(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (il juillet 1790.J DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 JUILLET 1790. Projet sur l’organisation du Trésor public (1), par M. Briois de Beaumetz , député du département du Pas-de-Calais, membre du comité des finances (2). Il importe au bon ordre des finances, que le Trésor national soit constitué de telle manière que Je service des recettes et des dépenses s’exécute avec facilité, que chaque agent connaisse ses devoirs, et ne puisse ni les négliger ni les outrepasser ; que la surveillance soit facile, la comptabilité toujours simple et toujours claire, et la responsabilité tellement établie, qu’aucun malversateur ne puisse se flatter d’y échapper. Les formes mécaniques d’un établissement de ce genre acquièrent de l’importance et de l’intérêt, et aux yeux du législateur, quand il songe que ces formes sont la sauvegarde la plus sûre à laquelle il puisse confier la permanence et la stabilité de ses institutions économiques. Il est prouvé par l’expérience, que c’est à l’ordre intérieur des livres et des caisses que toutes les grandes affaires d’argent et de crédit doivent leur prospérité. Il est difficile qu’il existe un équilibre constant entre les recettes et les dépenses, lorsque lamasse des unes et des autres ne peut pas être embrassée d’un coup d’œil; il est difficile que les abus soient toujours éloignés de l’administration, lorsque, dans la forme même de l’administration, on n’a pas fait entrer les précautions qui rendent ces abus impossibles. Pénétré de ces réflexions, je me suis livré à l’étude des moyens d’organisation qui peuvent convenir au Trésor d’un vaste Empire, et particuliè-rementaux circonstances où nous nous trouvons : nous avons pour leçons les fautes, sans nombre, des administrations précédentes, nous avons pour guides les maximes de la Constitution. La nation française a, dans ce moment, deux sortes de recettes : depuis que l’Assemblée nationale a décrété que les domaines uatiouaux seraient mis en vente, le produit de ces ventes forme, et continuera de former pendant plusieurs années, un objet de recette important. Ces rentrées et celles qui proviennent de la contribution patriotique ainsi que des dons faits par les citoyens à (l) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) J’ai fait imprimer ce projet, tout imparfait qu’il est à mes propres yeux, pour économiser le temps des séances de l’Assemblée nationale, et pour offrir à une méditation réfléchie des objets auxquels le silence du cabinet convient mieux que la chaleur des discussions. Ce projet a été lu au comité des finances; plusieurs de mes idées ont été adoptées par ce comité. J’ose encore reproduire ici, celles qui non pas obtenu le même suffrage, non pour y insister avec un entêtement présomptueux, mais pour faire hommage à l’Assemblée entière du résultat des réflexions et des travaux auxquels je me suis livré sur cette partie de la Constitution et des finances. Le rapporteur du comité entrera dans de plus grands détails que moi sur la constitution des bureaux accessoires au service du Trésor national. Ses relations directes avec l’ordonnateur des finances lui ont donné à cet égard de grands avantages; mais cei bureaux n’entrent pas dans la constitution du Trésor public et n’auront qu’une existence éphémère, liée à des liquidations momentanées et à des recouvrements passagers. 237 la patrie, n’auront lieu que passagèrement ; elles composent la caisse de l’extraordinaire. Le produit desimpôts fouruit une autre branche de recette. Et celle-là quoiqu’elle doive varier pour la quotité, suivant la uature des besoins, est constante et habituelle; sur elle repose à jamais la force publique nationale. Il me paraît important de ne pas confondre, dans le même réservoir, le produit de ces deux sources de richesse; sansdoute, elles appartiennent toutes deux à la nation, puisque l’une provient de l’aliénation de ses domaines, et des efforts extraordinaires qu’elle s’est commandés pour le salut de la chose publique ; et l’autre, des prélèvements habituels qu’elle s'est imposés sur sa propriété et du revenu des domaines qui ne sont pas encore aliénés. Mais les recettes extraordinaires ne doivent pas être consumées à des dépenses d’administration ; l’ordre et l’économie nous font une loi de les considérer comme des capitaux, et de les employer à éteindre des capitaux de dettes, dont les intérêts pèsent annuellement sur l’Etat, ou dont la justice exige impérieusement le remboursement. Le moyen le plus sûr que cette distinction soit constamment observée, c’est de distinguer la caisse des recettes ordinaires d’avec celle des recettes extraordinaires, et de les soumettre à des ordonnateurs différents. Par ce moyen chacun d’eux emploiera les fonds dont il dispose aux seuls objets pour lesquels ils sont destiués ; et si des circonstances urgentes pouvaient ordonner quelque revirement, il ne s’effectuerait jamais, sans un décret exprès du Corps législatif, qui ne sera pas prodigue de semblables dispositions. Je ne traiterai donc point ici de l’organisation de la caisse de l’extraordinaire. Tout ce qu’il m’importe d’établir à son égard, c’est la nécessité de la tenir séparée de la caisse ordinaire, afin de mettre un obstacle de plus à la tentation de confondre la consommation des capitaux avec celle des revenus. Je ne m’occuperai pas même en ce lieu, de la question desavoir où les revenus des domaines nationaux doivent être versés, jusqu’au moment de leur aliénation . Leur qualité de revenus semble les destiner à se confondre avec les autres sommes de même nature dans le Trésor national, pour y acquitter des dépenses annuelles. D’un autre côté, leur décroissance progressive eu ventes qui transporteront chaque jour quelque nouvel immeuble aux acquéreurs ; la difficulté de séparer l'intérêt d’avec le capital lui-même, soit dans les reconnaissances des inuni-cipahtés, soit dans les annuités des particuliers qui auront acquis à terme ; l’embarras d’imposer aux districts une comptabilité double, et une double correspondance relative aux domaines, l’une avec la caisse de l’extraordinaire pour le prix des ventes, l'autre avec le Trésor pour le prix des baux et revenus : toutes ces raisons réunies peuvent faire rejeter à la caisse de l’extraordinaire la totalité des recouvrements qui concerneraient les domaines nationaux ; et alors cette caisse, déjà chargée du remboursement graduel et successif de la dette non constituée, verserait en masse les revenus des domaines au Trésor public, jusqu’au moment de leur aliénation. Mais je n’ai pas besoin d’approfondir ces questions, parce que quelque détermination que l’Assemblée nationale adopte à ce sujet, elle s’effectuera sans difficulté dans l’organisation que je propose. Le Trésor national üe la France ne doit pas être constitué sur des combinaisons resserrées dans 2fig [Assemblée liafîôfiâkj ARCHIVÉ� Ï’ÂRLÉMÈNTÂIReS. [21 jüill6il790.] une seule hypoifiêse ; il doit ètrë câpablë d’exécuter, toutes lès combinaisons que les législateurs de cet Empiré pourront, varier el modifier à l’infini, suivant la loi ibobiie des ëVéneménts et des circonstances. Le Trésor national doit être le centré ou tous les revenus de rËtat doivent abohtir, èt d'ofi ils doivent se répandre sur là surface de l’Empire pour y acquitter toutes les dépenses nécessaires au bonheur commun : la quotité dé ces revenus ne peut être déterminée qUe par le Corps légistatif ; elle lui est indiquée pàr lasomme des besoins; il règle également et les uns et ies autres, c’est-â-dire qu’aprês avoir examiné quelles sont les dépenses nécessaires aü gouvernement, et après en avoir décrété l'état avec une sévère économie, il détermine ies sacrifices qüe ie bien général commande à chaque citoyen. Lever l’impôt sur ies contribuables èst la fonction des c.orps administratifs ; c’est par eux que le pouvoir exécutif remplit cette importante partie de ses obligations. Il est égalëment du devoir du pouvoir exécutif de recueillir le produit des impôts dans ie Trésor de la nation, de veiller à l’exactitüde des rentrées, de presser les recouvrements tardifs, et de lever les obstacles de tout genre qui peuvent obstruer les canaux de la richesse publique. Il est encore au nombre des devoirs du pouvoir exécutif, de faire que toutes les dépenses soient acquittées fidèlement et sans délai, sans excéder la mesure qui a été réglée par le Corps légistatif, et sans exposer les individus à souffrir de l’ihexé-cutioü des engagements que la société entière a contractés envers eux. Mais tandis que le pouvoir exécutif agit ainsi dans la direction qui lui a été imprimée, il est du devoir des représentants de la nation de Surveiller toutes ses opérations avec une infatigable vigilance, et d’exercer avec sévérité les droits dela responsabilité contre les agents ou dépositaires infidèles qui auraient compromis le Trésor national. , Tels sont les principes généraux qui m’ont paru dériver de l’ensemble de la Constitution et de la division des pouvoirs qu’elle a consacrés dans toutes les parties de l’administration. Il n’est pas nécessaire au plan que j’embrasse, de discuter si l'administration des finances doit être confiée à un seul ministre, ou doit être conduite par un conseil de trésorerie composé de plusieurs commissaires: et, pour simplifier les idées que j’ai a présenter, j’éviterai d’abord toutes les questions qui ne sont pas nécessairement liées avec l’objet que je traite. Je me servirai partout de cette expression générique : f ordonnateur des finances , parce qu’elle peut s’appliquer égalemeiit au