115 octobre 1789. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 452 sceaux Je décret qui a été rendu ce matin sur la forme de convocation des bailliages pour la nomination des suppléants. » M. Prieur rend compte, au nom du comité des rapports, d’une demande formée par la commune de Fontainebleau. Les habitants de celte ville représentent que les anciens officiers municipaux voulant conserver leurs fonctions, cette cité se trouvait dans une anarchie qui compromettait non-seulement leur sûreté, mais encore celle du palais du Roi. Le comité propose d’ordonner, conformément aux demandes des habitants de Fontainebleau, que la commune soit autorisée à se nommer des officiers municipaux, et à établir une milice nationale, avec défense aux anciens officiers civils ou militaires, de s’immiscer dans l’administration de cette ville. L’Assemblée a décrété que « M. le président de F Assemblée nationale sera chargé d’écrire à la commune de Fontainebleau, que, provisoirement et jusqu’à çe que l’Assemblée nationale ait organisé les municipalités et milices nationales du royaume, les comités civil et de police doivent être élus, librement et au scrutin, par les communautés assemblées, et prendre seuls les arrêtés propres à maintenir l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale et la paix et la tranquillité publiques; que les milices nationales et leurs chefs doivent prêter la main à l’exécution de ces arrêtés, sans pouvoir les contrarier sous aucun rapport ; enfin, que les officiers, tant municipaux que militaires, élus dans cette forme, sont les seuls qui puissent légalement exercer ces fonctions, sans que, sous prétexte d’autorisation ministérielle, aucun citoyen puisse, contre le vœu de la commune, se perpétuer ou s’immiscer dans ces mêmes fonctions. » L’ordre du jour appelle la discussion sur le projet de loi relatif aux attroupements. M. Target lit un plan fait par le comité de Constitution. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, considérant que la liberté honore et affermit les empires; que la licence les affaiblit et les dégrade ; qu’au lieu de donner le pouvoir de tout faire, la liberté consiste dans l’obéissance à la loi ; qu’il n’y a plus ni sûreté, ni liberté, ni propriété pour personne, lorsque ces biens ne sont plus assurés à tous les citoyens; que plus les peuples s’approchent de la licence, puis ils s’éloignent de la liberté ; qu’il est des cas où les moyens ordinaires peuvent devenir impuissants pour rétablir l’ordre général, qu’alors la force militaire est nécessaire ; que cependant il faut que ces moyens se concilient avec la paix, la liberté et l’indépendance ; « A décrété et décrète : « 1° Que tous attroupements séditieux, en armes ou sans armes, seront défendus, et dans le cas où la paix sera troublée par de tels attroupements, les officiers municipaux auront recours au pouvoir militaire ; 2° Sur cette demande, et non autrement faite au nom du Roi, les troupes réglées, maréchaussées, gardes nationales, seront tenues de déployer la force des armes; « 3° Les troupes, maréchaussées, gardes nationales, requises par les officiers municipaux, marcheront commandées par leur chef et accompagnées de deux officiers municipaux; « 4® Lecture sera faite de la présente loi au peuple attroupé ; il lui sera fait trois sommations au nom de la nation, du Roi et de la loi, de se retirer sans délai ; « Dans le cas où, pendant ou après la lecture et les sommations, le peuple se porterait à des violences contre les officiers municipaux ou contre d’autres citoyens, la force des armes sera alors déployée contre les séditieux, sans que ces' officiers municipaux ou militaires soient respon-cables des événements ; « 6° Dans le cas où le peuple se retirerait paisiblement, les chefs et instigateurs des attroupements pourront seuls être poursuivis et condamnés à trois ans de prison au moins, pour attroupements sans armes, et à la mort pour attroupements avec des armes; « 7° Dans le cas où le peuple ne se retirerait pas, ceux que l’on arrêterait seraient punis d’un an de prison au moins pour attroupements sans armes, et de la mort pour attroupements avec des armes ; « 8° Les chefs, officiers ou soldats qui fomenteraient des émeutes, ou qui refuseraient leur service sur la réquisition des officiers municipaux, seront déclarés rebelles à la nation, au Roi et à la loi, et punis de six ans de prison pour des émeutes sans armes, et de mort pour des émeutes avec des armes; «9° Le droit de présenter des requêtes, adresses ou pétitions, appartient au peuple, qui, lorsqu’il sera attroupé, pourra nommer vingt députés pour rédiger et signer une requête, adresse ou pétition, que les officiers municipaux seront tenus défaire parvenir à qui il appartiendra. » M. Pétion de Tilleneuve. 