739 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 février 1791.] greffe du tribunal de la ville de Vienne, il y a 1,000 à 1,100 procédures arriérées; pour procéder à l’instruction de ces affaires, il faut que les juges ne perdent pas un instant, d’une part ; mais il faut, d’autre part, qu’ils aient des coopérateurs. Le greffier nommé de ce tribunal a pris en conséquence 7 ou 8 commis, dont les uns soi t constamment occupés à travailler auxdites procédures et les autres constamment occupés à faire copier des procédures qui doivent être délivrées à l’accusé. Cependant, Messieurs, vous n’avez nullement statué sur les moyens de dédommager de ces frais extraordinaires les greffiers de district; vous sentez, Messieurs, qu’avec des appointements de 600 livres, il est impossible qu'un greffier ait 5 ou 6 commis et qu’il suffise à la suite des expéditions criminelles. Dans cet état, Messieurs, je propose à l’Assemblée nationale de renvoyer la difficulté à son comité de jurisprudence criminelle qui lui proposera une disposition pour subvenir à cet inconvénient. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Si nous ne sommes pas en nombre légal à dix heures et demie, je lèverai la séance. M. d’André. Il me semble, Monsieur le Président, qu’il serait nécessaire de faire la même observation à deux heures. M. Gossin, au nom du comité de Constitution , propose le projet de décret suivant ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des directoires des départements de Rhône-et-Loire, de la Côte-d’Or, du Var, du Finistère, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Loire, de Seine-et-Marne, de Saône-et-Loire et de la Haute-Garonne, décrète ce qui suit : « La ville de Saint-Etienne aura deux juges de paix, outre celui déjà nommé pour le canton; les limites de leurs juridictions seront celles indiquées par le procès-verbal de la municipalité de la ville de Saint-Etienne, du 14 décembre dernier. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Dijon, Beaune, Toulon, Grasse, Antibes, Saint-Tropez, Morlaix, Eu et Tréport, Brioude et Montereau ; celui d’Eu et Tréport sera séant à Eu. « Les juridictions consulaires actuellement existantes dans quelques-unes de ces villes continueront d’être en activité jusqu’à l’élection et l’installation des nouveaux juges, qui seront faites dans la forme établie par la lof sur l’organisation judiciaire. « La commune de Rathnel fait partie du district de Mâcon. « Celle de Passavant est distraite du département des Vosges, pour être unie à celui de la Haute-Saône et au district de Jussey. « L’administration de la Haute-Saône proposera la compensation de cette distraction. « Les communes de Marsoulas, Gassaigne, Bel-bèze et Aussain, sont distraites du département de l’Ariègej et du district de Saint-Girons; elles seront incorporées au département de la Haute-Garonne, district de Saint-Gaudens, canton de Salies. » (Ce décret est adopté.) M. Aanjuinais, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, j’ai à vous proposer un projet de décret pour la circonscription des paroisses de la ville de Poitiers. Ce décret ne peut souffrir aucune difficulté; il est adopté par la municipalité, le district et le département. M. l’évêque de Poitiers a été invité à y concourir : on a attendu pendant trois mois; d’abord il n’a pas fait de réponse; enfin il a répondu au mois de janvier par une lettre que j’ai en original et qui porte un refus exprès. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d’un procès-verbal contenant un projet de réunion et circonscription des paroisses de la ville de Poitiers, arrêté par le directoire du district le 21 novembre dernier, de l’avis et du consentement des commissaires du conseil général de la commune de cette ville, et approuvé par le directoire du département le 16 janvier suivant, ainsi que du refus de concourir à cette opération, manifesté par M. l’évêque de Poitiers dans sa lettre du 11 dudit mois de janvier, en réponse à la réquisition qui lui avait été faite par le directoire du district, décrète ce qui suit : Art. Ie'. « La ville de Poitiers et ses faubourgs seront divisés entre les six paroisses suivantes, savoir : la cathédrale, Sainte-Radégonde, Saint-Porchaire, Notre-Dame, Montierneux