ministre, qui réunirait dans sa main tout ie département, et aux commissaires dont les fonctions se bornent à surveiller le Trésor public. Quelques personnes ont pensé que la manière la plus simple de constituer ce Trésor serait de le composer d’une caisse unique, dans laquelle toutes ies recettes viendraient se confondre, et de laquelle sortiraient toutes les sommes employées en dépenses ; l’extrême simplicité de cette idee a quelque chose de séduisant. On aime à voir tous les revenus d’une grande nation, concentrés dans un seul point, se.régir et se distribuer comme un particulier distribue , et régit les fpnds qui composent sa fortune. Mais il faut bien se garder d’embrasser, avec une aveugle confiance, les mesures d’une apparente simplicité; il n’en résulterait dans l’exécution que complication et obscurité. L’immensité des recettes, l’extrême multiplicité des dépenses exigent des précautions extraordinaires ; et ce qui peut offrir dés Résultats clairs dans une caisse dont les proportions sont plus réduites, n’offrirait, qu'un chaos iriëitricàble au milieu du mouvement effrayant d’une recette et d’une dépense de 600 millions de revenus. Les abus se Câcbéraieht avec habilité dans une manü-tentioh trop ëtëndüe pour tfii’uri seul Coup d’deil pût l'embrasser. Il eü est des opérations vastes comme des idées complexes : ce n'est qü’eu les divisant qu’on peut en saisir tous les rapports, en comparer toutes les parties, éti vérifie]? tous les éléments. Ün administrateürüniqüëqüi régirait Une Caisse unique, tout à la fois dépositaire de l’Universalité des deniers, et distributeur de l’uhiversalitë des payements, ne pouvant être forcé jour par joui* de compter sur pièces, pourrait aisément jouit* des deniers nationaux, et les appliquer longtemps à ses spéculations particulières avant qü’dn pût le convaincre de ces jeux dé caisse, Si souvent préjudiciables à l’intérêt public. Üés bordereaux fictifs, mais dont là fausseté serait impossible à prouver, couvriraient ce genre de d éprédation obscur etdangereüxqüi exposé le patrirabifiedë l’Etat à toutes leschances que l’avidité et l’imprudence peuvent faire braver par ùn dépositaire infidèle. On a beau condpter sur des vérifications journalières, c’est se reposer sur Un moyen de vigilance trop difficile à mettre en pratique, trop facile à élucider. La division des caisses peut seule jjfêveüif ces inconvénients : séparées, eliës së contrôlent l’une par l’autre; leurs bdfdereàux leâ dêiiôûcenl mutuellement s’ils différent; les justifient s’ils se rapportent exactement* Alors là tentation même d’abuser est repoussée par là Certitude de ne pouvoir abuser impunètaènt; alors là vaste machine du Trésor national acquiert une simplicité vraie, parce que tous ses mouvements sont distincts, parce que toute son action s'aperçoit, parce qüe tous ses rouages sont à découvert ; alors les plus légères difficultés frappent, un oêil attentif, et le remède est toujours près du mal, quand le mal ne peut pas être dissimulé. Tel est l’avantage (fui doit résulter de la distinction des caisses. Celle qui reçoit des deniers par une infinité de canaux, celle dont les relations et les comptes ouverts sont multipliés pàr le nombre des corps administratifs et des régies qui recueillent les deniers publics ne doit présenter de détails que ceux des versements qu elle reçoit; ces détails ne produiront jamais d’obscurités quand ils Seront tous en recette, parce qu’il suffira d’additionner les recettes pour saisir la totalité des opérations de la caisse et connaître sa situation effective. L’erreur, qui ne se glisse jamais qu’â la faveur de la Complication, trouvera difficilement place dans Une comptabilité qui n’offrira pour balance â beaucoup d’articles de recettes qu’un seul article de dépenses. La câiBse des dépenses, au contraire, celle qui doit payer à une infinité de parties prenantes, ne saurait recevoir, avec trop d’ünité, le dépôt qu’elle doit subdiviser à l’infini dans sa distribution. ËQunmoi, ie principe qui doit éclaircir toute comptabilité, est de , ne souffrir jamais qti’Uue multitude d’articles de recettes puisse se rencontrer avec une multitude d’articles de dépenses, et de séparer tellement ies deux fonctions essentielles du Trésor national, qüe l’une des deux fasse rejaillit sur l’aülre la lumière de sou ex�- trême simplicité. [Assemblée riàtidiiaMjj ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] §3$ On trouvera peut-être que j’ai porté jusqu’à l’excès la SCrUpUléUse application de ce principe* mais s’il est bon, s’il est vrai, s’il est usuel, son application ne salirait être trop rigoureusement suivie. Je proposé tfiië là caisse des recettes soit noii seülernetit diSpetiséè de tout payement de détail, mais encore assujettie à ne faire jamais de versement qu’à Une seule et même caisse, afin de n’avdlr jamais qu'un seul compte de dépense, OU plutôt de Versements en masse. Il est nécessaire que la distribution des dépenses publiques soit divisée entre plusieurs payeurs distincts. Le département de la guerre ou de la marine offrent chacun assez de détails pour occuper UU trésorieh La liste civile doit aussi avoir le sien. Lé payement des deniers de cette liste H'intëresse là nation que quant à sa massé et non pas quant à sa distribution. Il fàüt un autre département pour le payement de plusieurs objets Compris dans la ClaSse de dépenses diverses, et pour l’acquittement des intérêts de lâ dette publique. Mais loin d’acCofder à chacune de ces caisses uüë cprrespondatice directe avec celle à laquelle aboutissent tous les revenus, je voudrais que le gràüd réservoir Universel des deniers nationaux fie Connût qü’ün seul écoulement et ne s’oüVrît jamais pour Verser aucun fonds que dans la caisse principale des dépenses. Quatre comptes ouverts de Versement entre la caisse des revenus et les qüatre trésoreries exigeraient déjà üü rapprochement, une opération complexe, pour Vérifier les énoncés de l’administration de la caisse des revenus, et s’assurer de sa situation effective. Les rapprochements les plus simples sont souvent négligés, et c’est centré cette force d’inertie qüe nous avons à prémunir la fortune nationale. La correspondance seule avec la caisse de la liste civile, sür les opérations intérieures de la-� quelle la nation ü’a pas de surveillance, Suffirait pour embrouiller toute la Comptabilité. . J’ai dû prévoir Cët ihconvéiiietit et n’ai pas dû l’introduire dans la Constitution du Trésor national ; je n’ài pas cru devoir composer avec le principe, ni compter avec dës remèdes accessoires, quand je pouvais prévenir le mal dans sa source. Cependant j’offrirai, dans lé corps de ce projet, un bureau central de comptabilité, dont je me promets lés plus heureux effets, pour la comparaison des opérations corrélatives de toutes les caisses dû Trésor national. Si quelque moyen peut être efficace pour réparer les inconvénients de diviser en plusieurs branches lâ sortie des deniers réunis dans la Caisse générale des recettes, c’est un bureau central de comptabilité auquel tous les trésoriers fourniraient, jour par jour, des états au Vrai de leurs opérations. Ce bureau serait donc spécialement chargé de ces rapprochements dont je redoute la nécessité, parce que je crains qu’on n’en négligé l’usage. Ce bureau pourrait donc rendre plus tolérables les versements directs de la caisse des recettes dans celle de chaque trésorier payeur, pourvu toutefois qu’on en exceptât le trésorier de la liste civile, lequel ne pourrait jamais, daüs aucun système, tirer ses fonds que de la caisse des dépenses : autrement toute clarté dàüs lës comptes journaliers serait à jamais perdue ; car le bureau central de comptabilité n’ayant pas le droit d’exiger les bordereaux des payements journaliers faits par la liste civile, et les représentants de la nation né pouvant jamais faire vérifier cêttte caisse purement royale, sa correspondance avec la Caisse des recettes poüiràit CôuVrir les virements les plus frauduleux; J’achèverai de tfacer ici les fonctions que je destine à ce bureau Central. Son nom indique déjà sa destination. Tous les genres de comptabilité lui sont dévolus. La comptabilité journalière par bordereaux doit lui être présentée de la part de toutes les Caisses : il doit comparer les bordereaux, les vérifier, et* s’il s’y trouve des différences, en éclaircir les causes et les mettre en évidence. Chaque mois l’opëralidti journalière doit être remise ëü Un tableau* ët résumé dans un rapprochement général; Uh relevé an fiuel doit encore refondre les comptes partiels et des jours et des mois. Enfin ; les comptes sur pièces de chaque administrateur et de Chaque trésorier doivent aussi, chaque année, se rapporter à ce centre commun : leur rapprochement avec les Comptes par bordereaux, qiron a dû fournir chaque jour* chaque aûüëe, est une première critiqué dû compte sur pièces de l'année* qui* après avoir sübi cette épreuve, et avoir été réuni en un seul corps, doit enfin passer du bureau central* aVec ses observations, dans les mains de ia législature, à qui seule appartient le droit dé le recevoir et de le manifester à la nation. Telle est l’idée que je me suis formée d’un bureau central de comptabilité. Toujours ouvert à chaque administrateur et trésorier des caisses nationales, il doit être placé hors de leur dépendance particulière, solliciter sans cesse leurs déclarations, les recueillir et les enregistrer* comparer leur cuncordânce* opposer leürë diversités, offrir, aux yeüx de i’ordühûateür des finances et à la vigilance suprême de l’Assemblée nationale* des moyens continuels d’inspection et de