[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1790.] 733 Mais enfin à l’exception de quelques-uns d’eux qui ont reçu du gouvernement quelques privilèges particuliers, ou qui ont, en leur faveur, des lettres-patentes, tous sont privés de la faculté d’exercer un art, d’embrasser une profession, d’acquérir et de posséder un immeuble. Si quelques-uns d’eux, en Alsace, acquièrent un asile, voilà bientôt un catholique, qui, sans droit de parenté, mais par le seul droit d’oppression, exerce contre eux un retrait appelé retrait de préférence. Tous enfin, sans exception, tous et partout, sont privés de la faculté d’être éligibles aux emplois et aux charges d’une société dont ils sont membres. Et c’est lorsqu’un tel état de choses existe encore; c’est lorsque tant d’injustices sont réunies contre eux, qu’on oserait dire que l’Assemblée nationale a ajourné indéfiniment la question relative à leur sort! c’est lorsque cette Assemblée attaque tous les préjugés, détruit tous les abus, fixe les droits des hommes, et règle en même temps leurs devoirs; c’est enfin, lorsqu’elle régénère le royaume entier; c’est au milieu de toutes ces circonstances, et entraînée par le mouvement qu’elle s’est donné à elle-même, qu’on voudrait qu’elle s’arrêtât, à la vue des préjugés et des abus qui lui sont dénoncés; qu’on voudrait qu’elle méconnût les droits d’une classe d’hommes, qu’elle dispensât d’autres hommes de leurs devoirs, et qu’elle condamnât à un malheur éternel cinquante mille individus, dont il est en son pouvoir de briser à l’instant les fers! Et ce serait lorsque tous les préjugés se taisent, et qu’il est si facile de leur porter un dernier coup; ce serait lorsqu’un intervalle immense sépare le moment actuel des temps anciens, et que ce qui reste à faire en faveur des juifs est bien moins considérable que ce qui a été fait jusqu’à présent par l’influence réunie des lumières et du temps; ce serait lorsque tout sollicite, tout réclame impérieusement l’amélioration du sort des juifs, que l’Assemblée nationale se rendrait sourde à tant de voix, qui la pressent de parler et d’agir! Ah! de pareilles craintes sont chimériques, et la seule pensée en est importune. Illustres représentants de la nation ; vous êteê humains, vous mettrez donc un terme aux malheurs des juifs; vous êtes justes, vous les revêtirez du titre et des droits qu’ils réclament. Hâtez seulement l’époque solennelle de votre justice. Hâtez-la; car les malheureux sont impatients; et on leur pardonne de l’être lorsqu’après de longues et de si longues infortunes, leur âme a été enfin ouverte à l’espérance ! Hâtez-la, car le peuple finirait peut-être par se méprendre sur la nature de vos intentions; et les juifs, que vous avez accueillis avec bienveillance, dont vous avez entendu les plaintes avec bonté, 20,000 livres par an à la maison de Braneas. Ce désaveu, hui a pour titre : Réclamation, semblerait annoncer que l’assertion est fausse. Mais dans le moment actuel, les juifs de Metz sont assignés, pour le paiement de cette somme à la requête de M. le duc de Braneas, duc de auraguais. La question relative à ce paiement se trouve même actuellement pendante devant deux tribunaux; savoir : au bailliage de Metz, à la requête de M. le duc de Braneas, et au Châtelet de Paris, en vertu d’une saisie-arrêt, faite entre les mains des juifs de Metz, par un créancier de M. le duc de Braneas. M. de Normandie, procureur au Châtelet, qui, sur sa réputation d’intégrité et de lumières, a été choisi par les juifs de Metz pour les défendre au Châtelet, a bien voulu nous communiquer toutes les pièces du procès. à qui vous avez solennellement permis de prononcer, dans la présente session , sur leur destinée; pourraient être victimes du délai que vous apporteriez à la décision de leur sort. Et vous, peuple, qui avez assez longtemps persécuté les juifs, voyez, sans déplaisir et sans inquiétude, leur élévation prochaine; vous venez de recouvrer des droits qui vous sont chers; n’empêchez pas les juifs de conquérir, à leur tour, ceux dont ils doivent être revêtus; que votre bonheur ne soit point troublé par l'image de l’in-fôrtune, qu’il ne le soit point par les effets toujours funestes de l’envie. — Consentez, au contraire, à faire de toutes parts des heureux, afin de l’être davantage vous-même. Vous avez été injuste envers les juifs; les juifs ont pu avoir des torts envers vous; que tout s’ensevelisse dans l’oubli; que les vieilles haines s’éteignent; qu’un même esprit anime désormais les juifs et les chrétiens; que tous ensemble se pénètrent de la nécessité de concourir, par des efforts communs, au même but; et l’acte de justice qui émanera de l’Assemblée nationale sera, en même temps, un acte mémorable de réconciliation entre les divers individus des deux religions. Ils rendront séparément leurs hommages à la Divinité; ils auront leurs lois religieuses à part; mais ils serviront, en commun, et avec une égale ardeur, la chose publique; toutes leurs lois civiles et politiques seront les mêmes; ils auront les mêmes principes, le même zèle, la même âme; pour tout dire, en un mot, ils ne seront que des citoyens et des Français ; et dans tout ce qui intéressera la prospérité de la nation et le bonheur du roi, dans tout ce qui concernera les devoirs de charité et de bienfaisance qu’ils doivent exercer les uns envers les autres, on ne remarquera entre eux aucune différence; et ils se montreront rivaux de patriotisme et de vertus. mayer-marx ; Ber-Isaac-Ber ; David ) Sintzheim ; Théodore -Cerf -Berr; > Députés . Lazare-Jacob; Traisnel, père, \ CERF-BERR, ci-devant syndic général des juifs. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-LEMARQUIS DE BONNAY. Séance du mercredi 14 avril 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le cardinal de Rohan écrit à M. le président pour obtenir de l’Assemblée l’autorisation de s’absenter à cause de sa santé. L’Assemblée le lui permet. M. le marquis de La Poype-Vertrieux, député de la sénéchaussée de Toulon, demande la permission, à cause de sa santé, de se faire remplacer par M. Millet de Mureau, sou suppléant. L’Assemblée y consent. M. le Président lit une lettre qui lui a été adressée par M. Leclerc de Juigué, archevêque de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.