o64 [Asserablt’o nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789. | nuire, et ne lui avoir laissé que ce qui est indispensable à la félicité des citoyens, c’est assurer cette félicité que de lui donner les moyens de défendre les prérogatives du trône. Elles n’existent pas pour son intérêt; elles appartiennent à la nation : et si le Roi venait ici, accompagné de ses ministres, renoncer au droit de sanctionner les lois, tous les vrais amis de la liberté devraient le conserver à la couronne, malgré lui-méme ; et s’il était possible que des hommes trompés pussent porter l’égarement jusqu’à vouloirattenter à la liberté de nos suffrages, jusqu’à même outrager la nation, en faisant violence à ses représentants, pendant que leurs glaives criminels seraient suspendus sur nos têtes, nous devrions encore prononcer, pour le bonheur de notre patrie, la nécessité de la sanction royale. Ceux qui veulent accorder au Roi la faculté de suspendre les délibérations jusqu’à la troisième législature, croient garantir suffisamment les prérogatives royales; mais ils ne réfléchissent pas qu’ils détruisent la dignité du trône, en indiquant le terme où il est forcé d’obéir aux représentants; qu’une loi, présentée sur la lin d’une législature, et proposée de nouveau par la seconde, serait toujours nécessairement sanctionnée, pour éviter le désagrément d’obéir à la troisième, et qu’il n’y aurait aucun moyen certain de défendre rindépendance de la couronne. Gomment ne voit-on pas que le principe de la division des pouvoirs étant la base de la liberté, il faut assurer cette division, et que pour y parvenir, il faut que le consentement du Roi soit nécessaire. Il ne le refuserait jamais aux lois étrangères à ses prérogatives, à moins qu’elles ne fussent évidemment nuisibles au peuple, et il serait toujours obligé de céder sur ce point à l’opinion publique. Mais il refuserait la sanction avec succès, quand on attaquerait son autorité constitutionnelle ; et l’opinion publique respecterait ce refus, s’il était appuyé sur la sanction : au lieu que le veto suspensif le subordonne, non-seulement à l’opinion, mais à la simple volonté des représentants. D’ailleurs, avecleuefo suspensif, le Roi sanctionne en obéissant, ou pour éviter d’être forcé à l’obéissance; au contraire, si l’on adoptait l’avis du comité, le Roi paraîtrait toujours céder librement à de nouveaux motifs. Puisque le monarque ne pourrait faire aucune loi, la faculté de refuser la sanction royale ne serait pas un moyen d’attaquer la liberté publique; cette liberté étant établie par la Constitution, c’est par de mauvaises lois qu’on réussirait à la détruire, et non en mettant obstacle aux lois nouvelles. En supposant qu’il pût s’introduire, en faveur de l’autorité royale, des abus contraires à la Constitution, on ne considère pas la facilité avec laquelle ils seraient réformés, à chaque changement de règne, par le Corps législatif, qui en demanderait la suppression, avant d’avoir déterminé les sommes nécessaires pour la maison du nouveau monarque. J'aurais présenté encore d’autres réflexions en faveur de la sanction royale, mais ce sujet important sera traité incessamment par M. Ber-gasse. M. Wesèze. Qu’avez-vous à craindre du veto absolu ? Il est contraire au principe, s’écrie-t-on ; c’est un homme qui veut ce que la nation ne veut pas ; mais je dis le contraire: c’est un homme qui oppose à une volonté passagère une volonté permanente, la volonté d’une partie de la nation à une autre partie de la nation, L’on n’entend que très-imparfaitement ce que signifie la volonté générale. Je suppose que nous eussions décidé que, pour faire un emprunt, il eut fallu les deux tiers des voix, et qu’il n’y eût que la majorité absolue; certainement elle sérail la volonté générale ; mais cependant le décret ne passerait pas. C’est ainsi que l’erreur sur lus mots amène l’erreur dans les principes. Quel inconvénient a donc ce veto absolu? Il paralyse les Etats, dit-on ; mais c’est le seul inconvénient. Quand les lois générales et fondamentales seront une fois arrêtées, sur le sort de quelles lois faudra-t-il craindre le veto du Roi ? Le repos du peuple ne -vaut-il pas mieux que son mouvement, et faut-il toujours porter la main au ressort du gouvernement? La manie réglementaire passera sans doute comme toutes les autres. Au surplus, qu’annonce ce mot suspensif? N’est-ce pas, en s’en servant, rappeler le despotisme? La terreur de la servitude conduit à la servitude; c’est lorsqu’on prend toutes les précautions qui peuvent vous assurer votre liberté qu’on la perd le plus tôt. Louis XI a fait taire les lois, Tibère les a fait parler. Craignons ces deux extrémités. On s’indigne contre les lettres de cachet, et on se prosterne devant l’ostracisme. Que signifiera le veto suspensif, si on n’en explique le mode? Je pense qu’il ne peut y avoir de veto suspensif ni absolu contre la nation ; mais le Roi représente la nation, et c’est la nation elle-même qui prononce ce veto. Quant à l’appel à la nation, il est impossible ; les parties de l’empire ne pourront le juger sans de violentes secousses. Je suis donc pour le droit positif que le Roi a de sanctionner la loi. Quant à l’abus, c’est à vous d’en prévenir tous les inconvénients qui peuvent en résulter. Je ne désireencore ni permanence ni périodicité; je désire que pendant longtemps le Corps législatif s’assemble tous les ans une fois. M. Salle. II faut prévenir toutes les difficultés qui résulteront de la permanence ; il faut savoir si les députés resteront revêtus de leur caractère jusqu’à la prochaine élection. Si on accorde au Roi le droit de dissoudre l’Assemblée natio • nale, on ne doit lui présenter qu’au dernier jour de la session les décrets à sanctionner: autrement le gouvernement, toujours importuné de la puissance de celte assemblée, serait impatient de la dissoudre, et souvent il se servirait de ce droit au premier décret qu’on lui présenterait. Il faut encore que le monarque ne puisse suspendre que dans le cas où l’affaire ne serait pas urgente, et que l’Assemblée nationale décide de l’urgence. Dans le cas de la dissolution forcée, il faudrait que le Roi envoyât les motifs de son refus aux assemblées élémentaires; que si elles voulaient exiger la sanction de la loi, elles la demanderaient et en chargeraient leurs députés ; alors la volonté générale étant connue, la sanction sera nécessaire. La durée de la session pourrait être de trois mois, et l’intervalle de neuf mois. La nomination des députés se ferait de deux ans en deux ans ; par ce moyen l’Assemblée ne serait que périodique. 11 est nécessaire, pour que les représentants soient toujours comme présents, de former une autorité qui favorise leur élection, et qui, dans le cas où le Roi s’opposerait à la tenue de l’As- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 septembre 1789 ] 56o semblée, fût supérieure à la sienne. 11 faudrait la placer dans les assemblées provinciales. Je désirerais encore que les cours de justice fussent forcées de rendre compte à l’Assemblée nationale comme les ministres. Je. désirerais que, dans des cas pressants, le dernier président de l’Assemblée nationale, instruit par les assemblées provinciales, eût le droit de convoquer l’Assemblée nationale. M. Ijczay de Marnézia présente encore quelques idées sur la tenue des assemblées ; il dit qu’il faut qu’elles se tiennent à vingt lieues de la capitale, à vingt lieues de la cour ; qu’à la question de la permanence est liée celle du veto ; qu’il ne convient pas d’accorder au Roi un veto illimité, mais un veto circonscrit, un appel au peuple. Avant de présenter ces réflexions, le membre avait fait sentir le danger qu’il y avait à trop multiplier les précautions gardiennes de la liberté ; ue le sénat à Rome fut longtemps le palladium e la liberté ; mais, qu’aprôs avoir cherché à lui enlever son autorité, il finit par perdre la liberté publique. M. Target. Il me paraît que la distinction entre la permanence et la périodicité est la même que celle du veto absolu et du veto suspensif. Si vous nommez vos représentants pour trois ans, la question de l’époque à laquelle ils s’assembleront résultera des pouvoirs que vous leur aurez donnés. Quand exerceront-ils le droit que vous leur avez donné ? Les sessions annuelles me présentent l’idée de la permanence. Par ce moyen, elles seront fréquentes et presque continuelles. Si elles étaient plus éloignées, dans l’intervalle des sessions, et que le besoin d’un règlement se fit sentir, serait-ce au pouvoir exécutif que vous en laisseriez le soin? Pour corriger cet abandon, diriez-vous que ce n’est là qu’un règlement provisoire? Prenons garde de laisser un germe de despotisme dans le berceau de la liberté ; il se déploirait et l’étoufferait bientôt. Tout ce qu’on appelle règlement, c’est à la nation à le faire, et il faut espérer que ce grossier amas de lois, toutes bizarres, toutes contradictoires, va