SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 36 249 M [La femme de Garebeuf à la Conu.; s.l.n.d . ] (1) Législateurs, Des ennemis qui tantôt se montrent et tantôt se cachent, des ennemis qui n’ont du patriotisme que le masque, en un mot des prêtres, ont juré la perte de mon mari. Il l’ont jurée parce qu’il est l’ami du peuple, parce qu’il a la confiance du peuple, parce qu’il est bon père, bon mari, bon citoyen. Voilà, citoyens, les titres qui lui ont mérité une détention de 5 mois. J’ai réclamé, il a lui-même réclamé sa liberté. Dix-huit communes ou sociétés populaires l’ont inutilement réclamée pour lui au commité de sûreté généralle. Toutes ces voix ont été jusque ici étouffées. Dans un moment de justice la prison doit lui être ouverte. J’invoque pour lui les témoignages de ceux qui peuvent éclairer sa conduitte. Des commissaires de la Convention qui ont parcouru ce département, tous, j’osse le dire, lui rendront la justice que le peuple lui rend. Il n’est connu que par ses vertus; il n’est connu que par les services qu’il a rendu à son pays. Il n’est connu que pour l’ami de tous les devoirs d’un bon citoyen. Je réclame donc la liberté de Garebeuf. Citoyens, c’est de la justice que je la réclame, c’est à vous de la prononcer. Renvoyé au comité de sûreté générale pour statuer dans les 3 jours (2). N [Paulin fils à la Conv.; 29 therm. ] (3) Pétition pour Châles Paulin, détenu à la maison des Petits Pères. Citoyens représentans, L’humanité reconnu de la Convention, sa justice, ses soins envers les malheureux et particulièrement les orphelins, ont déterminé les trois abandonné que vous voyé, un couvert de blessures, quoique jeune au service de la patrie, un autre, plus jeune encore, depuis 8 mois environs est en mer, qui combat les tirans couronné. Vous voyé ces malheureux enfans sans ressource, sans pain, sans connoissance et peut-être bientôt sans azile. S’ils viennent importuner la représentation nationale, le plus grand motif les y oblige. Ils viennent vous dire qu’ils ont perdu leur mère le 1 er thermidor, que leur père fut incarséré le 3 dans la maison d’arrêt des Petits Pères. Depuis ce moment ils ne mange pas leur content. Sans quelques secours d’humanité peut-être ne verriez-vous pas ce brave deffenseur de la liberté. Il vient déclarer à la Convention [que], quoiqu’il ne soit point guéri, il part demain pour rejoindre l’armée de Sambre-et-Meuse. L’humanité attendrirat-elle la Convention ? Que vous demande ces braves enfens ? Leur (1) C 316, pl. 1269, p. 48. (2) Mention marginale du 30 therm. II signée Le Vasseur (de la Meurthe). (3) C 316, pl. 1269, p. 50. Mentionné par J. Paris, n° 595. père, oui, leur père. Accordez à ces braves soldats de la patrie un père chéri qui n’a qu’une modic place pour faire vivre sa famille. Accordez à ce brave soldat la douce satisfaction d’embrasser son père avant de partir, d’apren-dre à son jeune frère qui combat les tirans que leur père est libre. N’es-ce pas assé de lui aprendre qu’il n’a plus de mère ? Si le père est coupable, qu’il soit puni ! S’il n’est renfermé que pour avoir lâché quelques mots, que la Convention le précipite dans les bras de ces enfans, où il est très utile et sans lequel il ne peuvent subsister. Nous demandons justice : s’il y a des pères et de[s] mères dans cette enceinte, nous réclamons leur humanité et celle de la Convention. Le comité de sûreté général a dû recevoir le 23 le procès-verbal des motif de l’incarsération par le commissaire de police de la section du Muséum, un certificat du comité de surveillance qui reconnoit le détenu pour un honnête citoyen. Un double a été adressé à Elie Lacoste, de tous ces motif, avec un certificat signé de plusieurs citoyens de la section, du comité civil. C’est trop longtems vous entretenir mais que ne fait-on pas pour un père, et un père si nécessaire à la famille malheureuse que vous avez devant vous ? La justice, la vérité et l’humanité sont à l’ordre du jour. Nous les réclamons. Vive la République une et imperrisable ! Vive la Convention ! Nous verserons la dernière goutte de notre sang pour les soutenir. Vive la Convention ! Vive la République ! Paulin fils. Renvoyé aux comités de sûreté générale et de secours (1). O Mémoire suitte de la pétition présentée par Jean Baptiste Puyou, cy-devant agent de la nation françoise en Espagne (2) A l’époque de la déclaration de guerre, l’exposant, en qualité d’agent de la nation françoise, s’attendoit, et il avoit eu l’assurance du ministère d’Espagne, qu’il jouiroit comme les autres agens de l’ambassade françoise, du privilège que le droit des gens accorde à tous les employés des nations étrangères. Cependant, au mépris de cette assurance, il fut expulsé de chez lui. Sa femme, au lit malade, fut obligée de se lever au milieu de la nuit pour aller à cette heure indue mendier un asile. On séquestra leurs meubles, effets, argent, argenterie, papiers domestiques, papiers de l’agence et jusqu’aux papiers du consulat françois que l’exposant avoit chez lui. Les réclamations du chargé des affaires de France furent inutiles; on ne voulut rien relâcher : le prétexte fut qu’on désiroit sçavoir en Espagne comment on en avoit usé en France à l’égard des agens de l’ambassade espagnole. (1) Mention marginale du 30 therm. signée P. Barras. (2) C 316, pl. 1269, p. 51. Mentionné par J. Sablier, n° 1507. 