88 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 116 août 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS). Séance du lundi 16 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte, à neuf heures du matin. M.Delaconr-d’Ambézieux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il est adopté. M. d’André, président, après avoir annoncé que M. Dupont (de Nemour s), a réuni la pluralité des suffrages pour la présidence, dit: « Messieurs, je ne puis vous exprimer ma reconnaissance pour les bontés dont vous m’avez comblé ; je laisse aux vertus et aux talents de mon successeur le soin de diviser vos travaux, qui feront le bonheur de la France, et dont tout sollicite le prompt accomplissement. » M. Dupont (de Nemours ), remplace M. d’André au fauteuil et s’exprime en ces termes : « Messieurs, si j’ai eu le bonheur de mériter votre estime, et si elle m’honore aujourd’hui de la récompense la plus flatteuse pour un citoyen, je ne puis le devoir qu’à mon attachement "inviolable pour la Constitution, pour la liberté, pour la loi, pour la paix, pour l’ordre public, qu’au désir fortement prononcé de concourir à leur maintien avec loyauté, avec courage. « Lorsqu’il faut agir au nom des représentants de la nation et par leurs ordres, ces sentiments prennent une énergie plus grande encore. Mes collègues et mes amis, chargés du salut de l’Etat, forment pour moi dans la patrie une seconde patrie. « Leur gloire, leur réputation, la dignité imposante de l’Assemblée nationale, la sagesse de sa conduite, la prudence et la grandeur de ses réso ¬ lutions touchent mon cœur de toutes parts, et parce qu’elles ajoutent à l’éclat de vos travaux, et surtout parce qu’elles en garantissent le suc-pès, parce qu’elles sont l’unique espoir de nos concitoyens, le principal moyen de hâter le retour de la prospérité publique. Ce ue peut-être, Messieurs, qu’en inspirant tout le respect qui vous est dû, que vous établirez la soumission aux lois, sans laquelle aucun Empire ne peut subsister. « Vous me chargez défaire exécuter celles que vous vous êtes prescrites à vous-mêmes dans cette vue salutaire. Je serai lidèle à mon devoir. « Je n’aurai aucune volonté personnelle; mais je tâcherai de m’élever à la majesté de la vôtre, et de m’en investir. « Vous l’avez déposée dans votre règlement; là réside votre volonté légale; vous n’avez pas entendu gouverner la France, ni vous par des volontés versatiles et arbitraires. « Si votre règlement, déjà perfectionné par vous depuis peu de temps, exigeait encore quelques corrections, je soumettrais à votre discussion les motions que vous feriez pour le changer; vous prononceriez, et alors si vous modifiez la loi, ce sera par une loi nouvelle, conformément à l’esprit de votre Constitution ; ce ne sera pas faire un acte despotique et d’autorité ; vouspouvez révoquer Jaloi, vous ne pourrez pas l’enfreindre; elle sort plus auguste et plus révérée des mains du législateur, en raison de ce qu’il est lui-même plus religieusement soumis à tout ce qui en porte le caractère. « Tant que vous n’aurez pas changé votre règlement, vous vous êtes ordonné, vous m’avez donc ordonné de ne pas souffrir qu’il y soit dérogé par aucune exception, par aucune résolution particulière. « Je ferai peu d’usage du signal ordinaire du silence. Le zèle qui entraîne des citoyens peut, dans son enthousiasme, avoir quelque besoin d’être averti de la règle qu’ils lui ont donnée ; mais si l’agitation qu’il inspire est telle que l’avis ne soit pas écouté, sa répétition multipliée devient plus nuisible qu’utile. Ce n’est qu’à vous-mêmes et qu’à vous seuls que je veux parler, et en appeler en ce cas; et je ne puis le faire mieux, ni aussi bien que par votre propre réflexion, votre propre raison, votre éminent patriotisme. « Je vous confie à vous, et ceux qui pourraient s’écarter un instant de l’ordre, à ceux qui l’aiment et qui le respectent. Je sens mes devoirs, je sens ma faiblesse, j’implore votre indulgence, je demande votre secours, votre secours les uns envers les autres, non pas celui de vos conseils autour de moi. « J’aurai bien assez des fautes que je ferai tout seul, et malgré tous les efforts de mon attention et de mon esprit, sans avoir encore à vous répondre de celles où me jetteraient la distraction et l’incertitude occasionnées par les avis que j’ai vu quelquefois se croiser dans tous les sens sur la tête de votre Président. Vous avez plusieurs fois décidé que l’espace qui l’environne resterait libre. Je le crois absolument nécessaire au bien de votre service. Ce sont vos volontés et vos lois que je dois suivre, non celle du membre, quelque honorable et respectable qu’il soit, qui viendrait me parler de plus près. « Je veux être puni par vous quand j’aurai tort, mais que ce soit véritablement pour mes torts ; c’est le principe de la responsabilité. Je tomberai peut-être dans beaucoup de méprises et d’erreurs ; mais je sais et vous savez que vous ne trouverez en défaut ni mon cœurni mon zèle, ni mon amour pour le bien public et pour votre gloire. » M. Delacour-d’Ainbézieux, secrétaire , fait lecture premièrement d’une délibération de la section des Lombards de la ville de Paris, qui déclare qu’instruite de l’adresse ou pétition présentée le 10 de ce mois par quelques membres de la commune provisoire de Paris, se disant députés par elle auprès de l’Assemblée nationale, elle désavoue et improuve cette démarche, comme contraire à son vœu, et même dangereuse dans les circonstances, et qu’elle est disposée à supporter, avec un entier dévouement, l’impôt tel qu’il existe, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale en ait autrement ordonné. Secondement, d’une adresse de remerciements, d’adhésion et d’attachement aux décrets de l’Assemblée nationale, de la part de la municipalité de Saint-Jean de Rives, district de Lavaur, département du Tarn, contenant en outre le don à titre de supplément à sa contribution patriotique, de la somme de 252 Jiv. 17 sols 8den., provenant de l’imposition des six derniers mois des ci-devant privilégiés. M. Pirçteville de Cernon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 au soir. M. Faydel. J’observe que le décret rendu sur 89 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] le rapport de M. Vieillard, qui porte qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la réclamation des quatre notables de Montauban, ne résout pas la question qu’ils ont posée et qui consiste à savoir si aux termes du décret constitutionnel, rendu par l’Assemblée, ils ne doivent pas remplacer les officiers municipaux suspendus de leurs fonctions. J’insiste pour que l’Assemblée donne à cet égard une explication qui me paraît nécessaire. M. l’abbé Gouttes. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour et je crois que l’Assemblée a manifesté très clairement son intention par son décret. M . Doutte ville-Dumet* . J’appuie la demande de l’ordre du jour et je me borne pour la motiver à rappeler que la proposition de M. Faydel s’est produite samedi soir et qu’elle a été écartée. L’Assemblée n’a pas eu l’intention de suspendre les notables de leur fonction, mais elle a voulu empêcher qu’ils ne remplaçassent les officiers municipaux suspendus. Plusieurs membres invitent le président à prendre le vœu de l’Assemblée. D'autres membres réclament la parole pour la position de la question. M. Chabroud. La véritable position de la question c’est de pa'sser à l’ordre du jour au lieu de perdre un temps précieux en discussions inutiles. (L’Assemblée décide qu’elle passera à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire .) M. Thouret, rapporteur. Les tribunaux sont actuellement en vacance; l’époque de leur entrée est dans six semaines.il est absolument important que les nouveaux tribunaux soient installés incessamment. En commençant dès aujourd’hui les opérations qui doivent donner les élections, à peine nous reste-t-il assez de temps. M. Gossin est prêt à faire son rapport sur le placement des tribunaux, et l’Assemblée n’a rien de plus pressé que de s’en occuper. J’apporte les décrets définitivement rédigés; mais auparavant j’ai à proposer quelques articles additionnels ; ces articles ont pour objet la justice pure, simple et pacifique des arbitres. — Votre système judiciaire est incomplet et déparé, si vous n’affranchissez l’arbitrage des gênes par lesquelles on a essayé de l’abolir. Il faut rappeler aux plaideurs que la justice des tribunaux n’est instituée que comme un remède extrême pour ceux qui n’ont pas l’esprit de s’en passer. Je vais vous proposer des articles qui, s’ils sont adoptés, précéderont tout ce que vous avez fait sur l’organisation judiciaire, et serviront de premier titre. Titre Ier. — Des juges arbitraires. * Art. 1er. L’arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de déterminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucunes dispositions qui tendraient à diminuer soit la faveur, soit l’efficacité des compromis. .» (Cet article est adopté sans discussion.) M. Thouret lit l’article 2. « Art. 2. Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres pour prononcer sur leurs intérêts privés dans tous les cas et en toutes matières, sans exceptions. » M. Toys. Je demande qu’il soit fixé, dans l’article 2, un terme pour les compromis et que ce terme ne puisse excéder trois aos. Il suffit, pour justifier ma proposition, d'alléguer l’intérêt même des parties qui sollicitent une décision prompte. M. Thouret. Je demande le rejet de l’amendement. La question se réduit à savoir si l’Assemblée regarde l’arbitrage comme favorable oui ou non. (L’amendement est rejeté.) (L’article 2 est adopté sans changement.) M. Thouret, rapporteur lit l’article 3. « Art. 3. Les compromis qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables, et auront leur exécution jusqu’à ce qu’une des parties ait fait signifier aux arbitres qu’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage. » M. Martineau. Je propose d’insérer dans cet article une clause portant qu’il pourra toujours y avoir appel afin que les parties ne soient pointoblï-gées de s’en rapporter aveuglément aux arbitres choisis et qu’elles aient contre eux, dans le cas de prévarication et d’injustice, le recours qu’elles auraient contre les autres juges. M. Thouret. Le recours, dans ces cas, est de droit naturel; il ne sera donc pas enlevé aux parties et c’est pour cela qu’il n’est point nécessaire d’exprimer dans l’article, la clause de l’appel. (L’article 3 est mis aux voix et adopté tel qu’il a été proposé.) M. Thouret donne lecture des articles 4, 5 et 6 qui sont adoptés ainsi qu’il suit : « Art. 4. Il ne sera point permis d’appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne se soient expressémentréservées, par lecompromis, la faculté d’appeler. « Art. 5. Les parties qui conviendront de se réserver l’appel, seront tenues de convenir, également par le compromis, d’un tribunal entre tous ceux du royaume auquel l’appel sera déféré; faute de quoi, l’appel ne sera pas reçu. «Art. 6. Les sentences arbitrales, dont il n’y aura pas d’appel, seront rendues exécutoires par une simple ordonnance du juge du district, qui sera tenu de la donner au bas ou en marge de l’expéditiou qui lui sera présentée. » M. Thouret, rapporteur. Je vais vous donner lecture intégrale de tous les décrets adoptés jusqu’à présent sur l’ordre judiciaire, afin que le tout devienne un décret unique prêt à être présenté à la sanction. M. Regnaud ( de Saint-Jean-d'Angèly), après la lecture du titre III des juges de paix , propose un article additionnel qui est décrété en ces termes : « Dans le cas où un juge fie paix serait vala-« blement empêché, il sera remplacé par uti as-« sesseur. » M. Thouret. Vous avez précédemment adopté, sauf rédaction, les articles 12, 13 et 14 du titre X