[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (24 août 1791.] premières entreprises de l’ennemi, et facilite la distribution sûre et rapide des forces et des munitions nécessaires aux diverses parties de l’Empire. Il termine sa lettre par prier l’Assemblée nationale de prendre en considération ces objets vraiment intéressants. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités militaire et d’emplacement.) M. d’Estagniol. Messieurs, le brave compagnon d’armes avec lequel j’ai fait toutes les campagnes de l’Allemagne et passé une partie de ma vie, Louis Gillet, dit Ferdinand, a servi près de 50 ans dans le régiment d’Artois, cavalerie, si avantageusement connu, dans les temps de guerre, sous le nom d’Anjou. Le poste du péril a toujours été celui de Ferdinand, et lorsqu’un officier était chargé d’une commission délicate ou périlleuse, sa première pensée s’arrêtait sur lui. Le seul problème qu’ait pu offrir sa conduite a été de savoir si la probité et l’honneur ne l’emportaient par sur le courage ; sans doute, il eût été au grade d’officier, si alors on n’avait exigé des connaissances et des talents qu’il n’avait pu acquérir. Forcé par ses longs services et plusieurs blessures de quitter son corps, il retournait paisiblement vers son lieu natal, lorsqu’en traversant un bois il entend les gémissements d’une femme; il accourt, et aperçoit une jeune personne attachée à un arbre, presque mise à nu ; 2 scélérats se disposaient à en abuser, tandis qu’un autre était placé au loin pour écarter les passants. C’en était fait, sans doute, de l’honneur et de la vie de cette infortunée, si Ferdinand eût été un homme ordinaire; mais notre héros, sans consulter ses forces, voie à son secours, abat le poignet, armé d’un pistolet, à celui qui voulait le prévenir ; atteint également le second : ils prennent tous la fuite. Ferdinand détache la jeune personne, la conduit chez ses parents ; et, en leur présentant le poignet et le pistolet du scélérat, leur remet cet enfant chéri qu’il leur avait sauvé. La joie de cette famille est plus aisée à concevoir qu’à décrire ; on lui offre de l’or, il le refuse ; on lui offre la main de celle qu’il a sauvée, il a encore la générosité de la refuser, il craint trop de condamner cette belle personne au malheur d’un mariage mal assorti; il s’arrache en quelque sorte à la reconnaissance de cette famille, se rend chez lui et longtemps après aux invalides, cachant ce beau trait aussi soigneusement que l’on cache une mauvaise action. Il a fallu de grandes perquisitions pour découvrir ce brave nomme qui dérobait sa conduite à tous les regards ; une pension de 200 livres lui fut accordée ; mais vous, Messieurs, ne laisserez pas cet acte d’héroïsme aussi médiocrement récompensé. Si j’ouvrais une souscription pour lui, il n’est pas un vrai français qui ne regardât le brave Ferdinand comme son créancier, qui ne s’empressât de satisfaire à une dette aussi sainte. C’est aux faveurs de la nation qu’il est sensible; c’est à elle qu’il s’honore de devoir ; il n’a plus qu’un instant rapide à rester sur la terre et il veut l’employer à la bénir. Le brave Ligonier a obtenu 10,000 livres. Serait-ce trop vous demander, Messieurs, que de substituer la moitié de cette somme à sa pension de 200 livres ? Il est plus âgé que Ligonier et notre vœu est sûrement que sa famille jouisse d’une 669 récompense dont il n’a plus que quelques minutes à jouir. Messieurs, vous avez des sœurs, vous êtes époux, vous êtes pères, peignez-vous tous les dangers qu’a courus cette jeune personne et prononcez. Il suffit, Messieurs, d’exposer simplement les grandes choses : vos cœurs me dispensent de recourir à l’art; cela ne convient pas à un vieux militaire et je crains seulement ae les avoir affaiblies. Je propose donc qu’en sus de son traitement de sous-officier d’invalides que lui ont mérité ses longs services et ses blessures, il soit accordé à Louis Gillet, dit Ferdinand, en place de sa pension, une somme de 5,000 livres, ainsi qu’une médaille sur laquelle sa belle action sera gravée. M. Bouche. Aux voix le décret I le trait est connu. M. Camus. Messieurs, le fait est très connu ; mais il n’est pas question de se laisser aller ici à un inconvénient d’enthousiasme; et quand vous avez fait une loi, vous, législateurs, vous devez vous y soumettre; si vous ne l’observez pas, alors il est inutile d’en faire. Vous avez dit que vous n’accorderiez pas de gratifications, même les plus méritées, sans qu’il n’y eût eu une vérification ou. un rapport. Une récompense différée n’est pas refusée; elle est au contraire mieux consolidée quand elle est accordée suivant les règles. On vient vous faire ainsi des motions pour obtenir des décrets, mais lorsqu’ils seront rendus, vous serez fâchés de l’avoir fait, non pas que l’objet ne soit très juste, mais parce qu’il anéantirait vos décrets. Je demande donc le renvoi de la motion au comité des pensions. M. d’Estagniol. Je ne puis qu’applaudir à la sagesse de la demande de M. Camus. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la motion de M. d’Ëstagniol au comité des pensions pour en faire le rapport dans 3 jours.) M. d’Elbhecq. J’ai reçu une lettre de M. de Rochara beau dont je prie l’Assemblée de vouloir bien entendre la lecture : « Monsieur, < M. Sarlagousse venant d’obtenir un congé à raison de sa mauvaise santé avec permission de se rendre dans sa famille, et les circonstances obligeantde tirer M. Dechales de Dunkerque pour le porter dans d’autres points où sa présence sera plus utile, je désirerais que vous demandassiez à l’Assemblée un congé pour venir le remplacer dans cette ville. « Je vous observe qu’il est très essentiel que je sache si je puis compter sur vous du 25 au 30 pour prendre: mes arrangements en conséquence. « Signé : De RoCHAMBEAU. » En conséquence, je prie, l’Assemblée de vouloir bien m’accorder un congé pour me rendre. auprès de M. de Rochambeau. (L’Assemblée accorde ce congé.) M. Camus, au nom du comité central de liquidation , propose un projet de décret portant liquidation et remboursement de diverses parties de la dette de l’Etat. Ce projet de décret est ainsi conçu :