[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. JJ 329 Art. 3. « Cette commission fera traduire successi¬ vement devant elle tons les prisonniers pour y subir un dernier interrogatoire. Art. 4. « L’innocent reconnu sera sur-le-champ mis en liberté, et les coupables envoyés au supplice. Art. 5. « Tous les condamnés seront envoyés à plein jour (sic), en face du lieu même où. les patriotes furent assassinés pour y expier, sous le feu de la foudre, une vie trop longtemps criminelle. » Commune-Affranchie, 7 frimaire, l’an II de la République française, une, indivisible et démocratique. Les représentants du peuple, Signé : Collot d’Herbois, Fouché, Albitte et Delaporte. Enregistré à la municipalité de Villefranche, le 16 frimaire, l’an II de la République fran¬ çaise. Pour extrait conforme : Laplace, secrétaire greffier. Proclamation des représentants du peuple, en¬ voyés dans la Commune -Affranchie, pour y assurer le bonheur du peuple avec le triomphe de la République , dans tous les départements environnants, et près l'armée des Alpes (1). Républicains, Lorsque tous les hommes énergiques sont impatients d’arriver au terme heureux dé la Révolution; lorsqu’ils travaillent sans relâche aux moyens d’entraîner tous les esprits dans son orbite, vos perfides ennemis, vos hypo¬ crites amis cherchent à vous imprimer de faux mouvements, à égarer votre raison, à briser le ressort de vos âmes, et à donner le change à votre sensibilité. Les ombres des conspirateurs, des traîtres, semblent sortir du néant pour exer¬ cer sur vous leur sinistre influence. On veut arrêter la volonté du peuple dans ses effets par des considérations, par des cal¬ culs plus ou moins pusillanimes, plus ou moins méprisables, plus ou moins funestes à la liberté. On ose insulter à sa toute-puissance, circons¬ crire sa justice éternelle dans les limites des tribunaux ordinaires, où trop souvent les for¬ malités ne servirent qu’à couvrir la scéléra¬ tesse, d’autant plus profonde, qu’elle ne laisse aucune trace après elle. On conspire contre l’humanité entière; on veut dérober au glaive de la vengeance nationale quelques assassins privilégiés qu’on a intérêt d’épargner, parce qu’eux seuls peut-être auraient l’affreux cou¬ rage de combiner de nouvelles conjurations, de nouveaux attentats. On ne songe plus aux flots de sang qui ont coulé des veines généreuses des patriotes; la République est oubliée, et Lyon, que le peuple a condamné à l’anéantisse¬ ment, est conservé dans la pensée, pour deve¬ nir encore le foyer du brigandage royal et l’a¬ sile de la corruption et du crime. (1) Archives nationales, carton AFii 137, pla¬ quette 1060, pièce 41. Mais quels sont donc ces hommes qui ont conçu le téméraire projet d’enchaîner la sévère justice du peuple, et de briser dans ses mains la foudre vengeresse! Quels sont ces hommes qui s’efforcent de prendre le masque de la plus sainte des vertus : de la touchante humanité! Républicains, ce sono ceux-là mêmes que vous avez vus naguère orgueilleux et inhumains, riohes et avares, se plaignant amèrement du plus léger sacrifice que la patrie imposait à leur superflu, prodiguant l’or aux tyrans et à leurs infâmes suppôts; refusant avec dureté le né¬ cessaire à l’indigent, et traînant honteusement dans la boue le malheureux qu’ils voulaient avilir pour l’opprimer, en livrant aux angoisses dévorantes des premiers besoins, aux atteintes poignantes de l’inquiétude, à tout ce qui sert de cortège au désespoir, les familles honorables des vertueux défenseurs de la patrie ! Ce sont enfin ces mêmes hommes qui ont immolé à leur féroce amour pour la domination, des milliers de victimes, et en qui il n’existe qu’un sentiment, celui de la rage de n’en avoir pas immolé un plus grand nombre. Hypocrites audacieux, ils se disent les amis de l’humanité, et ils l’ont consternée; ils ont fait gémir la nature, couvert de sang la statue de la liberté, et ils l’outragent chaque jour jusque sur l’échafaud, en offrant leur dernier souffle impur au maître qu’ils appellent dans leur délire insensé. Ce sont là les seuls tableaux qui doivent fixer vos yeux, et absorber votre pensée tout entière. On effraie votre imagination de quelques décombres, de quelques cadavres qui n’étaient plus dans l’ordre de la nature et qui vont y rentrer; on l’embrase à la flamme d’une maison incendiée, parce qu’on craint qu’elle ne s’al¬ lume au feu de la liberté. Républicains, quelques destructions indi¬ viduelles, quelques ruines ne doivent pas être aperçues de celui qui, dans la Révolution, ne voit que l’affranchissement des peuples de la terre et le bonheur universel de la postérité. De faibles rayons s’éclipsent devant l’astre du jour. Eh ! n’est -ce pas sur les ruines de tout ce que le vice et le crime avaient élevé que nous devons établir la prospérité générale! N’est-ce pas sur les débris de la monarchie que nous avons fondé la République! N’est -ce pas avec les débris de l’erreur et de la superstition que nous formons des autels à la raison et à la philosophie! N’est-ce pas également avec les ruines, avec les des¬ tructions des édifices de l’orgueil et de la cupi¬ dité que nous devons élever aux amis de l’éga¬ lité, à tous ceux qui auront bien servi la cause de la liberté, aux braves guerriers retirés des combats, d’humbles demeures pour le repos de leur vieillesse ou de leurs malheurs! N’est-ce pas sur les cendres des ennemis du peuple, de ses assassins, de tout ce qu’il y a d’impur, qu’ü faut établir l’harmonie sociale, la paix et la félicité publiques! Les représentants du peuple resteront impas¬ sibles dans l’accomplissement de la mission qui leur a été confiée ; le peuple leur a mis entre les mains le tonnerre de sa vengeance, ils ne le quitteront que lorsque tous ses ennemis seront foudroyés; ils auront le courage énergique de traverser les immenses tombeaux des conspi¬ rateurs et de marcher sur des ruines pour arri¬ ver au bonheur des nations et à la régénération du monde. 