530 (Assemblée nationale.] ARCHIVES sur celle de 150,000 liv-qui lui avait été promise pour encouragement, sera incessamment acquittée sur les deniers du Trésor public. (Ce décret est mis aux voix et adopté.) La garde nationale de Bordeaux adresse à l’Assemblée nationale un rapport exact du voyage d’un de ses détachements à Moissac. On annonce u’il contient des faits importants. — L’Assemblée écide qu’il en sera fait lecture à une séance du soir. M. le Président. M. Thouret, rapporteur du comité de Constitution, a la parole pour faire un rapport sur la manière de mettre les nouveaux corps administratifs en activité. M. Thouret, rapporteur (1). Messieurs, l’intérêt public demande que les corps administratifs des départements et des districts soient mis eu activité, puisque du moment de leur formation ils deviennent les seuls instruments capables de servir à l’action du gouvernement ; mais il importe de ne leur donner en ces premiers moments que l’espèce d’activité à laquelle ils peuvent suffire, et dont ils sont en état de remplir efficacement l’objet. Cette considération conduit à examiner si c’est en assemblées générales ou de conseil, qui, suivant le décret constitutionnel, dureraient six semaines, que les corps administratifs doivent être mis d’abord en activité; ou, si c’est simplement en directoires, jusqu’à une époque peu reculée que vous fixeriez par votre décret, mais qui serait suffisante pour le rassemblement des pièces et des connaissances relatives à chaque département, sans lesquelles les assemblées de conseil ne peuvent pas utilement délibérer. Si nous jetons un coup d’œil sur les fonctions que les corps administratifs ont à remplir en 1790, nous trouvons qu’entrant en exercice au milieu de l’année, ils ont à suivre l’exécution des dispositions qui ont été faites suivant l’ancien régime pour le service de cette année; qu’ils ont aussi à exécuter plusieurs dispositions nouvelles résultant des décrets de l’Assemblée nationale ; qu’ils ont enfin à recueillir tous les renseignements, à préparer tous les matériaux qui leur seront nécessaires pour établir le service de 1791, sur les bases uniformes de la Constitution. Ils ne peuvent donc s’occuper en ce moment que d’objets qui sont ou de simple exécution pour le restant de l’exercice de 1790, ou de simple préparation pour celui de 1791. En principe, ces fonctions appartiennent aux directoires, et non aux conseils ou assemblées générales. Lorsque vous avez divisé les corps administratifs en deux sections, vous avez statué que les fonctions des conseils seraient d’ordonner tout ce qui en est en quelque sorte réglementaire pour le service de l’année suivante, de déterminer les travaux et les dépenses générales du département, et de recevoir les comptes du directoire. Vous avez arrêté, en même temps, que les directoires seraient toujours en activité, soit pour la préparation des opérations futures, soit pour l’exécution de celles qui auraient été ordonnées, soit pour l’expédition de toutes les affaires de détail. Dans le moment actuel, les corps administratifs n’ont aucune partie de leurs fonctions qu’ils (1) Le Moniteur n’a reproduit qu’une faible partie du rapport de M. Thouret. PARLEMENTAIRES. [28 juin 17901. puissent utilement remplir en assemblées de conseil. Tout ce qui concerne le service de l'année 1790 est réglé ; et les dispositions faites à cet égard doivent être suivies sans changement, soit en ce qui touche les impositions ordinaires, soit en ce qui est relatif aux travaux publics, et aux autres objets de dépense générale. Quant aux dispositions nouvelles, résultant des décrets de l’Assemblée nationale, la partie réglementaire se trouve dans les décrets mêmes auxquels les conseils administratifs ne pourraient rien changer; et les détails d’exécution sont du ressort naturel des directoires dirigés par les instructions qui leur seront envoyées. A l’égard du service de 1791, le moment n’est pas encore venu de s’eu occuper, puisque, sur les parties les plus importantes, les bases générales du régime futur ne sont pas encore décrétées par l’Assemblée nationale. Si, de la nature des fonctions à remplir dans ces premiers instants, nous passons à la position des corps administratifs, nous les voyons, non seulement dénués de matières qui puissent les occuper en assemblées de conseil, mais encore privés des papiers et des instructions qui leur seraient nécessaires pour prendre des résolutions éclairées, soit sur les intérêts généraux, soit sur les