bientôt disparaître. Si vous n’êtes pas rassemblés, il faudra confier à d’autres les fonctions importantes que vous devez remplir. Pour assurer le retour annuel, l’impôt à accorder paraît le seul moyen, et moyen infaillible de nécessiter le retour de vos Assemblées. La permanence, de cette manière, sera donc assurée, et le Corps législatif sera de plus en plus puissant. M. Démeunier. Je me renfermerai dans la question de la permanence et de l’unité du pouvoir législatif. Lorsque l’on demande si les Assemblées nationales doivent être permanentes, il est clair que l’on demande si elles doivent s’assembler chaque année ; cela ne fait pas une question. Vous avez trop fait pour ne pas arrêter le retour de l’Assemblée nationale. Il faut bien que vous rétablissiez l’édifice que vous avez anéanti. Si, au milieu de ces grandes révolutions, au milieu de vos conquêtes, vous vous endormez nonchalamment, comme fatigués de vos victoires, les ennemis de l’Etat ne tarderont pas à nous ravir tout le fruit de ces travaux. Ils espèrent que cette effervescence du patriotisme se calmera, que la périodicité des Etats lassera les Français, que l’ancien régime reparaîtra. Pour achever notre ouvrage, il est indispensable d’employer toutes les ressources, etd’anuon-cer les grandes vérités qui doiventéternisercomme elles les monuments que nous leur avons élevés. Ces vérités sont: 1° qu’on ne doit ni ne peut abandonner les affaires dans une grande monarchie à des hommes qui ont intérêt de les saisir pour les obscurcir et les embrouiller; 2° que le Corps législatif doit toujours être en activité, et surveiller sans cesse les agents du pouvoir exécutif. L’Assemblée nationale est aujourd’hui le seul pouvoir respecté. Comment pourrait-on rétablir le bon ordre? Gomment réformer les abus sans s’assembler sans cesse? La postérité et nos contemporains nous chargeraient de malédictions si, après avoir tout renversé, tout détruit, tout anéanti, nous ne rétablissions rien. Si nous laissions échapper l’heureuse circonstance que nous offre la liberté de régénérer la France; si au milieu des révolutions actuelles, nous nous livrions à une folle sécurité, on nous accuserait au lieu de nous applaudir, on nous mépriserait au lieu de nous accorder le tribut de la reconnaissance publique. La loi de la permanence dépend absolument de vous. Pour l’assurer, cette permanence, n’accordez d’impôt que pour un an; vos successeurs suivront votre exemple. 11 est aisé de voir que, dans les dix premières années, cette institution est nécessaire. Nous avons à nous occuper de l’ordre judiciaire, du pouvoir militaire, des finances, partie si corrompue; nous avons à nous occuper de l’indemnité et du remboursement des offices que vous avez supprimés; nous avons à établir les assemblées provinciales et les municipalités. Ne faudra-t-il pas, pendant quelque temps, en suivre le développement, les abus, les erreurs? Combien d’autres établissements à faire! Qui pourrait calculer ceux que l’on vous demandera? La permanence seule peut vous donner assez d’instants pour remplir de si nombreux devoirs. 11 n’est pas possible de fixer ses sessions à trois mois; il est beaucoup plus simple d’en laisser déterminer fa durée par les députés, qui la régleront sur la mesure de leurs travaux; elle sera de quatre, de six, de huit mois. L’objet des dépenses n’est pas comparable au prix de la liberté ; et quand tout sera réglé, ces assemblées coûteront bien peu. Je passe à l’unité du Corps législatif. Je pense que cette question ne tient pas seulement à la permanence ni à la sanction, mais à une troisième question, celle de l’établissement d’un tribunal suprême que vous devez établir pour juger les ministres prévaricateurs et les cours de justice. En réglant la question de la permanence et celles qui en dépendent, vous ne devez pas perdre de vue cette dernière considération. Une autre ne peut et ne doit pas vous échapper: c’est 'd’éviter que les représentants ne mettent de la précipitation. Vous pourriez encore établir une sorte de tribunal de révision. Les membres de ce tribunal ne seront pas nommés par le Roi, mais par les bailliages rassemblés, non à vie, mais à temps. Ce tribunal n’aurait aucune espèce de veto , mais il présenterait des observations, et, d’après les réflexions qu’il aurait communiquées, l'Assemblée jugerait. Je me résume. Je crois la permanence .indispensable ; je désire l’unité du Corps législatif. 11 est 566 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789.] [Assemblée nationale.] difficile d’accorder le droit de veto à un corps quelconque, et il est important de reconnaître la nécessité d’un tribunal suprême pour juger les ministres et empêcher la précipitation. M. Grégoire, curé cl’Emberménil (1). Messieurs, la sanction royale n’est, à mon avis, que l’acte par lequel le prince déclare que tel décret est émané de la législature, et promet de la faire exécuter. Sa fonction se réduit à promulguer la loi. En vertu de sa dignité, a-t-il droit de participer au pouvoir législatif? Non, car il ne peut avoir de droits que ceux qui lui sont accordés par le pouvoir constituant; conséquemment le Roi (je ne dis pas le souverain ; désormais ce terme désignera la nation), le Roi ne peut être partie intégrante de la législature que par la concession libre de celui dont émanent tous les droits de la royauté ..... le peuple. En partant du principe, le Roi ne peut donc refuser son consentement à la loi; mais, si l’on calcule l’influence des passions, peut-être faut-il lui conférer une prérogative qui, étant nécessaire à la tranquillité politique, se concilie avec la rigueur du principe que je viens d’établir. Ainsi le veto royal ne peut être envisagé que comme objet de convenance et d’utilité. La question se réduit donc à savoir s’il importe au bonheur national d’armer le Roi du droit absolu ou suspensif de s’opposer à la loi. Chargés par nos mandats de rajeunir la Constitution, ou d’en créer une nouvelle sur les décombres de l’ancienne, nous exerçons en ce moment le pouvoir constituant; ainsi, quand môme on accorderait à l’auguste délégué de la nation le droit de refuser la loi, son refus ne pourrait jamais lutter contre la Constitution. Je vais essayer de prouver, Messieurs, que vous n’avez pas droit d’accorder au prince un veto absolu; que, quand même vou� auriez ce droit, vous ne le devez pas, et qu’il est de l’intérêt du prince de ne pas l’avoir 1° Vous excéderiez vos pouvoirs en lui accordant un veto indéfini; car vous n’avez pas droit de compromettre, encore moins d’aliéner la liberté de vos commettants : si les représentants de la nation et le Roi ne sont pas d’accord sur l’admission ou la réjection d’un décret, il n’est qu’un tribunal compétent pour juger en dernier ressort ; ce tribunal est celui qui crée les rois, celui du peuple devant lequel disparaissent tous les intérêts particuliers. Or, si le Roi avait le veto absolu, il serait juge et partie, et la liberté nationale pourrait être aux prises avec le despotisme. D’ailleurs, vous ne pouvez pactiser irrévocablement pour la postérité, ni lier ceux qui vous succéderont, et vous n’avez guère plus de droit sur la liberté des générations futures, que de pouvoir sur la liberté des générations éteintes. Vainement essayeriez-vous donc de plier sous le joug de l’esclavage les hommes de l’avenir, le peuple serait toujours en droit de rompre les chaînes que vous auriez tenté vexatoirement de lui imposer. 2° Eussiez-vous le droit d’accorder au prince un veto indéfini, il serait impolitique de le faire, car, si la loi est agréable ou indifférente au Roi, il la sanctionnera sans difficulté; mais alors que lui sert le droit de dire je, m'oppose? Ce ne sera, dans celle hypothèse, que la faculté illusoire d’empêcher qii’on ne fasse ce qui lui sera agréable. Ou ;j (i) Le discours de M. Grégoire n’a pas élé inséré au Moniteur. la loi déplaira au prince, et alors la volonté d’une nation entière sera immolée à la volonté d’un seul; cet homme serait-il donc moins accessible à l’erreur et à la corruption, lui seul, que vingt-quatre millions de ses semblables? Prouvez-moi que le Roi est, sinon infaillible, au moins plus éclairé que la totalité du peuple; garanlissez-moi une succession constante de princes, dont les mœurs toujours intègres, les inclinations toujours modérées, sages, ne seront jamais en collision avec la raison, de manière que leur intérêt individuel ne froissera jamais l’intérêt national. Malheureusement les rois sont des hommes, la vérité n’aborde leur trône que difficilement, flétrie par les courtisans, et souvent escortée du mensonge. Malheureusement les rois, mal élevés pour la plupart, ont des passions tumultueuses. Une des plus enracinées dans le cœur humain, une des plus ardentes est la soif du pouvoir, et le penchant à étendre son empire. Un roi capable de dominer par l’ascendant de son génie, comme ce Louis XIV, qui lit tout pour sa vanité, et