vérification. Utile au rapprochement de là comptabilité; préparant des discussions sans lesquelles elle n’est qu’une forme oiseuse* ce bureau remplacera les avantages imaginaires de l’Unité, par les avantages réels de la Centralité : il présentera tout à la fois des résultats clairs, parce que la division des objets en produira la netteté ; des résultats vrais, parce que la comparaison des énoncés eh fera voir l’identité, et qu’il h’âppârlieüt qu’au Vrai de ne jamais se contredire; eüfitt, ce bureau présentera des résultats Complets, parce que l’Uni versali té dés recettes effectives et la généralité des payements exécutés y seront toujours réunis soüs un même point de vue, et facilement confrontés avec les recettes et les dépenses dont doit être composé l’actif et le passif de chaque année. Ainsi la situation au Vrai du Trésor public, ne sera plus ni un problème, ni uh mystère; ainsi le crédit national aura des bases solides, réelles et connues; ainsi, chaque citoyen, en acquittant sa part des contributions, pourra s’assurer que le prix de son sacrifice n’est point détourné de la destination Utile à laquelle il a Voulu le consacrer. Cette destination embrasse ia totalité des dépenses que l’Assemblée nationale a assignées aux divers départements. Mais à la tête de Ces dépenses, il convient de placer le payement dés intérêts de ia dette publique; car la nation* dobt la bonne foi n’est pas différente de celle des particuliers, n’a de revenus disponibles qu’ après s’être acquittée envers ses créanciers dés intérêts qu’elle leur a promis. les intérêts de la dette publique ttôn constituée ûe figureront que bien peu d’instants dans les comptes de la nation : le remboursement du capital de cette dette, décrété par l’Assemblée nationale, et assigné sur le produit de la vente des domaines nationaux, fera disparaître cet article £40 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. passager de dépense, quelle que soit la caisse qui doive être chargée de l’acquitter tant qu’il subsistera; mais le payement des intérêts de la dette constituée, qui doit être permanent, est celui qui sollicite le plus essentiellement l’attention de l’Assemblée. Le payement des intérêts de la dette constituée s’élève à 160 millions environ, dont 100 millions en rentes viagères, et 60 millions en rentes perpétuelles. Aucune partie du Trésor national n’exige plus impérieusement une réformation, que la manière dont s'effectue aujourd’hui le payement de ces intérêts. Le payement annuel de 160 millions environ, dont 1Ô0 millions viagers, décroîtront avec cette rapidité accélérée qui moissonne les générations des hommes, est égrené entre quarante payeurs; en sorte que, réparti également entre chacun d’eux, un trésorier-payeur n’est employé qu’au maniement annuel de 4 millions environ. Qu’on y joigne 16 à 18 millions de pensions et d’indemnités, et chaque payeur aura environ 4 millions et demi à distribuer. 11 est difficile d’imaginer une bizarrerie tout à la fois moins économique et moins constitutionnelle; car ces fonctionnaires, si peu occupés, sont revêtus d’offices formés en titres et héréditaires. La manie de créer des offices pour les vendre était nécessairement liée, dans l’ancien régime, à la frénésie d’emprunter et de dissiper. Les ministres non contents de corrompre, par cette institution, la pureté de toutes les fonctions publiques, en vinrent bientôt à imaginer des fonctions et des litres, uniquement pour les offrir à l’enchère. Le titre de payeur des rentes était un titre inutile ; il n’en parut que plus facile d’étendre sans mesure ce qui existait sans motif : les intérêts de la dette constituée étaient moindres sous le ministère de l’abbé Terray, qu’ils ne le sont devenus aujourd’hui, par la circulation de plusieurs emprunts viagers. Cependant on était arrivé, ayant confiance en lui, jusqu’à la création de soixante-dix offices formés et héréditaires de payeurs des rentes. L’abbé Terray eut quelque honte de cette foule : il supprima quarante payeurs d’un trait de plume, et le service n’en souffrit pas; ou plutôt, il continua de souffrir du nombre encore immodéré de ces agents superflus. En 1786, l’acquisition de Saint-Cloud força le ministre des finances à imaginer un expédient pour se procurer des fonds : aussitôt le ministre ne manqua pas de trouver que dix payeurs des rentes de plus étaient essentiels au service des créanciers de l’Etat, et dix nouvelles finances, de 600,000 francs chacune, apportèrent au Trésor royal la passagère ressource de 6 millions, qui laissèrent après eux, l’éternelle surcharge de 300,000 livres d’intérêts, et de 150,000 livres de traitements inutiles, en comprenant ceux des contrôleurs. Car chaque payeur des rentes jouit, outre l’intérêt de sa finance à 5 0/0, d’un traitement de 15,000 livres, qui a été réduit à 12,000 livres, tant pour lui que pour ses frais de bureau. Il pèse en outre sur le public d’environ 12,000 livres, par les frais d’immatricule qu’il est autorisé à percevoir. Au moyen de cet avantage, dont il jouit, il est autorisé à regarder la fonction de payer 4 ou 5 millions des intérêts de la dette nationale, non seulement comme un devoir qui lui est imposé, mais comme un droit dont il a la propriété (1). Mais l’esprit de la Constitution a déjà (1) Rapport sur le Trésor royal, du 21 juillet 1790. [21 juillet 1790.] frappé cet abus à la racine; il a déjà rélégué, parmi les erreurs de l’ancien régime, ce langage de propriétaire, par lequel il semblerait que la Dation appartînt à ses fonctionnaires, et non pas les fonctionnaires à la nation, et ce système proscrit n’a même plus de défenseurs. A propos du principe constitutionnel, qui a détruit la propriété et la vénalité des fonctions publiques, votre justice a placé la promesse du remboursement des offices que vous ne devez et ne pouvez plus souffrir, et votre sagesse en a indiqué les moyens, en assignante l’extinction de ces capitaux, i’e produit de la vente des domaines de la nation. Ces capitaux produisent des intérêts aux parties qui les ont fournis, ils leur procurent en outre un traitement : rembourser ces capitaux c’est donc une bonne opération de finance, autant qu’une conséquence nécessaire delà Constitution. Je compte au nombre de mes plus pénibles devoirs, celui de proposer une opinion qui entraîne la suppression d’une compagnie pour laquelle je professe sincèrement la plus haute estime, et dont plusieurs individus m’ont honoré de leur amitié. Aucune compagnie de finance n'a mérité plus d’éloges, et n’a montré plus de modération que celle des payeurs des rentes; mais non seulement leurs offices formés et héréditaires sont inadmissibles dans la Constitution, mais encore leurs fonctions me paraissent tout à fait oiseuses; et, pénétré de cette conviction, je ne puis être arrêté par aucune considération qui m’empêche de la développer. Je suis fortement persuadé qu’un seul trésorier, à l’aide d’un bureau bien organisé, tel que celui dont j'offrirai l’état, pourrait exécuter le même service, avec plus d’économie, avec plus de commodité pour le public, avec autant de sûreté. Je pense que leurs offices, imaginés par le seul besoin de créer des charges vénales, doivent disparaître au moment oii la raison prend les rênes du gouvernement, et où l’ordre préside aux finances. Qu’il ne faille pas quarante payeurs pour payer 180 ou 200 millions, c’est ce que je me crois dispensé de prouver. Autant vaudrait-il s’attacher à démontrer qu’il ne faut pas cent vingt trésoriers pour la totalité des dépenses publiques : en vain objecterait-on qu’il y a des vérifications à faire pour reconnaître la propriété des parties prenantes, dont le nombre est très multiplié. Tout le monde sait, à Paris, que cette occupation est bien loin de remplir, pendant tout le cours de l’année, les loisirs d’un payeur de rentes. Tout le monde sait qu’un bien petit nombre d’entre eux a fait précéder le choix de cet état, par des études relatives aux questions de propriété. MM. les payeurs de rentes n’ont rien à décider entre parties qui se contestent la propriété d’une créance sur l’Etat; ils n’ont qu’à vérifier les titres non contestés, qu’une partie présente à l’appui de la propriété qu'elle réclame. Cet examen qui n’a lieu qu’à chaque mutation, peut être, avec autant de sûreté, confié à un bureau soigneusement choisi, composé, si l’on veut, d’hommes de lois, d’hommes exercés par l’habitude dans la connaissance de tous les actes, et de toutes les transactions translatives de propriété. La nation a assez prouvé qu’elle ne regardait pas la vénalité comme une caution suffisante de la capacité des fonctionnaires publics; et la ré-II existe des trésoriers et des payeurs dont le droit et le devoir sont de payer toutes les charges publiques. {Projet sur l’organisation du Trésor public.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] Ql\ ception d’un payeur des rentes n’a jamais été ac-1 compagnée d’aucune des précautions qui pouvaient épurer en quelque sorte les choix fournis par les chances de la vénalité. 