250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Rentré en France dénué de tout, l’exposant se hâta de dénoncer ces faits à la Convention nationale, et, dans 2 pétitions successives, il demanda que les effets et créances constituées en France au profit des Espagnols fussent employés au payement de 284 437 livres à quoi montent ses réclamations. Le comité de salut public, auquel ces pétitions ont été renvoyées, est en état de faire son raport : le travail est préparé. L’exposant observe que la séquestration de ses effets en Espagne est un acte purement politique, puisqu’on les a retenus pour garantie des effets des agens espagnols en France. Ce fait est constaté par la correspondance des affaires étrangères. Or, pendant que la nation françoise a dans sa main les effets espagnols, dont les effets particuliers de l’exposant sont garans en Espagne, il n’est pas juste que l’exposant, outre la perte de son état et des émolumens qui le faisoient vivre, soit privé de sa fortune et des moyens de subsister. La Convention nationale sçaura bien venger l’offense qui lui a été faitte dans la personne de l’exposant. Mais en attendant, l’exposant et sa famille périssent de misère; ils sont maintenant sans pain comme sans ressource. Si la Convention n’ordonne pas que l’exposant soit payé sur le champ, il ne lui restera que le désespoir; et à son épouse, née Espagnole, il ne restera que le regret d’être venue avec son époux habiter la terre de la liberté, puisqu’elle n’y seroit venue, après la perte de ses biens par notre mémorable révolution, que pour y mourir de faim. Ce n’est pas là l’intention de la Convention nationale. L’exposant invoque donc la justice. Il l’invoque avec toute la confiance qu’elle inspire à tous les citoyens opprimés, à tous les Français qui ont juré la guerre aux tyrans et qui se vouent de tout leur coeur et de toute leur force à la gloire et à la prospérité de la République, mais il l’invoque avec l’espoir très légitime qu’elle voudra bien y faire droit sans retardement. Il demande donc que la Convention nationale veuille bien décréter que le comité de salut public lui fera le raport de ses pétitions sous deux jours. A Paris, le 19 thermidor l’an 2 e de la République françoise une et indivisible. Jean-Baptiste Puyou. Renvoyé au comité de salut public (1). P Pétition de la citoyenne veuve Hugot à l’effet d’obtenir une pension comme veuve d’un receveur de la ci-devant régie des aydes, mort dans le cours de son service public après plus de 52 ans d’exercice (2). A la Convention nationale. Hugot Joseph Nicolas (Marie Marguerite Colinet, sa veuve), née le 5 septembre 1733, réclame les bontés de la Convention nationale (1) Mention marginale du 30 therm. signée P. Barras. (2) C 316, pl. 1269, p. 53. pour qu’elle lui accorde une pension qui la mette en état de subsister. La veuve Hugot n’a aucun patrimoine; la maladie de son mari a épuisée toutes ses ressources; elle a été forcée, pour subvenir à ses plus pressants besoins, de vendre son mobilier, ses hardes; il lui reste à peine de quoi se couvrir. Nombre de mémoires et d’attestations qui prouvent que le citoyen Hugot a été au service des Fermes pendant plus de 52 ans, qu’il a toujours rempli ses fonctions avec exactitude et intégrité, sont au comité des pensions et dans les bureaux de la liquidation (1). Sans protection, sans appui, la position de la veuve Hugot n’a sûrement pas été présentée telle qu’elle est à la Convention. On n’y aura pas fait valoir le dénûment absolu dans lequel elle se trouve et qui est attesté par la copie ci-j ointe de la délibération de la commune de Mont-challier, où elle s’était réfugiée et logée dans une espèce de grenier. Ce sont ces mémoires, ces attestations qu’on refuse de lui remettre à la liquidation, qui éclairciraient les dignes représentans d’une nation bienfaisante sur la justice des réclamations de la veuve Hugot. Il lui a été accordé le 14 pluviôse, sur le rapport du comité de la liquidation, une pension de 400 livres, la modicité de cette pension établit de manière la moins équivoque que, dans les bureaux de la liquidation, on a négligé des détails qui étaient bien importans à la veuve Hugot. On n’aura pas dit que le citoyen Hugot avait contracté beaucoup d’infirmités dans l’exercice de ses fonctions, qui l’assujetissaient à être continuellement exposé aux injures du tems. On n’aura pas dit qu’enfin le citoyen Hugot est tombé en apoplexie et paralisie, état qui lui a conservé une existance souffrante et malheureuse environ 4 ans qu’il a succombé et terminé sa carrière. On aura omis d’exposer que les certificats produits par la veuve Hugot attestaient qu’il ne lui restait absolument aucun moien d’existance, qu’elle a plus de 60 ans et qu’elle a beaucoup d’infirmités. La citoyenne veuve Hugot prie la Convention nationale de prendre en considération ses représentations. La détresse dans laquelle elle se trouve n’est pas un titre de la faire repousser comme elle l’est, non pas par le liquidateur général, mais dans les bureaux de ce liquidateur, où elle n’a même pas pu obtenir jusqu’à ce jour le brevet de cette modique pension décrétée dès le 14 pluviôse et scellée le 13 ventôse sous le n° 5616. Le décret d’ailleurs n’explique pas depuis quelle époque cette pension doit lui être payée. Elle observe que son mari est décédé le 25 janvier 1790 et que, depuis ce tems, elle n’a reçu des ci-devant régisseurs, en secours provisoire, qu’environ 420 livres. Renvoyé au comité de liquidation (2). (1) N. B. : A la comission à pied à Meaux et à Dammar-tin... 7 ans; commis à cheval dans le district de Cressi-en-Brie... 9 ans; dans le même emploi à Lisy, près Meaux... 5 ans; Id à Vely, près Soissons... un an et demi; controlleur et receveur des aydes à Abbeville... 30 ans. [Total :] 52 ans et demi. (2) Mention marginale du 30 therm. signée Fréron.