qui se voyait toujours avant son peuple; un tel roi, en vertu du veto absolu, empiétera rapidement sur la puissance législative, par la facilité de diriger seul le levier de la puissance exécutrice, qui est toujours en activité. Vous aurez un despote. Ün roi faible sera subjugué par les agents du pouvoir, intéressés à envahir la puissance illimitée d’un maître qu’ils auront asservi pour régner sous son nom, et vous aurez alors le veto le plus absurde, comme le plus formidable ..... celui des ministres. Le roi que vous avez décoré d’un si beau titre, et les ministres qu’il a honorés de sa confiance, doivent sans doute rassurer la vôtre; mais nous posons les fondements d’un édifice qui puisse durer pendant des siècles. Notre constitution, notre législation doivent être indépendantes des qualités morales du chef de la nation; elles doivent être inattaquables sous un scélérat, sous un Néron, c’est-à-dire un Louis XI, comme sous un bon prince, un Henri IV, c’est-à-dire un Louis XVI. Les partisans du veto absolu nous donnent des moyens efficaces de vaincre le refus constant de la sanction royale. Tels sont l’insurrection populaire, l’ascendant do l’opinion, le refus de l’impôt. Quelle conséquence de vouloir élever une barrière pour se donner le plaisir de la détruire par des moyens convulsifs! L’ascendant de l’opinion nationale est-il irrésistible? L’expérience ne dépose-t-elle pas que les tyrans de tous les siècles lurent sourds aux cris de la raison et bravèrent l’opinion? L’insurrection est un malheur opposé à un malheur; en prévenant le mal, nous serons dispensés d’y remédier. Le refus de l’impôt serait un fléau qui, par contre-coup, frapperait sur tous les citoyens, et bientôt le corps politique serait privé de mouvement et de vie. D’ailleurs ne serait-il pas illusoire de dire au Roi : Vous avez ie droit d�ad mettre et de rejeter nos lois; mais cependant si vous refusez d’accéder à nos volontés, nous saurons vous y forcer en tarissant le Trésor public? Nous répétera-t-on sans cesse que nos mandats exigent la sanction royale ? Ont-ils seulement déüni ces termes ? Ont-ils distingué le veto \ indéfini ou suspensif? Non, à votre sagese est \ réservé le droit d’établir la ligne de démarcation entre l’autorité concédée au Roi et celle que la nation se réserve. Nous objectera-t-on sans cesse qu’autrefois en France, qu’actuellement encore dans la plupart [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789.] 567 des gouvernements européens, le Roi a une portion de l’autorité législative, que celui d’Angleterre a le veto absolu (1) ? J’examine moins ce qui se fait ailleurs que ce qui doit se foire. L’histoire qu’on invoque trop souvent est un arsenal où chacun prend des armes de toutes sortes, parce qu’elle offre des exemples dans tous les genres. La multiplicité des failsau lieu d’étayer un principe ne fait souvent que constater la violation des principes; et souvent l’on cite comme exemple à suivre ce qui ne devrait être considéré que comme abus à réformer. 3°. L’intérêt du Roi est qu’il n’ait pas le veto absolu ; car, si la loi est sage, elle sera nécessairement avantageuse au prince dont le vrai bonheur est inséparable de celui de la nation. Si la loi est mauvaise, le Roi n’encourra aucup blâme et la nation ne pourra faire rejaillir que sur elle-même celui de sou erreur. Mais une Assemblée naUonale peut errer. Les prestiges de l’éloquence, l’effervescence de l’enthousiasme, ou d’autres causes peuvent l’emporte]' par un mouvement trop brusque et l’écarter du vrai but ; c’est alors que l’opposition limitée à la loi peut avoir lieu. Ce veto suspensif n’est qu’un appel an peuple, et le peuple assuré qu’il pourra prononcer déflnitivement ne s’aigrira point; au lieu que le veto absolu comprimant, étouffant la liberté nationale sous le sceptre du despotisme, amènerait peut-être l’insurrection. 11 faut donc une barrière contre les décisions précipitées, mais cette barrière ne doit pas être (1) M. de Lolmp, et d’autres écrivains qui ont tant préconisé la Constitution anglaise, auraieut dû la citer non comme La meilleure possible, mais comme une des meilleures existantes. C’est l’opinion qu’en aura bientôt l’Europe entière, lorsque les Français auront achevé la leur, La liberté religieuse existe-t-elle dans un pays où les catholiques sont vexés? Les Anglais ont-ils la liberté du commerce dont presque toutes les branches sont soumises à des règlements onéreux, et quelquefois ridicules ? Ont-ils la liberté individuelle, tandis que la loi à’habeas corpus est violée sur la simple affirmation île quelqu’un qui réclame une dette, même imaginaire; tandis que le premier prétexte d’un armement maritime autorise la presse des matelots ? Les Anglais ne sont pas gouvernés immédiatement par l’autorité arbitraire du Roi et des ministres; mais par la volonté arbitraire d’un parlement, dont souvent les membres ont acheté les suffrages des électeurs, et se sont ensuite vendus à la cour. La fameuse élection de Middlessex, M. Wilkes, élu et rejeté trois fois, ensuite admis quelques années après, ne prouve que trop l’influence corruptive du ministère. Le peuple anglais est-il vraiment représenté ? La Chambre haute n’est composée que de membres admis à y siéger par le droit de leur naissance ou de leur rang, et non par le choix libre de leurs concitoyens; sur environ six millions d’habitants que contient la Grande-Bretagne, S, 700 personnes choisissent la moitié des communes, comme le prouve M. Burgh, dans ses Recherches politiques, H y a donc une extrême inégalité dans l’exercice du droit de suffrage et de représentation. Dos cinquante deux comtés, douze n’envoyent chacun qu’un représentant. Sheffield composé de plus de trente mille Ames ; Birmingham et Manchester de soixante-dix à quatre-vingt mille ne députent point au parlement tandis que les universités et même les simples hameaux, fournissent deux législateurs à l’Etat. On sait d’ailleurs que la Constitution anglaise est injuste envers l’Ecosse et l’Irlande, dont les habitants n’ont pas pour leur patrie un attachement aussi vif que ies Anglais. Il faut avouer cependant, que malgré ses défauts, la Constitution anglaise a .été un rempart do la liberté contre les assauts du despotisme, et le voisinage de dette nation rivale, qui a tant de titres dans notre estime est une des causes qui ont ressuscité parmi nous la liberté. insurmontable ni permanente ; après un laps de temps déterminé, l’obstacle posé par ie prince doit être levé par la volonté du peuple. Il est même des circonstances politiques dans lesquelles le veto suspensif accordé au prince menacerait la liberté nationale. Par exemple, dans l’intervalle de la session présente à la prochaine, les antipatriotes dont le parti est dispersé et non détruit, ne fomenteront-ils pas de nouveaux troubles ? Ils cabaleront d’une manière basse, c’est-à-dire digne d’eux, d’une manière atroce, c’est-à-dire digne d'eux. Ils achèteront ies hommes corrompus, subjugueront les faibles, égareront les ignorants et nous ramèneront peut-être à des malheurs incalculables pour l’étendue et la durée. Dans l’hypothèse de la permanence et de l’unité des Assemblées nationales, j’opine pour le veto suspensif, qui n’étant qu’un appel au peuple lui conserve ses droits ; mais je m’oppose de toutes mes forces au veto absolu, qui réduirait la nation à un rôle subalterne, tandis qu’elle est tout, et qui deviendrait l’arme la plus terrible du despotisme. M. BfcaRaud de Saint-IEtieïme(l). Messieurs, aérés tout ce que ies préopinants viennent de dire sur la permanence de l’Assemblée nationale, et sur la nécessité qu’elle soit annuelle, je n’ai rien à ajouter; et je m’aperçois que cette opinion est établie dans l’Assemblée. Vous regardez ce point de la Constitution comme l’espérance des peuples et ie rempart de la liberté publique. En effet. Messieurs, une Assemblée annuelle, des subsides annuels, un compte rendu annuel et la responsabilité des ministres, ces moyens réunis sont un gage assuré de la félicité du peuple et du bonheur'et du repos de son Roi. Vous avez décidé, Messieurs, que les divers points de constitution qui nous occupent ont une telle connexité, qu’il est permis, qu’il est nécessaire de les parcourir tous. Je vais prendre la liberté de commencer par quelques réflexions sur l’Assemblée unique. On ne peut nier que cette idée, infiniment simple, ne s’offre la première à l’esprit, et que la nation étant une, il semble que sa représentation doive l’être également. Le droit de faire les lois, celui de voter les subsides, celui de faire exécuter et administrer, sont également des choses unes, et qui appartiennent à la nation, ou qui émanent avec là môme unité, la même simplicité indivisible qui se trouvent dans la nation, laquelle ne saurait être divisée. On comprend comment un peuple qui renferme divers ordres de citoyens armés de divers privilèges a cherché à les contre-balancer, afin qu’une partie d’entre eux n’engloutît pas les autres. Cet équilibre, établi d’ordinaire moins par la sagesse du législateur que par le désir de chacun de n’être pas opprimé, n’est que le fruit d’une, lutte inégale et non pas de la politique. Tel était l’équilibre prétendu qui existait en France. Tel est peut-être celui qui se forma jadis eu Angleterre, où, pourrie pas rompre les ressorts, on se contenta de les forcer. La Chambre haute est visiblement un reste subsistant de la féodalité ; tandis que la Chambre des communes, siège de la liberté et du droit naturel, nous offre, par son établissement, (1) La version du Moniteur diffère sur plusieurs points de la version imprimée par ordre de l'Assemblée nationale : nous reproduisons celle dernière. 