[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1791.] vos décrets sur les colonies, qu’on doit les intervalles de paix et de retour à l’ordre qu’on vieut d’avoir, depuis que des écrits répandus avec profusion dans cette capitale ont été portés dans nos lies et ont s - r v i de prétexte à ceux qui, ayant des passions à satisfaire, des injures à venger, une grande ambition à assouwr, ne pouvaient parvenir à leur fait qu’en alarmant les esprits sur les propriétés. « Peut-ôre dirons-nous aussi que si l'Assemblée se lut plutôt occupé o es colonies, si elle n’eût pas laissé à la malveillance le temps de iummu-vrer et de l’accuser d'une cruelle inditïé enre, elle eût prévenu les malheur' qui les accablent et les déchirent; mais pressée jmr la loule des événements qui s’accuraulaieutautourd’e le, l’Assemblée uatiunale ne pouvait porter plus loiu ses regards. ■ Cependant, malgré ces violentes convulsions que nos Iles assurent qu'elles ont éprouvées, malgré les desseins perveis de ceux qui voulaient les anéantir pour la France, en y proclamant une liberté que leur constitution, leur climat et leur culture ne peuvent comporter, ces îles sont restées tidèles. Elles ont malheureusement versé beaucoup de sang; mais toutes o ;t accueilli avec transpoit votre décret qui les a déclarées parties de l’Empi.e fiançais. Ce décret est devenu le palladium des colonies. « C’est surtout dans ce préambule, dans ces dispositions raoes et conservatrices de l’ordre et de la propriété, que les colons ont vu l’intérêt que prenait à eux l'Assemblée nationale; et ils ont sacrifié leurs divisions, leurs ressentiments, à la roinesse solennelle qu’y a consacrée l'Assem-lée. « Si vous hésitez, Messieurs, car nous ne vous faisons pas l’injure de croire que vous la révoquerez, si vous liéMb'Z de confirmer cette parole si inviolable, vous devez vous attendre à la défiance des colons si souvent ul.-rmés :*ur vos intentions, et que les ennemis de lu patrie en\ ironneront d’erreurs et d’inquiétudes; vous devez vous attendre qu’une puissance voisine, et jalouse de votre grandeur future, entretiendra ces erreurs; elle les accroîtra, elle oi frira aux colons des avantages, en les réunissant a elle, et déjà elle a préparé le succès de ces desseins, en décrétant la continuation de la traite des noirs. « Vous devez vos colonies à une nouvelle conquête; le commerce mari t me leur est essenti I-lement lié; il ne peut sépaier sa came de celle oes colons. Si vos colonies se divisent et se déchirent, le coin n.erc" c ssera d’y envoyer des vaisseaux; et l’exemple de la Marti n iq e, perdue depuis deux ans, atteste cette triste vérité. Les étrangers s’empareront de votre commerce. Déjà nous avons la preuve que des vaisseaux étrangers, venant directement de nos colonies, sont arrivés en Angteteire et eu Hollande. L'invasion deviendra générale. « Eu attendant, une guerre étrangère est iné-vilable, cette seissiou aura cause nos dé-astres, et mettra notre Constitution en péril en paralysant nos fabriques et nos manufactures; en privant de travail tant de bras, que nos ennemisexté-rieurs et intérieurs emploieront contre nous. Ainsi donc, Messieurs, le commerce, le salut do l’Empire, votre parole ■,)!;< rmitrcs), tout, nous osons le dire, vous impose la loi d’adopter le projet de votre comité et celui que nous osons vous proposer. « Nous sommes avec respect, etc... »> 743 M. de Clermont-Tonnerre. J’adopte le projet de décret q ie vous présentent vos comités réunis ; je le crois le plus sage qu’il leur fût possible de vous offrir. Soit que nous le considérions en principe, soit que nous examinions les circonstance'’, je pense qu’on ne peut l’attaquer qu’en déplaçant absolument la question. Je sais combien d’idées aece-sotres il est possible d’amener dans une discussion : je n’inculperai nas les intentions de ceux qui invitent l’Assemblée nationale à traiter aujourd'hui des questions qui teii lent à compromettre nos colonies, mais jaitaquerai leur manière de raisonner; et je crois que, dans cette alïaiie, la raison et la justice sont parfaite m nt d’accord avec votre véritable intérêt. En effet, voudr..it-on vous ame-n ar à staïuer d’abord sur ce qu’il importe de régler dans les colonies? On voudrait y transporter toutes nos idées, tous nos principes, toutes nos institutions, et l’on ne voit point et l’on ne veut point voir qu’il faut auparavant siatuer, qu'il laut auparavant arrêter irrévocablement ses idées sur les vrais rapports de toute métropole avec ses colonies. G’e-t sur ces rapports qu’il est important, et pour elle et pour vous, ne ne vou-fa re aucune illusion. Je sais que les colons .-ont français; je vois leurs députés parmi vous, je les vois coopérer avec ardeur aux travaux de l’Assemblée nationale ; je les vois reconnaître avec orgueil qu’ils sont une véritable partie intégrante de l’Empire français, mais, permettez-moi de vous le dire, tout en jouissant de leur patriotisme, j’entends la voix non moins impérieuse de -la vérité et celle de l’exnérieuce; je me ranpeile que le pacte social n’est institué que pour le bien des contractants, que leur intérêt en est la piernière base, et que ce n’est qu’en ménageant soigneusement cet intérêt que l’on parvient à fortifier les affections, et à éterniser les liens qui peuvent rapprocher les hommes. L’union des colonies à la métropole, leur fusion, si je puis parler ainsi, dans la souveraineté nationale doivent éprouver des modifications particulières, ou bien elles opéreraient le despotisme de la métropole sur les colonies, et bientôt celles-ci, connaissant leur véritable intérêt, renonceraient à cette fiction politique. 11 suffit, pour s’en convaincre, de re-mon er au principe du contrat social, à ces principes posés par Rousseau auquel on élève des s’atnes et dont il ne faut pas oublier les maximes. La volonté du corps social où la loi n’est obligatoire pour chacun des sujets que parce qu’elle est l’expression de la volonté de tous, sur un objet qui frappe également sur tous, du moment où elle serait la volonté du plus grand nombre, ne frappant que sur le plus petit, elle perdrait ce caractère de loi; du moment où un corps politique seiait tellement constitué, qu’une de ses parties recevrait toujours la loi des autres, et ne la leur donnerait jamais, il ne serait plus un coros social; il serait une véritable monstruosité; mais cet état de choses arrivera toujours lorsque le corps social sera divisé eu deux parties intégrantes très inégales, et dont las intérêts ne seront évidemment pas les mêmes : le despotisme ce la plus grande sur la plus petite sera inévitable; l’iulluence de la plus petite sur la volonté générale sera illusoire, et ce prétendu corps social ou se soutiendra par l’oppression, ou tendra toujours à se dissoudre. \ oilà cependant le tableau vrai de l’état de cliosi s que nous avons consacré, de l’état de 744 [Assemblée nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il mai 1791.] choses qu’a adopté le patriotisme des colous, et contre le désavantage duquel il est juste, il est urgent, il est indispensable que vous leur offriez vous-mêmes le seul contrepoids qui peut rendre votre union durable, en cessant de la leur rendre onéreuse. Bien loin que vos comités aient dépassé ce but, je pourrais soutenir qu’ils ne l’ont pas encore atteint; mais au moins est-il clair que le genre d’initiative que l’on réserve aux colonies, initiative sans laquelle leur existence est compromise; il est clair, dis-je, que cette initiative ne peut pas être refusée. De quel droit ne l’accorderiez-vous pas? Sur quel titre fonderiez-vous ce refus ? Qu'est-ce que c’est que la souveraineté d’une métropole sur ses colonies? Vous avez reconnu qu’un peuple n’appartient pas à un homme : faites encore un pas, et sachez convenir qu’un peuple n’appartient {tas plus à un autre peuple. La nature des choses, a position géographique, tout est un obstacle à la fiction par laquelle on supposerait que ces deux peuples n’en sont véritablement qu’un ; ils ne peuvent être unis que par l’affection; l’affection ne peut subsister que par la communauté d’intérêts; les intérêts ne peuvent être communs u’auiant que cette partie la plus faible trouve ans l’organisation sociale un contrepoids à l’ascendant qui la menace; ce contrepoids est évidemment l’initiative; et s’il restait une réflexion à faire, ce serait uniquement sur la faiblesse du contrepoids. Ce qu’il est si juste de faire, vous est encore commandé par votre intérêt bien entendu. Rappelez-vous ce que Franklin disait au peuple anglais lorsque personne ne pouvait encore soupçonner les destinées de l’Amérique; ce grand homme lui montra, dans le premier acte d’oppression, dans la première injustice, le germe et le principe de l’indépendance américaine. Et quelles sont donc les raisons qui combattent l’acte de justice et de condescendance que vos colonies attendent de votre sagesse ? Elles se réduisent toutes en dernière analyse, au désir ambitieux de traiter une grande question sur laquelle tous les éléments nous manquent; une question dont la solution précipitée sera funeste à vous, à vos principes, à vos colonies, aux individus mêmes dont les instances la provoquent; une question dans laquelle vous serez toujours forcément en deçà de la rigueur des principes, lors même que vous leur aurez fait les sacrifices les plus impolitiques. Ces considérations sont puissantes, et je 11e fais que les indiquer. La philosophie vient aussi de provoquer en Angleterre une discussion de même nature. De longs débats, un immeuse recueil de documents ont conduit le parlement anglais à une décision toute contraire à celle qu’attendait la philosophie. Instruisons-nous par cet exemple ; ne sacrifions pas de grands intérêts à la manie irapolitique de forcer la marche du temps et de créer ce qu’il peut seul amener. Observons quelle sera sur vos colonies l'influence de votre Révolution; mais ne fortifions pas cette influence du despotisme d’une loi, et n’entassons pas indirectement les expériences politiques. Je me résume et je finis. Vos colonies ne vous resteront solidement attachées qu’autant que vous ménagerez leurs véritables intérêts; leur iutérêt le plus cher ne peut être sauvé que par l’initiative qu’on vous propose ; on ne s’oppose à cette mesure que pour vous faire discuter une question dont l’examen seul entraîne la ruiue des colonies. Ces raisons sont plus que suffisantes pour vous ranger à l’avis des comités. Cet avis est appuyé par le vœu du commerce ; il est appuyé par le vœu même des colonies ; elles voient dans son adoption la cessation des troubles qui nous affligent et nous alarment : elles y voient un acte de condescendance ; et franchement je n’y vois qu’un véritable acte de justice. Je conclus donc à l’admission du projet de décret du comité {Applaudissements.) M. Monneron. Messieurs, vos comités vous proposent de consacrer aujourd’hui la disposition que vous annonçâtes daas le préambule de votre décret du 12 octobre. Mais il résulte des dispositions bien connues des colons blancs, que les hommes libres de couleur 11e participeront ni à la législation ni à l’administration du pays qui lésa vus naître. Une Assemblée constituante peut-elle déroger à ces principes d’une manière aussi fortement prononcée, et priver des hommes libres, quelle que soit leur fortune, d’être citoyens actifs? Les changeait nts que vient d’opérer notre Constitution rapprochent des hommes qui se tenaient autrefois à une très grande distance les uns des autres. Les colons blancs ne devraient pas avoir tant d 'éloignement à reconnaître ceux à qui ils tiennent par les liens du sang, et qui ont bien mérité de leurs maîtres par leurs talents, par leurs services, puisqu’ils leur ont donné la liberté. Vos députés des colories, bs colons actuellement à Paris déclarent hautement que les colonies sont perdues, que la scission est prononcée, en leur refusant l’initiative sur l’état des personnes. Si ce malheur arrivait, ce ne serait que du fait des colons blam s; et je ne puis le croire. Si les exemples pouvaie it nous instruire sur la conduite que nous avons à tenir, l’histoire de la République romaine nous en présente un très frappant. Les lois politiques, ait Montesquieu, furent admirables à l’égard des affranchis. Ils eurent part à la législation, aux charges, au sacerdoce même ; mais lorsqu’elle eût perdu pour eux les sentiments de l’humanité, on vit naître des guerres civiles qu’on a comparées aux guerres puniques. Ceci doit être suffisant pour présager le sort de vos colonies. Si vous refusez aux hommes libres de couleur ce qu’ils ont droit d’attendre, de votre jus; ice ; si, au contraire, vousaccéd z à leur demande, vous resserrez les liens qui les attachent à la patrie ; iis continueront, avec les colons blancs, à donner de l’activité à notre commerce et à notre industrie ; ils maintiendront surtout cette police surveillante dont dépend la sûreté des colonies. D'après ces réflexions, je vous demande, Messieurs, la question préalable sur le projet du comité; et j’adopte entièrement celui de M. l’abbé Grégoire. ( Applaudissements .) M. de Gony d’Arsy (1). Grâces soient rendues à l’Ass< mblée nationale d’avoir, dans sa prudence, prono ce le 7 de ce mois, un sage ajournement sur le projet de décret qui lui fut présenté par ses 4 comités de Constitution, de commerce, de marine et des colonies. Lorsque la loi soumise à votre délibération devait avoir la plus grande influenre sur les destinées de cet empiré, des légis'ateurs éclairés ne pouvaient la prononcer qu’après une discussio 1 réfléchie. Un examen approfondi, sur un objet de (i) Le discours de M. de Gouy-d’Arsy n’a pas élé insère au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1791.] 