de Mureau. Mon amendement consiste à ajouter au projet de décret proposé parM. de Lameth la disposition suivante : « Sans que ce choix puisse les faire parvenir au grade de capitaine avant l’époque à laquelle ils y auraient été portés parleur ancienneté dans leurs corps respectifs. M. Alexandre de Lameth , rapporteur. La proposition de M. Millet est parfaitement sage, d’abord quant au secret dans lequel il n’est pas. Ce secret est de pouvoir prendre des officiers dans lesquels les généraux aient confiance, sans aucune acception de personnes... (Murmures.) Je crois que le comité a prouvé et prouvera toujours qu’il n’y a aucune acceplion de personnes dans tout ce qu’il propose à l’Assemblée. (Murmures.) M. Millet de Mureau. Puisque le comité militaire adopte mon amendement, je n’ai plus rien à dire. M. Chabroud. La proposition de M. Mureau ne change rien au principe, et je demande qu’on la mette aux voix. M. Bureaux de Pusy. Cette disposition n’a lieu que pour ce moment seulement. M. d’Ambly. Un général prendra son fils qui est sous-lieutenant, il prendra un parent qui l’in-téres-e, et l’instruira, et le formera avec bien plus d’avantages et sans faire tort à la nation, puisqu’il ne deviendra capitaine qu’à son tour. La proposition de M. Mureau est fort sage. (Au x voix! aux voix!) 130 juin 1791.] (La motion de M. de Lameth et l’amendement de M. Millet et Mureau sont mis aux voix et adoptés.) En conséquence, le projet de décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les officiers généraux employés pourront choUir leurs aides de camp, pour cette lois seulement, parmi les officiers qui ne seront pas brevetés depuis 10 ans, sans que ce choix puisse les faire parvenir au gra ie de capitaine avant l'époque à laquelle ils y auraient été portés par leur ancienneté dans leurs corps respectifs. » M. le Président. Je reçois un paquet contenant deux httms de M. de Bouille : l’une est adressée à l’Assemblée nationale ; l’autre m’est adressée paiticulièrement et est ain.-i conçue : « Luxembourg, le 26 juin 1791. « Monsieur le Président, « Je vous envoie ci-joint une lettre à l’Assemblée nationale ;j-la crois assez i téressante pour mériter qu’ed • soit mise sous ses yeux. « Je suis, etc... « Signé : marquis de Bouillé. » La nécessité dans laquelle je me suis trouvé de suivre les décrets de l’Assemblée nationale m’a empêché de lire la lettre... M. Gaultier-Biauzat. C’est une lettre fort insolente. A gauche : C’est égal, il faut la lire. M. le Président. Je n’ai pu y ieter qu’un coup d’œil très rapide, et j’ai vu qu’elle contenait des expressions des plus vives. A gauche : Qu’importe, lisez toujours! M. le Président. L’Assemblée nationale de-mande-i-elle la lecture de la lettre de M. de Bouillé? (Oui! oui!) M. de Noailles fait lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue : « Luxembourg, 26 juin 1791. « Messieurs, « Le roi vient de faire un effort pour briser les fers dans lesquels vous le retenez depuis longtemps, ainsique sa famille infortunée. Une destinée aveugle à laquelle les Empires sont soumis, et contre laquelle la prudence des hommes ne peut rien, en a décidé autrement; il est encore votre captif, ses jours ainsi que ceux de la reine sont (et j’en frémis) à la disposition d’un peuple que vous avez rendu féroce et sanguinaire, et qui. est devenu l’objet du mépris de l’univers. (Murmures.) 11 est intéressant pour vous, Messieurs, pour ce que vous appelez la nation, pour moi enfin, pour le roi lui-même, que les causes qui ont produit cet événement, que les circonstances qui l’ont accompagné, que le grand objet qui devait en être le résultat, et qui avait inspiré au roi ce dessein noble et courageux, soit connu des Français, qu’il le soit de l’Europe entière, et que l’on sache qu’en désertant la prison, en youlant chercher sur la frontière un asile près de moi, et parmi les troupes, il a eu moins en vue son sa-AKCHIVES PARLEMENTAIRES.