11 n’y a donc nulle raison de craindre qu’on ne puisse pas monter un bureau de vérification, capable d’offrir au public autant de motifs de confiance, que les payeurs de rentes pouvaient en inspirer parleurs lumières. Leurs cautionnements consistant dans leur finance et dans celle des contrôleurs (officiers aussi nombreux que les payeurs des rentes, et encore plus utiles) seraient-ils des gages nécessaires à la sûreté des deniers de l'Etat? Mais les contrôleurs, non plus que les payeurs, ne sont pas solidaires les uns pour les autres, et la somme des deniers qui passe entre leurs mains, excède de beaucoup le cautionnement sur lequel on voudrait faire résider la confiance publique; et si les deniers de l’Etat ne pouvaient être mis en sûreté que par des cautionnements, ce serait trop peu faire pour un si grand intérêt, que d’appliquer cette méthode seulement à 160 et quelques millions: il conviendrait encore de l’étendre au surplus des sommes beaucoup plus considérables, destinées aux frais de l’administration et des départements. Les quarante payeurs des rentes, quelque solvables, et surtout quelque intègres que j’aime à les reconnaître, ne font qu’offrir une complication de plus, un rouage de plus dans la machine du Trésor public, et conséquemment une chance de plus pour la déperdition des fonds publics, sans rien diminuer des dangers que l’on suppose à craindre entre les mains d’un administrateur : car soit u’ils tirent directement leurs fonds de la caisse es recettes, ce qui serait très vicieux, parce que cette méthode compliquerait beaucoup la comptabilité de cette caisse, soit que les fonds nécessaires à leurs payements leur soient distribués par la caisse des dépenses, ces fonds auraient toujours passé par les mains d’un administrateur. L’introduction des payeurs des rentes entre le Trésor national et le public n’est donc qu’une machine de plus, un danger de plus, un frottement, une lenteur de plus dans une organisation dont les mouvements ne sauraient avoir trop de promptitude et de simplicité. Cependant les payeurs de rentes et leurs défenseurs cherchent à multiplier les craintes pour rendre de la faveuràleur cause. Quand une forme d’administration choque les idées les plus naturelles, par sa complication, par sa cherté, par l’êmbarras qu’elle jette dans la comptabilité, il faut bien lui chercher un prétexte dans la sûreté, et ne pouvant espérer de convaincre les bons esprits, tâcher de les effrayer, en leur annonçant que tout autre système exposerait l’Etat à payer quelquefois indûment, à prendre de faux créanciers pour de vraies parties prenantes, et, par conséquent, à payer deux fois : mais cette frayeur si étrange a-t-elle donc quelque fondement? Plusieurs Etats de l’Europe, tels que l’Angleterre et la Hollande, ont aussi une dette publique constituée, et n’ont pas cru devoir se munir d’une foule de payeurs des rentes pour l’acquitter; ils payent tout à un même centre, et ne payent pas deux fois; et, sans chercher si loin des exemples, il a existé à Paris une trésorerie de payement d’arrérages, qui payait environ 24 millions par année, et l’on ne croit pas que, dans l’espace de vingt ans, il s’y soit fait un seul payement à une partie non propriétaire. De telles erreurs sont si faciles à éviter qu’un peu d’atten-lr» SÉRIE T. XVII. tion suffit pour s’en préserver constamment. Les titres de propriété, qu’une partie est obligée de produire dans le cas de mutation, dénonceraient les droits du vrai propriétaire et démasqueraient l’usurpateur. Il faudrait donc que celui-ci, après avoir réussi à se procurer des contrats au préjudice du possesseur légitime, parvînt encore à effacer des titres de propriété, des testaments, des partages, toutes les traces de son usurpation. Rien n’est plus difficile à supposer qu’une réunion de circonstances qui fasse entièrement disparaître les caractères de la vérité, ou plutôt qui les ressemble tous en apparence, en faveur de l’injustice et de la mauvaise foi : c’est créer des chimères pour s’en effrayer soi-même. Au surplus, si la sagacité des payeurs des rentesetl’attentiondeleurs commis suffisent pour démasquer ces fraudes et pour les rendre impossibles, des commis-liquidateurs et vérificateurs, passant leur vie à de pareils examens, choisis parmi les hommes les plus exercés à de semblables questions, y apporteront-ils moins de lumières et d’intelligence? Mais, dit-on, c’est le cautionnement d’un payeur des rentes qui assure les deniers publics, et la vigilance du payeur, par son propre intérêt. Si l’Assemblée nationale n’a pas proscrit, sans retour, le système des cautionnements, celui d’un administrateur du Trésor national peut être double ou triple de celui d’un payeur des rentes, et c’en est assez pour le lier aussi fortement, par son intérêt, à l’exacte inspection des titres sur lesquels il fera ses payements. Mais c’est un bien faible argument que celui des cautionnements; car si l’Assemblée, persistant dans ses précédents décrets, regarde ces énormes avances, dont la nation paye l’intérêt aux financiers, bien moins comme un gage qui les attache à son service, que comme un lien qui l’asservit elle-même à leur ministère onéreux; si elle redoute ces prêts faits à l’Etat, comme un obstacle invincible à l’abaissement de l’intérêt de l’argent; si elle les repousse comme autant de fonds soustraits à l’acquisition des domaines nationaux; si, en un mot, elle continue à prescrire les cautionnements en argent, alors la vaine, l’imaginaire responsabilité des payeurs des rentes s’évanouit tout entière, et cette frivole raison, inventée par eux pour tâcher de paraître utiles, n’offre plus même le plus léger prétexte à invoquer. Mais ce qui n’est pas imaginaire, ce sont les lenteurs, les difficultés, les entraves de tout genre, qu’une trésorerie, divisée entre quarante bureaux indépendants, apporte au service public. Cet ordre de choses est-il celui qu’indique la raison ? A-t-il jamais été imaginé pour la sûreté de la Dette, ou pour la promptitude du service? N’est-il pas clair, au contraire, que cet abus est un enfant de la vénalité? Si cette manutention n’existait pas, viendrait-il dans l’esprit de quelqu’un de l’établir, et sur quelle théorie pourrait-on l’appuyer? Qui ne sait que l’unité doit présider partout où l’action ne saurait être ni trop simple ni trop prompte; qu-il y a une économie sensible et de temps et d’employés à réunir, en un seul, quarante établissements homogènes; que, dans tous les détails de l’administration, il faut un seul chef et des coopérateurs subordonnés, et non pas quarante chefs, étrangers les uns aux autres ; que quatre commis laborieux font plus d’ouvrage que quarante particuliers riches, indépendants, répandus dans la société? Puisque le devoir des législateurs est de toujours prévoir les malversations, pour leur oppo-16 242 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1190. ser toujours des barrières, serait-il chimérique de craindre qu’aux lenteurs introduites dans le payement de la Dette publique sur l’emploi d’un agent superflu, il se joignît quelquefois des lenteurs inspirées par l’intérêt personnel des payeurs eux-mêmes? C’est avec raison que des formes rigoureuses sont exigées dans les quittances produites par les parties prenantes ; mais de la rigueur juste autant que sévère, à la chicane minutieuse, l’intervalle est étroit, et l’intérêt personnel peut aider à confondre l’une avec l’autre. Une objection quelconque, de la bonté de laquelle le payeur seul est le juge, ou du moins qu’on ne pourrait lever juridiquement qu’avec beaucoup de temps, d’avances, et sans répétition définitive de frais, peut facilement reculer de quinze jours ou d’un mois le payement de quelques articles de rentes, et procurer ainsi au payeur quelques jouissances de fonds peu considérables, peu lucratives, à la vérité, mais secourables quelquefois dans un moment de pénurie. On n’a pas de tels inconvénients à craindre dans un bureau de vérification sagement organisé ; les commis, qui examinent les quittances, sont parfaitement étrangers à la caisse et indifférents au séjour que les fonds peuvent y faire. La caisse elle-même ne recevra de fonds que d’après les demandes effectives des rentiers constatées par la remise de leurs quittances trouvées suffisantes. Au commencement de chaque jour on pourra dresser l’état des payements, et clore et remettre Je soir l’état des payements effectués. Le compte du payement des intérêts de la Dette sera à jour, comme l’état des payements d’une grande maison de commerce; et si quelque retardement pouvait se faire ressentir aux échéances de payement déterminées par le Corps législatif, ce serait un grand bien, dans une telle crise, que d’empêcher le Trésor public de pouvoir dissimuler son embarras, comme on ne manquait de le faire quand il existait un intermédiaire entre ce Trésor et le rentier. L’administration accusait alors les payeurs, et ceux-ci rejetaient la faute sur l’administration ; on prolongeait l’attente du public dans cette incertitude, et les palliatifs survenaient sans que la cause du mal eût été éclairée, ni ses retours prévenus pour l’avenir. Cessons donc de chercher à nous persuader que la confiance publique ait pris pour base un vice d’administration si manifeste, qui consiste à confier à quarante payeurs, à quarante contrôleurs et à quarante bureaux, ce qu’un trésorier et un bureau bien organisé peuvent exécuter d’une manière bien plus commode pour les rentiers. Le citoyen qui possède, quoique avec une très médiocre fortune, huit ou dix parties de rentes sur l’Hôtel-de-Ville, peut avoir affaire à huit ôu dix payeurs différents ; chaque rente exige de lui l'accomplissement des mêmes formalités ; chacune exige une quittance séparée, l’oblige au dépôt de cette quittance, l’expose à la voir rejetée au rebut, pour l’oubli des plus insignifiantes formalités, le contraint à aller s’informer des raisons qui ont motivé le rejet de sa quittance, à la rectifier, à la reproduire et à multiplier ces opérations et ces démarches autant de fois qu’il possède de contrats différents. Survient-il une mutation, il faut à chaque payeur une justification séparée, et tous les payeurs n’ont