(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « brumaire an li 87 * (12 novembre 1793. Les pétitionnaires déposent 900,009 livres en numéraire, puis environ pour 2 millions en argen¬ terie; ils espèrent qu’ils seront imités par leurs frères de tous les départements. Selon eux, cet abandon des richesses conventionnelles est le seul moyen de tuer les tyrans du continent. La Convention nationale applaudit à l’offrande, la reçoit, en ordonne mention honorable et inser¬ tion au « Bulletin ». Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance (1). Suit le discours prononcé au nom de la dépu¬ tation des sans-culottes de la Nièvre (2). Les sans-culottes de la Nièvre, à la Convention nationale. « Représentants du peuple français, « Pour la troisième fois dans l’espace d’un mois, vous voyez les sans-culottes de la Nièvre apporter dans le sanctuaire de la loi tout l’or et l’argent de leur département. Le mépris pour ces métaux est à un tel point que, sans invi¬ tation, le peuple même des campagnes qui avait enfoui son numéraire, l’apporte dans la caisse patriotique en échange du papier-monnaie. Le croiriez-vous, représentants, un mendiant a versé dans ces caisses 1,900 livres en numéraire. Reste-t-il encore aujourd’hui chez nous un pré¬ jugé à combattre, nous avons porté le premier coup au fanatisme en démeublant les temples et en proscrivant dans l’opinion les prêtres; tous les prestiges ont fui loin de notre climat; la haine du fanatisme y égale aujourd’hui celle de la tyrannie; un prêtfe est regardé chez nous comme un ennemi de la patrie. Et comment pourrait-on supposer quelques vertus à l’apôtre d’un culte parricide qui assassine la nature en la déshonorant. Nous demandons, représentants du peuple, en échange de nos efforts et de nos travaux, l’abohtion légale d’une doctrine qui a coûté tant de sang à notre pays et qui, en le dépeuplant de citoyens, le repeuple de vices et d’esclaves; que tous ces temples disparaissent de nos cités et ne déshonorent plus le sol chéri de la liberté et de l’égalité, que les prêtres se cachent désormais pour escamoter leur Dieu dans un pain à cacheter et pour le faire dévorer aux visionnaires tout orgueilleux de digérer, dans leur infâme croyance, le créateur du monde et qui prétendent nous persuader que trois per¬ sonnes ne font qu’une : quelle bizarre indivi¬ sibilité. Fasse la Montagne que celle de la Ré¬ publique soit plus réelle, qu’elle s’établisse sur les débris du fanatisme et de la royauté et qu’elle s’éternise avec le règne de la raison qui a commencé pour la France le jour à jamais mémorable où les jongleurs de deux religions ont abdiqué dans cette enceinte leurs fonctions et abjuré leur erreur. « Vive la République une et indivisible ! Vive la Convention nationale ! vive la Montagne ! (Suivent 15 signatures.) Compte rendu de Y Auditeur national (3). Des citoyens de la Nièvre apportent l’or et l’argent de leur département. Ils déposent (Il Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 178. (2 ) Archives nationales, carton G 280, dossier 769. (3) Auditeur national fn° 417 du 23 brumaire an II (mardi 13 novembre 1793), p. 5]. 900,000 livres en numéraire et près de deux millions d’argenterie. Ils demandent l’abolition d’une doctrine qui favorisait les tyrans, et que les temples disparaissent, comme les prêtres, de nos cités. Il sera fait mention honorable de cette of¬ frande, ainsi que de la conduite de la section des Tuileries, qui a veillé à la garde de ces tré¬ sors depuis leur arrivée à Paris. Un membre [Voulland (1)] observe que le Président avait reçu une lettre adressée : aux très dignes juges composant le Parlement , séant à Paris. Il l’avait dit à la Convention et l’on avait renvoyé cette lettre au comité de sûreté générale, sans l’ouvrir. Cette lettre est d’un galérien qui ne sait pas qu’il n’y a plus de Parlements, et qu’ils sont remplacés par des tribunaux criminels. Ce galé¬ rien prétend avoir été injustement condamné, il demande que son procès soit revu. Renvoyé au comité de législation (2). Compte rendu du Moniteur universel (3). Voulland. Le Président avait reçu une lettre adressée : Aux très dignes juges composant le Parlement, séant à Paris. Il l’avait dit à la Con¬ vention, et l’on avait renvoyé cette lettre au comité de sûreté générale sans l’ouvrir. Cette lettre est d’un 