et Saint-Hilaire, lesquelles seront limitées ainsi qu’il est exprimé au procès-verbal de réunion et circonscription ci-dessus daté. Art. 2. « Les autres paroisses de la ville et de ses faubourgs, mentionnées au même procès-verbal, sont supprimées. Art. 3. « L’église ci-devant paroissiale de Saint-Saturnin sera conservée comme succursale de la paroisse de Sainte-Radégonde. » (Ce décret est adopté.) M. Despatys de Conrtcilles, au nom du comité ecclésiastique (1). La municipalité de Paris, ayant terminé ses opérations, a fait mettre son travail sous les yeux du comité ecclésiastique; de 51 paroisses qui existaient dans la ville et faubourgs de Paris, 24 seulement sont conservées, et 9 autres sont nouvellement établies ou transférées dans des églises qui sont plus à portée des paroissiens. Votre comité, prenant en considération la population et l’étendue de la capitale, et surtout la suppression d’un grand nombre de communautés religieuses, qui procuraient aux habitants la faculté d’assister au service divin, a cru que le nombre de 33 paroisses, proposé par la municipalité de Paris, n’était pas trop considérable. Votre comité n’a pas cru devoir se livrer à un examen trop sévère pour la circonscription de ces paroisses ; il a senti que l’expérience seule pouvait faire ressortir les avantages et les inconvénients de cette circonscription; il a senti qu’il n’y avait que l’examen d’une administration su-(1) Nous empruntons ce rapport et la discussion qui suit au Journal logographique, t, XXI, p. 88. 740 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. périeure à l’administration de la municipalité de Paris, qui pût conduire cette opération à sa perfection-, il a senti enfin que, s’il se permettait quelque réforme, il provoquerait par là un grand Dombrede réclamations, qui tendraient à différer, d’une manière très dangereuse pour la chose publique, la consommation de cette opération; mais il a cru qu’il pouvait concilier la célérité que lui prescrivent les circonstances avec les intérêis particuliers, en ne vous proposant de décréter la circonscription que provisoirement. Par ce moyen, Messieurs, les réclamations justes qui sont à faire par les différents citoyens de la capitale sont conservées dans leur entier. Pour ne pas abuser de vos moments, Messieurs, je devrais borner là mon rapport; mais je suis obligé de vous rendre compte de quelques faits qui me paraissent nécessaires; et d’abord, Messieurs, je vous observe que, par un décret du 15 janvier, vous avez décrété provisoirement l’établissement de la paroisse Notre-Dame, et par ce décret vous avez dit que la paroisse de file Saint-Louis, qui est annexée à la première, demeurera provisoirement succursale jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Cette disposition de vos décrets a donné lieu à des réclamations très vives et très puissantes. La municipalité de Paris, à laquelle votre comité a fait demander son avis sur ces réclamations, n’a pu se dissimuler que l’urgence des circonstances l’avait empêchée de faire les réflexions qui ont été proposées dernièrement par les citoyens de l'île Saint-Louis, réflexions auxquelles elle convient qu’elle aurait dû faire beaucoup plus d’attention, et qui méritent la considération de l’Assemblée. La position particulière de l’île Saint-Louis semble effectivement indiquer à tous ceux qui ont quelque connaissance du local que la paroisse déviait être conservée. L’île Saint-Louis est une espèce de petite ville de province établie au centre de la capitale, et qui a des habitudes et des mœurs particulières. Elle est singulièrement peuplée de personnes qu’on appelle ici gens retirés, pour lesquels le service divin et une certaine pompe dans les cérémonies religieuses sont une espèce de besoin. Il a été observé aux députés de la section de l’île Saint-Louis que leur paroisse devant être provisoirement conservée à titre de succursale, ils pourront présenter leur pétition à une seconde législature, qui ne sera pas retenue, comme pourrait être l’Assemblée nationale, par la nécessité de maintenir l’exécution de ses décrets, puisqu’il n’est question ici que d’un objet purement réglementaire. Votre comité n’a pas cru