568 ] Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]4 septembre 1789.] le résultat de la force nationale, qui respecte encore les restes impuissants de celle qui jadis l’avait accablée. De ce combat inégal et non pas décisif naquit une prérogative : on l'appelle pairie; des seigneurs et des prélats en jouissent, et la grandeur qui leur est attribuée n’offre plus que le simulacre de celle dont ils avaient joui. On ne put, ou on ne voulut pas les confondre avec les autres citoyens, et pourtant on ne voulut que pas ceux-ci pussent en être opprimés : on imagina donc de les mettre en équilibre, de manière pourtant que leur lutte inévitable Dit toujours à l’avantage du plus grand nombre et le veto du Roi fût leur médiateur. Tel fut le système qui, l’année dernière, s’offrit à l’esprit de plusieurs citoyens, lorsque voyant la féodalité ébranlée, mais n’osant espérer qu’elle serait détruite, ils lui ménageaient une consolation. Ils imaginaient une Chambre haute, où quelques seigneurs et quelques ecclésiastiques seraient admis; et cette perspective ne présentait pourtant que des débris de féodalité, qu’on se croyait obligé de conserver. 11 aurait fallu cependant mettre ces pouvoirs en équilibre; chacun des deux aurait fait ses conditions ; mais l’observateur n’aurait point vu là le fruit de la sagesse, il n’y aurait vu qu’un accommodement et la fin d’un combat. Je ne nie point que les Anglais n’aient tiré, pour leur liberté, de grands avantages de leur équilibre : tels seraient ceux que nous en aurions retirés nous-mêmes, si les circonstances ne nous avaient dispensés de les imiter. Il me paraît cependant qu’une Chambre haute; une Chambre séparée n’est point, dans son institution, un moyen imaginé pour arrêter les dangereux efforts" d’une nation assemblée. J’accorde, pour un instant, qu’elle produit cet effet, et que le résultat d’un équilibre nécessité par les circonstances est devenu de la sagesse, mais il n’était pas de la sagesse originairement; pas plus que ne l’aurait été parmi nous l’établissement d’une Chambre haute à laquelle nous eussions été forcés. L’idée de deux Chambres n’est donc pas dans son origine un calcul de forces politiques ; elle n’a point été imaginée pour suspendre la marche précipitée des représentants du peuple. Ce ne serait pas par principe que nous l’adopterions, ce serait par conséquence. C’est une découverte et non pas une invention. Le législateur ne l’a pas calculée, c’est le hasard qui l’a fournie. Celte idée de l’équilibre des deux Chambres est d’origine anglaise, et les Anglais ne les formèrent pas pour éviter les efforts dangereux des communes contre le Roi ; ils n’y songèrent pas du tout ; ce fut un accommodement désintérêts des grands avec ceux des communes. Je voudrais répéter cette observation en cent manières. Il résulta cependant de cet accommodement, que pour ]e maintenir, il fallut donner aux parties contractantes une arme propre à repousser les attaques de l’autre, un bouclier défensif; et l’on créa le veto : il était nécessaire, il devait y avoir des combats, et la création même du veto le prouve. Mais le veto des Chambres les constituait en pouvoirs; car le droit négatif est un pouvoir et un véritable droit affirmatif : celui qui refuse affirme qu’il ne veut pas accorder. On arriva donc, par conséquence et sans dessein, à créer des pouvoirs législatifs, auxquels on n’aurait pas songé sans les intérêts particuliers, à chacun desquels il avait fallu donner part dans la législation. Les deux pouvoirs furent donc une invention forcée, un pacte, un contrat imaginé, non pour rendre la législation meilleure, mais pour accommoder des gens qui n’étaient pas d’accord. On fit tout pour l’intérêt particulier, et non pour l’intérêt général ; celui-ci y gagna, sans doute; car il gagne toujours à la cessation des querelles intestines ; mais ce n’était que par contre-coup, et ce n’est pas lui directement qu’on avait voulu servir. C’est ainsi qu’en France nous avons vu les trois ordres prétendre chacun au veto; et, pour la paix, on le leur aurait sans doute accordé ; mais il n’en faudrait pas conclure pour cela qu’un Etat n’est bien administré que lorsqu’il y a quatre pouvoirs, quatre veto. Cependant, c’est des trois veto des Anglais que l’on prétend conclure que nous devons en avoir trois aussi; et les avantages que l’on croit qu’ils en retirent amènent à tirer cette conséquence, qui me paraît forcée, que le pouvoir législatif doit être divisé. Permeltez-moi, Messieurs, d’examiner un instant cette division du pouvoir législatif. D’abord, j’ai prouvé que les Anglais n’ont divisé les pouvoirs que parce qu’ils voulaient faire un partage aux grands et un partage aux communes ; et que, pour contenter tout le monde, ils donnèrent une portion de pouvoir à chacun ; leur exemple ne prouve donc rien. J’ai observé que nous aurions pu créer trois Chambres durant celte session ; que nous aurions pu en créer deux; que nécessairement nous aurions divisé le pouvoir en quatre ou en trois ; mais qu’il n’aurait pas fallu nous vanter pour cela delà sagesse profonde de cette division, car nous ne l’aurions pas faite pour le profit de la législation, mais pour contenter les trois ordres. C’est donc dans la nature même du pouvoir légistatif qu’il faut chercher les preuves de l’utilité de sa division, et j’avoue que ce n’a pas été sans beaucoup de surprise que j’ai entendu avancer cette proposition que le pouvoir législatif doit être divisé. Je me fais du pouvoir en général une idée bien différente; et c’est, selon moi, une idée si simple que celle du pouvoir, si parfaitement une, et si peu susceptible de division, qu’il faut, en quelque manière, faire un tour de force pour songer à la partager. Ici, Messieurs, je suis obligé de faire une distinction, sur laquelle je m’arrête avec peine, parce qu’elle prolonge le temps que vous daignez m’accorder, mais que je n’expose que dans la pensée que c’est gagner du temps que d’éclaircir les idées : et l’on éclaircit les idées quand on explique les mots. Quelle Assemblée, Messieurs, que celle où l’on peut sans crainte hasarder de pareilles discussions, et remonter hardiment aux principes ! La pauvreté de notre langue pour exprimer les idées politiques, idées absolument neuves pour la masse de la nation, nous fait employer le terme de pouvoir en des sens très-différents. Nous l’appliquons à la législation, à l’exécution des lois, à l’administration politique, à l’administration judiciaire, à la gestion des finances, au gouvernement militaire, et de là dans tous les sous-ordres, à tout corps, et souvent à tout homme qui jouit de quelque autorité. Il est cependant évident en dernière analyse que toutes ces autorités subalternes et divisées ne sont que des émanations d’un pouvoir unique et primitif, que le possesseur de ce pouvoir, qui est le souverain, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789.] 569 distribue et départit selon l’utilité de la chose publique. Ce pouvoir originaire et unique appartient à la nation: lui seul est pouvoir, les autres ne sont que des autorités. 11 est la collection de tous les pouvoirs particuliers du droit que chacun a sur soi-même, et qui, transporté dans la masse commune, se réunit à tous les droits de chacun, et n’en forme qu’un seul, le droit et le pouvoir de se gouverner. Ce pouvoir de se gouverner appartient à la nation entière, avec autant de simplicité qu’il appartenait à chaque individu. Le pouvoir, pris dans sou sens primitif, est donc le droit d'exercer son droit : il est simple, et l’esprit ne peut y saisir aucune division. Cela est si vrai que si la nation pouvait exercer son droit elle-même, elle se garderait bien d’en confier la plus petite portion à qui que ce soit. Un droit composé de 25 millions de droits est un droit simple et unique ; mais l’exercice en est impossible aux 25 millions d’individus, et voilà pourquoi ils le confient à un homme ou à plusieurs. Mais je vous prie d’observer qu’ils ne leur donnent point le pouvoir, car il est inaliénable; ils ne donnent que de l’autorité. Ils ont certainement le droit d’exercer leur droit, mais ils ne peuvent l’exercer tous ensemble, et voilà pourquoi ils distribuent cet exercice; et cependant, le droit, c’est-à-dire le pouvoir, leur reste toujours. Ecartons donc, Messieurs, tous les nuages que font naître les différents sens de ce grand, de ce noble, j’aurais dit autrefois de ce terrible mot, le pouvoir : et permettez que je n’appelle plus aujourd’hui qu 'autorité les pouvoirs délégués dont vous allez faire la distribution. Maintenant, si je considère le pouvoir (et je n’ai plus besoin de dire que ce n est pas l’autorité, ni les autorités), j’y distingue ce que la nation, ce que le souverain distribue, et ce qu’il garde. Ce qu’il distribue, c’est l’exécution ; ce qu’il garde, c’est la législation. Il garde ce qu’il peut taire, il distribue ce qu’il ne peut pas faire. 