416 [Assemblée nationale.) paraisse être plus dispendieux, le peuple payera moitié moins qu’il ne payait ; on sait ce que coûtaieut les juges, les rapporteurs et les secrétaires. M. Du val, ci-devant d' Eprémesnil. On vous a dit que l’administration de la justice coûterait moins que sous l’ancien régime : voici ce que coûtait un conseiller. Je me prendrai pour exemple : il payait sa charge 50,000 livres, et en outre 10,000 livres pour les droits de marc d’or; il recevait 389 liv. 10 sous de gages, sur lesquels il faut ôter 367 livres de capitation ; de manière que moyennant une quittance de 22 liv. 10 sous, nous étions payés de tout ce qui nous revenait. Pour le service extraordinaire de la Tournelle, le roi nous allouait 45 livres. Une voix : Et les épices ? On me dit : et les épices ? C’est de cela que je veux parler. La grand’chambre, qui était la plus accusée d’en recevoir, était composée de 180 membres, les épices se montaient à 250,000 livres; ceci ne pesait pas sur la nation, mais sur chaque plaideur. Je prends à témoin M. Thouret ; il a plaidé au parlement de Rouen: je lui demande, en son âme et conscience, ce qu’un conseiller retirait de son office ; pas 500 livres. A l’égard des secrétaires... (Plusieurs voix s’élèvent ; A la question !) Si l’on veut ordonner, par un décret, qu’un membre du côté gauche pourra citer des calculs sans qu’on puisse y répondre, je m’y soumettrai, et non pas à des murmures. Quand un arrêt coûtait 900 livres au plaideur, le roi en retirait 600 livres. Lorsqu’il plaisait de donner au secrétaire plus que n’exigeait la loi, on avait grand soin de le cacher aux magistraits. Je me résume : j’avais pour mon office 7 liv. 10 sous. (On crie de nouveau : A la question!) Voici le résultat: vous me supprimez mon office ; vous me rembourserez ou vous m’en ferez la rente, je crois que c’est votre intention. (On observe que la discussion est fermée.) M. liavie. Laissez M. d’Eprémesnil faire son éloge. M. Dnval. Je ne réponds pas aux sarcasmes. Nous avons bien quelques reproches à nous faire, mais le plus grand... je ne puis en parler dans l’Assemblée. Un conseiller recevait 7 liv. 10 sous du roi, il va coûter mille écus. Que la nation prononce avec vous et indépendamment de vous, non pas sur ce que vaudront les nouveaux juges, je suis persuadé qu’ils auront beaucoup de mérite, mais sur ce qu’ils coûteront. M. Blin. 11 ne s’agit pas d’examiner ce que recevait un conseiller, mais ce qu’il en coûtait à un habitant des campagnes, qui, vassal d’un seigneur à haute et basse justice, était obligé de parcourir six tribunaux pour obtenir un jugement. M. Le Chapelier. De tous les détails dans lesquels est entré M. Duval, il résulte ou qu’il faut rétablir les parlements, parce qu’ils étaient très utiles, et je ne crois pas que ce soit l’intention de l’Assemblée, ou qu’il faut élablir des juges qui ne soient pas suffisamment salariés. Si, pour hâter la déclaration, il était nécessaire d’examiner ce que coûtait autrefois la justice, il ne serait pas difficile de prouver que cette hiérarchie judiciaire était très onéreuse pour le peuple. Je demande qu’on aille aux voix sur un projet qui devrait être adopté depuis une heure. [30 août 1790.) (On demande la question préalable sur les amendements. Plusieurs membres réclament la division de la question préalable.) (La division est adoptée.) M. Barnave. Je demande la priorité pour l’avis du comité. Quel que soit le prestige patriotique qu’on prétend employer pour le combattre, lorsqu’on a cru que le minimum d’un évêque devait être fixé à 12,000 livres, qu’on a augmenté te traitement dans les divers grades militaires, on vient de nous proposer de réduire à une somme plus que modique le magistrat chargé des fonctions les plus utiles du gouvernement! Ce n’est ici que l'intérêt de l’ordre ancien contre l’ordre nouveau ; on n’a pas d’autre objet que de répandre la défaveur sur la nouvel le organisation judiciaire : c’est là le véritable motif, et je vous le dénonce. (La priorité est accordée à l’avis du comité, et la première partie de l’article 2 est adoptée.) M. Thouret. Le comité propose ensuite de décréter que les greffiers dans les villes au-dessus de 20,000 âmes auront un traitement de 1,000 livres, indépendamment des produits des expéditions, suivant un tarif qui sera fait. Si l’Assemblée ne leur donnait pas une somme fixe, il faudrait augmenter le tarif, et celte augmentation pè.