11 m’est impossible d’avoir une opinion sur le projet qui vient d’être lu. Je vais me borner à présenter quelques observations sur celui de M. le comte de Mirabeau. Dans le préambule on a adopté une forme absolument opposée à celle que l’Assemblée a décrétée, et l’on a suivi très-scrupuleusement celle que vous avez proscrite. C’est toujours le Roi qui considère ; et cependant si l’Assemblée nationale a seule le droit de faire la loi, c’est à elle seule aussi qu’il appartient d’exposer les motifs de cette loi. Dans beaucoup d’articles se trouve le mot excès, dont la signification est très-vague et très-étendue : la peine de mort est prononcée contre les excès de même que contre les violences. La loi ne doit être exécutée que dans la capitale et. à quinze lieues de Paris: nous ne devons pas 1 faire une loi qui paraisse n’exister que pour nous ; la réponse que M. le comte de Mirabeau a faite à une objection assez forte n’est pas absolument d’accord avec une disposition prise par l’Assemblée, qui a ordonné que le serment des troupes serait prêté devant les officiers municipaux, dans un temps où il y avait bien moins de municipalités élues qu’à présent. t L’article 4 porte la peine de mort contre ceux qui troubleront les officiers municipaux dans les fonctions prescrites par l’article précédent. Celte disposition est bien sévère, pour ne pas dire bien inhumaine ; il y a beaucoup de manières de troubler, et la conviction de trouble pourrait souvent être très-arbitraire. Ne le fùt-elle pas, la peine pourrait-elle paraître proportionnée au crime? La peine de mort est encore la seule peine ’ prononcée dans plusieurs articles, et notamment dans l’article 8. Cette loi importante, par cette espèce de condamnation et par les maux qu’elle doit prévenir, mérite un examen très-ap- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 octobre 1789.] profondi. Je demande l’ajournement de cette discussion. M. le duc de La Rochefoucauld. J’adopte toutes ces observations, et je pense qu’en ajournant la question, on pourrait décréter sur-le-champ ce principe de Constitution : que le peuple .a le droit de s’assembler, mais en suivant les formes prescrites. L’Assemblée décrète l’impression du projet de M. Target, et ordonne qu’ainsi que celui de M. le comte de Mirabeau, il sera remis au comité de Constitution. M. le duc d’Aigui lion fait une motion tendant à faire nommer un comité chargé de recevoir les adresses. Cette motion est ainsi conçue (1): Messieurs, il me semble que plus que jamais il est nécessaire d’accélérer les opérations de l’Assemblée. Jusqu’à présent vous avez marché au milieu des dangers vers le but auquel vous allez arriver pour le bonheur de la France. Les obstacles sans nombre que vous avez rencontrés ont pu ralentir votre marche, mais dans les circonstances actuelles, il est plus que jamais nécessaire de réunir tous nos efforts pour hâter l’instant de la félicité publique. Bientôt une Constitution sage établira la liberté de Ja nation ; bientôt les villes par l’organisation de leurs municipalités, les provinces par celles de leurs assemblées administratives, seront sûres de leur tranquillité; bientôt l’établissement d’un régime nouveau dans les lois, dans les tribunaux, dans la manière de rendre la justice, va mettre l’innocent à l’abri des attentats du coupable; bientôt enfin l’ordre dans les finances et l’établissement du crédit public assureront à jamais la force de l’empire. Ces biens vont vous être dus, Messieurs, mais il faut presser le moment où la France vous comblera de bénédictions. Vous allez à Paris vous réunir au Roi, pour achever l’ouvrage important que vous dictent votre