11 délègue des autorités, il garde le pouvoir, et ce pouvoir qu’il se réserve est le pouvoir législatif, qu’il ne donne point parce qu’il est en état de l’exercer. Mais le souverain est une chose une et simple, puisque c’est la collection de tous sans en excepter un seul ; donc le pouvuir législatif est un et simple : et si le souverain ne peut pas être divisé, le pouvoir législatif ne peut pas être divisé, car il n’y a pas plus deux ou trois ou quatre pouvoirs législatifs, qu’il n’y a deux, ou trois ou quatre souveraius. Et au rebours, et par conséquent, si vousdivisez le pouvoir législatif en deux ou trois, vous divisez le souverain en deux ou trois, chose qui n’est pas au pouvoir des hommes, car ils ne peuvent pas faire que le souverain qui est nécessairement la collection de tous en un soit autre chose que la collection de tous en un. Vous permettez, Messieurs, vous aimez que l’on pose dans cette Assemblée législative les souverains principes qui doivent éclairer la nation généreuse et libre que vous représentez, et qui vous devra d’autant plus de reconnaissance que vous aurez surpassé son espoir et ses vœux. C’est peut-être un spectacle digne d’elle, qu’une assemblée de douze cents citoyens, discutant avec liberté toute l'étendue des droits du peuple, et remettant entre ses mains la souveraineté qui lui appartient. C’est un hommage digne du Roi que vous aimez que d’indiquer précisément son droit, et que dans un siècle de liberté et de lumières, vous ne l’exposiez pas au malheur d'être injuste, en lui donnant le droit qui ne lui appartient pas. Quelles que pussent être nos erreurs, elles ne seraient pas adoptées. Ce que nous devons à tous, c’est justice et vérité; et si quelque chose peut consacrer aux hommages de la postérité la magistrature dont les peuples nous ont revêtus, c’est que l’on puisse dire de nous: ils furent libres, vrais et justes ; c’est que l'on trouve dans nos décrets les grands principes qui rappelleront à la vérité cette foule de gouvernements vicieux dont la face du globe est souillée. Je crois avoir prouvé, Messieurs, que le pouvoir législatif ne peut être divisé; et c’est ce qui m’a fait regretter qu'on ait appuyé le pouvoir, l’autorité du Roi sur ce faux principe ; car toute autorité devient vicieuse, dont le principe est ruineux. Je crois que le Roi doit avoir le pouvoir limité de refuser sa sanction ; je n’approuve pas les principes sur lesquels on se fonde pour le lui accorder. J’ai vu avec peine encore qu’on ait souvent confondu la sanction royale avec le veto royal: ce sont deux choses très-différentes. La sanction est un acte purement matériel, attaché à la loi faite; le veto est un acte de volonté qui empêche que la loi ne se fasse. La sanction est le sceau de la loi, qui en précède la promulgation, qui dit de la loi: Sancta sit, elle est sainte, et qui dit aux peuples : Voilà la loi ; obéissez. Le droit du veto est un véritable pouvoir législatif, quoiqu’il ne le soit que négativement ; car empêcher qu’on ne fasse telle loi, c’est ordonner le contraire ou autre chose que cette loi. Le droit du veto peut produire le droit de sanction ; mais le droit de sanction ne doit jamais produire le veto. Et daignez observer que dans le système qui vous a été présenté, le Sénat aurait le veto sans avoir la sanction ; d’où il suit que ce sont deux choses différentes. Je n’aime pas non plus qu’on dise que le Roi est le représentant continuel de la nation, et que, sur ce motif, on lui attribue le veto : 1° Parce que cette proposition ne s’accorde pas avec l’idée que nous avons d’un mandataire, chargé de pouvoirs spéciaux parles peuples assemblés. 2° Parce que ces deux mots représentant et continuel ne vont point ensemble ; que tout représentant est révocable, et que, s’il n’est pas révocable, il n’est pas représentant. 3° Parce que la représentation est, de tous les pouvoirs confiés, celui qui peut le moins être héréditaire. 4° Parce qu’en accumulant sur la tête du Roi des titres contradictoires on s’expose à les affaiblir tous, et l’on nuit à sa légitime autorité ; car le Roi ne peut pas être à la fois représentant, chef, législateur et exécuteur. Non-seulement il y a de la confusion dans cette nomenclature, mais encore il y a contradiction; car s’il est représentant, il n’est pas chef; s’il est chef, il n’est pas représentant; s’il est législateur, il ne doit pas être exécuteur, puisque ces deux pouvoirs, selon nos principes ne doivent pas être réunis ; s’il est exécuteur, il n'est pas représentant , car il est contre les principes qu’un mandataire soit par ce titre exécuteur de la loi qu’il a faite. Enfin, tous ces titres incohérents se contredisent, et répugnent à se réunir sur un seul homme (l). (1) Un honorable membre, dont les avis sont, à juste titre, d’une grande influence, a relevé ce que j’ai dit, que le pouvoir législatif ne peut être divisé : il a dit que le pouvoir législatif est dans l’Assemblée nationale ; que puisque la nation le délègue à ses représentants, 570 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i septembre 1789.] [Assemblée nationale.] C’esl ainsi, Messieurs, que, par zèle pour l’autorité du Roi on l’aurait affaiblie en en troublant la source ; et qu’entre deux manières de l’aimer, la plus sûre, la plus honorable et la plus flatteuse pour lui est d’appuyer son autorité sur des bases solides, sur des principes qui ne puissent pas être con testés. Et que ferait pour son bonheur une autorité bizarrement compliquée, une réunion de pouvoirs, les uns souverains, les autres subalternes, dont le conflit inévitable se trouverait dans sa propre main? Voulez-vous le servir en Roi? elle peut en déléguer partie au Roi; et que cette délégation ainsi divisée est une chose qu’elle peut faire. Tout se réduit à savoir si l’Assemblée nationale a le pouvoir législatif, ou si la nation le garde, et doit et peut le garder; car, si cllele garde, il ne se divise pas. Or, je prétends que la nation ne se dessaisit pas du pouvoir législatif; et voici la série des idées que je me fais . Toute société sent, en se formant, la nécessité de se donner des lois ; tous les font ensemble : cet ensemble fait l’unité du pouvoir législatif. Cette unité est simple et ne peut être divisée; autrement ce ne serait plus ensemble, ce serait séparément. Le pouvoir législati. est donc dans tous ensemble. Des que la société est trop nombreuse, il arrive que tops ne peuvent plus se réunir en un lieu pour faire les lois. Cependant ils ne doivent ni ne peuvent abandonner le pouvoir de les faire, et ils cherehentun moyen pour faire connaître leurs vœux et pour réunir les volontés, ne pouvant plus réunir les personnes. Cependant nul ne veut ni ne doit perdre le droit de faire connaître sa volonté, car s’il le perdait, il ne serait plus de la société, il serait son sujet, ou étranger. Le moyen qu’il cherche doit donc être tel, que toutes les volontés soient manifestées. Celui qui se présente, c’est de faire connaître leurs volontés à des mandataires, à des procureurs fondés qu’ils chargent do porter la parole pour eux. Mais il faut que ces mandataires soient chargés, sans exception, des volontés de tous, et que, par conséquent, il n’y en ait pas un qui ne manifeste la sienne. Ils forment donc des Assemblées partielles, parce qu’ils ne peuvent plus former une Assemblée générale; chacun y exprime sa volonté; il se forme, par la collecte des suffrages, une volonté commune, et un ou plusieurs mandataires sont chargés de la porter dans une Assemblée générale : ces mandai aires sont appelés représentants. Maintenant, ces mandataires, chargés des volontés d’autrui, les réunissent en une seule ; mais leurs volontés particulières ne sont que la Représentation des volontés particulières, et leur volonté générale n’est que la représentation de la volonté générale; les mandataires représentent les volontés par leur dire, comme ils représentent les citoyens par leurs personnes. Ils représentent tout, et ne se substituent en lien. Ce ne sont donc pas réellement les représentants qui font la loi, c’esl le peuple dont les représentants ne sont que l’organe; donc c’est lui qui a le pouvoir législatif, et l’Assemblée générale