745 cette importance, semblait réclamé par tous ceux qui désirent de voir nos lois constitutives revêtues de ce grand caractère de solennité qui commande le respect, et qui en prépare l’exécu'i n. Le rapport de vos comités a été imprimé, distribué, médité sans doute. Livré à une discussion impartiale, ses moti's s ro it at'aq-iés et soutenus, et le jugement que vous porterez t,e sera plus taxé par quelques personnes co nm* quelques-uns vie vos pré édeius décret-*ur les co'o-ntes, d’être une atteint-* à la liberté des opinj >ns. Celui-ci sera contradictoire, et la s -coede épo ;u ; de prospérité -le vos provinces insu!aires. Ce fut le 8 mars de l’année d r tière eu’ap-ès avoir donné vos pre miers soins aux aCf-.ires A pressantes du continent, vous daignâtes, pour la première fois, vous occuper de notre bonheur, et nous en donner un sage. Vous veniez d’apprendre que l’impulsion d’une révolution salutaire s'était propagée jusqu’à n< us, « et sentant (je me sers des propres termes du rapport qui vous fut soumis, et dont l’impression et l’envoi à toutes les colonie-furent décrétés au milieu des applaudissements les moins équivoques). Sentant, dis-je, tout l’intérêt qu’avai* h nation française à sout nir sou commerce, à conserver ses colonies, à favoriser leur prospéré par tous les moyens compatible avec l’avantage de la métropole », vous disiez avec cette bonté paternelle que nous n’oublierons jamais : « Rassurer les colonies sur leurs plus chers intérêt-, recevoir d'ellts-mèmes les instructions sur le régime de gouvernement qui convient à leur bonheur, et uu’il c-î enfin temp* d’émb'ir; le* inviter à présenter leurs vues eoncuiremment avec le commerce français, sur leurs rapports réciproques; telle est fa marche que les circonstances, la justice et la raison nous ont paru prescrire. » Après avoir exprim * ces sentiments consolateurs, vous entriez dans les détails des causes de nos maux ; votre sagacité vous en avait découvert 3, et il n’y en avait pas d’autre* : l’abus ministériel, la disette des snb-istancos, enfin l-s manœuvres criminelles des ennemis du bonlitur de la France. Ils ont, ajoutiez-vous, emplové divers moyens pour exciter le trouble et l'inquiétu-le parmi les colons. Tantôt nous supposant des intentions contraires à toutes les lois de la pru lence, ils leur ont fait ap rcevotr dans l’application de nos décrets, l’anéantissement de leur fortune et le danger de leur vie; tantôt portant le trouble dans les habitations, ils ont cherché à confirmer, ar des soulagements, ces insinua'ions perlides. eurs artifices ont exci'é de vives alarmes ; mais ils ne nous ont point enlevé la confiance et l'al-fection des habitants des îles; et nous les retrouverons dans leurs cœurs, du moment où nous aurons calmé leurs inquiétudes. » De ce paragraphe si touchant, vous passiez à des considérations politiques de la plus haute importance. « On n’ignore point, qu’au sein même du Corps législatif, quelques personnes mettent encore < n question l’utilité des colonies et du commerce intérieur; mais si de grands principes philosophiques et des spéculations ingénieuses s’offrent à Pappui de leurs opinions, il est facile de concevoir que la décision de ces grandes questions est absolument étrangère à la position du moment » : alors, armés de toute la force de l’exercice, vous réfutiez leur système, et parcourant avec avidité tous les avantages que les colonies françaises procurent à la métropole, et le vide immense que leur perte entrai uerait, vous n’aviez pas de pe:ne à démontrer la fatalité de l’opinion métaphysique qui s’élevait contre l’importance ue nos po-sf ssions coloniales. (M. de Gouy cite ici, mot à mot, plusieurs passages du rapport qui précédait le decret du 8 mars; il appuyait sur l’in'ention qui les avait dicté-', et continuait s ir le mémo to ■.) « AuS'i, aj mtiez-vous, la pr-isnérité de notre commerce étant si intimement liée à la conservation de nos colonies, la na'ion ayant l’intérêt le plus pressant, 1* ulus incontestable aie proté-g *r, il faut, sans délai, les constituer, et surtout calmer prompt* ment les alarmes que le com-iittco et le* c -Ion-: ont conçues sur l'application d ? quelques déc e's. » Quels ét aient ces décrets, Messieurs, aucun encore n’ .vait l'ait m-ntion de nous... mais vous aviez décrété la dé lar tion des droits de l’h urine, et votre comité, qui avait bien reconnu que l’abus qu’on en avait voulu faire étant la cause de tous nos maux, pensait et disait : « que les diffé-en-tes lois, décrétées pour les provi -ces françaises, ne'aieut point applicab'* s au régime des c Tonies. Il d sait qu’ell *s offraient dans l’o d ce politique une c asse d’êtres par‘iculiers qu’il uYst possible ni de confondre, ni d’assimiler avec les auùes corps so iaux ; que l’application rigou-reu e et uuiverselT* des principes gé léraux ne saurait 1 u1' convenir ; qu • les re'ations d’inté*-êt et de position entre la Fra ice • t les colonies n’étant point de. la même nature que celles qui lient les provinces fra çaises, soit entre et les, soit avec le corps national, les relations politiques devaient également différer. » Enfin votre comité disait, et vous avez reconnu avec lui : < qu ■ les colonies ne pouvaient être comprises cans la Constitution décrétée pour le royaume. » Vous avez été plus loin : « En prononçant que le-colonies auraient h urs 'ois et leur constitution particulière, vous avez pensé qu’il était avantageux et juste de les consulter sur celles qui pouvaient leur convenir. Vous avez cru que, dans une matière où 1 ur-droits les plus précieux étaient intéressés . — Qui, embarrassés es objection-que de boas esprits leur out faites, on dit, imprimé et signé dernièrement : « Nous [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1791.] noos réintégrons, pour le moment, à faire accorder aux gens de couleur et nègres libres, les droilsde citoyens actifs » ; et qui ne cèdent ainsi que pour gagner du terrain et envahir, je ne dis pas notre patrimoine, mais la plus riche portion de celui de la France. Et ces intentions conquérantes, je ne puis pas me les dissimuler, lorsqu'au même instant ces mêmes hommes impriment, signent et répandent des appels sanguinaires coutre n us : « N’en doutons point, s’ecrient-ils dans leur enthousiasme barbare, notre heureuse révolution va réélectriser les noirs, que la vengeance et le ressentiment ont électrisés d-puis longtemps; d’une insurreciion mal apaisée eu nailront vingt autres ». Ce sont leurs propres ternies. Ils attendent, ils espèrent, ils appellent la force de 300 esclaves contre un colon blanc qui, depuis 30 ans peut-être, vit au milieu d’eux, et les a presque tous vu naître, s’est fait un devoir, un plaisir, de subvenir à tous leurs besoins ; et la persévérance de leurs dispositions hostiles, pourrais-je en douter, lorsqu’elle a été consacrée dans plusieurs adresses présentées au Corps légis'atif, lorsqu’une autre adresse aux Amis de l’Humanité , conforme ce que je viens d’avancer par le début suivant : « La société des Amis des Noirs a annoncé, dans sa seconde adresse à l’Assemblée nationale, le serment que tous ses membres avaient fait de ne point interrompre leurs travaux que la traite des noirs ne fût abolie... Pour remplir cet objet sacré, la société croit devoir adopter un plan de travail , et solliciter une souscription de 200,000 livres. » Aussi, Messieurs, que les prétendus amis des noirs disent aujourd’hui qu’ils ne songeât plus à l'affranchissement des esclaves, qu’tl> ne demandent pas l’abolition de la tiaiie, qu’ils ne veulent que l’aciivité pour les gens de couleur; ne croyez point leur exception, croy-z plutôt au serment désastreux pour l’Etat, et criminel qu’ils ont osé faire entre vos mains, et que cette pièce atteste. Elle n'est point apocryphe. Sitjné : Pktion dh Villeneuve, président, biUSSOT DE Warville, secrétaire. Nous sommes obligés de croire à son au lien-licité jusqu’à ce que ces mes;ieurs la désavouent. Ne nous laissons donc pas égarer par les protestations trompeuses d’une modération men-on-gère. 11 n’est plus temps de feindre, et quand le péril est imminent, le n énagement qui le cache en augmente l’étendue. Ces ménagements autrefois eussent été vertu, ils seraient crimes aujourd’hui. Il n’en faut plus. 11 faut que l’Assemblée nationale, qui connaît bien aujourd’hui l’importance de ses colonies, qui n’ignore pas l’inlluence immédiate qu’t lies ont sur tout le système politique du gouvernement intérieur et evtéiieur de l’Empire, qui voit par combien de liens elles s'attachent au commerce, à l’agriculture, à l’industrie, à la circulation du numéraire, a l’existence de G millions de citoyens, à la prospérité du royaume, et à la paix publique, sache, au moment de prononcer sur la question 'a plus délicate, ce qu’on prétend exiger d’elle ou des législateurs qui la remplaceront. Un vous demande aujourd’hui d’anéantir vos décrets bienfaisants, pour leur substituer un décret injuste et barbare : on vous demande de manquer en présence de l’Europe entière, qui fixe ses yeux sur vous, à la parole sacrée que la 747 loyauté française a donnée à des citoyens français par l’organe des représentants de la France. * Enfin, lorsque quatre de vos comités, réunis, ont dans un grand nombre de séances, examiné avec une attention toute particulière la question la plus délicate, sans doute, de toutes les questions politiques, lorsque le vœu unanime de tous les membres éclairés qui les composent et des députés de toutes les colonies qu’ils y ont appelé, se réunissent pour vous proposer de consacrer sous un»* form * inattaquable ce que vous avez déjà déclaré formellement, o i ose vous proposer de prononcer coutre vo'r j avis, contre votre parole, contre votre sûreté, contre nos propriétés, contre notre existence, contre les intérêts les plus chers de la nation, et de jeter le premier tison d’une guerre épouvantable au milieu de neuf colonies qui vous demandent protection et repos. En un mot, on vous propose aujourd’hui d’adopter la première de ces trois propositions, futaies au royaume, que la secte des Amis des Noirs a fait l’abominable serment de vous faire décréter : la concession des droits politiques, l’abolition de la traite, l’affranchissement des esclaves. Oui, Messieurs, ne vous y trompez pas; e s trois propositions sont inséparables ; elles sont la conséquence du même principe ; l’adoption de la première, préjuge l’adoption des deux autres ..... Que dis-je! elle la décide de droit et de fait, en renversant la barrière qu’un préjugé nécessaire entretient depuis cent cinquante ans, entre l’homme libr • et l’esclave. La classe des affranchis forme cette barrière salutaiie; je ne sais s’il serait en votre puissance de lui eu substituer une plus sage; mais il est certain que l’expérience est en faveur de celle-là. Bientôt, Messieurs, il ne resterait plus qu’un pas à faire pour achever un si bel ouvrage, perdre la colonie et la métropole, sacrifier cent mille blancs à la fureur d’un million de noirs, et immoler ces noirs eux-mêmes à la fureur qui les enveloppe, et à l’anarchie qui les détruirait, en décrétant solennellement l’affranchissement des esclaves. En vain, ceux que mon silence obligerait, s’écrient-ils que je suis hors de la question, je ne m’en éloigne point, quand, parle décret que l’ou voudrait vous faire rendre, les affanchis seraient enfin admis aux mêmes honneurs que les blancs, le nègre libre se trouverait le collègue de celui dont il était naguère l’esclave; son frère, ses parents, ses amis, esclaves encore, concevraient difficilement l’égalité de ce noir avec un blaoc dont la supériorité sur eux leur semblerait un douloureux problème. Quand ensuite, en vertu de l’abolition de la traite que l’on a juré également de faire décréter, le propriétaire d’une manufacture serait obligé dVn répartir les travaux entre un moindre nombre d’esclaves, parce que le recrutement en serait prohibé; quand la charge de chacun d’eux augmenterait tous les jours en raison de la diminution des revenus du maî're; quand ils sentiraient que leur santé s’altère, que leurs forces s’épuisent, ne seraient-ils pas tentés d’en employer les restes à se soustraire à un joug jadis léizèr, devenu par degré, trou pesant, et désormais impossiole à supporter? Ne seraient-ils pas disposés, dans la simt licite de leur raisonnement, à attribuer à leurmaitre tous les torts d’une mesure nationale, impolitiquement adoptée? Mais enfin quand eu vertu de l’ai franchisse- 748 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1791.] meot universel décrété en principe et seulement suspendu par sagesse, ces esclaves viendraient à savoir aue la liberté leur est accordée, mais qu’ils n Vn jouiront que dans la proportion de leur avanceu eut intellectuel, qui dVntre eux, dites-moi, par là même qu’il sem le plus borné, ne ?e croira pas digne à l’instant du bienfait qu’on lui destine? Oui d’entre eux con.