affaires particulières de leur département. Le premier pas à faire est sans doute que les nouveaux administrateurs se fassent remettre par les anciens toutes les pièces, états et renseignements relatifs à leur département ; mais cette remise, quelque célérité qu'on y apporte, exigera un temps assez considérable, à cause des précautions dont elle doit être accompagnée. Les précédents administrateurs ne pourront pas se dessaisir sur-le-champ des pièces dont ils auront besoin pour établir leurs comptes; il faudra donc attendre qu’ils en aient fait ou des copies ou des extraits; il faudra qu’il soit dressé des inventaires des autres pièces dont ils pourront effectuer la remise; et quand un département se trouvera composé de territoires détachés du ressort de plusieurs administrations anciennes, il sera nécessaire de tirer des pièces qui étaient communes à la généralité de chaque administration ancienne, des extraits partiels relatifs aux différentes parties de territoire qui en ont été distraites. Le soin de ces détails minutieux et lents ne peut pas convenir à des assemblées générales; et il serait également intolérable, ou de faire délibérer les administrateurs en conseil avant que ces opérations fussent consommées, ou de les tenir réunis infructueusement pendant qu’elles s’exécuteront. Il en est de même des préparatifs qui seront à faire pour reconnaître la consistance de chaque département, et pour établir sa situation, tant par rapport aux impositions, que relativement aux travaux publics, et à tous les objets de dépenses locales. 11 est indispensable de former en chaque département un état général de toutes les municipalités dont il est composé, de vérifier et d’énoncer pour chaque municipalité quelle est sa population active, et quel est le montant de ses impositions. Il faut un pareil tableau des routes du département, avec désignation de l’état dans lequel elles se trouvent, et de la situation de tous les différents travaux autorisés sur les fonds de 1790. Sans les notions de cette seconde espèce, dont les objets se diversifient beaucoup, les conseils administratifs ne peuvent pas délibérer; et il y d’autaDt moins lieu à les tenir assemblés avant que ces notions [Assemblée nalionale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.) 531 soient recueillies, qu’ils sont moins propres que les directoires à les rassembler avec promptitude. Que seraient donc en ce moment les membres des corps administratifs réunis pendant un mois ou six semaines en assemblées générales 7 Privés de connaissances personnelles, et des renseignements qui pourraient leur en fournir, manquant tout à la fois et d’objets de délibération, et de règles pour diriger leurs résolutions, ils tomberaient ou dans l’ennui de l’inaction, ou dans l’embarras des difficultés qu’ils ne pourraient pas vaincre, ou dans le désagrément de prendre des arrêtés dont il deviendrait impossible d’autoriser l’exécution. 11 serait très fâcheux de dégoûter ainsi les nouveaux administrateurs ; et lorsque le salut de la chose publique est attaché au succès de leurs travaux, il ne faut pas que leurs premiers essais soient exposés à un discrédit dout les ennemis de la Constitution ne manqueraient pas de se prévaloir. Ajoutons cette circonstance que le plus grand nombre d’entre eux est pris dans la classe des cultivateurs à qui l’approche d’une abondante récolte ne permet pas de rester longtemps assemblés, sans nuire à leur intérêt personnel, intimement lié en cette partie à l’intérêt public. Des motifs si frappants, l’impossibilité certaine, et déjà sentie par plusieurs des administrateurs élus, d’opérer utilement en assemblées générales dans ces premiers moments, les exemples que nous avons eus des méprises dans lesquelles ces assemblées peuvent tomber, et l’importance d’entretenir cependant le mouvement de l’administration générale, qui ne pourrait pas s’arrêter sans les plus fâcheux inconvénients, toutes ces raisons nous ont portés à vous proposer le seul parti qui peut tout concilier. Il consiste à ce que les membres des corps administratifs élus, et ceux qui vont l’être successivement, s’assemblent d’abord pour s’organiser en nommant leur président, leur secrétaire, et les membres des directoires ; qu’ils terminent là cette assemblée, qui ne sera regardée que comme préliminaire ; que leurs directoires entrent aussitôt en activité, et que l’ouverture de la première session des conseils soit fixée au 15 septembre prochain pour la totalité des districts, et