'galérien qui ne sait pas qu’il n’y a plus de Parlements, et qu’ils sont remplacés par des tribunaux criminels. Ce ga¬ lérien prétend avoir été injustement condamné. Il demande que son procès soit revu. Renvoyé au comité de législation. Adresse des républicains réunis en Société po¬ pulaire à Rodez. Us envoient à la Convention nationale le pro¬ cès-verbal des offrandes qu’ils ont reçues depuis le peu de jours que la Société est sortie régénérée du creuset d’un scrutin épuratoire. « Écoutez, ajoutent-ils, nos vœux et l’expres¬ sion de nos sentiments. En fixant pour toute la République le maximum des différentes espèces de denrées, vous venez encore de couper une des têtes de l’hydre aristocratique. Le coupable accapareur et l’avide négociant en ont frémi; c’est ainsi qu’en repoussant d’une main l’ennemi extérieur, vous réprimez de l’autre l’insatiable cupidité. Continuez, législateurs, de poursuivre (1) D’après le Moniteur universel* et le Journal des Débats et des Décrets. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 179. (3) Moniteur universel [n° 54 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 219, col. 1]. D’autre part, les Annales patriotiques et littéraires [n° 316 du 23 brumaire an II (mercredi 13 no¬ vembre 1793), p. 1466, col. 1] rendent compte de la lettre de ce galérien dans les termes suivants : « Le Président. Je viens de trouver sur mon bureau une lettre ayant pour suscription i Aux très dignes juges et Président du Parlement de Paris. Cette lettre est d’un galérien qui, ignorant la réforme des abus, demande que son procès soit révisé. » 88 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j brumaire an II nos ennemis et de procurer le triomphe de la liberté. Tous les nuages ne sont pas dissipés, le tonnerre gronde encore, et le vaisseau de la République est en pleine mer. Tenez-vous donc au gouvernail, et ne le quittez qu’après nous avoir conduits au port désiré d’une paix solide et durable. » Rs invitent ensuite la Convention nationale à exclure entièrement les ci-devant nobles de tous les emplois de la République, qui ne doivent être confiés qu’à des mains bien pures et bien assu¬ rées : ils demandent aussi le prompt jugement des mandataires traîtres et infidèles qui ont com¬ promis le salut de la République. Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre d'envoi de l'adresse (2). Les républicains réunis en Société populaire, à Rodez, à la députation de l'Aveyron, à la Con¬ vention nationale. « Rodez, le 13e jour du 2e mois de l’an II de la République. « Législateurs, « Nous vous adressons le procès-verbal des offrandes que nous avons reçues depuis le peu de jours que la Société est sortie régénérée du creuset d’un scrutin épuratoire. Nous les avons remises au receveur du district. Veuillez en faire part à la Convention, ainsi que de l’adresse ci-jointe. « Nous y joignons le procès-verbal d’une de nos séances dans laquelle nous espérons que Vous trouverez des preuves de notre empressement à applaudir à la chute des préjugés, et à nous élever à la hauteur des circonstances et de la Montagne. « Cabrol, président; G. Monseignal, ex-se¬ crétaire; Azémar cadet, ex-secrétaire. » Adresse (3). « Citoyens législateurs, « Au milieu des grands objets qui vous oc¬ cupent, vous aimez à entendre le langage franc et loyal des braves sans -culottes. Écoutez donc nos vœux et l’expression de nos sentiments. « En fixant pour toute la République le maximum des différentes espèces de denrées, vous venez encore de couper une des têtes de l’hydre aristocratique. Le coupable accapareur et l’avide négociant en ont frémi, mais le peuple, que ses impitoyables ennemis s’efforçaient d’affamer, en a éprouvé déjà les salutaires ef¬ fets. C’est ainsi qu’en repoussant d’une main l’ennemi extérieur, vous avez su réprimer de l’autre l’insatiable cupidité, qui aime à se nour¬ rir du sang de ses frères. Loin d’avoir déses¬ péré du salut de la République dans ses plus grands dangers, vous avez vu l’orage d’un œil (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 179. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 769. (3) Archives nationales, carton Ç 280, dossier 769. intrépide; prenant d’une main ferme et vigou¬ reuse la balance éternelle de la justice du peu¬ ple, vous avez pesé les destins de la France dans le sanctuaire des lois, et, du sommet de sa sainte Montagne, l’on a vu partir la foudre qui a écrasé le monstre du fédéralisme et brisé le sceptre de la tyrannie. « Grâces immortelles vous en soient rendues. Mais, continuez, législateurs, de poursuivre nos ennemis et de procurer le triomphe de la liberté ; tous les nuages ne sont pas dissipés, le tonnerre gronde encore et le vaisseau de la République est en pleine mer. Tenez-vous donc au gouver¬ nail, et ne le quittez qu’après nous avoir con¬ duits au port désiré d’une paix durable et solide. C’est là le premier de nos vœux, et voici le se¬ cond. « Surtout méfiez-vous des ci-devant nobles, la douce et sainte égalité a profondément blessé leur âme orgueilleuse : la plaie est incurable, vous ne devez en attendre que des complots funestes à la liberté. Hâtez-vous donc, hâtez-vous de les exclure entièrement de nos camps et de nos armées, qu’ils infecteraient de leur souffle séditieux ; qu’ils le soient également, et sans exception, de tous les emplois de la Ré¬ publique, qui ne doivent être confiés qu’à des mains bien pures et bien assurées, ne comptez plus ni sur leurs promesses, ni sur leurs ser¬ ments : le parjure est sur leurs lèvres et la trahison dans leur cœur. « Nous vous demandons encore d’accélérer le jugement de ces mandataires traîtres et per¬ fides, qui ont compromis le salut de la Répu¬ blique et trompé si cruellement l’attente de leurs commettants. Ils ont commis le plus grand des crimes, puisqu’ils ont conspiré contre le souve¬ rain qui les avait honorés de sa confiance et chargés de ses plus grands intérêts. Encore ef¬ frayée de la profondeur de l’abîme où ils ont voulu la précipiter, la France entière vous de¬ mande avec nous le châtiment des coupables : qu’il soit donc prompt et terrible. Les scélérats ! ils ont souillé par leur présence, ils ont pro¬ fané le temple auguste des lois, et le glaive na¬ tional, suspendu sur leurs têtes impies, n’a pas encore frappé ces victimes sacrilèges. « Mais quel attentat vient d’être commis ! Deux représentants du peuple français succes¬ sivement égorgés par des ennemis lâches et per¬ fides, malgré le droit des gens, leur caractère sacré, et dans une ville de la République, nos vaisseaux traîtreusement attaqués dans un port étranger, l’équipage et les matelots inhumaine¬ ment massacrés, lorsqu’ils se reposaient sur l’asile inviolable de la neutralité. Tel est le crime des rois et de leurs satellites. A cet affreux ré¬ cit nous avons frémi d’horreur, la stupeur et l’indignation, confondues dans nos âmes, ne se sont manifestées que par des cris de vengeance auxquels ont répondu ceux de l’univers et de tous les peuples outragés. Vengeance, donc, lé¬ gislateurs, vengeance. Qu’ils retombent, ses effets terribles, non sur des victimes particu¬ lières que le sort de la guerre a mises en notre pouvoir, elle serait peu digne d’une nation grande et généreuse, mais sur le cruel Georges, sur ses satellites, sur son ministre perfide, sur l’infâme Toulon. Plus prompte et plus rapide que la foudre, qu’elle frappe à la fois les trônes et les rois. Les rois ! Quels monstres nous venons de nommer! Dans une île infortunée, le Minotaure dévorait les hommes et s’engrais¬ sait de sang humain : le Minotaure, suivant la [Convention nationale.] fable, était un composé monstrueux de l’homme et du taureau; mais, d’après l’histoire, ce mons¬ tre était un roi. « Tels sont nos vœux, législateurs, il vous appartient de les réaliser. Quant à nous, en¬ nemis implacables de la tyrannie, nous avons juré la soumission aux lois, parce qu’elles sont la sauvegarde de la liberté. Et si, enfermés comme Socrate, la maison d’arrêt nous était ouverte, par respect pour elles, nous n’en sor¬ tirions pas. Nos biens, nos vies, nos plus ten¬ dres affections sont à la patrie; nous saurons lui soumettre les mouvements de notre âme les plus impétueux : si un sans-culotte, quand il s’agira de sa gloire et de ses intérêts, se por¬ tait sur nous, le bras levé, nous lui dirions comme le général athénien au Spartiate : « Frappe, mais écoute. » Toujours on nous verra prêts à verser notre sang, à braver tous les dangers pour sa défense, sous les traits enflammés de l’ennemi, et jusque sous la bouche du canon nous nous écrierons en mourant pour elle : Vive la République ! vive la Montagne ! 