qu’il fût régulier de vous proposer de revenir, quant à présent, sur votre décret; il a cru que Jes habitants de l’île Saint-Louis devaient être tranquillisés par l’aveu qu’a fait la municipalité de la justesse de ces réclamations, de la nécessité qu’il y aura de les adopter lorsque la Joi le permettra. Âu moyen de quoi votre comité ne vous propose rien à cet égard, s’en rapportant à votre prudence. Je suis obligé aussi, Messieurs, de vous offrir différentes réclamations qui ont été faites par les habitants de la section du Louvre; elles sont relatives à la circonscription de la paroisse Sain t-Germain-l’Auxerrois. Cette paroisse, dans la partie septentrionale, est bornée par la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue du Dauphin. Il a paru à votre comité, ainsi qu’à la municipalité de Paris, que la cour du Manège, que l’Ass. mblée nationale et ses dépendances devant faire partie de la U février 1791.1 paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, les difficultés qui pourraient s’élever sur la démarcation des limites des deux paroisses de Saint-Roch et de Saint-Germaiu-l'Auxerrois ont engagé les citoyens de la section du Louvre à vous prier de comprendre dans la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois toute la partie gauche de la rue Saint-Honoré, qui est depuis la rue du Dauphin jusques et y compris la rue Royale. Au surplus, la proposition que vous fait le comité ecclésiastique de n’adopter que provisoirement les circonscriptions présentées par la municipalité a pour Put de prévenir toute espèce de réclamations. Je dois encore vous dire, Messieurs, que le plan proposé par la municipalité a présente une difficulté à vaincre, et la voici : les églises dans lesquelles il sera établi de nouvelles paroisses appartiennent encore, au moins quant à la jouissance, à des communautés religieuses. Nous avons cru que ce serait porter atteinte à l’article 3 de votre décret du 13 février, que d’en disposer sans leur consentement, parce qu’une église doit être regardée comme une dépendance très essentielle d’un couvent. En conséquence, Messieurs, je me suis transporté, avec un commissaire de la municipalité de Paris, d’abord au couvent des Filles-Dieu; il ne nous a pas été possible de vaincre ces dames-là; nous avons vu une opposition si marquée que nous n’avons pas cru devoir aller plus avant, d’autant pins qu’après avoir examine le local autant qu’il nous a été posssible de le faire, ces religieuses n’ont même pas voulu nous accorder l’entrée de leur chœur. {Rires.) Il n’en a pas été de même des dames de l’abbaye Saint-Antoine : la considération du bien public a eu sur elles l’empire qu’il doit avoir sur tous les bons citoyens : elles se sont prêtées, non seulement avec complaisance, mais avec tout le civisme possible, à nos propositions. ( Rires et applaudissements unanimes.) M. le Président. Messieurs, la gaieté française est extrêmement aimable, pourvu qu’elle ne oure pas trop longtemps dans une Assemblée délibérante. M. Despatys de Conrteilles, rapporteur . Elles ont voulu absolument s’en tenir au mot soumission, auquel cependant elles ont ajouté l’aveu, que de tous les arrangements qui leur seraient proposés, celui qui leur avait été proposé par les commissaires était assurément le moins désagréable; elles ont même déposé leurs intentions dans le sein des deux commissaires, et elles s’en sont rapportées à moi sur l’exécution de cet arrangement. (Rires.) M. le Président. Messieurs, je serais fâché de mettre aux voix la proposition de ne plus rire. M . Despatys de Courteilles, rapporteur. Les détails que je me permets sont essentiels, parce qu’il est question d’altérer, en quelque sorte, l’exécution d’un de vos décrets. Je dis donc que mesdames de l’abbaye de Saint-Antoine se soumettent très volontiers. Je n’ai point chargé la nomenclature des paroisses de Paris des conditions sous lesquelles ces religieuses consentiraient à céder leur église. Votre comité ne croit devoir rien vous proposer, si ce n’est d’en renvoyer l’examen à votre comité d’aliénation. Je finis par une observation très simple : il est certain que ce n’est que par une organisation très simple de voire clergé, que vous rétablirez l’ordie dans