pas la même jurisprudence; ce qui paraît suffire à l’un ne satisfait pas son confrère, plus circonspect que lui ; aussi presque aucun citoyen, quelque temps qu’il ait à donner à ses propres affaires, ne peut-il percevoir ses rentes par lui-même ; il faut qu’il emploie des intermédiaires et qu’il sacrifie une partie de son revenu à soudoyer leur entremise ; et ce serait là cet ordre de choses auquel on croirait le crédit de nos rentes attaché! Disons plutôt que, si le crédit subsiste malgré tant d’abus, tant de gêne et de défectuosité, le crédit prendrait un tout autre essor sous une forme de payement plus simple et plus avantageux aux parties prenantes. Qui est-ce qui n’aimerait pas mieux justifier à la fois, et par une seule production de sa propriété, que d’avoir dix fois à remplir cette formalité pour une même succession ? On vous fera des peintures alarmantes de l’effroi que jetterait dans tous les cœurs des rentiers l’affranchissement de ces entraves. On vous peindra des femmes tremblantes pour leur dot, des filles pour leur légitime. J’ignore si cette peinture n’est pas entièrement fantastique ; s’il est quelques personnes assez instruites, assez peu confiantes dans la sagesse de vos décrets, pour s'alarmer du bien que vous pouvez faire, et recevoir en tremblant les dons de votre patriotisme, les fruits de votre économie, les effets de cet infatigable courage qui a frappé tous les abus; mais je sais que celüi-ci est senti par tous les pères de famille, par tous les rentiers qui ont réfléchi sur leurs intérêts, et qu’ils en attendent de vous la réformation. Tous s’attendent que le Trésor public, unique dépôt des revenus de la nation, ne renverra plus à quarante payeurs l’acquittement journalier des intérêts de la Dette publique, et tous se promettent que cette simplification désirée rendra leurs démarches plus faciles, les formalités plus simples, les payements plus rapprochés. L’Assemblée nationale, dépositaire de la plus haute confiance qu’une nation ait jamais accordée à ses représentants, ne peut y répondre qu’en cherchant, dans tous ses travaux, à s’approcher de la perfection, et, lorsqu’elle ne peut y atteindre tout à coup, elle doit au moins commencer l’ouvrage, ouvrir la carrière aux législatures suivantes et leur en marquer le terme. C’est ainsi qu’elle me paraît devoir tendre à simplifier la dette constituée, en la réduisant, volontairement et sans contrainte, à un même titre et à un taux uniforme d’intérêt. En la réduisant à un même titre, on détruira cette nomenclature barbare, énonciative d’hypothèques et de délégations qui n’existent plus, et qui toutes ont été remplacées par la sauvegarde plus suffisante et plus sûre de l’honueur et de la loyauté française. Par la réduction volontaire à un taux uniforme d’intérêt, seront effacées les traces et jusqu’au souvenir des excès d’infidélité dont l’autorité ministérielle arbitraire a plusieurs fois affligé les créanciers de l’Etat, en changeant la proportion des intérêts attribués à leurs capitaux. Déjà une nouvelle forme établie pour les reconstitutions, et adoptée avec une satisfaction générale par tous les rentiers, fait disparaître de tous les contrats qui se vendent l’énonciation inutile des capitaux primitivement fournis, pour ne plus exprimer que ceux qui sont véritablement représentés par la rente qui s’acquitte. Cette double et utile simplification de la nomenclature et des intérêts de la dette; qui ne s’opère qu’avec tant de lenteur par la voie des reconstitutions, et qui ne pourrait pas être injuste, puis- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’elle serait volontaire, s’effectuerait, en peu d’années, en offrant au créancier le simple et légitime attrait d’une forme plus brève de constater sa propriété et de toucher ses revenus. Les frais des contrats, des reconstitutions, des immatricules, pèsent à chaque mutation sur le rentier, l’obligent à salarier des employés et diminuent d’autant son revenu net. L’embarras des anciennes constitutions se fait sentir encore d’une manière plus pénible dans la comptabilité. Outre les longueurs, les redites, les inutilités que la chambre des comptes et ses suppôts se sont plû à y accumuler, il y existe une complication nécessaire qui résulte de l’extrême variété des titres de la dette publique et du taux des intérêts. C’est aussi sur ces variétés qu’étaient fondées les différentes classifications des payeurs des rentes ; chaque nature de dette avait son payeur ou ses payeurs qui lui étaient affectés. Ainsi tous les abus étaient liés dans l’ancien régime : une dette enveloppée de nuages, une comptabilité inextricable, une forme de payement immonde et dispendieuse; vous pouvez faire disparaître à la fois tous ces inconvénients, en ajoutant à la suppression des payeurs des rentes le décret sur la conversion volontaire de la dette, dont je joins le projet à la suite de cette opinion. Sa simplicité et la facilité de son exécution me persuadent que l’Assemblée nationale ne dédaignera pas une mesure si utile au crédit public, et qui débarrassera, plus que toute autre, la nation, des abus de la comptabilité actuelle. Celle des payeurs des rentes offre chaque année plus de cent volumes in-folio minutés. Enfin, et ce dernier moyen est décisif,’ la réunion des objets transportés aux payeurs des rentes en une seule caisse serait une économie de plus de 270,000 livres, et cette économie nous n’avons pas le droit de la négliger : ici, tous les raisonnements doivent céder au calcul. Je joins le tableau de ce que coûtent les payeurs des rentes et leurs contrôleurs ; j’offre un aperçu de la formation du bureau qui suffirait, et au delà, pour le service le plus prompt et le plus complet du payement des intérêts de la dette constituée et des pensions. C’est d'après les informations les plus exactes et les plus précises que je garantis la suffisance de ce bureau, dont j’ai estimé les appointements d’une manière large, pour donner pleine mesure au système que je combats. Des bureaux, ainsi montés et composés de sujets capables, exécuteraient tous les payements, vérifieraient tous les titres, enregistreraient toutes les oppositions, discuteraient les quittances avec autant de sûreté et plus de promptitude que les quarante maisons des payeurs des rentes. Tous les comptes réduits et balancés, jour par jour, pourraient offrir un tableau complet des opérations de chaque caisse et présenter le même ordre qu’on admire dans les maisons de banque les mieux établies. Si la France parvient bientôt, comme il faut l’espérer, à établir un assez bel ordre dans la recette de Ses revenus, pour n’être plus obligée d’assujettir ses créanciers à l’ordre, ou, disons mieux, à l’attermoiement alphabétique , ce sera alors que l’avantage des bureaux, dont je propose l’organisation sur les quarante fractions de bureaux établies chez les payeurs des rentes, se manifestera bien plus sensiblement. On voit, à l’inspection de ce tableau, que la différence des frais, entre l’une et l’autre méthode, ne permet pas d’hésiter, et l’économie, au lieu 'd’être de 270,000 livres, s’élèverait à plus de [24 juillet 4790.] 243 400,000 livres, si l’opération, qui tend à simplifier la dette en la reconstituant, était adoptée par l’Assemblée nationale, comme je ne doute pas qu’elle ne le soit, si elle daigne la prendre en considération. ( Voyez le tableau ci-joint.) Répondrai-je à un argument que les payeurs des rentes ont voulu tirer des abus commis dans une caisse unique, destinée au payement d’une partie de la dette, et qui a existé, pendant quelque temps, sous le nom de caisse des arrérages ? Cette caisse, établie sous l’ancien régime, en eut tous les défauts; les frais de son administration, qui payait environ 24 millions, ne s’élevèrent pas, comme l’a dit un honorable membre, dans un rapport du 21 juillet, déjà cité, à la somme de 300,000 livres, mais à celle de 160,000 livres, somme beaucoup trop considérable à la vérité ; mais ce qu’on ne vous a point dit, c’est que, sous le prétexte des frais de cette caisse, étaient dissimulées plusieurs grâces pécuniaires, absolument gratuites. Sa comptabilité fut longue et embrouillée, mais on avait entassé dans cette caisse toutes les opérations, toutes les liquidations les plus épineuses; il semblait qu’on ait voulu y rejeter tout ce que le département de la finance avait de plus contentieux et de plus susceptible de difficulté. Quelle conséquence peut-on tirer de cette réunion d’abus et de contestations, contre un plan de payement et de comptabilité, simple, économique et abrégé, tel que celui que je propose et dont l’utilité doit frapper tous les bons esprits, car tous sentiront qu’il ne peut pag être bon de livrer à quarante bureaux ce qu’une seule trésorerie peut exécuter ? On trouvera à la suite du projet de décret que je propose sur l’organisation du Trésor public, le projet de celui qu’il suffirait de rendre pour transporter entre les mains d’un administrateur du Trésor public les payements épars entre les quarante officiers payeurs héréditaires, sans que le service public éprouvât d’interruption, et sans que la propriété des rentiers ni les droits de leurs créanciers subissent aucune altération. Toujours animé du désir de l'économie, j’ai pensé qu’un seul administrateur, celui de la caisse des dépenses, pouvait suffire au payement de la dette publique et au payement des dépenses des affaires étrangères etautresobjets divers d’administration, et, enfin, au versement en masse dans les caisses de la guerre et de la marine, versements qui, dans mon système, doivent émaner de la caisse des dépenses