-erait sur la classe la moins aisée�es plaideurs. t M. Chahroud. Les greffiers sont des officiers ministériels, ils seront à vie : partout les greffes étaient affermés, et ces greffes se payaient très cher. Actuellement on n’affermera plus; on baissera le tarif des expéditions, sur lequel le public gagnera le prix donné pour la ferme. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition du cumité. M. de Laclièze. Il est, sans doute, indispensable de donner un traitement fixe aux greffiers; mais je propose, par amendement, de le réduire à 600 livres. M. Thouret. Cet article est purement réglementaire. On peut, si l’on veut, fixer le traitement à cette somme; ce n’est que d’après l’expérience du passage de l’état nouveau à l’état ancien, et la connaissance de la quantité des expéditions qui seront faites, qu’on pourra fixer définitivement le tarif, et que Ton connaîtra la position des greffiers. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on décrète, dès à présent, que « les greffiers auront pour traitement le tiers de celui des juges. » (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article 2 est décrété en ces termes : Tribunaux de districts. Art. 2. « Le traitement sera, dans les villes au-dessous de vingt mille âmes, savoir : « Pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 1,800 livres. « Pour le greffier, indépendamment du produit des expéditions, suivant le tarif modéré qui en spra fait, 600 livres. « Dans les villes depuis 20,000 âmes, jusqu’à 60,000 : « Pour chaque juge et pour le commissaire du roi, 2,400 livres. « Pour le greffier, 800 livres. « Dans les villes au-dessus de 60,000 âmes : ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1790. J 417 « Pour chaque juge et le commissaire du roi, 3,000 livres. « Pour le greffier, 1,000 livres. « A Paris, pour chaque juge et pour chaque commissaire du roi, 4,000 livres. « Pour chaque greffier, 1,333 livres 6 sous 8 den. » M. Beaulieu, député de Lorraine , demande à l’Assemblée un congé de trois semaines, qui lui est accordé. a M. Fournier, député d? Amiens , demande et et obiient également un congé de quinze jours. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre du ministre de la marine, relative aux armements décrétés par l’Assemblée. A la lettre est joint un mémoire contenant l’état des vaisseaux de ligne, frégates et autres bâtiments disposés à être armés, et le détail des sommes nécessaires pour cet objet. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la lettre et du mémoire au comité de la marine.) M. Thouret. L’article que je vais lire est terminé pur une phrase nécessitée par l’idée que b s administrateurs ont prise de leurs fonctions; ils se disposent à faire des dépenses considérables : cette partie de l’article n’était pas de nature à être rédigée en style impératif; voici comment nous avous conçu ce projet de décret : « Le Corps législatif fera imposer annuellement « sur chaque district les dépenses du tribunal et « du corps administratif qui y seront établis. « L’Assemblée nationale invitelesadministrateurs « à régler avec économie celles qui les conc�r-« nent, et à se distinguer à l’envi par cette sim-« plicité patriotique, qui fait la vraie décoration « des élus du peuple (1). » (On demande à aller aux voix.) M. Couppé. Si vous admettez cet article, vous serez en contradiction avec vous-mêmes. Vous avez reconnu que la justice est une dette de l’Etat, et que tous les citoyens devaient contribuer également aux dettes de l’Etat. (On demande à aller aux voix.) L’article proposé est absolument injuste, il est de principe que chacun doit payer selon ses facultés. (On demande à