-uvira lroidement à pas�r par les émeuves que b* philanthrope exalté aura délibéré dans son cabinet? Qui d’entre eux voudra voir affanchir ceux qui l’entourent sans participer à ce bien ? Qui d’entre eux voudra n’ètre pas le premier? Qui d’entre eux consentira à laisser la liberté à ses enfants sans en avoir goûté les prémices. Tous, oui tous voudront être libres, et le seront le jour où ils sauront qu’ils peuvent l’être. Je puis, je dois le dire: l’on n’attend pas la liberté. Cet axiome de la Révolution n’a pas besoin de preuves dans cette As-emblée; mais si j’en voulais une, elle s’offrirait d’elle-même. Si le 13 juillet 1789, tous les souverains de la terre eussent dit aux habitants de la capitale : Vous gémissez sous un joug odieux, la liberté doit mettre un terme à vos maux. Mais il faudrait vous préparer à cet état nouveau, qu’un passage trop rapide rendrait dangereux; uans 4 ans, de ce jour, nous briserons vos chaînes, nous vous livreruns sans crainte à la liberté... Dites, Messieurs, le peuple de Paris aurait-il attendu patiemment ce terme désigné?... Un cri unanime n’aurait-il pas appelé cette liberté qu’on plaçait si loin de leurs désirs; tous .-e seraient élancés vers elle, et il n'v aurait eu qu’un espace indivisible entre les prémices de ce bienfait et sa jouissance? 11 en serait de même en Amérique. La plu? légère vibration, sur cette corde délicate, retentirait dans tous les cœurs : ne la louchons donc pas, quand nous sommes physiquement sûrs, que des malheurs épouvantables, que des pertes irréparables, que des massacres multipliés ensangle-teraient cetie imprudence. Il est donc bien prouvé qu’il est mathématiquement impossible de préparer les nègres à la liberté. L< urs prétendus amis conviennent qu’ils ne peuvent la recevoir sans une longue préparation; donc il ne faut plus songer à la leur donner, puisqu’elle serait pour eux une source intarissable de maux. Mais vous avez vu que l’affranchissement des esclaves était la suite nécessaire de l’abolition de la traite, et de la demande des gens de couleur ; donc il y aurait un danger imminent à accor er ce dernier point, puisqu’il entraînerait infailliblement, et sans aucun délai, tous les malheurs dont nous menacent les deux autres. Il importait, Messieurs, de vous démontrer la liaison intime de ces trois propositions, parce que cette démonstration placera, dans son véritable jour, la question qui vous occupe. L’Assemblée nationale, liée par ses propre-décrets, a déclaré aux colonies qu’elle ne toucherait à leur constitution, législation, administration, que sur le vœu des assemblées co'omaL s. Certes de tous ks articles d’une Con t tution, il n’en est pas de plus constitutif que l'état des personnes ; donc l’Assemblée nationale, enchaînée par ses propres bienfaits, ne peut rien décider sur l'état des personnes; et puisqu’elle s’est mise dans une impuissance heureuse et absolue à cet égard, elle ne doit faire aucune difficulté de le répéter de manière à ne laiss r aucun doute sur cet objet. M. Ganltler-Bianzat. On étend trop la discussion et M. de Gouy n’est nas dans la question. Je propose, par forme de motion d’ordre, qu’il se borne à discuter celle de savoir si les uécrets dont il s’« st prévalu dao-le cours de so i opinion, frappent également contre les nègrts esclaves et les ge s de couleur propriétaires. En d’autn s termes, si 'es propriétaires contribuables de couleur seront libres oui ou non. M. Barnave. Je ne demande point à parler sur le f nd de la question, mais à rétablir le vrai point de la délibération. E le ne consiste pas à savoir si les nègres et si les hommes de cou leur libres auruni ou non le droit de citoyen-act fs. La que tien qui vous est soumise est de savoir si vous laisseiez, ainsi que vous l’ave' promis aux assemblée-' coloniales... ( Murmure s.i M. L.anjtiina!s. Vous p 'sez mal la question. M. l'abbé Grégoire. On ne l’a pa; promis , M. Barnaw énonce une fausseté. M. Burnave. Je dis que la eu stion est d • savoir si l'Assemblée nationale décrétera : 1° .-i l’initiative serait accordée aux as-emb ées coloniales, pour la formation des loi-qui do:ve ’ régir les colonies ; 2° si elles u erontde ce droit , dans la question d ■ savoir quels seront les droit ; pol tiiues des colons et nègres lihr« s et proprié ta Tes, sauf, après le vœu q .'elles émettront à cet égard, à èu* statué souverainement par l'Assemblée nationale ;3°si elles émettront ce vœu dan la f rme q ne n u< avons propi sée, c'est-à-dir par un s> ul comité de 29 personne-, composé d< c mmis-.iires des différentes assemblées colo-rrales. Voilà ce que les comités ont proposé à l’Assemblée. Plusieurs membres : Ce n'est pas ainsi qu’il f ut poser la question. M. Barnave. Voilà les trois seules question-qui résultent du pn jet de décret proposé à l’As-S’ m filée nationale. ( Applaudissements .) M. de l�afayetle. Je demande la parole. M. de Tracy. Je demande que M. de Gouy c nt: n ue son opinio >, C’e l à moi à parler ensuite*; et je m’engage à prouver que la question n’a pa-été bien posée par M. R&rn±xe.(Applaudi$scment$.i M. lePrésident. Monsieur de Gouy vousavez la rarole ; je vous engige à vous renfermer dans la question. M. de Gouy d'Arsy. L’Assemblée peut san-doute changer la que-imn ; ma s dans l’état actuc des choses, je me bornerai à examiner la premier des 3 quesnons, et à vous observer qu’un con-si.lérarr, de la part le l’Assamblée nati nale équivaut .-ans contredit à un decret. Plusieurs membres : Non! non! M. de Gony d’Arsy. M ssieur?, je ne conçoi-i as comment il est pos ible que l'on mette celte question en doute. Qu’est-ce qu’un décret? G’es; une détermination du Corps législatif. Qu’est-ce qu’un considérant? C’est le motif de cette détermination. Or, comme le motif existe avant la loi. et que la loi n’est faite que d’après le motif; [Assemblée nationale. | AJtCHlYES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1791. J c’éooncé du motif, terminé r*ar la loi, est aussi sacré que la loi elle-même. Soutenir un instant le contraire seruitun machiavélisme dont nul membre ici ne se rendra c mpable. D< ne l’Assemblée nationale ne peut rej -ter, dan-! son intégralité, le premier article du projet qui lui est proposé par Ts 4 comités réunis, puisqu’elle l’a déjà prononcé dans le considérant du 12 octobre 1790. Cet article n’a d’autre but que d as-urer le régime constitutif colonial, tel que le besoin l’a établi, tel que l’expérience l’a conservé, tel, si l’on veut, que le préjugé l’a respecté, mais tel enfin que les droits précédents l’ont consacré, Y changer un mot, ce serait renverser subitement ce régime colonial, fondé tout entier sur la servitude. Or, si, de ce renversement subit, s’ensuivait infailliblement I’abolitiou de l’esclavage comme je l’ai démontré; et que l’abolition de l’esclavage annonçât le sacrifice de tous les mulâtres, le massacre de tous les Lianes, la désolation de tous les noirs, la destruction de toute' nos manufactures, la perle absolue detonb s noscolo-mes, la ruine detous les négociants le nos, par: s, le désespoir de 6 millions d'hommes en France qui n’auraient plus de pain; la wngeame de toutes les puissances maritimes peu disposées sans d» ute à nous pardonner un décret qui les priverait également de leurs Calonûs, l’Assemblée nationale se reprocherait, sans doute, et de n’avoir pas réprimé les écarts d’une secte désastr use, et pour avoir porté une or. ille attentive aux séd actions de quelques têtes erronées qui la dirigent, d’avoir anéanti la Constitution et perdu le rovaume. Telle est pourtant, Messi urs, l’alternative où des propositions imprudentes vous placeut ea ce moment. Une observation importante doit fixer aussi les regards de vuire justice; si, contre tout-s les lois de la politique, vous pensez d voir sacrifier les intérêts du royaume à la rigueur des principes naturels dont une secte exaltée provoque l’observance'; la nation française qui a consacré avec tant de loyauté les dettes de l’ancien régime, ne se croirait point autorisée, sans coûte, à se permettre un prétendu acte ue bieufai ance, aux dépens des pioprietés particulières. 11 est bien prouvé que le décret qui prononcerait eu faveur d ui e des tr us questions soutenues par nos ennemis, nous priverait subite. lient de nos colonies d’une manière plus ou mo;ns funeste. La souverai îeté en est à la France, mais le sol de plusieursd’entreelles,c lui de Saint-Domingue, par exemple, est aux habi ants qui l’ont omquis et qui ont prié nos rois de le diviser entre eux. Il faudrait doue équitablement payer à chaque colon celle terre patrimoniale que ses pères lui ont transmise d'àge en âge; il faudrait surtout leur rembourser au moins la valeur actuelle des manufactures brillantes qui couvrent ces établissements, et des nègres qui les cultivent, dont le prix très cher a été reçu tout entier par les Français du continent, lorsque, de bonne foi, et sou-* l’autorité de la nat on, nous avons traité avec eux depuis près de deux siècles. Certes cette liqui lation est de stricte justice. Eh bien, par une évaluation modérée, proportionnée tout au plus à nos fortunes actuelles, et fort éloignée de nos espéranc s futures, les revenus des colonies se moutant à 240 millions plus ou moius, serait représentée au denier viDgt p..r un capital d’environ cinq milliards. Voilà la somme que l’équité prescrirait irnpé-749 rieusement à la nation française de rembourser a ix colons avant de consommer la bonne œuvre de l'affranchissement d’un million d’hommes, et de leur donner la liberté d’être oisifs et malheureux, de s’entre déchirer et de devenir bientôt cu re eux les esclaves les uns des autres. En agir autrement, serait une injustice atroce, que nui motif ne saurait justifier, car il n’est permis, dans aucun cas, d'être généreux aux deueos d’autrui. Une grande leçon vient de nous être donnée sur ce point, par une nation toute-puissante et à laquelle on ne peut refuser aussi quelques idées de liberté. L’Angleterre discute depuis 10 ans l’abolition de la traiie. Depuis 10 ans, elle diffère la décision de cette question importante, et dernièrement elle vient de cousicrer, par un acte du Parlement, le commerce des esc aves. Ne pourrait-on pas dire que ce peuple profond a imaginé de tendre d’nbord à la légèreté française un piège séducteur, pour nous déterminer à faire une grande faute politique, dont les Anglais seuls auraient retiré tout le fruit, et qu’au moment où il a reconnu que l’exagération de dos idé s métaphysiques nous entraînerait dans le précipice qu’il avait creusé sous nos pas, sa politique astucieuse l’avait porté à manifester aux deux mondes des dispositions propres à lui concilier la confiance de tous les possesseurs u 'esclaves, et à lui attirer tous les cœurs créoles. Ne laissons pas, Messieurs, notre rivale recueillir le fruit de ce complot adroitement ourdi, et sans nous arrêter à des développements ultérieurs sur une question que l’Assemblée natio-n; le n’aurait jamais dù traùer, et qui n’est que trop éclaircie, p-rmeitez-moi, en me résumant, de vous offrir, avec ordre, une série de propositions dignes de fixer vos regards et propres à motiver vos décrets. L’importance des colonies françaises n’est plus un problème. Leur existence tient à la couserva-tiun du régime colonial. Le régime colonial repose tout eatier sur le système de l’esclavage. ’ Le système de l’esclavage a pour base la continuation de la traite, et ce préjugé antique, qui place I -s gens de couleur, comme une barrière nécessaire entre les noirs et les blancs. Ces deux sauvegardes de nos propriétés sont menacées par des pbilantropes. Ces menaces trop répandues ont excité, dans tontes les co'onies, des alarmes universelles. Ces alarmes générales ont été la cause ou le prétexte de tous les troubles. Ces troubles ont enfanté tous les crimes et tous les maux. Maintenant que nous sommes descendus de la cause aux effets, re n-m-ons des maux commis aux remèdes uésirabes. La c ssation des malheurs tient au rétablissement du calme. Le cahivn-reparaîtra qu’en rappelant la confiance. Elle ne renaîtra jamais, si 1 Assemblée nationale, oubliant ses propres promesses, portait la plus légère atteinte à l’initiative qu’elle nous a accordée sur tous les objets de notre Constitution, et notamment sur l’état des personnes. Ur, qui dit personnes, ne peut entendre de bonne foi ni les esclaves qui u’ont aucun éjat, ni les blancs dont l’état est décidé, mais les hommes de couleur seulement qui jouissent de l’état civil, et non des droits politiques. C’est de la consécration de cet ordre de choses 760 (Assemblée nationale.] que dépendent l’existence de3 colons, et la conservation de leurs propriétés. lies deux points capitaux ne peuvent être assurés que par un décret solennel, dont la précision et la clarté bannissent jusqu’à la possibilité d’une interpr étation douteuse. Le doute existera toujours, si la loi n’est pas