[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1790,] 343 ties... (Il s’élève de grands murmures.) Chacun, sur les opinions que chacun propose, est maître des qualifications ; et plus la qualification sera juste avec énergie, plus elle sera vraie. Je dis. donc que l’abus le plus honteux des inepties, pour des législateurs, est de proposer, est de promettre au peuple des lois qu’on ne pourra exécuter. (On observe à l’opinant que la discussion est fermée.) Je rejette les jurés, même en matière criminelle, dans nos lois actuelles. Je vous supplie d’écouter une autorité que j’ai là-dessus... Il faut éviter V ignorance des jurés pris au hasard : ces paroles ne sont pas de moi ; elles sont de M. Turgot, qui s’élève encore du tombeau pour vous éclairer. M. Frétean. Quand, dans une délibération, on a des données presque certaines, il faut faire juger d’abord les questions claires. Avant de mettre aux voix si, par la suite, on pourra admettre les jurés au civil, il faut d’àbord décider s’il est nécessaire de donner au peuple cet espoir qui affaiblirait le respect dû par les citoyens aux tribunaux que vous allez créer; avant de délibérer sur l’admission des jurés au criminel, on doit décider les questions préalables. 11 faut d’abord définir la réforme de quelques points de la jurisprudence criminelle, sinon vous compromettez la liberté des meilleurs citoyens. Vous ne pouvez douter que, dans l’état actuel d’ignorance, les premiers jurés seront composés d’hommes très peu habiles, et que les juges criminels qui seront à leur tête exerceront sur eux une influence très grande et très dangereuse. La première question à poser est donc celle-ci: « L’Assemblée nationale statuera-t-elle sur les jurés, avant que le code criminel ne soit formé? » M. Fc Chapelier. La première question est celle-ci : « Admeltra-t-on les jurés en matière criminelle ? » Cette question est la base du code que nous aurons à faire ; il faudra rédiger une loi pour l’exécution des jurés ; cette loi consistera dans la réformation de quelques points de notre jurisprudence. Les jurés n’auront pas lieu jusqu’à ce que cette operation soit faite.... Il faut consoler la nation de n’avoir pas de jurés en matière civile, en lui en donnant en matière criminelle. M. Démeunier. Si on décidait négativement la question proposée par M. Fréteau, le travail sur l’organisation judiciaire serait totalement arrêté. On a discuté pendant neuf jours; voulez-vous qu’un temps si bien employé soit totalement perdu ? Les jurés en matière criminelle une fois décrétés, il faudra une loi préparatoire ; elle sera faite en peu de temps. Je crois donc qu’il faut mettre aux voix ces deux questions : y aura-t-il des jurés en matière criminelle? y aura-t-il des jurés en matière civile? La première, décrétée en oui; la seconde décrétée en non, vous commencerez l’organisation de l’ordre judiciaire, et vous ne serez plus arrêtés par d’aussi longues discussions. (On demande vivement la clôture de la discussion. Elle est prononcée.) M. le Président met aux voix la question suivante : « Etablira-t-on des jurés en matière criminelle? » L’Assemblée nationale décrète qu’il y aura des jurés en matière criminelle. M. le Président met ensuite aux voix cette seconde question : « Etablira-t-on des jurés en matière civile ? » M. Lavie propose d’ajouter ces mots : quant à présent. La question préalable est demandée et prononcée sur cet amendement. M. le Président met aux voix la question principale et l’Assemblée décrète qu’on n’établira pas de jurés en matière civile. M. Le Chapelier, au nom du comité de constitution, observe qu’il est nécessaire de faire une loi pour régler la procédure par jurés. Il propose un décret qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale charge le comité de constitution, réuni au comité qui s’occupe de la réforme de la procédure criminelle, de présenter, dans le plus court délai possible, un projet de loi qui règle la procédure par jurés, afin que cette forme de procédure puisse avoir lieu aussitôt que la loi sera décrétée ; et, en attendant, l’Assemblée nationale décrète que les procédures criminelles continueront à être inscrites et jugées conformément aux décrets provisoires des 8 octobre et autres jours; et l’Assemblée a adjoint auxdits comités MM. Tronchet, Duport et Gha-broud. » M. le marquis de Montesquiou obtient la parole, au nom du comité des finances, pour donner lecture d’un projet d’ adresse de l’Assemblée NATIONALE AUX FRANÇAIS SUR L’ÉMISSION DES ASSIGNATS-MONNAIE (1). Gette adresse est ainsi conçue : L’Assemblée nationale vient de faire un grand pas vers la régénération des finances. Elle s’est déterminée à de grands sacrifices ; elle n’a été arrêtée par aucun obstacle, par aucun préjugé : le salut de l’État lui en imposait le devoir. Espérant tout de l’esprit public, qui chaque jour semble acquérir de nouvelles forces, l’Assemblée nationale eût pu ne craindre aucune fausse interprétation de ses motifs, et se reposer sur leur pureté; mais cette conscience d’elle-même ne lui suffit pas. Elle veut que la nation entière puisse la juger, et jamais de plus grands intérêts n’ont été soumis à un tribunal plus imposant. Donner une constitution à l’empire, assurer par elle le destin de la fortune publique, et par la fortune publique le maintien de la Constitution : telle fut la mission de l’Assemblée nationale. Français, les bases de la Constitution sont posées; le roi que vous chérissez les a acceptées. Vos suffrages ont accueilli ce premier fruit de nos travaux ; et, dès ce moment, c’est avec la certitude que nous allions travailler pour un peuple libre que nous avons entrepris de rétablir l’ordre dans les finances. Un abîme était ouvert devant nous ; des impôts à la fois excessifs et oppresseurs dévoraient en vain la substance du peuple, ils étaier insuffisants à l’immensité des charges publique 60 millions de nouveaux subsides les eussen (1) Le Moniteur se borne à mentionner ce docu