aller aux voix.) Si vous adoptez l’article, je demande que les curés soient payés par les paroissiens, et que les parties de l’armée établies dans tel cantonne soient payées que par ce canton. M. de Bousmard. D’après les appels circulaires, un tribunal de district rendra service à un tribunal voisin ; plusieurs districts sont d’ailleurs plus considérables que les autres, les plus petits seraient plus surchargés. Je demande donc que le mot département soit substitué au mot district. M. Begnaud, (de Saint-Jean-d’ Angély.) Lors de la division du royaume, vous avez vu chaque petite ville réclamer un district ou un tribunal. Il est impossible de réduire ces établissements. Le comité a senti qu’il était important de faire apprécier, par les justiciables, la nécessité de cette réforme. On ne peut rien opposer à cette considération. Examinons si une telle disposition a des inconvénients tâcheux.On isolera, (1) Cet article est devenu l’article 10 du décret. 1" SÉRIE. T. XVIII. dira-l-on, les parties du royaume ; on arrivera à ce que vous voulez éviter, au gouvernement fédératif. Mais ce n’est point ici une disposition constitutionnelle, c’est une mesure momentanée, pour amener à la réduction des districts. J’adopte donc l’avis du comité. M. Barnave. Le but auquel l’Assemblée veut parvenir est évident ; les justiciables, effrayés par les frais de justice et d’administration, se porteront à demander la diminution des districts. Cette vue est bonne ; mais il faut la remplir par des voies qui ne compromettent pas le principe d’unité et l’autorité du Corps législatif ; il me semble qu’en suivant le plan du comité, les justiciables ne seront pas autant intéressés à demander la diminution du nombre des districts, que si les frais portaient sur tout le département. Dans chaque district l’intérêt de la conservation des établissements sera toujours plus actif que celui de la diminution. Les parties de l’organisation se trouveraient isolées, et on verrait naître le gouvernement fédératif, que vous avez mis tant de soin à éviter. Quant à l’autorité du Corps législatif, il est de principe qu’aucune dépense ne peut être décrétée que par lui.... Je demande qu’il soit décrété que le Corps législatif fixera, pour chaque département, les frais des tribunaux et des corps administratifs. M. de Custine. Je demande la priorité pour cet avis. M. Madler de Montjan. Il arrivera que tel département, qui n’a que quatre districts, supportera ces dépenses dans une proportion moindre que celui qui en a neuf. Je demande que, du moins, on fasse supporter aux villes qui ont sollicité l’avantage de renfermer dans leur sein des établissements, un quart ou un sixième des frais de justice et d’administration. (On demande à aller aux voix sur la proposition de M. Barnave.) M. Thouret. Il paraît qu’en général l’Assemblée adopte l’objet de l’article. Le comité avait pensé que la répartition des dépenses par district serait beaucoup plus efficace pour remplir cet objet que la répartition par département. La discussion n’a pas fait changer cette opinion. (La priorité est accordée à l’article présenté par le comité.) (Cet article est décrété sans changement.) M. Alexandre de Lameth. Je viens de recevoir une lettre que les sous-officiers, brigadiers et cavaliers du régiment Royat-Etranger, en gar-nison à Dôle, m’ont chargé de lire à l’Assemblée. Elle est ainsi conçue : Dôle, le 25 août 1790. « Messieurs, d’ap/ès la proclamation du roi, on vient de faire, au régimeDt assemblé, la lecture de vos décrets relatifs à la garnison de Nancy et au régiment de Poitou : nous les avons entendus avec respect, et avec la profonde tristesse que doivent inspirer les circonstances dans lesquelles vous les avez rendus. Nous gardons le silence sur ce qui nous est étranger; mais nous nous empressons, Messieurs, de vous assurer qu’aucune force, aucune séduction ne pourra altérer en nous les principes qui nous ont toujours conduits. Nous serons fidèles à nos engagements, nous respecterons la discipline; notre soumission envers le 27