constitutionnelle. Il estdonc indispensable qu’elle soit prononcée par l’Assembb'e nationale constituante actuelle, et acceptée par le roi, La législature qui nous succédera, n’aura pas même le droit de constituer les co'onies; et si elle' ne nous doivent pas la Constitution qu’elles vous demandent, ou le droit de la taire par elies-mêmes, vous replongez ces contrées précieuses dans des anxiétés déchirantes; vous les livrez à toutes les erreurs de la philanthropie; vous éternisez leurs maux. Ainsi, Messieurs, leur propriété ou leur malheur est dans vos mains. La perte ou le salut du royaume y sont intimement liés. Choisissez ..... Mais vous n’avez pas môme le choix, pui-que, par votre organe, la nation française a donné sa parole et que vos colonies y comptent. Je conclus donc à l’admission pure et simple du premier article1 proposé par vos 4 comités, et je me réserve d’opiner sur les autres, à mesure que vous les soumettrez à la discussion. M. do Traey. Actuellement, il ne peut plus y avoir d’incertitude; il est clair que vous ne parlez que des hou. mes libres de couleur, propriétaires et contribuables, et point des esclaves; ceux-ci, tant qu’ils sont esclaves, ne sont pas des hommes. Votre comité vous propose d’adopter son projet comme une conséquence des décrets que vous avez rendus. CVst pour le même motif que je demande la question préalable sur le projet du comité. On vous a dit que tout était perdu, si I s gens de couleur avaient d’autres protecteurs que les colons. Je dis que tout est perdu, s'ils ont d’autres protecteurs que la loi. ( Applaudissements .) JYxamine d'abord les instruirons décrétées le 28 mars, et j’y lis ces mots : « Toutes les personnes âgées de 25 ans auront le droit , etc... » Cet article ne fait donc aucune distinction entre les colons blancs et les colons de couleur; et lorsque quelques membres s’élevèrent, pendant la lecture de ces instructions pour dire que cela comprenait saus doute les blancs et les mulâtres, ceux qui soutiennent le projet actuel du comité répondirent alors que c’était bien entendu. Je viens au décret du 12 octobre où se trouve le considérant obscur dont on argumente. Je pourraisoire qu’un considérant est l’exorde d’une loi et non pas la loi; mais encore, que porte-t-il? Qu’aucune loi sur l’état des personnes ne sera décrétée pour les colonies sans leur initiative. Grâce à l’ambiguïté de la rédaction du fameux préambule du uécret du 12 octobre, ce mot état des personnes a reçu d’étranges interprétations. Je soutiens, moi, que vous n’avez voulu désigner par ces mots l'état des personnes que l’état des esclaves. ( Applaudissements .) Vous n’avez jamais dans cette Assemblée, voulu prononcer le mot esclave. Vou< avez senti que ne pouviez pas détruire l’esclavage. Vous avez répugné à le consacrer, et pour" désigner les esclaves, vous avez dit l'état des personnes. (Applaudissements.) [Il mai 1791.| Un membre : C’est juste. M. do Traey. Je dis que le décret du 12 octobre ne prouve rieii : que le considérant n’est qu’un considérant, et qu’encore ne dit-il pas ce qu’on veutlui faire dire; mais je veux bien encore renoncer pour un moment à la force de ces moyens, et j'en viens au fond de la question, où je* trouvé la preuve queM. Barnave l’a mal posée. Messieurs, puisque vous voulez une initiative de-colonies, comment sera-t-elle donnée? (Applaudissements.) Elle sera donnée suivant le projet qui, je l’espère, sera englouti par la question préalable, elle sera donnée par une assemblée de notables des colonies. Sera-t-elle semblable à celle de 1788, en France? Un membre : Oui ! M. de Traey. Dans ce cas, Monsieur, au mois de décembre il faudra faire le contraire de ce qu’elle aura dit. ( Applaudissements .) M. Dupont. Puisqu’il n’v a plus de noblesse, il ne faut plus laisser quedeûx états de personnes ; la liberté et l’esclavage. M. de Traey. Or, pour en venir là, je crois qu’il vaut beaucoup mieux éviter le trouble et la scission. Vous ne voulez pas vous comporter comme uu ministre amovible. 11 faut donc vous expliquer sur-le-champ. Vous en avez la force, vous eu avez le droit, vous en avez le devoir (Applaudissements.) Expliquons-nous donc. (Applaudissements.) Quand vous n’aviez pas de Constitution, vos colonies n’en avaient i as ; c’est tout simple. Vous en avez une, il en faut aus-i une aux colonies; il faut créer cette Constitution. Messieurs, avant la création du monde, il fallait un créateur : vous êtes, ce créateur (Applaudissements.); c’est à vous à arranger les éléments de la chose à créer; sans quoi ils ne s’arrangeront pas tout seuls. Il faut donc que vous fassiez l’ouvrage du créateur. Hé! Messieurs, ces éléments sont tout arrangés par vos décrets. Vous avez décrété que toute personne, qui était ou propriétaire ou contribuable à M degré, avait droit dans les assemblées primaires. Sur quoi vous êtes-vous gui lés? Ce n’est pas sur des lois écrites; c’est sur des droits naturels qui doivent être partout les mêmes. Eh bien! Messieurs, là-bas tout comme ici. prenez tous les citoyens actifs assemblés en assemblée primaire; faités-leurnommer des membres d’une législature, une assemb ée de notables, tout ce qu’il vous plaira; et voilà qui est arrangé. Et pourquoi? parce qu’il n’y a qu’un principe qui arrange tout. (Applaudissements.) Je demande la question préalable sur le projet du comité et j’accepte le décret de M. l’abbé Grégoire. (Applaudissements.) M. tîoinbcrt. Je demande que la discussion soit fermée. (Murmures.) M. JInlouct (1). Messieurs, le préopinant vous propose «le prononcer immédiatement et sans délai sur l’état des gens de couleur; il vous dit que vous en avez le droit, le devoir, le pouvoir. Je ne suis pas de cet avis; je suis plus frappé des observations de M. de Clermont-Tonnerre sur la souveraineté des colonies, que (1) Ce discours est incomplet an Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 751 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (11. mai 1791.J de celles auxquelles il a répondu, et que je vais aussi combattre : et je m'empresse de vous annoncer qu’en r. gard mt ses principes comme inat-ta juables en théorie, mon avis e t que j’espère bien que v ms ne mettr z ni les colonies ni la métrop de dans la > ét es-ilé d’en admettre les consé juences rigoureuses. C’est en général une clause bien dangereuse en matière de gouvernement, que d’accorder aux abstractions, aux syllogismes, une teile puissance qu’on se luis c emprisonner dans le poste où vous place un bon ou un mauvais raisonnement. En suivant exactement la ligne de M. de Clermont-Tonnerre , vous aurez la théorie d'un système colonial, dont la logique triomphera de tontes les attaques de ses adversaires; mais les produits de vos colonies ne seront que précaire-ii ent en vos mains, et pourront vous échapper à tout in-tad. En adoptant au contraire les principes qu'il a combattus, en suivant la ligne et les raisonnements île M. d-Tracy, vous opérerez par un déchirement effroyable la ruine des colonies, et des désastres incalculables dans le royaume. Je marcherai, Messieurs, entre cos deux écueils, dont l’un est encore plus dangereux que l’autre, car, s’il faut nous livrer à des systèmes, je préfère, sans balancer, celui qui conserve une société par l’indépendance, à celui qui la détruit par de mauvaises lois. La fin principale de l’économie politique est la conservation, comme celle de l’économie rurale est la reproduction. Ainsi ce n’est pas ce qui doit être, mais ce qui est; c’est l’état actuel des choses, et leur commandement absolu qui doit fixer d’abord l’attention du législateur. S’il s’en distrait pour se saisir du beau idéal, c’est un romancier dangereux, dont il faut honorer les intentions et repous er l'influence. ' C * n’est point à M. de Clermont-Tonnerre que s’adresse cett ■ réflexion. Ses raisonnements sont justes, et c’est à vous, Messieurs, à en éviter les conséquences et à conserver la souveraineté sur les colonies, parce qu’elle vous est éminemment utile; or, il n’y a plus de souveraineté, là où cesse la protection, la bienfaisance, l’action tutélaire et con-e:va-trice ; alors commence la tyrannie : c’est à qqoi on voudrait vous conduire en refusant l’initiative aux colonies sur l’état des personnes et sur leur propre constitution. Avant d’entrer dans les détads de cette qu is-tion, je me permettrai de jeter un coup d'œil rapide sur la situation actuelle des colonies. Il est véritablement étonnant qu’une aussi importante discussion s’ouvre aujourd’hui pour la première fois. On ne reprochera sûrement point à celte Assemblée de manquer de lumières. Toutes les classes de la société, tous les genres de talents, d’industrie, de commerce, de propriété trouveraient ici des conseils et des appuis, et un des plus grands intérêts politiques de l’empire, ses plus importantes possessions ne se sont encore présentées à vous que sous un voile qu’un de vos comités a seul jusqu’ici étendu ou soulevé. Je ne l’accuse pas. Je sais que les préventions, les difiicultés qu’il ava l à vaincre justifient la cir-con-pection du comité colonial. Cependant de funestes commotions ont agité ces provinces éloignées : on a tantôt favorisé, tantôt dissimulé les causes de ces commotions, et constamment négligé de vous en montrer le danger. Ces causes sont de plusieurs genres. Le mouvement général des esprits, dans les commencements de la Révolution, s’est rapidement communiqué dans toutes les parties du globe où il exisb* des établissements français. Eiail-il i tile au succès même de la révolution, de favoriser cetie impulsion? Je ne le pense cas ; car si l’on éprouvé sous les yeux du Corps législatif qu’on ne détruit paysans inconvénient tous les ressorts de l’ancien gouvernement pour en instituer un nouveau, que n’avait-on pas à craindre de la dissolution subite et inconsidérée de l’ancienne administration de colonies, lorsqu’il n’existait sur les lieux aucune puissance légale pour rectifier et modérer l’impétuosité d’un premier mouvement ? Il n’était pas douteux que le nouvel ordre de choses, que vous établiriez dans le royaume, ne s’établit aussi dans les colonies; que les ministres, les administrateurs n’v fussent soumis aux mêmes princpes législatifs, à la même responsabilité. Vous ne pourriez donc être ai lés, mais au contraire fort embarrassés par toute espèce d’insurrection dans les colonies; il en devait résulter ce qui est arrivé : beaucoup de soins, d’inquiétudes et de dépenses pour les réprimer. Vous deviez donc les prévenir en autorisant provisoirement, et sous la loi de la re'ponsabilité, l'ancienne administration, en déterminantstricte-ment et nettement à des rédactions de plans et projets de lois toute l'influence des premières assemblées coloniales, et en vous préservant de toute innovation qui pût les inquiéter. J'ajouterai que tel était l’intérêt bien entendu des colons qu’ils devaient éviter avec le plus grand soin tome agitation intérieure, toute entreprise anticipée sur leur propre administration; qu’il leur suffisait de considérer les dangers qui les environnent sur leurs habitations, dans leurs ateliers, pour supporter encore quelques instants le joug qu’ils étaient si impatients de briser pour arriver enfin avec le plus grand ordre aux changements, aux améliorations du régime qu’ils avaient droit de provoquer : voilà ce qu’ils devaient faire, voi à ce que nous aurions dû prescrire; mais tout a concouru à égarer les colons et à distraire votre attention de tout ce qui les concerne. Le talent si facile de déclamer contre les ministres, l’impossibilité de faire adopter des mesures saees et vigoureuses lorsqu’on les présente comme une suggestion ou un appui du despotisme, et, plus que tout cela, les innovations dangereuses que provoquait une philosophie bienfaisante dans ses vues, mais inconsidérée, mais barbare dans ses moyens; voilà les éléments de ce terrible ou a Lia ri qui désole en cet instant et qui peut ruiner de fond en comble tout l’archipel français de l’Ain. r;que. Sur celte terre brûlante qui porte à regret les habitants de notre continent, et les dévore par milliers, on entendit tout à coup des cris d'insurrection dont le bruit et le spectacle ne pouvaient qu'être funestes à l’existence de ces établissements. C’est dans le désordre de ce premier mouvement que les colons se virent attaqués de toutes parts par les écrits et les efforts les plus menaçants contre leurs propriétés et leur sùrçlé; alors il n’y eut [dus ni concert ni mesure dans leurs combinaisons politiques, sur leurs droits, sur leurs relations; et lorsqu’ils se croyaient exposés à tout perdre, ils étaieut sans doute excusables de tout tenter pour se défendre. Mais divisés, même 752 lAisemblée nationale.) entre eux but leurs prétentions, sur les moyens de les faire valoir; la discorde aggrava b urs maux; et lorsque vous avez reconnu la nécessité de calmer leurs inquiétudes, de rétablir l’ordre et la paix parmi eux, et de les investir d’une garantie inviolable dans l’exercice de leurs droits, il vous restait encore l’obliga ion d’eu poser vous-n.