plutôt que de celles des revenus. Enfin, on trouvera, dans le dernier titre, mes idées sur la surveillance qu’il convient à l’Assemblée nationale d’exercer, par ses commissaires, sur cette importante partie de l’administration. J’ai cherché à faire en sorte que l’immense intérêt de la conversion des deniers publics ne reposât pas uniquement sur la responsabilité, qui pourrait être tardive, et qui, en punissant le ministre ou son subordonné déprédateur, ne remplacerait pas les fonds dilapidés. J’ai pensé qu’il serait toujours plus facile et plus sûr de prévenir un si grand désordre que de le punir. J’ai cherché cependant à ne point arrêter l’action du pouvoir exécutif ; elle doit être parfaitement libre, aussi longtemps qu’elle se meut dans les bornes que lui prescrivent les décrets de l’Assemblée nationale. Les moindres écarts qu’un ministre pourrait se permettre au delà de ces limites doivent être dénoncés aussitôt que l’Assemblée à laquelle appartient et la vindicte publique etla répression de ce délit. Mais l’œil, qui observe tous les mouvements des agepts du pouvoir exécutif, n’est point la main 244 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {21 juillet 1790.] qui doit les arrêter, et la responsabilité doit subsister toute et ne jamais trouver d’abri dans les autorisations qu’on ne manquerait pas de surprendre si l’on pouvait les obtenir. Tels sont les motifs et les principes du décret que j’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée. On y trouvera plusieurs détails d’exécution dont il m’a paru que les développements n’étaient pas nécessaires, et dont la rédaction fait assez sentir l’intention et l’objet. Projet de décret sur l’organisation du Trésor public. L’Assemblée nationale, convaincue de la nécessité d’établir le meilleur ordre dans la manutention des deniers publics, de porter la lumière sur toutes les parties de la recette et de la dépense, de prévenir tous les abus par la clarté et la simplicité impossible à éluder et de fonder une organisation si désirable sur les principes de la Constitution et sur la distinction qu’elle établit entre les différents pouvoirs, décrète ce qui suit : TITRE Ier. De la recette des revenus publics ordinaires. Art. 1er. La totalité des revenus ordinaires de l’Etat, composée du produit de la contribution foncière ou personnelle, des impôts indirects de tout genre et du revenu en masse des domaines nationaux, sera versée dans une seule caisse qui sera nommée caisse des revenus nationaux. Art. 2. Aucune somme ne pourra être versée dans ladite caisse, à titre de prêt, dépôt, anticipation, service, ni sous aucun autre prétexte, à moins qu’il n’ait été ainsi ordonné par un décret de l’Assemblée nationale sanctionné par le roi. Art. 3. La garde de cette caisse sera confiée à un administrateur comptable et responsable, sous la surveillance du Corps législatif, ainsi qu’il sera ci-après expliqué. Ledit administrateur sera obligé de tenir un livre de recettes qui contiendra, jour par jour, sans aucune interruption, la mention de toutes les sommes qui auront été versées à la caisse des revenus nationaux, parles receveurs des districts, pour les impositions dont la levée est confiée aux corps administratifs; et par les régisseurs ou adjudicataires, pour la partie des revenus de l’Etat qui pourra être administrée dans cette forme, et il dounera des récépissés de toutes les sommes qui lui seront versées. Art. 4. Ledit administrateur sera subordonné à l’ordonnateur des finances et tenu de lui remettre, jour par jour, un état détaillé des recettes qui sont entrées dans sa caisse. A la fin de chaque ■mois, il fournira un relevé des sommes entrées dans sa caisse, pendant le courant du mois, et de celles qui devaient y être versées ; en sorte que le mémoire des recouvrements, qui ne sont pas encore elfectués, puisse toujours être rapproché du montant des sommes qui ont été versées effectivement. Art. 5. La caisse des revenus nationaux ne sera jamais chargée d’aucuns payements de détail, et ne versera jamais qu’en masse dans la caisse des dépenses nationales ; elle y pourra verser, soit des deniers comptants, soit des mandats ou res-criptions sur les receveurs des quatre-vingt-trois départements, et il sera fait mention dans les récépissés, qui lui seront remis par la caisse des dépenses, de la nature des effets dans lesquels elle aura fait ces versements. Art. 6. La caisse des revenus nationaux ne pourra faire aucuns versements que sur des ordonnances signées par le ministre des finances; et, pour justifier de l’acquit, elle présentera, joint à cette ordonnance, un récépissé de la caisse des dépenses. Art. 7. Ledit administrateur sera responsable de sa gestion ; ses malversations, même ses négligences, si elles portaient préjudice au Trésor national, seront dénoncées et poursuivies, par-devant les tribunaux, suivant les formes établies parla Constitution, à la diligence de l’ordonnateur des finances, qui sera responsable lui-même desdites malversations ou négligences, s’il négligeait de porter ladite accusation. TITRE II. De la caisse des dépenses nationales. Art. 1er. Toutes les dépenses de la nation seront faites, soit en masse, soit en détail, par une seule et même caisse, qui sera appelée caisse des dépenses nationales. Art. 2. Il ne sera fait de dépenses par ladite caisse, que celles qui auront été portées sur les états arrêtés et décrétés par le Corps législatif. Art. 3. Les titres des emprunts faits jusqu’à ce jour par le gouvernement, et reconnus et consolidés par l’Assemblée nationale, seront considérés comme états arrêtés, à l’égard des propriétaires des effets de la dette publique, jusqu’à l’amortissement. Art. 4. L’administration de la caisse des dépenses nationales payera en masse, et aux époques qui seront déterminées, les sommes attribuées à la liste civile, sur les ordonnances de l’ordonnateur des finances, et en tirera récépissé du trésorier de la liste civile, et il aura son acquit desdites sommes, en rapportant ladite ordonnance et ledit récépissé. Art. 5. Les fonds seront délivrés aux trésoriers de la guerre et de la marine en la manière suivante. Chaque mois, lesdits trésoriers dresseront des états des payements effectifs qu’ils auront à exécuter dans lecourant du mois, et lesdits états, certifiés par la signature de l’ordonnateur de ces départements, seront remis le premier jour dudit mois à l’ordonnateur des finances ; ces états seront accompagnés du compte des sommes qui auront été payées dans le courant du mois précédent, avec la date des payements; il sera fait mention des sommes qui pourraient être restées dans la caisse, pour n’avoir pas été réclamées. Sur le vu et la vérification de ces états, l’ordonnateur des finances délivrera, sur la caisse des dépenses, les mandats nécessaires pour l’acquit des dépenses de chaque mois, dans chacun desdits départements. Art. 6. S’il était porté sur les états la demande de fonds, des trésoriers de la guerre ou de la marine, des objets de dépense autres ou plus forts que ceux autorisés par les décrets de l’Assemblée nationale, l’ordonnateur de la finance ne pourra délivrer, sur la caisse des dépenses, de mandats en conformité de pareilles demandes, ni [Assemblée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 juillet 1790.] 24g outrepasser en total, chaque année, les fonds destinés par le Corps législatif aux dépenses de ces départements, à peine d’en répondre en son propre et privé nom. Art. 7 . Les versements à faire en masse, par la caisse des dépenses, aux trésoriers de la guerre ou de la marine, pourront s’effectuer, tant en deniers comptants qu’en mandats ou rescriptions, sur les receveurs des quatre-vingt-trois départements, tirés par la caisse des revenus nationaux ; et il sera fait mention dans les récépissés des trésoriers, payeurs de la guerre et de la marine, de la nature des deniers ou effets dans lesquels les payements auront été effectués. Art. 8. L’administrateur de la caisse des dépenses aura son acquit des versements par lui faits aux caisses de la guerre et de la marine, en rapportant l’ordonnance de l’ordonnateur des finances, et le récépissé du trésorier desdites caisses. Art. 9. L’administration de la caisse des dépenses nationales payera en détail toutes les autres dépenses de l’administration générale et tous les intérêts et arrérages de la dette publique, constituée viagère ou au porteur. Art. 10. La caisse générale des dépenses, sera divisée en deux bureaux. Le premier de ces bureaux effectuera les versements en masse, conformément à l’article 4, et toutes les dépenses de détail de l’administration. Le second bureau fera les payements des intérêts de la dette publique, et sera divisé en deux sections, l’une pour le payement des rentes perpétuelles, constituées ou au porteur, et l’autre pour le payement des rentes viagères et des pensions. Art. 11. L’état des bureaux et des personnes employées au service des caisses, avec les appointements de. chacun, sera présenté par l’ordonnateur des finances au Corps législatif, pour être par lui décrété et employé dans l’état des dépenses. Art. 12. L’administrateur de la caisse des dépenses sera tenu de fournir, jour par jour, à l’ordonnateur des finances, un état distinctif des versements par lui faits en masse, et des payements effectués en détail, et, à la fin de chaque mois, un résumé de tous les versements et payements par lui faits, rapproché de l’état de la totalité des dépenses échéant pendant ledit mois. Art. 13. Il ne sera fait par la caisse des dépenses nationales aucuns payements fictifs, et tous les bons de caisse