ne l’a pas. Donc le pouvoir législatif est resté un et simple, il n’a point été divisé : et comment cela se pourrait-il, puisque le pouvoir législatif est un droit, et .un droit primitif ? Une chose primitive ne peut pas être divisée; car, ou elle aurait été divisée primitivement, et ce seraient deux choses différentes, ou elle l’aurait été postérieurement, et la dernière portion ne serait qu’une émanation, une délégation. Si l’Assemblée nationale n’a pas le pouvoir législatif son pouvoir secondaire n’en est que la représentation; et tout ce qui reste à me dire, c’est que la nation peut fort bien confier au Roi une partie de sa représentation. Mais on ne voit pas ici combien on abaisse le Roi, ou comment on l’élève trop haut. En effet, ou le représentant doit rendre compte, ou il ne le doit pas. S’il doit rendre compte, c’est un simple mandataire révocable et responsable, et cette responsabilité détruit l’inviolabilité sacrée du Roi, sa grande et précieuse prérogative qu’il est indispensable de lui conserver. Si le représentant permanent de la nation ne doit pas lui Déclarez qu'il est l’exécuteur suprême et unique des volontés de la nation : c’est là son droit; et certes qu’y a-t-il de plus grand, quelle plus haute destinée pour un mortel que de recueillir la volonté générale, de se mettre à la tête des lois, et d’exécuter seul, au milieu du silence respectueux de tous, ces lois auxquelles ils obéiront d’autant mieux qu’ils les auront eux-mêmes établies? Ce qui relève, à mes yeux, la grandeur du Roi, c’est l’inviolabilité de sa personne sacrée; et sa personne est inviolable, parce qu’elle est infaillible. Oui, infaillible, c’est le mot propre. Le Roi ne doit rendre compte de ses mandats, la nation abandonne ses volontés pour les soumettre à la sienne ; il stipule pour elle à son gré, il* n’est pas son représentant, il est son maître, il est despote. Le Roi devrait donc refuser ce titre do représentant, qu’on ne lui a jamais donné. Si c’est pour rendre compte, il doit refuser ; car il ne serait qu’un simple citoyen : si c’est pour ne pas rendre compte, il doit refuser, car ce serait la plus grande imprudence à un seul homme de vouloir stipuler arbitrairement pour tous. J’espère qu’on ne me dira pas que ces raisonnements sont subtils. Quand on a à démontrer un principe extrêmement simple, les arguments sont nécessairement déliés, et il faut une certaine fixité dans l’esprit qui les suit, pour qu’ils ne lui échappent pas. Mais la subtilité garde bien d’aller au principe, elle l’évito, elle fuit, elle cherche des évasions pour détourner l’attention et donner le change. Il me semble que j’ai fait tout le contraire. J’ai besoin de me soulager encore le cœur d’une observation. J’entends dire quelquefois qu’on ne fait pas les lois avec des raisonnements métaphysiques . c’est comme si l’on disait qu’il ne faut pas raisonner sur les principes. Je soutiens au contraire qu’il n’y a pas d’autre moyen pour faire de bonnes lois que de remonter au principe des lois; et si ces principes sont nécessairement abstraits, il faut bien, malgré qu’on en ait, en raisonner d’une manière abstraite. Je soutiens qu’il n’y a aucune science qui n’ait ses principes, la politique comme les autres ; et qu’on fera toujours des fautes dangereuses et grossières quand on s’écartera des principes nécessaires dont dépend la législation. Je soutiens que les erreurs politiques sont nécessairement funestes à quelqu’un; et qu’elles le sont toujours à celui ou à ceux en faveur de qui elles ont été soutenues. Les erreurs en fait de privilèges ont élé funestes aux privilégiés ; les erreurs favorables à la tyrannie ont été funestes aux tyrans; les erreurs en faveur de l’usurpation ont été funestes aux usurpateurs ; tant il est vrai que l’on trompe et que l’on perd tôt ou tard celui ou ceux que l’on veut favoriser aux dépens des règles souveraines et primitives de justice ! N’ayons donc plus la faiblesse de n’oser regarder un principe en face, et de nous amuser à calomnier les conséquences. Si ce principe est une vérité, toutes ses conséquences seront des vérités; et physiquement et moralement, et dans tous les sens, il est impossible que ces vérités ne soient bonnes, utiles, et qu’il ne faille les adopter. 11 est impossible en même temps que les idées contraires soient fausses, mauvaises et nuisibles, et qu’il ne faille les rejeter. Je sais bien qu’en politique, il faut calculer avec les passions qui dérangent quelquefois les plus sa�es raisonnements. Mais ce qu’il faut bien observer, c est que les passions humaines n’ont jamais plus beau jeu que dans un pays où les principes sont méconnus, car qui pourrait les arrêter ? L’intérêt personnel est la passion primitive d’où découlent toutes les autres : c’est lui qui tend sans cesse à déplacer les hommes et les choses pour l’avantage particulier des perturbateurs. Mais jamais l’intérêt personnel n’est plus puissant et plus multiplié que lorsque l’intérêt public ne domine pas; celui-ci doit dominer avec un tel empire, que tous les intérêts particuliers se taisent devant lui; et il n’aura cette domination toute-puissante que lorsque les principes seront établis dans toute leur pureté et leur rigidité. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789.] 571 jamais se tromper, et il ne se trompera jamais quand il ne fera pas la loi. Mais les rois sont hommes, et si vous les créez législateurs, vous les dévouez aux erreurs de l’humanité, et par conséquent à la censure des peuples; peut-être à leur mépris, peut-être à leur haine, si vous rendez aux rois le service perfide de les associer à la législation, et de substituer un seul instant leur volonté, qui peut errer, à la volonté générale qui ne se trompe point. Je soutiens donc, Messieurs, que ce serait mal servir, que ce serait mal aimer votre Roi que de l’exposer au malheur de pouvoir s’opposer à des lois qui seraient demandées par son peuple. 11 ne le fera jamais, vous dit-on ! Mais ceux qui parlent ainsi vous répondront-ils des princes qui occuperont successivement le trône, de leur éducation, de leur caractère, de leurs lumières, de leur esprit, des flatteries dont ils sont entourés, des conseils perfides qui les assiégeront, et de toutes ces ressources que déploient toutes les passions, pour séduire les rois, et les exposer à la haine et à la malédiction des peuples? L’histoire des rois ne nous en offre-t-elle aucun exemple? Ou plutôt nous parle-t-elle d’autre chose? S’il n’y a rien de plus grand à mes yeux qu’un roi exécuteur infaillible de la volonté infaillible de tous, il n’y a rien de plus faible, de plus malheureux, je ne crains pas de le dire, qu’un roi qui pense que sa volonté doit remplacer la volonté générale, qui fait taire toutes les bouches, et dont l’absurde prétention le porte à croire qu’il connaît mieux que les peuples tout ce qui peut leur convenir. C’est dégrader un roi que de lui persuader qu’il a cette science; c’est le tromper, c’est lui tendre des pièges, c’est être responsable envers lui et envers les peuples de toutes les erreurs où il pourra tomber ..... Quels temps sont donc les nôtres, Messieurs, puisque nous pouvous direct entendre librement ces grandes vérités! Et quel prince, que celui sous le règne duquel on peut les dire, sans craindre d’en être désavoué! Il ne sera plus roi, vous dira-t-on; il ne sera plus maître! Je n’entends pas ces mots, et j’ai besoin qu’on me les explique. Veut-on dire qu’il ne sera plus despote? C’est le plus grand service que vous puissiez lui rendre. Veut-on dire que la nation fera désormais elle-même ses lois? C’est tout ce que doit désirer un prince qui veut rendre ses peuples heureux. Veut-on dire que ses volontés arbitraires ne prendront plus la place de la loi? Et quel bonheur pour lui, s’il peut voir enfin la loi remplacer les ordres arbitraires ! Quelle heureuse destinée de ne pouvoir jamais faire du mal ! Quelle gêne salutaire que de pouvoir échapper aux séductions artificieuses des cours ! Quelle douceur pour une conscience honnête et pure que de ne pouvoir jamais faire que le bien ! Il ne sera plus Roi , il ne sera plus maître! Il le sera bien davantage; car il sera respecté comme la loi, il sera maître de tous les cœurs. 