émes les bases, par un décret solennel qui n’est que l’accom plissement de vos promesses, de vos déclarations antérieures. Telle est la disposition qu’on attaque aujourd’hui. Voilà les promesses, les espérances qu'on veut vous faire rétracter. Et sur quel fondement? Par quels motifs? A quoi se réduisent t us les raisonne nents de nos adversaires? Aux principe* que vous avez posés dans la Constitution, à la déclaration des droits, tandis que vous avez solennellement reconnu et déclaré que la Constitution du royaume ne pouvait convenir anx colonies. Mais jë suppose que cela u’est pas, que vous n'avez pris aucun engagement, que vous n’av>z rendu aucun décret qui vous lie; examinons quels sont vos droits et vos devoirs à l’égard des colonies. La déclaration des droits est l’exorde de votre Constitution, et tous vos démets peuvent être considérés comme des conséquences des principes posés par cette déclaration. Ainsi, vous avez ordonné le royaume, sans egard aux exceptions que pourraient exiger les colonies; et alors ou vous avez voulu soumettre les colonies à l’universalité des nouveaux principes qui répissent le royaume, ou vous avez voulu en excepter les colonies. Dans le premier cas, votre volonté équivaudrait à celle d’anéantir les colonies, de les retrancher du tout, ou de n’en réi nir que b s cendres; dans le second, les exceptions que vous reconnaissez nécessaires ne peuvent être invariablement prononcées et solidement u aintenues n’en leur accordaut l’initiative pour leur propre oustitutioD. Je reprends chacune de ces propositions. Pour soumettre les colonies à l’universalité des nouveaux piincipes qui régissent le royaume, il faudrait que leur existence, et le régime nécessaire à leur existence, fussent, sinon les mêmes, au moins analogues aux modes et aux conditions par lesquelles la métropole existe ( t se régit. Or, non seulement il n’y a pas d’analogie, mais il y a dissemblance, il y a opposition i ntre les modes et les conditions de l’existence et du légitne de la métropole et des colonies. Ce n’est pas seulement dans le sol et le climat, dans les cultures et les pioduits, que consistent ces différences et ces oppositions; c’e.t essentiellement dans la population, c'est dans le nombre et l’espèce ü’bommes qui composent cette popuation, dans leur emploi, dans leur destination, dans leurs moyens, leurs mœurs et toutes leurs habitudes. Il ne s’agit pas de considérer en cet instant ce qu’il peut y avoir de vicieux dans toutes ces choses, et ce qu’il serait désirable de réf rmer ; il s’agit de savoir si une telle manière d’exister peut se concilier avec les principes de la déclaration des droits. Or, ce'a ne se peut pas; car la population des colonies est composée d’homme.- libres et d’esclaves, et la société que vous ordonnez est uniquement composée d’hommes libres. Il ne s’agit pas d’examiner si l’institution de l’esclavage peut être soutenue en droit et en principe ; aucun homme de sens non dépourvu de moralité ne professe cette doctrine. 11 s’agit [Il mai 1791.] de savoir s’il est possible, sans une accumulation de crimes et de malheurs dont vous seriez effrayé*, de changer un tel état de choses dans vos colonies. Ür, si la discussion s’ouvre sur ce point, je me charge de prouver, de démontrer nu râlement • t politiquement que cet amour du bien et de l’humanité, qui provoquerait de tels changements, serait la croisade la plus sanguinaire, la plus désastreuse qu’on put prêcher Contre les Fiançais; je vous démontrerais qu’il en résulterait t on seulement lu proscription de tous les colons, mais la ruine d’une punie de vo*ateliers maritimes et du pics grand nombre de vo-manufactures. Il est doue impossible d’appliquer aux colonies la déclaration de3 droits sans exception. Mais si nou-sommes forcés d’en interdire l’ap-plic;.t:on, d’en contrarier l’esprit sur quelques points, il est très dangereux d’en rappeler les principes, et de les appliquer aux colonies sur d’. mires points. Dans un enchaînement de maximes qui se lient à un premier anm au, qui se déduisent les unes des autres, quelles sont celles que vous pouvez admettre isolemeut eu les séparant de leurs co’ séquences? Il est donc nécessaire de déterminer spécialement pour les colonies des principes constitutifs qui soient propres à assurer leur conservation suivant le seul mede d’existence qu’elles puissent avoir. Car il est iraposs ble quVll js existent comme colonies, comme moyen de richesses et d'aliment pour le commerce et les m nufactures nationales, si vous ne prenez tout s les me-ures nécessaires, pour conserver et protéger leurs propriétés et leurs cultures dans l’Etat, et ave: les conditions qui peuvent seules leur faire rtm-p ir leur destination. Il y a donc une différence sensible entre la co istituti n convenable aux colonies, et celle décrétée pour la métropole. Les dangers d’un autre sv-tème, l’impossibilité de l’établir, l’inutilité de le tenter, sont d’une telle évidence que tout l’art oratoire des anciens et des modernes, appuyé des plus véhémentes intonations, ne saurait les effacer; et dans le cas où il s’élèverait à cet caard quelques doutes dans 1 As emblée, où elle désirerait entendre des observations contradictoires sur un ou plusieurs points du système colonial, du système que la aécessité la plus impérieuse vous commande, je ne me refuse à aucun genre de discussion. C’est froidement, par les principes et par les faits, qu’il faut traiter chaque question, eu renonçant aux lieux communs et aux mouvements passionnés qui ne prouvent rien. Ces réflexions générales s’appliquent à la question particulière des gens de couleur. Voulez-vous prononcer immédiatement sur leur sort et les investir de tous les droits que leur assure votre déclaration ? Vous soumettez alors vos colonies à l’universalité des principes de votre Constitution; et j’ai g* usé qu’elle est incompatible avec leur existence. La constitution d’un pays n’étant que l’exposé et le développement des m >yens nécessaires a sa conservation et à sa prospérité, et les moyens qui opèrent cette Fm dans le continent, la contrariant évidemment dans les colonies, il leur faut donc une autre constitution et d’autres principes conservateurs. Vous ne pouvez donc prononcer immédiatement sur la condition des gens de couleur, en les investissant de tons les droits que vous avez dé-ARCH1YES PARLEMENTAIRES. F Assemblé* national*.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U mai 1791.| *753 Claris. U faut donc une autre mesure pour régler le changement d’état et l’amélioration de celui des gens de; couleur. Cette mesure ne peut être que l’intérêt général du pays auquel ils appartiennent, considéré comme moyen de richesses et aliment du commerce de la métropole. L’intérêt général de ce pays, calculé sur d’autres bases que celles que vous avez adoptées, sur des circonstances très différentes de celles qui vous environnent, ne contrarie point les prétentions légitimes des gens de couleur ; mais il en modifie l’exercice. L’intérêt général des colonies leur pié-senle les nègres et K s mulâtres libres comme des auxiliaires, des co -propriétaires, qu’il leur importe de rendre contents de leur sort. Ainsi, premièrement, l’exercice de tous les droits civils ne leur fut jamais contesté; mais l’exercice des droits politiques est trop récemment rendu aux habitants des colonies, pour qu’il ne leur importe pas d’examimr de qutl développement et de quelles restrictions il peut être susceptible pour telle ou telle classe de propriétaires. Et si vous reconnaissez la nécessité de ne pas les subordonner à vos principes généraux, vous ne pouvez vous refuser à celle de les laisser délibérer sur les exceptions; car ils connaissent encore mieux que vous les différences qui les séparent de votre régime domestique et administratif, les intérêts qui les pressent, les dangers qui les menacent. Tout le pouvoir de la loi sur les propriétés est de les conserver, de les protéger; celui qui les détruit, est l’abus de la force, auquel on n’obéit jamais que provisoirement et à la charge de l’appel. Si ces raisonnements sont justes, si vous ne pouvez prononcer immédiatement sur le sort des gens de couleur, d’après les principes de votre Constitution, il est inutile d’examiner ce qu’ils prescrivent, ce qu’ils accordent aux gens de couleur qui ne sont pas destinés à vivre sous une telle Constitution, mais sous celle des colonies, laquelle ne peut être semblable à la vôtre. Je n’admets point, comme je l’ai déjà dit, dans toute leur extension, les conséquences des principes de M. de Clermont-Tonnerre sur la souveraineté des colonies, parce qu’il est essentiellement utile à la prospérité de cet empire de n’en détacher aucune aes parties qui y tiennent par des liens réciproques et divers; mais si vous ne prenez soiu ae réunir encore plus étroitement celles dont la nature favorise elle-même la séparation, vous nous affligerez certainement comme Français, vous ne nous ferez aucun tort comme colons. Daignez, Messieurs, recevoir avec bonté cette dernière observation ; il ne s’agit plus ici des dissentiments politiques qui m’ont mis quelquefois en opposition avec la majorité de celte Assemblée ; ce n*est plus une opinion particulière que je défends; ce n'est plus pour les colons que je parle : c’est au nom de toute la nation entière que je vous conjure de lui conserver ses colonies; et si vous ne calmez leur défiance, si vous n’élevez une barrière inattaquable entre elles et les missionnaires qui les poursuivent; si par un entrainement d’opinions dont je déplore d’avance les effets, vous sacrifiez à la philosophie, le trophée que vous lui éleverez, sera, je vous l’annonce, composé des débris de vos vaisseaux, de vos manufactures et du pain d’un million d’ouvriers qu’alimentent vos colonies. (Applaudissements.) Je pense que le projet du comité doit être adopte. 1* Série. — T. XXV. M. de Lafnyette. On nous écarte sans cesse de la question; en effet, de quoi s’agit-il? L’ Assemblée nationale convoque les colons pour délibérer sur leurs intérêts. N’est-il pas évident que les hommes, libres, propriétaires, cultivateurs, contribuables, d’une colonie, sont des colons? Or, les gens de couleur dont il est question sont contribuables, cultivateurs, propriétaires, libres. Sont-ils aussi des hommes? Moi, je le pense, et dans cette conviction, j’appuie l’opinion de M. de Tracy, et je demande avec lui la question préalable sur l’avis du comité. (Applaudissements.) M. Dnval d’Epremesnil. Je demande la parole. M. le Président. Vous n’avez pas la parole ; plusieurs opinants sont encore inscrits avant vous. M. Blin. Personne ne nie que des propriétaires sont propriétaires et je ne crois pas qu’il soit soit venu à l’esprit de personne, dans l’Assemblée, de soutenir une pareille absurdité. La véritable question est de savoir si l’Assemblée nationale de France soutiendra une secte (Murmures.), car je ne peux pas lui donner un autre nom. La véritable question à traiter est de savoir si les colonies auront l’initiative dans leur législation, oui ou non (Applaudissements) ; si vous faites une loi avant de décider cela vous décidez par le fait qu'elles n’auront pas l’initiative. (Murmures.) M. Duval d’Epremesnil. Je n’ai qu’un fait à énoncer. Un membre : M. Duval a sans doute sur le cœur l’aventure de la nuit du 28 février. M. Bavai d’Epremesnil. J’observe à la politique de M. de Lafayette qu'il y a en France des hommes libres qui ne sont pas citoyens actifs; j’observe à son humanité qu’il a lui-même vendu des nègres qu’il regardait sans doute comme des hommes. (Applaudissements dans une tribune.) M. Pétion de Villeneuve. Messieurs, il me semble que ceux qui, jusqu’à présent, ont voulu justifier le projet de décret du comité se sont totalement écartés du véritable point de la question; et, tout en prétendant poser la questionne soutiens qu’ils ne se sont étudiés qu’à égarer l’Assemblée; je soutiens qu’ils veulent faire décider cette question, non pas d’après les principes de l’humanité, de la justice, de la raison, de la politique même, mais en frappant l’Assemblée de fausses terreurs. Jusqu’à présent votre comité colonial a eu la dictature dans vos colonies; où votre comité colonial vous a-t-il conduit? où ses décrets devaient véritablement vous conduire, àdes troubles, à des désordres, à des divisions intestines, à la désolation de vos colonies. (Applaudissements à gauche.) M. Conppé. C’est une manière adroite de s’élever contre les décrets de l’Assemblée. M. Péllon de Villeneuve (1). Il ne sera pas difficile d’établir que les dispositions que votre comité vous a fait adopter, sont la cause de tous les désordres; il ne sera pas plus difficile d’y trouver un remède. Sans cesse on est parti de (1) Ce discours est incomplet au Moniteur. 48 754 IA «semblée Mthnule.