ou promesses semblables de payement seront réputés nuis et de nulle valeur à l’avenir. TITRE III. DES DÉPENSES GÉNÉRALES DE L’ADMINISTRATION. Art. 1er. L’administrateur de la caisse des dépenses aura son acquit relativement aux dépenses de l’administration, toutes les fois qu’il rapportera la quittance d'une partie prenante, employée sur un état de dépense décrété par l’Assemblée nationale. Art. 2. L’Assemblée nationale fixera, par un décret, quelles seront les dépenses de l’administration générale qui devront ou pourront être acquittées dans les départements par les receveurs des districts. Art. 3. Toutes lesdites dépenses seront censées faites à l’acquit de la caisse nationale des dépenses, et seront réunies au compte général de ladite caisse. Art. 4. A cet effet, il sera dressé dans chaque département un état des dépenses fixes de l’administration générale, payables, d’après les décrets du Corps législatif, par la caisse du département; copie dudit état, visé par le directoire du département, sera adressée à l’ordonnateur des finances. Art. 5. Le receveur de chaque département comptera, par-devant le directoiredu département, des payements par lui effectués suivant ledit état, et le directoire du département retirera les acquits. Le compte ainsi reçu et approuvé, il eu sera fait uue copie, qui, étant visée par le directoire, sera reçue comme comptant par la caisse des revenus nationaux, qui en donnera son récépissé auxdils receveurs, et la caisse des revenus le versera aussi, comme comptant, dans celle des dépenses nationales, qui en emploiera le montant dans son compte, et le rapportera pour acquit valable. TITRE IV. DU PAYEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE. Art 1er. L’administrateur de la caisse des dépenses nationales tiendra des registres d’immatricules qui constateront la propriété ou les droits de jouissance des rentiers, soit en viager, soit en perpétuel. Art. 2. Ledit administrateur tiendra aussi un registre des oppositions au payement des arrérages qui pourront être formées par les créanciers des rentiers. Lesdites oppositions ne seront valables qu’après avoir été visées par l’administrateur ou son préposé à cet effet; et lorsqu’elles seront ainsi visées, il ne pourra vider ses mains des deniers, qu’elle ne lui apparaisse de la mainlevée desdites oppositions, à peine d’en répondre en son propre et privé nom. Art. 3. Il sera délivré par ledit administrateur tous les extraits d’immatricules qui pourront être nécessaires aux rentiers, et sera fait sur le registre le rejet des arrérages de toutes les parties éteintes par remboursement et par reconstitution, et en sera fourni certificat, sans que pour lesdites immatricules, oppositions, enregistrement de mainlevée, extraits et certificats, il puisse être reçu par lui ni ses préposés aucun droit ni émolument. Art. 4. Les parties prenantes qui sont propriétaires de plusieurs parties de rentes constituées et perpétuelles, encore qu’elles soient de différentes créations, seront autorisées à en toucher les arrérages sur une seule et même quittance. Art. 5. Tout propriétaire qui aura à justifier à la fois de sa propriété sur plusieurs parties de rentes sera autorisé d’en justifier par un seul et même cahier. Art. 6. Tout propriétaire jouissant sur la même tête de plusieurs parties de rentes viagères de diverses créations, sera autorisé à les toucher sur une seule quittance et sur un seul certificat de vie. Art. 7. L’administrateur aura son acquit de payement des intérêts de la dette publique, eu la forme suivante. Pour les parties au porteur, en rapportant" les coupons. Pour les parties constituées en perpétuel, en rapportant la quittance sous signature privée 2-46 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 17âO.) du rentier ou de son fondé de procuration, avec les pièces à l’appui de son droit lors des mutations. Pour les rentes viagères, en rapportant les certificats de vie, signés de deux notaires résidant au chef-lieu du district, et la quittance sous signature privée du rentier ou de son fondé de procuration. Art. 8. Lors du décompte qui sera fait aux héritiers, au décès de chaque rentier, viager ou titulaire de pension, son article sera rejeté du sommier d’immatricule; il sera porté sur un tableau qui présentera le montant de toutes les extinctions de chaque jour, et qui sera arrêté mois par mois, et copie de ce tableau sera fournie à l’ordonnateur. Art. 9. L’Assemblée nationale, espérant que l’état des revenus publics ne tardera pas à lui permettre d’ouvrir indéfiniment les payements de chaque semestre, aussitôt après son échéance, décrète que, provisoirement, l’ordre alphabétique de payement sera conservé. Art. 10. Chaque rentier dont le payement sera ouvert sera tenu de déposer sa quittance et les pièces à l’appui dans une boîte qui sera disposée à cet effet; et, huit jours après, il pourra se présenter à la caisse pour recevoir son payement. Le même ordre sera observé pour le payement des pensions. Art. 11. Il sera établi le nombre de contrôleurs nécessaires pour surveiller les payements, se faire représenter les contrats ou pouvoirs des parties prenantes, et délivrer les certificats de payement dont ils seront requis. Art. 12. Les difficultés qui pourraient s’élever sur la suffisance ou régularité des titres produits par les parties prenantes, pour établir leurs droits de propriété, seront d’abord soumises, sur un simple mémoire, à un comité de liquidation composé de l’administrateur et de deux principaux commis du département. Le comité signera son avis motivé sur la suffisance et validité des titres, et si la partie se croit lésée par l’avis du comité, ellepourra faire assigner l’administrateur par-devant le juge ordinaire ; et si l’administrateur est condamné à payer, le jugement par lui exécuté sera sa décharge. Art. 13. La voie d’appel sera ouverte aux parties, suivant les formes de constitution et de législation ordinaires. TITRE V. DU PAYEMENT DES DÉPENSES DE LA GUERRE ET DE LA MARINE, Art. 1er. Le département de la guerre et celui de la marine auront chacun un trésorier-payeur, chargé du payement en détail de toutes les dépenses de ces deux départements. Art. 2. Les versements seront faits dans ces deux caisses par la caisse des dépenses nationales, sur les ordonnances de l’ordonnateur des finances, conformément aux états décrétés par l’Assemblée nationale, en la forme et manière indiquées par \es art. 5, 6, 7 et 8 du titre II du présent décret. Art. 3. Le trésorier-payeur de ces deux départements fera tous les payements en détail, soit par lui-même à la caisse de Paris, soit par ses trésoriers dans les différentes parties du royaume et des colonies, conformément aux états arrêtés et décrétés par l’Assemblée nationale, ou sur les ordonnances du ministre ou de l’ordonnateur de la guerre ou de la marine. 11 aura sa décharge en rapportant lesdites ordonnances, conformes aux états, et les acquits des parties prenantes. Art. 4. Les trésoriers-payeurs des départements de la guerre et de la marine fourniront, jour par jour, tant à leur ministre respectif, qu’à l’ordonnateur des finances, un état de leurs dépenses ; et, mois par mois, ils en formeront un relevé dans lequel ils rapprocheront les payements effectués pendant le mois, de l’état des dépenses assignées pour ledit mois. TITRE VI. DU BUREAU CENTRAL DE COMPTABILITÉ. Art. 1er. Il sera établi au Trésor national un bureau central de comptabilité auquel l’administrateur de la caisse des revenus nationaux, celui de la caisse des dépenses nationales et les trésoriers-payeurs de la guerre et de la marine seront tenus de rapporter, jour par jour, le journal de toutes les recettes et dépenses de leur caisse. Les relevés de chaque mois seront également rapportés à ce bureau central. Art. 2. Le bureau central de comptabilité sera soumis à l’inspection commune des administrateurs et trésoriers de chaque département. Art. 3. De la réunion des différents états fournis par chaque caisse, le bureau central fournira un journal général qui représentera la situation réelle et journalière du Trésor public, de ses recettes et dépenses, de ses recouvrements et débits, et offrira à chaque instant la balance de son actif et deison passif. Les livres seront tenus en partie double. Art. 4. Dans les trois premiers mois de chaque année, le bureau central formera le compte effectif des recettes et dépenses de l’année précédente, dont il prendra les éléments dans les journaux par lui tenus conformément aux articles précédents. Ce compte présentera aussi le rapprochement des recouvrements à faire et des débits à payer ; il sera certifié par les administrateurs et trésoriers-payeurs et visé par l’ordonnateur des finances; il sera rendu public par la voie de l’impression. Art. 5. Chaque administrateur et trésorier-payeur sera obligé de dresser annuellement son compte sur pièces, et de le déposer avec lesdites pièces à l’appui et acquits au bureau central de comptabilité. Le bureau central fera le rapprochement du compte sur pièces de chaque département avec le compte en sommes relevé sur les journaux ; après cette vérification, il réunira en un seul et même corps les comptes des quatre départements, et présentera le compte général au Corps législatif, avec ses observations, s’il y a lieu. TITRE VII. DES COMMISSAIRES DU CORPS LÉGISLATIF. Art. 1er. Chaque législature nommera un nombre suffisant de commissaires pour inspecter toutes les opérations de chaque caisse et bureau du Trésor public. Tous caissiers et chefs de bureaux seront tenus de leur remettre tous les états qu’ils exigeront, comme aussi de leur représenter, sans déplacer, tous les originaux des livres et journaux, même les pièces et ordonnances. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.J 247 Art. 2. Les mêmes commissaires pourront vérifier la situation effective des caisses, toutes les fois qu’ils le jugeront convenable. Art. 3. Les fonctions desdits commissaires se borneront seulement à inspecter et surveiller, dans le plus grand détail, toutes les opérations des caisses et bureaux, et à rendre compte au Corps législatif du résultat de leur examen et de leurs observations ; et ils ne pourront se dispenser de faire au moins un rapport sur cet objet à chaque session. Il leur sera absolument interdit de donner aucun ordre ni défense aux payeurs du Trésor national de prendre sur eux l’interprétation d’aucun décret relatif aux finances de l’Etat et de donner provisoirement à l’ordonnateur aucune autorisation qui puisse affaiblir sa responsabilité. Art. 4. Les fonctions de ces commissaires subsisteront même dans l’intervalle des sessions du Corps législatif, et ils ne pourront recevoir d’autre traitement que la même indemnité qui sera attribuée aux membres du Corps législatif pendant la tenue des sessions. PROJET DE DECRET Pour parvenir à convertir les différents titres actuels de la dette publique en un titre uniforme. Art. 1er. Les propriétaires des rentes, intérêts et autres charges annuelles et perpétuelles sur la nation, pourront, si bon leur semble, à compter du 1er janvier 1791, remettre leurs titres actuels de créances au Trésor public, dans les formes ci-après ordonnées, pour qu’il leur soit expédié en échange une ou plusieurs quittances de finances portant le capital au denier vingt, du produit net de leurs rentes ou intérêts. Art. 2. Lesdites quittances de finances seront expédiées au nom des anciens propriétaires ou des personnes qu’ils indiqueront, et produiront 5 0/0 d’intérêts annuels, sans retenues ; à cet effet, elles seront accompagnées de vingt coupons d’intérêts, portant les mêmes noms, payables de six mois en six mois, au 1er janvier et 1er juillet de chaque année. Art. 3. Les payements desdits coupons d’intérêts seront fait à leur échéance, par la caissedes dépenses nationales, établie au Trésor public, en représentant par les porteurs lesdits coupons, avec l’acquit au dos, signé des personnes qui y sont dénommées. Art. 4. Pour parvenir à faire l’échange mentionné article premier, les propriétaires remettront au Trésor public, avec leurs titres, un acte passépar-devant notaire, contenant la déclaration qu’ils entendent convertir telle et telle rente, ou partie d’intérêts à eux appartenant, conformément au présent décret, en quittances de finance de telle somme, accompagnées de coupons d’intérêts à partir du premier jour de tel semestre. Art. 5. En marge de ladite déclaration, le payeur desdites rentes ou intérêts donnera son certificat: 1° qu’il a fait mention sur ses registres de l’extinction des parties y énoncées, à compter du premier jour de tel semestre ; 2° qu’elles sont de telle somme de produit net ; 3° que les déclarants sont véritablement propriétaires ; 4° et qu’il n’y a point d’opposition entre leurs mains au payement des arrérages. Art. 6. Lorsque les quittances de finance devront être expédiées au nom des anciens propriétaires, ils seront dispensés de rapporter le certificat, qu’il n’existe peint d’oppositions formées sur leurs capitaux, entre les mains des conservateurs des hypothèques sur les finances; dans le cas contraire où ils indiqueraient de nouveaux propriétaires, ils seront tenus de rapporter ledit certificat. Art. 7. Lorsqu’il n’y aura pas de changements de propriétaires, les oppositions formées entre les mains des conservateurs des hypothèques auront sur les capitaux portés ès dites quittances de finance le même effet qu’elles pourraient avoir sur les anciennes créances ainsi éteintes et converties. Art. 8. Le propriétaire qui voudra disposer de sa quittance de finance, la rapportera au Trésor public avec les coupons à échoir ; il y joindra un simple acte en brevet, passé devant notaire, revêtu des certificats des conservateurs des hypothèques, portant déclaration que ladite remise est faite, à l’effet, par le Trésor public, d’expédier une nouvelle quittance de finance, avec de nouveaux coupons de même somme, sous les noms qu’il se réserve d’indiqueret de fournir. Art. 9. Lors des mutations par décès, les héritiers ou ayants droit feront la remise mentionnée au précédent article, en fournissant, de plus, les pièces justificatives de leur droit et qualité, et il leur sera, en conséquence, expédié de nouvelles quittances de finance et coupons, soit en leur nom, soit au nom qu’ils indiqueront. Art. 10. Lorsque les coupons d’intérêt dépendant desdites quittances seront épuisés, le renouvellement en sera fait au nom des mêmes propriétaires, et les nouveaux coupons ne seront remis que sur la représentation de chaque quittance de finance. CRÉANCE MODÈLE. perpétuelle et nationale. Je, administrateur du Trésor public, déclare que M. Pierre , etc., est propriétaire de la somme capitale de due par la nation, produisant d'intérêts annuels et perpétuels au denier vingt, dont il m’a fourni la valeur, en exécution du décret de l’Assemblée nationale, du sanctionné par le roi, le J’ai remis au susnommé les coupons d'intérêts, à compter du premier janvier ou juillet 17 Fait à Paris, au Trésor public, le 248 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] IV» MODÈLE DES COUPONS. Décret du Premier coupon six premiers mois 1791. Le premier juillet 1791, M. Pierre recevra au Trésor public la somme de pour intérêts éehus à cette époque , de la somme capitale à lui due par la nation. PROJET DE DÉCRET pour transporter le payement des intérêts de la dette publique à la caisse des dépenses nationales. Art. 1er. Toutes les rentes perpétuelles et viagères, coupons d’intérêt, taxations héréditaires, et généralement tous les intérêts de la dette publique, sous quelque dénomination qu’ils puissent être compris, maintenant acquittés par les payeurs des rentes de l’hêtel-de-ville de Paris, ou dont le payement leur a été provisoirement transféré par différents décrets, seront payés par l’administrateur de la caisse générale des dépenses nationales, établie au Trésor public, à compter des six premiers mois de 1791, dont le payement sera ouvert au premier juillet de ladite année. Art. 2. Seront pareillement payés à ladite caisse toutes les rentes et intérêts de la dette publique, dont le payement a pu être exécuté jusqu’à ce jour, par tout autre trésorier ou payeur, sans cependant déroger aux dispositions des décrets du 15 août 1790, et du... concernant les payements qui doivent s’effectuer dans les districts. Art. 3. Les trésoriers ou payeurs des différents objets énoncés aux articles précédents, seront tenus de remettre dans les quatre premiers mois de 1791, à l’administrateur de la caisse de3 Frais de l'établissement des payeurs. Les quarantes payeurs des rentes jouissaient chacun d’un traitement de 15,000 livres, y compris 3,000 livres de frais de bureaux. Le rapporteur du comité des finances a pensé qu’on ne pouvait pas le réduire au-dessous de 12,000 livres. Ainsi, à raison de 12,000 livres chacun, les quarantes payeurs coûtent ........ 480,000 liv. Les contrôleurs, à raison de 3,000 livres coûtent ............... 120,000 Total ...... 600,000 liv. dépenses, un relevé de leurs registres d’immatricules contenant état par eux certifiés de toutes les parties de rentes ou intérêts perpétuels ou viagers dont ils sont chargés. Art. 4. Ils remettront aussi audit administrateur un état énonciatif, et d’eux certifié, des saisies et oppositions faites en leurs mains, au payement des arrérages, lesquels tiendront ès mains dudit administrateur. Art. 5.Lesditspayeurs des rentes de Phôtel-de-ville de Paris acquitteront, dans les six premiers mois de 1791, tout ce qui sera échu, jusques et compris le dernier décembre prochain (1790), de toutes les rentes et charges annuelles, dont ils ont été chargés jusqu’à ce jour. Art. 6. Ils remettront le premier juillet 1791, audit administrateur, l’état de leurs débets ou parties non réclamées ; ils en verseront le montant à la caisse générale des revenus du Trésor public, et ce, nonobstant lesdites saisies et oppositions formées entre leurs mains. Art.7. Lesoffices des quarante payeurs de l’hô-tel-de-ville de Paris et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés pour cesser toutes fonctions au premier juillet 1791 ; les finances desdits offices seront liquidées et remboursées après l’apurement des comptes desdits payeurs. Art. 8. Après l’apurement de leurs comptes, lesdits payeurs déposeront au Trésor public leurs registres et sommiers d’immatricules. Evaluation des dépenses d’une caisse des arrérages , substitués aux quarante payeurs des rentes, en laissant subsister les titres actuels de créances et la diversité des natures de remises. 1 Administrateur (1) .- ....... 25,000 liv. 1 Liquidateur, chef ........ 12,000 2 Liquidateurs, sous-chels, à 6,00ü livres ........ ..... 12,000 1 Caissier générai . . . .' ..... 10,000 Rentes perpétuelles et coupons. 4 Commis de comptoir, à 2,000 livres. 8,000 4 Contrôleurs, à 3,000 livres .... 12,000 4 Compteurs d’argent, à 1,200 livres. 4,800 Bureaux. 6 Liquidateurs, anciens maîtres clercs ae notaire : savoir : deux à 5,000 livres, et quatre à 4,000 livres. . 26,000 23 à reporter. A reporter. 109,800 (1) Si l’établissement est réuni au département des dépenses du Trésor public, on économisera le traitement de l’administrateur.