330 [Convention nationale. | ARCMVBS PARLEMENT Mû ES. | f} SSSbwV» Commune-Affranchie, le 15 frimaire, l’an II de la République française, une, indivisible et démocratique. Les représentants du peuple : Collotd’Herbois, Fouché, Albitte, Laporte. Enregistré le 18 frimaire l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible, ouï le sub¬ stitut du citoyen procureur général syndic. Gtütot, secrétaire générai. III. Lettres du représentant André Dumont, ENVOYÉ DANS LES DÉPARTEMENTS DE LA Somme, du Pas-de-Calais et de l’Oise, PAR LESQUELLES IL ANNONCE QUE L’ARBRE DE LA LIBERTÉ A ÉTÉ SCIÉ PENDANT LA nuit a Amiens (1). Suit le texte de ces pièces d'après les origi¬ naux gui existent aux Archives nationales (2). André Dumont, représentant du peuple dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise, à la Convention nationale. « Amiens, le 8e jour de la 2e décade du 3e mois (frimaire) de l’an II de la République française, une, indivisible et impérissable. « Citoyens collègues, «' Les rebelles de la Vendée ont ici des agents; on s’est, cette nuit, permis un attentat affreux dont j’espère découvrir les auteurs. J’ai mis la garnison sur pied; 7,000 hommes sont sous les armes, les 19 vingtièmes de la ville sont désolés qu’un tel crime ait été commis ; la géné¬ rale bat, les visites domiciliaires se font ; depuis trois jours les étrangers abondaient, j’ai donné l’ordre de les arrêter; tous les citoyens concou¬ rent à l’effet des mesures. A quelque chose malheur est bon, il en résultera la punition des coupables; j’exterminerai ces partisans du la Vendée. « Salut et fraternité. « Dumont. » (1) Les lettres d’André Dumont ne sont pas men¬ tionnées au procès-verbal de la séance du 21 fri¬ maire; mais on en trouve des extraits dans les comptes rendus de cette séance publiés par tous les journaux de l’époque. En outre, en marge de l’ori¬ ginal qui existe aux Archives nationales, on lit la note suivante : « Insertion au Bulletin. Renvoyé aux comités de Salut public et de sûreté générale le 21 frimaire, 2e année républicaine. Roger Dueos secrétaire. » (2) Archives nationales, AFn 143, plaquette 1139, pièce 24; Moniteur universel [n° 83 du 23 frimaire an II (vendredi 13 décembre 1793), p. 334, col. 1 ] ; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 449, p. 296); Bulletin de la Convention du 1er jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mercredi 11 décembre 1793); Aulard ; Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 259. André Dumont, représentant du peuple dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise, à la Convention nationale (1)'. « Amiens, le 8e jour de la 2e décade du 3e mois (frimaire) 7 heures du soir, de l’an II de la République française, une, indivisible et impérissable. « Ce dont je vous entretenais il y a six heures se découvre; ce sont des étrangers arrivés ici, qui cherchaient à fomenter le trouble. Mais j’ai tendu mon large filet et j’y prends tout mon gibier de guillotine. Je vous le répète-, les ci¬ toyens de cette ville se montrent bien, soyez tranquilles, la punition suivra le crime, les scé¬ lérats ne s’attendaient pas à être encagés; patience, ça ira; ils voulaient frayer un chemin aux rebelles, mais ils ne leur frayeront que celui de la mort. « Ne prenez aucun parti contre la ville, ce serait décourager les patriotes ; le coup ne vient sûrement pas des citoyens d’Amiens; comptez sur mon zèle et demeurez certains que je déjouerai sans peine ces nouveaux complots, Je ne combats qu’avec les armes du peuple, et il applaudit à mes opérations. Je méprise les prêtres, mais je ne les bats qu’avec le ridi¬ cule. Si le salut de la patrie dépendait d’Amiens et des départements que je parcours, je dirais : la République est sauvée. « Dumont. » Arrêté (2). La République ou la mort. André Dumont, représentant du peuple dans les départements de la Somme, du Pas-de-Ca¬ lais et de l’Oise, profondément indigné de l’at¬ tentat horrible commis cette nuit près le temple de la vérité, où on scia et enleva l’arbre de la Raison, arrête : 1° Que toutes les autorités constituées s’as¬ sembleront sur-le-champ, et feront faire les plus promptes perquisitions pour découvrir les auteurs de ce crime affreux et faire tomber sur eux le glaive de la loi ; 2° Que les coupables seront punis de mort sur le lieu même où le crime a été consommé. Et attendu qu’il est indispensable de sévir avec la plus grande rigueur, pour arrêter les progrès de cette infernale conspiration fomen¬ tée par les prêtres et les fanatiques. Arrête : Art. 1er. « Tout homme ci-devant connu sous le nom de prêtre, bedeau, suisse, chantre et autres de (1) Archives nationales, AFn 143, plaquette 1139, pièce 26; Moniteur universel (n° 83 du 23. frimaire an II (vendredi 13 décembre 1793), p. 334, col. 1]; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 449, p. 296); Bulletin de là Convention du 1er jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mercredi 11 décembre 1793); Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 259. (2) Archives nationales, carton AFir 143, p>a quette 1139, pièce 25.