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |ii mai 1791.) ce point que l’initiative avait déjà été accordée et loua les raisonnements do préopinant ont porté sur une initiative inutile à discuter: il ne l'a pa-restreinte aux hommes libres, de couleur, mai? il l’a étendue à tout le régime intérieur et extérieur des colonies. De cette initiative à celle dont il est question aujourd’hui, il y a une grande distance. Vous devez sentir combien les rapports intérieurs et extérieurs sont difficiles à distinguer. l's sc confondent sans cesse. Je dis qu’il n’y a pas d’initiative accordée ou déterminée, et je dis surtout, avec une pleine confiance, que vous n’avez jamais accordé d’initiative sur l’état des personnes. Rappelez-vous les différents décrets ren lus et voyez si on ne cherche pas à vous les faire violer ici. M. de Tracy vous a déjà bien établi que vous n’aviez point donné d'initiative sur l’état des personnes; mais il aurait pu ajouter des raisonnements irès sen-ibles à ceux qu’il vous a exposés. L’article 4, aux yeux de tout homme de bonne foi, décide formellement la question en faveur des hommes de couleur. Il porte que toutes les personnes propriétaires et domiciliés, payant une contribution, se réuniront pour former les assemblées paroissiales. Je m’attache à cette expression générale, toutes les pei'sonnes, et je demande si les hommes libres de couleur sont oui ou non des personnes. {Rires.) Plusieurs membres : Oui 1 oui ! M. Pétloa de Villeneuve. Alors s’ils sont des personnes, s’ils sont propriétaires, contribuables et domiciliés, participant aux charries de. la société, je lie vois aucune difficulté, aucune raison, pour leur refuser les avantages attachés à ces qualités. Quand vous avez adopté ces instructions, je certilie à l’Assemblée que tel était l’esprit reconnu de cet article, telle était l’opinion commune et générale de l’Assemblée. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Oui 1 oui 1 M. l’abbé Grégoire. M. Carnave me l’a dit à moi-même. M. Péllon de Villeneuve. Gela ne faisait alors aucuue espèce de difliculté; et les colons regardaient que les hommes libres de couleur y étaient compris. Je rappellerai à l’Assemblée uu fait mémorable. M. Coclieiel, à la séance du 28, voulut se lever et dire qu’il ne croyait pas que les hommes libres de couleur fussèut compris. Alors il s’éleva des murmures, et les députés des colonies eux-mêmes montèrent à cette tribune, tirent signe à M. Cocbercl de se taire, et dirent qu’il n’y avait pas de doute, que les hommes libres decouleur étaient co:nprïs.( Applaudissetnents.) Les papiers publics d’alors en firent mention expresse. Je dis qu’il n’y a qu’une opinion à cet egard, qu’il y a un décri t exprès eï positif. Pour détruire un décret aussi formel dms le considérant, que fait-on? Oo dit daus ce considérant : Aucunes lo.s sur l’état des personnes ne seront décrétées pour les colonies que sur la demande formelle et précise de leur assemblée coloniale; mais lorsqu’on i nonce un fait, si ce fait 6e trouvait être une erreur ou une fausseté, quelle conséqueuc • peut-on tirer de celte fausseté? Cro t-ou avoir ainsi détruit ce que vous avez fait précédemment? A-t-ou le droit de s’appuyer sur un considérant inexact, sur un exposé insidieux ? Les hommes libres de couleur avaient antérieurement à vos décrets, 'une loi positive en leur faveur. Vou3 ne pouviez, sans le dire précisément, les dépouiller du bénéfice de cette loi. Les hommes libres de couleur peuvent donc dire, vos décrets à la main, qu’ils ont conservé les droits qu’ils avaient. Ainsi on ne peut donc pas nous opposer le considérant, qui ne peut pas détruire un décret. Non seulement l’humanité, la justice parlent ici en faveur des hommes «le couleur, mais même la plus saine politique. Que sont en effet les hommes libres decouleur? Gesonteuxqui sont le boulevard de la liberté dans les colonies. Ce sont toujours eux qui ont volé à la défense des colonies ; ce sont e îx qui sont les propriétaires les plus i itéressant* des colonies. (Murmures.) Outre les excellentes raisons qui vous ont été dites à ce sujet, il en est une bien puissante, c’est qu’ils sont les propriétaires indigènes. Ge sont eux qui cultivent les propriétés qui sont ou abandonnées ou négligées par les colons passagers qui, pour des jouissances éphémères, viennent amasser des capitaux immenses dans les colonies, qui, après avoir cultivé des plantations pendant quelque temps, sont obligés de les abandonner, parce qu’ils ont forcé la terre, et l’ont rendue stérile. (Murmures.) Rien n’est plus ordinaire que de se trouver en opposition d’idées et défaits avecles colons blancs. Ils disent : Vous ne connaissez pas notre régime intérieur. Je réponds qu’il est impossible d’avoir des faits plus nombreux, des renseignements plus étendus que ceux que nous avons rassemblés depuis plusieurs années. Ne croyez nas que tous les colons blancs veuillent opprimer les hommes libres de couleur. L'un de ces colons vous a dit ici qu’il était indispensable de leur laisser les droits dont ils ont toujours joui. A une époque peu reculée, il y avait des hommes libres de couleur à la tête des milices et des paroisses, et l’on prétend aujourd’hui qu’il existe contre eux un préjugé insurmontable. Est-il donc insurmontable ce préjugé d’un moment, ce préjugé d une classe qui veut tyranniser? Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. l’étioa de Villenenve. J’ajoute une réflexion : je soutiens que l’intérêt politique est d’accorder aux hommes libres de couleur les droits des citoyens actifs. Je demande si l’on peut concevoir l’existence de 2 classes inégales en droits et presque égales en nombre. Un membre : Cela est faux. M. l*étlon de Villeneuve. Il est impossible que l’une d’elles prétende opprimer l’autre, sans que toutes deux ne finissent par s’entre-détruire. Les hommes libres de couleur connaissent et réclament leurs droits. Si vous les dépouillez, cette classe deviendra l’ennemie nécessaire de ceux qui jouiront de ses dépouilles. Les colons blancs ne doivent la conservation de leurs esclaves qu’à la surveillance active des hommes libres de couleur ; les colons blancs ne peuvent nier que ces hommes ne soient les véritables troupes de nos îles... (Murmures.) Ces faits sont incontestables. Que les hommes libres de couleur soient livrés au désespoir, et 755 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAMES. (il mai 1791.) tous perpétuez dans les colonies les divisions, les guerres intestines; vous privez les colons blancs des avantages qu’ils retiraient des hommes libres de couleur ; vous occasionnez au commerce des pertes réelles. Les hommes libres de couleur ne sont pas moins utiles au commerce qu’à l’agriculture. Plus un homme est libre, plus il cultive, plus il recherche les jouissances de la vie. Vous avez vu dans un temps les blancs vouloir imposer des lois somptuaires aux hommes de couleur, lois somptuaires contre lesquelles les négociants français ont été les premiers à réclamer. Si vous avilissez cette classe d’hommes, si vous la réduisez au désespoir, il est évident qu’elle ne peut plus prospérer, qu’elle ne peut plus augmenter, et dès lors la consommation de notre commerce sera beaucoup moins considérable. Les hommes libres de couleur ont cet avantage, que presque jamais ils n’ont fait de dettes, et qu’ils ont toujours rempli sciupuleusement leurs engagements. ( Applaudissements .) D’où sont provenus les troublis dans nos colonies? Ils n’ont pas été occasionnés, comme ou veut le dire, par des écrits qui jamais n’o:U pénétré dans lis colonies, mais bien par la lettre adressée au Gap, le 12 août 1789, et dans laquelle des députés de Fiance, insultant à noire Révolution, nous qualifient d’hommes ivres d’une liberté qui ne peut pas durer longtemps, par la lettre de M. de Gouy d’Arsy, lettre qui vous a remplis d’indignation, quand elle a été lue dans cette Assemblée. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Ouil oui! oui I M. Pétion de Villeneuve. Ces malheurs viennent de la conduite ce ces députés qui s’opposaient, le 18 janvier, lorsque les plus grands désordres régnaient dans les colonies, à ce que le ministre y envoyât des troupes. Ils tiennent à la conduite de l’assemblée coloniale du Nord, à la conduite de l’assemblée générale, aux divisions perpétuelles qui existent entre ces deux assemblées. Us résultent des décrets que vous avez rendus-, j’en appelle à cet égard au comité colonial lui-même. Combien l’article 4 des institu ¬ tions n’a-t-il pas occasionné de divisions? Et pourquoi? Parce qu’en France on n’avait pas voulu l'expliquer d'une manière claire. Il faut donc que l’Assemblée s’explique positivement; il n’est que ce moyen d’éviter les interprétations qui, faites au gre des intérêts divers, ont mis en opposition deux classes d’hommes ui ne cesseront d’y être, que lorsque vous aurez écrélé franchement ce qu’exigent la raisou, la justice et la liberté. Le projet de décret ne tendrait qu’à perpétuer les troubles et à déshonorer l’Assemblée nationale. (Rires ironiques .) Plusieurs membres : Ouil ouil oui! M. Pétion de Villeneuve. Quoi! vous décréteriez, comme article constitutionnel : « qu’au-« cune loi sur l’état des personnes ne pourra êtie « faite par le Corps législatif pour les colonies, « que 6ur la demande précise et formelle des « assemblées coloniales. » Vous vous mettez donc sous la dépendance absolue des colonies. Un pa-teil article est injurieux à la majesté de cette assemblée, et blesse tous les droits de la nation. Ëst-cc donc ainsi que les colonies font partie de l’Ëmpire? Si les colonies ont le droit de vous dicter la loi, si, sans les colonies vous ne pouvez pas rendre un décret sur l’état des personnes, elles forment un Etat indépendant. Mais, Messieurs, vous avez déjà prononcé sur l’état des ersonnes : par l’article 4 des instructions du 8 mars, vous avez dit que toutes personnes domiciliées, propriétaires et contribuables, se réuniraient pour former les assemblées paroissiales. Vous ne pouvez pas revenir sur le décret que vous avez rendu, l’article est formel et comme les hommes libres de couleur sont bien des personnes, je demande la question préalable sur le projet du comité. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Rarnave (1). Je prie l’Assemblée de vouloir bien m’écouter froidement, de ne pas prendre sur la question qui l’occupe une décision précipitée, (Murmures.) etd’étre infiniment convaincue qu’elle va délibérer sur un des intérêts nationaux les plus graves. La question n’est pas de savoir si un petit nombre d’hommes formant une partie de la population des colonies, seront admis à exercer les droits de citoyens actifs; mais sip�r une marche sage et prudente, la seule qui puisse assurer la paix et conserver à la nation la propriété des possessions qui contribuent le plus éminemment à sa prospérité, on voudra aniver au but d’uue saine politique, ou bien perdre tant d’avantages par un décret imprudent et précipité. Je me livre actuellement, Messieurs, à une discussion extrêmement froide sur laquestion; j’exa-rnine les résolutions que votre comité vous propose, les raisons qu’il vous présente à la suite, les avantages qu’eles présenteront et les inconvénients d’un parti opposé. Au moment où le décret a été rédigé, plus de 30 personnes étaient présentes à la dhcussion qui a duré 2 jours entiers, et la ré.-olulion du comité a été au moins à peu près unanime. (Mur-mures.) Sur environ 35 membres, 1 seul n’adonné d’opinion ni pour ni contre. Vos comités vous proposent donc, Messieurs, d’accorder l’initiative aux assemblées coloniales relativement à l’étal des personnes, de les obliger à user actuellement de cette initiative relativement à l’état des hommes de couleur et nègres libres, pour être sur leur proposition statué par le Corps législatif ce qu’il api arlitndra, alin que le sert des hommes de couleur et nègies libres, ayant été déterminé ainsi | ar le Corps législatif, aucune autre provocation ne puisse être faîteaux colonies pour user de leur initiative relativement à l’état des personnes. En avançant ces proposition?, vos comités vous proposent de former une assemblée coloniale qui misse à cet égard exprimer le vœu des colonies. e dmtingue, comme l’ont fa.t les préopinants, deux choses entièrement séparées dans le régime colonial ; l’une est l’affranchissement de l’esclavage des nègres; l’autie la jouissance des droits de citoyens actifs p ur les gens de couleur et nègri s libres. L’iniiiative accordée aux toions blaïus, relativement a l’état des personne?, l’initiative que vous vous interdisez ne provoquer est essenlielhment relauvo à l’esclavage des nègres. Il faut le dire, jamais changement à tel égard ne sera consenti par la colonie ; il ne faut passe le dissimuler, ce u’est jamais par des défi) Lo Moniteur ne donne qu’ane faible partie du dû -cours de M. Barnave. 756 (Assemblée national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (il mai 1791.] crets rendus sans la participation des colonies, ce n’est jamais par des résolutions qu’elles n’auront pas consenties, que vous changerez ce régime-là, à moins que vous ne vouliez arroser ces changements par des fleuves de sang. C'est au contraire par des lois sagement combinées, établissant une sécurité parfaite sur ce point, que vous multiplierez les affranchissements individuels, que vous ferez pénétrer par gradation dans ces pays les saines maximes de la raison, et que vous rendrez les améliorations plus faciles en proportion de la confiance que vous aurez inspirée. En réservant à l’Assemblée nationale ledroit deslaluer, parundécrettoujours rendu sans une parfaite connaissance des localités, de statuer, dis-je, sur la liberté des esclaves, vous ftrésenterez un épouvantail à vos colonies, qui es séparera de vous, non pas à un terme éloigné, mais a un terme très prochain, toutes les fois que vous leur montrerez à la fois le danger de perdre leur fortune, et la certitude de perdre la vie dans la révolution qui se présent* ra toujours à leurs yeux. Un membre : Ce n’est pas là la question. M. Barnave. 