patriotisme et vos lumières. Rien ne doit vous détourner un instant de cet objet si désiré et cependant, au milieu d’un peuple satisfait de posséder l’Assemblée nationale dans les murs de la capitale, ne craignez-vous pas que l’empressement de tous les corps, de toutes les réunions de citoyens, de particuliers môme, ne vous enlèvent chaque jour des instants précieux? Ne craignez-vous pas que leurs demandes, leurs plaintes, qu’ils viendront en foule vous adresser, ne vous dérobent un temps qui doit être consacré au bonheur de tout le royaume ? D’après ces considérations je crois que l’Assemblée nationale devrait interdire de recevoir à labarre toute députation quelconque des habitants de Paris si ce n’est celle des représentants de la communede Paris. Il est cependant nécessaire d’accueillir les demandes, les plaintes des citoyens, et cette loi de justice est trop bien gravée dans vos cœurs, Messieurs, pour que je me permettede vous la répéter. Il faut donc, ce me semble, que l’Assemblée nomme un comité de vingt membres, dont dix de la députation de Paris, pour recevoir les adresses, les demandes, les plaintes et toutes affaires quelconques des corps, communautés, réunions de citoyens et particuliers de la capitale, excepté la commune dont les députations seront toujours reçues à la barre de 1 Assemblée nationale. Si vous approuvez, Messieurs, et les (1) Cette motion ne se trouve pas au Moniteur. 453 motifs qui ont dicté mon opinion, et mes idées à cet égard, j'aurai l’honneur de vous proposer l’arrêté suivant; « L’Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l’œuvre si désirée de la félicité publique, a décrété et décrète ce qui suit: « Aucune députation quelconque, d’aucun corps, communauté, réunion de citoyens, des habitants de la capitale, sous quelque titre que ce soit, ne sera désormais admise à la barre, excepté les députations des représentants de la commune de cette ville. « Il sera nommé dans le sein de F Assemblée un comité de vingt personnes, dont dix choisies parmi les membres de la députation de Paris. Ce comité sera chargé de recevoir les adresses, demandes, plaintes et toutes affaires quelconques qui pourraient être soumises aux représentants de la nation parles corps, communautés, réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de la capitale. « Le comité fera ensuite ses rapports à l’Assemblée nationale. » La motion de M. le duc d’Aiguillon est mise en discussion. M. Barnave. Je pense qu’il faut substituer le comité des rapports à la commission demandée. M. llilscent. On pourrait inférer de ce décret que les autres municipalités du royaume ne pourront députer à l’Assemblée; je suis certain cependant que beaucoup de villes, qui ont des choses importantes à communiquer, ont envoyé des députations qui sont déjà à Paris. M. Grarat expose le danger d’une exception en faveur de la capitale. M. de la Grallssonnière. Il y a déjà des députations envoyées par deux provinces entières: pourra-t-on les refuser? M.le duc d’AUguillon. L’Assemblée a renduun décret par lequel elle avait arrêté que, passé le 10 du mois d’août, aucune députation ne serait reçue à la barre; mais ce n’était que pour les députations de félicitation. Quand bien même l’objet de ce décret aurait été plus étendu, l’Assemblée a assez prouvé, par un usage contraire, qu’elle n’entendaitpoint l’exécuter rigoureusement. Aussi je n’ai pas proposé une exception à ce décret en faveur de la ville de Paris; j’ai seulement voulu exclure les députations des corps et communautés, ou les agrégations de citoyens. Le décret proposé par M. le duc d’Aiguillon est, après quelques amendements, adopté comme il suit: « L’Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l’ouvrage si désiré de la félicité publique, décrète : « Qu’il n’y aura de députation de Paris admise à la barre que celle des représentants de la commune de cette ville ; et quant aux adresses, demandes, plaintes, qui pourraient être présentées à l’Assemblée nationale par des corps, communautés ou réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de Paris, elles seront portées an comité des rapports, qui en rendra compte à l’Assemblée nationale. » M. Alquier, membre du comité des rapports ,