11 suit, Messieurs, de ce que le pouvoir législatif ne peut pas être divisé, de ce qu’il ne peut pas être aliéné en tout ou en partie, que ce n’est pas sur ce motif qu’on peut accorder au Roi un veto qui serait un acte de législation. Cependant, si vous jugiez nécessaire de prendre des précautions contre vos représentants, vous pourriez vous arrêter sur cette idée que le Roi doit pouvoir suspendre l’exécution d’une loi, afin de s’assurer mieux de la volonté générale des peuples. Il me paraît évident alors qu’il faudrait partir d’un autre principe, et il n’y en a qu’un de vrai : c’est que le roi est l’exécuteur de la loi; et comme tel, vous lui accorderiez le droit d’en arrêter l’exécution, en refusant la sanction qui la précède. Alors cet acte du Roi ne serait pas un acte de législateur qui concourt à la loi, et qui peut la vouloir ou ne pas la vouloir, mais un acte de magistrat suprême qui en retarde la sanction. C’est, si je puis m’exprimer ainsi, un plus amplement informé ; c’est, pour mieux dire, un appel qu’il fait des représentants de la nation à la nation elle-même. Et je ne doute pas que cette attribution accordée au pouvoir exécutif ne soit d’accord avec le principe, en ce point que les décisions des représentants de la nation peuvent n'être pas toujours celles de la nation elle-même, et qu’ils peuvent errer. Et, en ce cas, on ne peut nier que la nation n’ait droit et intérêt à donner un équilibre à ses représentants, afin que ceux-ci, durant le sommeil ou les distractions de la nation même ne puissent pas sacrifier ses droits. Cette attribution donnée à l’exécuteur suprême des lois ne répugne point à son titre, à son droit unique, puisqu’elle ne défend pas de porter la loi, et que le Roi n’a pour but, en refusant sa sanction, que d’avertir la nation que ses représentants se sont trompés. Mais il est indispensable que la nation soit avertie, qu’elle soit invitée à s’assembler pour exprimer sa volonté précise, que l’appel enfin soit notifié ; autrement, de sessions en sessions, de refus en refus, le prince aurait le droit d’arrêter tout, l’Assemblée nationale serait un fantôme chimérique, et le Roi deviendrait despote. C’est ce que vous déterminerez, Messieurs, dans votre sagesse, quand vous prononcerez sur la sanction royale; quand vous déciderez, sans doute, que le refus de sanctionner n’aura lieu que d’une Assemblée nationale à l’autre, et que les Assemblées nationales seront permanentes et annuelles. Je me proposais, Messieurs, de développer aujourd’hui mon opinion sur le projet de deux Chambres, et d’appliquer à l’examen de cette question les principes que je viens d’exposer. Mais j’abuserais de votre attention; et me fixant à l’objet dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir, je vais exposer mes idées dans une suite de principes de loi que je soumets à votre examen. Il y aura tous les ans une Assemblée nationale, dont la durée sera de quatre mois. Les lois seront déterminées par l’Assemblée nationale. Toute loi déterminée par l’Assemblée nationale sera portée au Roi pour recevoir la sanction. Le Roi pourra refuser sa sanction à la loi ; mais il fera avertir les assemblées provinciales de son refus. Toutes les Assemblées provinciales recevront du Roi une copie de la loi, elles l’enverront aux municipalités qui l’examineront et la discuteront. Elle sera portée ensuite aux assemblées d’élection, qui discuteront et recueilleront les avis à la pluralité des suffrages. Ces avis serviront d’instruction aux députés. Les députés ne porteront point de mandats impératifs; ils porteront un pouvoir simple et libre, et dans l’Assemblée nationale on délibérera toujours à la pluralité des suffrages. Si le Roi refuse sa sanction à une loi, l’élection des députés à cette Assemblée sera annulée, et l’on procédera à une nouvelle élection. (Cet article est fait dans la supposition que les députés seraient nommés pour deux ans.) §72 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789.] L’Assemblée nationale suivante sera convoquée à l’époque ordinaire. Si l’Assemblée nationale suivante déclare que la loi est nécessaire, le Roi la sanctionnera. M. Alexandre de Lainctli. Lorsque la nation adopte la Constitution qui lui est proposée, c’est-à-dire qu’elle approuve la manière dont les différents pouvoirs ont été constitués et organisés, qu’elle approuve les fonctions, et limite les prérogatives et les devoirs qui lui ont été attribués, qu’elle approuve également les précautions qui ont été prises, pour qu’ils ne puissent entreprendre les uns sur les autres; la Constitution n’est donc autre chose que l’organisation et la distribution des pouvoirs. Ces pouvoirs sont le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif : le premier produit les actes qui sont obligatoires pour tous, le second fait exécuter. Cette division, cette réparlition absolue dans leurs fonctions mutuelles, semble, au premier coup d’œil, la seule véritable; mais, en y réfléchissant, on s’aperçoit bientôt que la loi’étant obligatoire, même pour celui qui la fait exécuter, elle pourrait être faite à son désavantage, et pour militer contre lui. Ces conquêtes d’un pouvoir sur un autre, détruisant la Constitution, il s’ensuit qu’elles doivent être rendues impossibles.il s’ensuit donc qu’il faut donner au pouvoir exécutif une arme pour se défendre s’il était attaqué. De là la nécessité de la sanction ou du veto royal. Mais quel sera ce veto? sera-t-il absolu ou simplement suspensif? Voilà la véritable question, la véritable difficulté. Les pouvoirs, comme je l’ai dit, émanent de la nation, ceux qui les exercent sont ses délégués; ils sont les dépositaires de la Constitution, ils en sont les conservateurs. Or, les représentants d’une nation font une loi, ils la proposent au Roi pour la compléter par son acceptation, et pour la faire exécuter. Si le Roi la rejette, ce ne peut être que sous des prétextes, ou parce qu’elle est contraire à la Constitution ou parce qu’il ne la croit pas conforme à la volonté générale : alors il la renvoie aux représentants. Si les représentants ne pensent pas que la loi soit contraire à la Constitution, s’ils la croient nécessaire ou utile, ils persistent. Dans ce conflit d’opinions et de volontés, qui décidera? qui l’emportera? quel est le véritable juge qui doit terminer le différend ? La nation. C’est par elle et pour elle que sont in&titués les représentants et le Roi; c’est sa volonté qui doit être faite; c’est son bonheur qui doit être assuré. C’est donc elie qui doit être constituée pour faire connaître sa volonté, pour indiquer les moyens d’assurer son bonheur. L’appel au peuple est donc indispensable. Le droit de dissoudre et d’ordonner une nouvelle élection doit donc appartenir au lioi. Par ce moyen il sera formé une nouvelle législature ; les formes prescrites auront donné à la nation le temps de s’éclairer et de s’instruire sur le danger de la loi. Par son choix elle décidera si elle l’approuve ou la rejette : ses nouveaux représentants seront ses organes; s’ils proposent de nouveau la loi, le Roi, instruit de la volonté générale, devra la faire exécuter. Plusieurs objections s’élèvent contre cette obligation. Où en serait le monarque, dit-on, d’ètre forcé de souscrire à la loi proposée? Cette obligation est peu compatible avec sa dignité. Quant à moi, j’avoue que je ne puis concevoir comment elle pourrait en être blessée. Que le Roi refuse d’obéir aux volontés des représentants, il en a le droit; ils sont, comme lui, les délégués de la nation ; mais obéir à la volonté générale, c’est un devoir auquel il ne peut se soustraire, c’est le but de noire institution. On objecte aussi que ces dissolutions de la législature, que ces réélections de députés pourront être fréquentes et jeter un grand trouble dans le royaume. Je répoudrai d’abord que lorsque les districts seront établis, rien ne sera plus facile ni plus prompt que les élections, et j’ajouterai ensuite que je pense que la dissolution n’aura lieu que très-rarement ; car d’abord il est certain que les représentants ne se mettront pas dans le cas d’être dissous lorsqu’ils seront sûrs que la loi qu’ils proposeront doit être approuvée par la nation ; puisque, s’il en était autrement, d'autres députés leur seraient préférés, et seraient renvoyés à leurs places. Ainsi la désapprobation les retiendra; le Roi, de son côté, ne refusera jamais la loi que lorsqu’elle pourrait être nuisible à la nation, puisque, s’il en était autrement, il doit s’attendre que la nation approuvera ses représentants, et qu’il sera obligé de souscrire à la loi. Ces deux considérations me font croire qu’une mutuelle circonspection de la part des deux pouvoirs les maintiendrait dans de justes bornes. A défaut de raisons à alléguer en faveur de la résistance de la volonté d’un seul contre la volonté de tous, on nous cite l’exemple de l’Angleterre; on nous rappelle qu’il y a quelques années, nous jetions des yeux d’envio, ou plutôt des regards d’admiration sur ce pays si bien gouverné, soumis à une si bonne Constitution. Mais je répéterai ce que j’ai déjà dit, que le désir que nous avions d’en obtenir une semblable ne prouverait pas qu’elle fût sans défaut. Certes, il n’était pas nécessaire qu’elle fût parfaite pour être l’objet des vœux d’une nation gouvernée par des intendants, des commandants militaires, des arrêts du conseil; soumise à des lettres de cachet, à toutes les vexations de la fiscalité, à des contributions immenses consenties par des magistrats, et gaspillées par des ministres. Certes, un pareil ordre de choses ne rendait pas difficile sur celui qu’on pouvait désirer. On ne