11 est donc nécessaire d’établir sur ce point-là la sécurité des colonies : ce n’est pas seulement assurer à la France la conservation de ses possessions, dont elle ne pourrait être en ce moment privée sans de très grandes infortunes, mais c’est encore travailler pour l’humanité dans ce malheureux état de choses, puisque c’est empêcher que des changements, que la raison seule peut amener, ne soient opérés par des moyens précipités, par une volonté étrangère aux lumières nécessaires, par des voloutés qui n’y apporteraient pas un changement dans les maux, mais un changement dans les choses, où se trouverait la ruine, et de ceux pour lesquels on aurait voulu travailler, et de ceux contre lesquels ou aurait voulu prononcer. Ainsi, Messieurs, je ne m’arrête pas davantage sur cet objet; l’opinion générale est formée à cet égard. Ce n’est pas sur cet;e question-là, c’est sur la seconde qu’il y a du dissentiment. Chacun sait que sur l’existence des nègres, il est indispensable que les colonies aient un point de sécurité. On sait que les colonies prospères, que les colonies anglaises, hollandaises, ont toutes à cet égard, le droit de se faire des lois. Nous n’avons pas voulu vous proposer ce droit-là; nous vous proposerons au contraire une constitution coloniale, où les droits seront plus conservés, où la certitude de la possession des colonies sera plus fortement cimentée, où si vous ne vous réservez pas ce droit de porter des décrets, vous vous réservez au moins le droit d’empêcher tout acte tyrannique, de faciliter toute amélioration, et d’empêcher que jamais le sort de ceux qui souffrent par une malheureuse disposition des choses, ne puisse être aggravé. Je le dis, la Constitution coloniale qui vous est proposée est propre à amener insensiblement ce qu’on ne pourrait obtenir brusquement sans de très grands malheurs; elle sera plus nationale, plus humaine que toutes les constituions coloniales qui existent. Elle sera au point précis qu’il faut adopter, si vous voulez vous flatter de conserver les colonies. Vous n’avez donc qu’une véritable discussion à établir, une véritable question à résoudre : voulez-vous avoir des colonies 1 n’en voulez-vous pas avoir ? ( Murmures prolongés.) Si la constitution coloniale n’est point placée sou s ce point de vue là, si elle n’accorde pas à l’humanité autant qu’il est possible, sans perdre et sans anéantir nos colonies, elle est vicieuse; mais si elle est exactement à ce point de vue-là, j’en reviens à mon résultat; il faut alors ou l’adopter, ou renoncer à des colonies. Il faut alors dire : l’existence de notre commerce, l’existence de la marine, de nos avantages commerciaux ne nous sont point chers : leur conservation nous est moins précieuse que la consécration des principes. {Murmures.) Ce n’est pas sur la seconde question que j'établis cette proposition-là; c’est sur la première. {Murmures.) Je déclare ici formellement que je dis ma plus intime pensée. Je supplie l’Assemblée nationale de considérer qu’il faut que je sois intimement convaincu qu’un grand intérêt est attaché à cette discussion, pour que je combatte ici des choses que j’ai hautement soutenues dans des discussions où elles étaient rigoureusement possibles. Je prie l’Assemblée nationale de considérer que s’il y a quelque mérite à appuyer, à discuter des principes généraux, il y a aussi quelque mérite, quand on est intimement convaincuet pénétré que �existence, que la prospérité, que le salut même de son pays, que l’intérêt de l'humanité bien connu, il y a, dis-je, quelque mérite à présenter, quand de grands intérêts le commandent, des modifications particulières de cos principes. Celui qui se livre avec courage à cette tâche défavorable, a quelque patriotisme, quelque audace dans le caractère, quelque amour de son pays dans le cœur. {Vifs applaudissements.) Je passe immédiatement à la seconde question, à celle qui est relative au droit de citoyen actif, réclamé par les hommes de couleur et nègres libres. Voici quelle était la situation des choses, lorsque l’Assemblée nationale a rendu les décrets des 8, 28 mars et 12 octobre : il serait inutile de chercher une résolution sur cette question dans les lois intérieures. 1° Parce qu’aucune loi n’a établi avant notre Constitution les droits politiques, mais bien plus encore parce qu’aucune loi ne détermina clairement l’existence des gens de couleur dans les colonies. Parmi les lois positives rendues avant notre Constitution, une multitude de textes se contrarient, dans les mêmes ordonnances, un article leur est favorable, un autre l’anéantit. Si l’on comptait les dispositions qui leur sont relatives, on les trouverait presque toutes privatives de ces droits, non pas seulement politiques, mais d’une partie de ces droits civils qui leur étaient assurés par un des articles qu’on vous a cités ici ; quant aux droits politiques, ils n’en ont jamais joui... Je ne parle pas ici théorie, je rapporte des faits. Ils jouissaient des droits civils, et non des droits politiques : ils n’exercaient aucune espèce de fonction : voilà l’état où nous avons trouvé les choses, au moment où nous avons rendu le décret du 8 mars. Par ce décret, l’Assemblée nationale a chargé les assemblées coloniales de lui présenter des plans sur leur constitution, leur législation et sur leur administration pour, après l’émission de leur vœu, être statué par l’Assemblée nationale. Vous avez dit, en même temps, que dans les colonies où il existait des assemblées coloniales librement élues, ces assemblées seraient admises à émettre leur vœu. Elle a dit ensuite que dans les colonies où il n’existait pas d’assemblées de cette nature, ou bien si elles n’étaient pas reconnues par les citoyens, il en serait formé pour émettre le vœu des colonies, et que cette (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |li mai 1791.) 757 formation provisoire aurait lieu conformément au mode de convocation qui serait envoyé. Viennent ensuite les instructions du 28 mars, où vous répétés que la proposition de la Constitution sera énoncée par les assemblées coloniales existantes ou confirmées, ou par celles qui seraient formées dans le cas où il n'cn existerait pas. C’est dans 1 ; mode de la convocation provisoire que se trouve l’article 4, par lequel il est dit que toutes personnes propriétaires, domiciliées et payant contribution, se réuniront pour former les assemblées paroissiales. Un autre article porte que ces assemblées coloniales, soit (îu’elles soient formées avant la publication du décret, soit qu’elles aient été formées après la convocation, émettront leur vœu sur la constitution de la colonie, et, est-il dit, sur les droits de citoyens actifs et d’éligibilité. Les hommes libres de couleur nous sollicitaient pour que les droits de citoyens actifs leur fussent accordés-, tous les colons nous disaient: si vous ne laissez pas cet objet à [ initiative des colons blancs ; si vous prenez une décision formelle, vous opérerez la subversion des colonies. ( Rires ironiques à gauche.) Ce fait-là n’était pas seulement aligné par les colons, il l’était par tous ceux qui avaient connaissance de la situation des colonies ; et les faits qui vont succéder nous prouveront qu’ils n’avaient pas tort d’avancer celui-là. Dans cette position-là, que fîmes-nous ? nous dîmes : la convocation provisoire dont nous avons parlé, n’aura aucun effet, puisque toutes les assemblées sont formées, et émettront le vœu colonial. Nous ne pouvons pas, dans cette convocation provisoire, prendre d’expression qui exclue les gens de couleur, car nous sommes loin de vouloir établir aucune espèce de préjugés contre eux {Murmures.)-, mais si nous les comprenons explicitement, nous ferons une chose extrêmement dangereuse : nous préviendrons des décisions qui ne peuvent être rendues si elles sont bonnes, que lorsque ces assemblées coloniales déjà existantes nous présenteront leur vœu sur la Constitution. Nous nous sommes donc dit: Nous ne prononcerons pas sur les gens de couleur, et alors il n’y aura aucune in quiétude dans les colonies. C’est d’après cela. Messieurs, que nous primes le texte de notre article 4. Nous croyions que cet article n’exciterait aucune inquiétude, car nous l’avions pris littéralement dans les propres règles de convocation des colonies, dans le règlement de la Martinique, où l’article des citoyens actifs est libellé comme notre article 4. Nous primes là notre texte, parce que nous dîmes : nous ne décidons point contre les gens de couleur, nous n’établissons aucun préjugé contre eux, nous conservons leurs droits ; et cependant les assemblées coloniales existantes ne pourront concevoir aucune inquiétude, puisque nous prenons le texte de notre article dans la forme ae convocation même, d’après laquelle elles ont été formées. C’est ainsi que l’article 4 vous a été proposé et qu'il a passé dans celte Assemblée. En général, dans les colonies, on a cru que les gens de couleur n'y étaient pas compris. Mais comme toutes les assemblées coloniales étaient formées, et que toutes ont été contirmées, il n’y a eu lieu à aucune convocation nouvelle, et par suite l’article 4 a été inutile. Ou ne l’a pas cru, eu général, à Saint-Domingue, où deux partis divisaient la colonie ; où l’un voulait obéir textuellement à vos lois, où l’autre s'en écartait. Le parti qui voulait entraîner la colonie contre la teneur de vos décrets soutenait, en général, que l’article 4 admettait les gens de couleur, et était distinctif du régime colonial et cet argument était le plus puissant dont ils se servissent pour échauiTer les esprits contre l’Assemblée nationale. Ceux.au contraire, qui soutenaient les décrets pour conserver dans leur colonie le crédit et fautoriié de l’Assemblée nationale, étaient obligés de dire sans cesse, qu’elle n’avait poinLentendu créer un nouveau droit aux gens de couleur, et les admettre par l’article 4; qu’ayant donné aux colonies l’initiative, elle n’avait pas entendu la lui ôter en faisant une innovation contraire à tout ce qui avait existé jusqu’alors. C’était par ces arguments qu’ils luttaient contre les arguments contraires de leurs adversaires, qui, en disant que l’article 4 admettait les gens de couleur, en tiraient la conséquence que l’Assemblée avait des principes subversifs du régime colonial; qu’entraînée par les principes généraux qu’elle avait établis pour la France, elle renverserait l’existence coloniale, et que cet article n'était qu’un prélude des opérations successives qui devaient entraîner leur ruine absolue. J’interpelle ici tous les députés des colonies de dire s’il n’est pas vrai que la terreur, relativement à la déclaration des droits, avait été à son comble dans le3 colonies, avant le décret du 8 mars, par la très grande imprudence de l’Assemblée nationale d’avoir rendu ce décret trop tard, et de ne s’ètre pas occupée trois mois plus tôt des colonies. S’il n’est pas vrai qu’avant ce décret, la terreur était telle que toutes les propositions étaient désespérées, qu’il n’était aucune espèce de résolution à laquelle les colonies ne fussent prêtes à se porter; je demanderai s’il n’est pas vrai que des colons, Français de cœur, attachés invariablement à la mère patrie, aient été partagés entre leur attachement pour la métropole et la crainte de la perle de leur fortune et de leur vie; et que c’est l’arrivée du décret du 8 mars qui, en faisant cesser les craintes, a ranimé cette fidélité qui ne cessera, qui ne s’affaiblira même dans ces hommes, que lorsque, dans des résolutions imprudentes, ils croiront apercevoir l’anéantissement successif de leurs propriétés et de leur existence. ( Applaudisse - ment s.) Telle est l’impression qu’a produite à Saint-Domingue l’article 4 des instructions. Dans les autres colonies, comme la division n’était pas la même, comme aucun parti n’avait aucun intérêt à répandre des soupçons sur les intentions de l’Assemblée nationale, tout le monde a vu dans l'article 4 le simple sens de la convocation de la Martinique; personne n’y a vu les gens de couleur compris, et de là la sécurité a été pleine et entière, d’après le droit d’initiative accordé sur la Constitution par le décret du 8 mars. Dans cette position, Messieurs, vous avez rendu votre décret du 12 octobre. Dans ce décret vous avez été obligés de vous expliquer plus formellement, de répéter les mêmes choses d’uue manière plus claire que dans le décret du 8 mars, parce que, dans le décret du 8 mars, ne vous étant servis que de terme* généraux, vous avez laissé subsister tous les facilités de l’interpréter à volonté et de continuer les alarmes que vous aviez voulu faire cesser. Dans votre décret du 12 octobre, confirmant d’une manière formelle l’initiative qui avait été accordée généralement aux colonies, sur la Cous» ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lit mai 1791.) 