au premier octobre suivant pour la totalité des départements. Pendant l’intervalle, les directoires s’occuperont, avec plus d’efficacité que les assemblées générales ne pourraient le faire, du soin de rassembler tous les renseignements sur les intérêts, les besoins et l’état des affaires du département; et ils se mettront en état d’en présenter le tableau aux prochaines assemblées des conseils. Ils se livreront à tous les détails d’exécution pour la continuation du service de 1790, pour l’accélération du recouvrement des impositions, pour la surveillance des travaux publics autorisés et adjugés, pour l’expédition des différents objets de dépenses locales, et pour le jugement des demandes des contribuables en décharge ou modération. Ils veilleront enfin, en se conformant aux instructions qui leur seront envoyées, à l’exécution des différentes parties d’administration qui leur sont confiées par vos décrets, telles que la décision des difficultés survenues dans la formation et l’organisation des municipalités, les opérations prescrites par votre décret du 25 mai dernier, pour constater les inégalités et doubles emplois dans le dernier département des impositions ordinaires entre les communautés, et les opérations relatives tant à l’administration qu’à la vente des biens nationaux. A ce moyen, le temps qui serait perdu par l’infructueuse session des conseils, sera plus avantageusement employé par les directoires à des opérations qu’eux seuls peuvent bien faire ; savoir, d’une part, aux détails de préparation, indispensables pour mettre les conseils en utile activité; et, d’autre part, aux détails d’exécution nécessaires pour que le service de l’année présente n’éprouve aucune suspension. Les administrations de 83 départements viendront ensuite, toutes en même temps, et à une époque plus favorable au succès de leurs travaux, tenir leur première session générale en conseil. Elles trouveront alors tous les renseignements recueillis, toutes les matières disposées ; et elles seront toutes également en état de répondre par un mouvement uniforme à l’impulsion qui leur sera donnée simultanément. Enfin, les membres de ces administrations, la plupart intéressés aux importants travaux de la moisson prête à s’ouvrir, n’auront point été mis à la fâcheuse épreuve, ou d’abandonner leur plus précieux intérêt pour rester attachés sans fruit à des séances prématurées, ou de nuire au service public, s’ils voulaient non seulement s’y livrer sans connaissances suffisantes, mais encore le précipiter pour être plus tôt rendu aux soins de leur récolte. Il s’agit de décider pour longtemps du sort, de l’influence et du crédit des corps administratifs. Tout dépend pour eux et pour l’intérêt public de la manière dont ils vont se montrer; et leur considération, à laquelle est attachée pour beaucoup leur utilité future, tient tout entière à la confiance qu’ils doivent inspirer par leur conduite. Ceux qui ont osé désirer et espérer que les administrations ne se formeraient pas, désirent, espère nt et annoncent maintenant qu’elles ne rempliront pas l’objet de leur institution, qu’elles n’opéreront pas, ou qu’elles opéreront mal. Cet échec , qui serait si funeste au succès de la Constitution, pourrait aisément arriver, si les nouveaux administrateurs n’étaient pas dirigés dans ces commencements difficiles avec la plus grande prudence, et surveillés avec la plus sérieuse attention ; mais que l’intelligence et la circonspection guident leurs premiers travaux, alors ils ne tarderont pas à combler toutes les espérances des bons citoyens. Disons le mot : l’organisation des Corps administratifs n’est, jusqu’à présent, qu’une grande et belle spéculation : mais rien n’est fait si les avantages que la nation en attend ne se réalisent pas ; et, pour les produire, il faut, en ce moment, beaucoup de sagesse et d’esprit de conduite. L’expérience a déjà démontré les bons effets du parti que le comité vous propose. Lors de l’établissement des assemblées provinciales, elles tinrent au mois d’août une séance préliminaire, dans laquelle elles se bornèrent à établir leurs commissions intermédiaires : elles ne se rassemblèrent que trois mois après; et ce fut le travail préparé par les commissaires et par les procureurs syndics, dans cet intervalle, qui mit l’assemblée générale subséquente, en état de délibérer avec facilité et utilité. Yoici le décret que j’ai l’honneur de proposer : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, après avoir entendu son