22 brumaire an II QQ 12 novembre 1793 Laissez donc là l’hypocrisie D’un ridicule engagement, Et que la voix du sentiment Vous rende au monde, à la patrie. La nature et l’hymen sont les premières lois Le cœur, Le cœur nous dit assez nos devoirs et nos droits. Pourquoi par l’ouvrier suprême, Un sexe pour l’autre fut fait. Pourquoi sans un autre lui-même L’homme n’est qu’un être imparfait? (bis) Pourquoi nous naissons tous sensibles? Pourquoi tous ces tendres désirs, Ces involontaires soupirs Et ces penchants irrésistibles? Jurer d’étoulïer la nature, D’éteindre la postérité, Pour le ciel, quelle horrible injure ! Quel crime envers l’humanité! (bis) Oui, de la sagesse éternelle, C’est renverser tous les desseins; C’est fouler tous les dogmes saints De la morale universelle. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Cabkol, président; IxGÉ, secrétaire; Na-JAC, secrétaire. » Extrait des registres de la Société républicaine de Rodez ( 1 ). Séance du 1er juin de la 2me décade du 2me mois de l’an II de la République française, une et indivisible. Il a été fait lecture d’un extrait des registres de la Société populaire de Saint-Flour, départe¬ ment du Cantal, ainsi conçu : « Le citoyen Fontanier, ex-vicaire épiscopal, demande la parole et dit : « Je vais accomplir un des premiers devoirs de la nature, demain mes destinées seront unies à celles d’une compagne. Les républicains mon¬ tagnards de Saint-Flour, qui se sont montrés constamment à la hauteur de la Révolution, ne verront pas avec indifférence un prêtre sensible et patriote, s’attacher à la société par les nœuds les plus saints de la nature et du sang. Ce serait faire injure à leur civisme et à leurs lumières, que de m’attacher à combattre, au¬ près d’eux, le plus absurde et le plus barbare des préjugés consacrés jusqu’ici par l’igno¬ rance et le fanatisme. Ils ont donné une sanction si authentique et si solennelle à l’écrit philoso¬ phique que j’ai publié, il y a quelque temps, là-dessus ! Je me flatte qu’ils voudront bien aussi agréer l’hommage d’un hymne vraiment répu¬ blicain, que je leur offre, comme la nouvelle expression de mes sentiments et de mes prin¬ cipes. La Société accepte, avec transport, et aux acclamations d’un peuple immense, l’hommage du citoyen Fontanier, et entend la lecture de l’hymne ainsi conçu : Air des Marseillais ; Allons enfants de la patrie, etc. O vous, qu’en ces chaînes fatales, Retiennent des vœux insensés, Prêtres, cénobites, vestales, Les jours de l’erreur sont passés. (bis) (1) Archives nationales, carton C. 280, dossier 769. Comme la nature en silence Punit bien son blasphémateur. Pour lui, désormais, l’existence N’a plus de charme, de douceur. (bis) Le néant dont il s’environne Le livre à mille maux divers; Il rompit avec l’univers, Et l’univers l’abandonne. Dans une âme glacée et flétrie, Quelle peut être la vertu? Que peut attendre la patrie D’un cœur éteint ou corrompu? (bis) Enfin comment faut-il qu’on nomme L’être qui n’a point de lien? Sans famille est-on citoyen? Est-on citoyen sans être homme? Le premier lien politique, C’est d’être père, c’est d’être époux. C’est le premier tribut civique : Ce tribut n’est-il pas bien doux? (bis) O noms saints d’époux et de père, Heureux qui, sentant votre prix, Renaît dans des gages chéris, Dont n’a point à rougir leur mère ! Il est temps que de la licence Se termine le trop long cours, Et qu’à la fausse continence Succèdent de chastes amours... (bis) Français ! ah ! quel heureux augure, Pour la patrie et pour les mœurs, Quand on verra dans tous les cœurs Triompher l’hymen, la nature I La Société, d’après cette lecture, a arrêté la réimpression du discours du citoyen Fontanier et de l’hymne républicain qui est à la suite pour être disséminés dans le département, en* voyés aux Sociétés affiliées et aux armées. Elle a arrêté qu’elle adoptait le premier-né du mariage de ce prêtre citoyen, qu’elle lui écrirait une lettre de félicitations dont copie serait envoyée à l’Assemblée nationale et aux Jacobins de Paris avec extrait du verbal de la séance, et le résultat des offrandes qui ont été déposées sur le bureau de la Société depuis trois jours qu’elle est sortie régénérée du creu¬ set d’un scrutin épuratoire. Ces dons consistent en une boîte de montre d’or, dix cuillères d’argent, neuf fourchettes du même métal et quatre éeus de six livres.