758 [Assemblée nationale.] titution, la confirmant, dis-je, d'une manière formelle, relativement à l’état des personnes, vous avez dit que vous aviez annoncé aux colonies qu’elles auraient l’iniative sur les lois de l’état des personnes. Cela était bien évident, car le décret du 8 mars leur donnait l’initiative sur la Constitution ; le décret du 28 mars leur donnait l’initiative sur leur régime intérieur. Cette initiative ayant été prononcée dans les deux premiers décrets, vous ne faisiez que répéter ce que vous aviez déjà dit, lorsque vous confirmiez, d’une mauière précise seulement, Une partie des objets qui avaient été compris dans les décrets généraux. Le 12 octobre, vous avez dit qu’aucune loi sur l’état des personnes ne serait faite dans les colonies, si ce n’est sur la demande formelle des assemblées coloniales. Telle était encore une fois alors la situation des colonies; les assemblées coloniales formées avant vos décrets, celles formées depuis, ont été composées de blancs; les colonies ont donc eu, dans cette initiative, le droit de proposition sur tout changement qui pourrait être fait à l’état des personnes dans les colonies; les colonies ont vu dans cette proposition qu’elles auraient le droit de proposition relativement à la liberté de ceux qui n’en jouissaient pins, et le droit de proposition relativement à l’admission au droit politique, de ceux qui n’en jouissaient pas. Voici comment nous avons vu et dû voir la chose; c’est ainsi qu’elle a été soutenue au colonial, par ceux qui ont voulu arriver à un résultat avantageux aux hommes libres de couleur. Nous avons dit : elles ont bien la proposition sur Tétât des personnes ; mais dans la Constitution coloniale il est indispensable que l’état de tous les hommes libres soit déterminé, les hommes qui sont libres et reconnus tels ne geuvent pas exister sans un état déterminé par la onstitution coloniale. C’est ainsi, Messieurs, que nous avons pensé que tout en conservant l’initiative des colonies sur les hommes libres de couleur, nous devions provoquer et obliger cette initiative sur l’état politique des hommes libres, afin que le Corps législatif statuât pleinement, librement et de toute sa puissance sur cette population, établit ainsi d’une manière positive et déterminée l’état politique de toute personne libre dans la Constitution coloniale. Je pose en fait qu’il est impraticable, s’il reste quelque inquiétude dans les colonies, de former des assemblées nouvelles. Les assemblées coloniales avaient été formellement reconnues légales nar vos décrets des 8 et 28 mars; vous les avez admises par votre décret du 8 à faire la proposition des colonies sur leur constitution, ainsi nous avons dû croire que les assemblées coloniales, telles qu’elles existaient, pouvaient être admises à énoncer leur vœu sur une partie de la Constitution, puisque l’Assemblée nationale les avait admis à énoncer ce vœu sur la Constitution entière. Mais il était impossible de leur faire présenter un vœu divers sur la question de l’état des personnes. En effet, dans vos colonies les plus florissantes, si nous avions fait émettre le vœu par les assemblées coloniales, situées et délibérant dans ces mêmes colonies, elles n’auraient pas eu l’avantage de la liberté aussi parfaitemen' ue l’Assemblée des 29 commissaire* l’aura, ans le lieu où nous l’avons placée. H y a, relativement à l’état politique des hommes de couleur, quelques principes, �quelques raisons. 11 y a beaucoup de préjugés ; mais ils ne sont pas fortement enracinés chez le3 colons propriétaires, chez les colons qui jouissent d’une fortune aisée. Ces préjugés sont plus profondément établis dans la classe la moins fortunée des blancs, dms ce qu’on appelle, par abus, dans les colonies, le? petits blancs, dans les blancs formant le peuple de? villes. Ainsi, si les assemblées coloniales qui existent eussent délibéré dans le? villes des colonies où elles tiennent leur séance, il est impossible à tout colon de nier que l’inimitié de cette clas-e de blancs contre le* hommes de couleur aurait gêné la liberté de leurs délibérations. En le plaçant dans une petite ville dépeuplée, nous avons voulu écarter l’influence de ce préjugé et assurer la liberté des opinions en faveur des hommes libres de couleur. ( Applaudissements au centre; murmures à gauche.) Qu’avons-nous donc entendu par ce plan ? Nous avons voulu faire voter les as-emblées coloniales, reconnues par vous, qui ne pouvaient être, -ans les troubles les plus dangereux, remplacées par une nouvelle convocation. Nous avons voulu les faire vo'er avec une parfaite liberté, en les plaçant à l’ile Saint-Martin. Nous avons soumis le vœu de cette assemblée à l’Assemblée nationale qui décidera dans sa sagesse. Je pose ici en fait que cette marche nous conduira avec calme à un résultat heureux ; et que si, dans le moment actuel, on envoie un décret dans les colonies, qui donne à tous les hommes de couleur tous les droits de citoyens actifs, on expose les colonies à leur subversion, et on ne peut pas calculer aujourd’hui quels malheurs seront les suites de ce décret imprudent. ( Murmures à gauche ; applaudissements dans les tribunes.) Vous avez pins d’un objet à décider dans les résolutions quelconques que vous porterez relativement à l’état politique des hommes de couleur libre*, vous avez plusieurs objets en vue ; vous ne voulez pas seulement satisfaire les vues de justice et de raison, mais vous voulez encore, comme l’o it dit à cette tribune ceux qui ont combattu le projet de décret; vous voulez, par les décrets avantageux qui seront portés en faveur des ho urnes libres de couleur, éteindre autant qu’il est pos-ible la jalousie, cimenter l’accord entre tous les hommes libres de vos colonies, afin que l’intérêt de la justice étant rempli, celui de la politique le soit aussi, et que cette réunion entre eux as.-ure davantage leur mutuelle association. Or, Messieurs, c’est par la marche que nous vous proposons que vous devez arriver à ce résultat, vous le contrariez ouvertement par l’autre. S’il est vrai que le comité formé à Saint-Martin ait un vœu juste et raisonnable sur les hommes de couleur, que ce vœu soit assez utile pour être admis par vos successeurs, n’est-il pas évident que de là résulte un lien nouveau, un lien véritable entre les blancs et les hommes de couleur (Murmures.) ? N’e.-t-il pas évident que vous établirez par là même l’union et le calme entre ces deux classes ; que si, au contraire, vous envoyez aujourd’hui un décret qui accorde aux hommes de couleur les droits de citoyens actifs. {Murmures.) ...... Monsieur le Président, je vais terminer. L’Assem-bléepeut croire que je ne prends pas plaisir à parler sur cette question. Si j’alloDge mon opinion, que je vais finir, c’est à cause de l’importauce de la matière. (AMemblfe national*] ARCBIVIS PARLEMENTAIRES. [il mai 1791.] Si donc vous vous rendez à la réclamation des gens de couleur, ceux-ci croiront que vous avez prononcé contre les blancs ; les blancs penseront que vous avez voulu prononcer contre leur vœu; et par une résolution dout vou3 vous seriez promis le calme des esprits et la pacification des colonies, vous n’obtiendrez véritablement que la continuation des haines des partis opposés et la renaissance de troubles beaucoup plus graves que ceux qui ont existé jusqu’à présent. Si au contrai re If vœu proposé par l’assemblée de Saint-Martin n’est pas conforme à la justice, à la raison et à la saine politique, il sera réformé par le Corps législatif. (Murmures.) On parait croire que noire projet de décret ne réserve pas ce droit au Corps législatif. Je déclare formel!' -meut que nous l’avons entendu ainsi. (Murmures.) Notre opinion était telle, et si la rédaction n’est pas claire, personne ne met obstacle à ce que la rédaction soit améliorée ; car telle a toujours été notre opinion, telle a toujours été la proposition que nous avons voulu faire; nous n’y avons vu aucune obscurité. Si qu lqu’un aperçoit cette obscurité, levons-la. Quel sera d’ailleurs, Messieurs, le résultat de cette démarche? C’est que si le Corps législatif rendait une disposition qui ne fût pas conforme à la proposition qui lui serait faite, au moins par le décret tel qu’il serait, les colonsse trouveraient assurés qee le Corps législatif ayant statué, leur sécurité d’ailleurs demeurerait pleine et entière. Il résulterait du décret nue vous auriez rendu au moment actuel, qu’il ne pourrait pas être provoqué de nouvelles dispositions à cet égard, c’est-à-dire qu’ayant ainri statué sur l’état politique de3 hommes libres, ils ne seraient pas forcés de faire de nouvelles propositions sur ce qui forme la base du régime colonial, sur ce que j’ai tracé dans la première partie. Telle a été, Messieurs, notre opinion ; tels ont été nos motifs. Je sais qu’il est diflicile de lutter contre l’application des principes ; mais je sais aussi que nous n’avons été déterminés que par des raisons impérieuses d’intérêt national. Je sais que nous avons voulu arriver à un résultat juste et raisonnable par des moyens prudents qui n’opéreraient pas le trouble, qui ne recommenceraient pas les scissions ; je sais que nous avons eu pour objet, dans les résolution* que nous vous avons présentées, la pacification des colonies, leur conservation à la France, et la conservation de tous l«s intérêts ; je sais que nous n’avons pa* aperçu sans terreur, et tous ceux qui étaient alors dans le comi'é avaient plus ou moins connaissance des colonies, carcertes, ceux qui s’en occ p> nt depuis deux ans, qui saveut littéralement tous les faits qui s’y sont passés, toutes les opinions qui y ont été rirofessées, peuvent juger avec quelque probabi-ité les effets qu’y produiront vos décrets, je sais, dis-je, quedans cette résolution-là nous avons vu la conservation d’un grand intérêt national ; que nous avons cru que rendre spontanément un décret pour donner aux hommes libres de couleur les droits de citoyens actifs, était un moyen subversif pour les colonies; que nous avons cru y voir aes semences de troubles dont les nations rivales tireraient sûrement parti. (Murmures.) Quand les faits viendront à justifier ce que je viens de vous dire, vous ne me reprocherez pas d’avoir iasisté pour vous avoir occupé quelques minutes de plus. Dans le moment actuel, je vous déclare que le décret qu’on vous propose de ren-759 dre, portera dans les colonies, parmi les blancs, qui sont actuellement seuls possesseurs des fonctions publiques; le désespoir et la terreur. ( Murmures à gauche ; appaudissements au centre.) Je ne veux plus faire qu’une observation sur ce fait : les personnes qui, je ne dis pas dans cette Assemblée, mais dans le public et par leurs écrits, cherchent à déterminer l'Assemblée nationale, dans la résolution qu’on lui a proposée ce matin, sont les mômes personnes qni, bien que convaincues par l’intérêt national, de l’avantage de l’alliance avec l’Espagne, s’opposaient à la conservation de cette alliance, lorsque le décret que vo is avez porté à cet égard a sauvé à la France une guerre terrible, de grands dangers, de grands intérêts ( Murmures.) les mêmes hommes qui provoquent aujourd’hui par leurs écrits le décret qu’on sollicite contre l’avis des comités. Eh bien ! ces mômes hommes par leurs écrits et par leurs discours publics, par d’incroyables efforts, cherchaient à déterminer l’opinion contre le décret que vous aviez rendu et cherchaient à persuader à l’Assemblée de revenir sur ses pas. (Applaudissements.) Je mets un dernier fait sous vos yeux : l’Angleterre a fait et fait eocore en ce moment d’importantes pertes dans son commerce et dans ses possessions colonial* s; elle a un très grand intérêt à chercher un dédommagement, elle est actuellement armée pour chercher ces dédommagements quelque part. (Applaudissetnents.) M. Gombert. Tout cela ne nous fait pas peur. M. Barnave. L’Angleterre dODt les soins et la politique nous occupent depuis longtemps, l’Angleterre a laissé établir dans son parlement, avec une grande sécurité, la discussion sur la proposition d’abolir la traite des nègres, et elle a contribué peut-être à amener cette question parmi nous. Par le décret qu’elle vient de rendre, elle a rejeté une proposition qui certainement lui assurera dans toutes ses colonies un grand degré de conliance et de crédit. (Applaudissements au centre; murmures ù gauche.) En prononçant sur l’état politique des gens de couleur, vous courez le risque de perdre les colonies. J’étais intimement convaincu de ce que je viens de vous dire, j’étais profondément pénétré de l’importance du décret dont vous vous occupez, je sais que le destin de ma patrie y est lié. J'ai dû vous dire franchement ma pensée; j’ai fait mon devoir. Maintenant prenez le parti qui vous conviendra. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain). M. le Président annonce l’ordre du jour de demaia et lève la séance à trois heures et demi& ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 11 MAI 1791. Nota. M. de Viefville des Essarta, député du Vermandois, fUimprimereidistribuerun discours et un projet de décret sur V affranchissement des