peut nier sans doute que la Constitution d’Angleterre ne présente de grands avantages, qu’elle ne soit la meilleure qui existe en Europe. Mais s’ensuit-il qu’elle soit la meilleure qui puisse exister ? Depuis un siècle, les lumières, les con - naissances politiques n’ont-elles rien gagné ? Eh ! n’avons-nous pas sur L’Angleterre le précieux avantage de pouvoir ordonner en même temps toutes les parties de notre Constitution, tandis que la sienne a été faite à différentes époques, à différentes reprises ? Les Anglais eux-mêmes ont été obligés décomposer avec des préjugés, et nous n’avons à consulter aujourd’hui que les droits et les intérêts du peuple. Je reconnais cependant aux Anglais un grand avantage sur nous : c’est qu’ils ont combattu des siècles pour conquérir la liberté, et que nous, suivant notre impétuosité ordinaire, et profitant des circonstances uniques, nous l’avons, pour ainsi dire, prise d’assaut. Il résulte de cette différence, que l’esprit public n’est pas encore bien établi en France, et que les Anglais, au contraire, ont acquis un caractère énergique et vigoureux, qui a valu bien des éloges à leur Constitution, et qui l’a bien souvent suppléée. Il suit de ces réflexions, que c’est moins les exemples que les principes qu’il faut consulter ; et, me résumant d’après ceux que j’ai développés, lAssemblée nationale.. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mon opinion est que la loi doit être faite par les représentants, et acceptée par le Roi; qu’il ne peut la refuser qu’en consultant la volonté générale, par appel au peuple, et que, cette volonté générale manifestée par une seconde législature, il ne peut y opposer que sa volonté personnelle; enfin, que la Constitution doit donner au Roi le veto suspensif. M. Dupont a la parole ; il commence par une invocation au Ciel, après quoi il continue ainsi. M. Dupont de Hemours. C’est une vérité éternelle que je vais prononcer : aucune nation n’a voulu être gouvernée par le pouvoir arbitraire. Les peuples qui gémissent dans l’esclavage en sortent tôt ou tard, recouvrent leurs droits et prennent des précautions pour ne plus retomber dans la servitude. De là la nécessité d’une constitution; c’est une garde qui veille autour de la liberté ..... Mais, pour me renfermer dans l’ordre du jour, je vais m’occuper de la permanence et de l’organisation de l’Assemblée nationale. Quoique mes idées soient les mêmes que celles des préopinants sur ces deux objets, moa langage est pourtant différent. Je ne crois pas qu’il y ait de permanence pour une Assemblée dont les membres doivent être renouvelés. On a proposé de donner des pouvoirs pour trois ans aux représentants de la nation. Ce terme me paraît trop long. Il peut être funeste pour la nation même. Des hommes revêtus du pouvoir législatif pendant trois ans peuvent se laisser aller au penchant de dominer, si naturel au cœur humain. Je demande et je désire que nos commettants renouvellent tous les ans leurs représentants; je ne veux pas dire pour cela qu’un député ne puisse être continué. Avoir bien mérité de la patrie n’est pas un titre d’exclusion pour la servir encore; mais je demande que ses pouvoirs soient renouvelés au bout d’un an. C’est le moyen de conserveries droits du peuple, et d’étouffer l’orgueil qui fait croire à l’homme en place qu’il doit toujours y être. Je demande que cette Assemblée, qui doit être une, soit divisée, pour le travail, en deux Chambres, elles seront composées de membres choisis par les assemblées élémentaires, sans aucune distinction. Je demande que, sur trois députés, celui en qui le peuple trouvera plus de maturité soit destiné à entrer dans une de ces Chambres, que l’on nommera Sénat si vous voulez, et que les deux autres soient membres de la Chambre des représentants. Ce Sénat, composé de nos égaux, discutera les projets de la Chambre des représentants, fera ses représentations, développera les idées, les raisons qui lui feront adopter ou rejeter les opérations de la Chambre des représentants. Le Sénat insistera jusqu’à trois fois ; après quoi, si les avis sont encore partagés, les deux Chambres se réuniront pour prononcer sur le sujet de discussion, à la pluralité des voix. Quant à la sanction royale, je pense que l’on doit éviter les extrêmes. Le Roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit avoir ses droits. Il serait dangereux pour la nation que le pouvoir législatif pût agir indépendamment du pouvoir exécutif, et réciproquement le pouvoir exécutif indépendamment du pouvoir législatif. Alors elle n’aurait plus qu’à choisir entre l’hydre de Lerne ou le dragon dë Cadmus. [4 septembre 1789.] 735 II est nécessaire qu’aucune autorité ne puisse porter des lois sans être revêtues de sa sanction. Les représentants proposeront des lois, le Sénat n’aura qu’à discuter. S’il arrivait des cas de contradiction, le Roi dirait : Cela ne me paraît pas juste. Voilà le cas d’en appeler au peuple. 11 jugera et se décidera, soit en faveur de ses représentants, soit en faveur du Roi. Ce jugement sera prononcé dans les cahiers de la prochaine session. Je propose l’arrêté suivant : 1° L’Assemblée nationale aura lieu tous les ans, après une élection nouvelle de tousses membres. 2° Elle sera divisée pour le travail ; 3° Les représentants proposeront des lois, et le Sénat les discutera; 4° Les pouvoirs ne pourront être prorogés au delà d’un an ; 5° S’il est proposé par les représentants une loi ou un décret qui souffre des difficultés, il en sera discuté au Sénat; 6° Les discussions et les représentations du Sénat auront lieu jusqu’à trois fois ; 7° L’Assemblée nationale ne pourra porter aucun décret sans l’assentiment du Sénat; 8° S’il arrive que le Sénat ne donne pas son assentiment, il fera ses représentations; 9° Après une discussion réitérée jusqu’à trois fois dans le Sénat, la Chambre des représentants invitera les membres du Sénat à se réunir, pour prononcer en commun ; 10° Aucun décret ne fera loi qu’après la sanc~ tion ; 11° En cas de contradiction, le peuple ou les électeurs pour le peuple, exprimeront leur vœu ; 12° Si le plus grand nombre regarde la foi ou plutôt le projet de loi comme utile, le Roi ne pourra refuser sa sanction. M. le vicomte de Mirabeau. J’avais demandé la parole sur là sanction, mais la chance du bureau m’a été défavorable; au reste, ce qui est arrivé au cadet eût pu arriver à l’aîné, et le malheur eût été d’une tout autre conséquence. Je me plains, et je réclame contre tous les moyens qu’on veut employer pour l’organisation de l’Assemblée nationale ; je réclame contre la permanence, et je m’appuie sur mes cahiers, quoique ce moyen paraisse être tombé en désuétude. Le Sénat qu’on veut introduire a révolté tous les esprits : la chose est si vraie qu’on a cherché tous les pays du monde pour comparer ce Sénat de nouvelle invention. On a été jusqu’à vouloir prétendre qu’on voulait introduire le Sénat vénitien en France. Il est pourtant vrai que le Sénat proposé n’a pas. plus de rapport avec le Sénat de Venise que la dignité d’un consul d’un village provençal n’en a avec la dignité d’un consul romain. Ce Sénat proposé n’est autre chose que le grand conseil de nos anciens rois ; n’importe quelle dénomination on lui donne, les inconvénients seraient les mêmes. L’abus reconnu dans le grand conseil donna naissance aux parlements tels que nous les avons vus. Les parlements, quoi qu’on en puisse dire, quels qu’aient été leurs motifs, ont donné lieu à la révolution présente. Ainsi, en parcourant un cercle vicieux, nous retomberions dans les mêmes inconvénients. Je me résume à demander, conformément à mes cahiers, la périodicité de l’Assemblée nationale, et je me range de l’avis de M. Target pour l’organisation de l'Assemblée. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1789. J 574 [Assemblée nationale.] M. de Clermont-Tonnerre. La Constitution résulte de la balance des pouvoirs ; il n’y aura pas de balance sans permanence dans l’Assemblée nationale. La souveraineté réside essentiellement dans la nation ; s’appesantir davantage sur cette vérité, ce serait vouloir prouver l’évidence. Dans les circonstances actuelles il faut que l’Assemblée des représentants soit une. Les sacrifices qu’il faut faire à la patrie exigent cette unité. Sans cette réunion, les sacrifices de ces droits, qui se cachent dans les replis de ce qu’on appelle ancienne féodalité, n’auront jamais lieu. Mais à présent que tous les sacrifices sont faits, il faut se prémunir contre les oscillations populaires, qui causent souvent les plus grands malheurs. Avant de prendre un aplomb, on doit être d’autant plus en garde, qu’il existe une classe d’hommes méchants qui ne trouvent leur compte que dans les innovations, et qui n’aiment qu’à faire le mal. Pour conserver, il faut d’autres motifs que pour créer et détruire. Les représentants doivent toujours être en garde contre la précipitation, contre la séduction. De là, j’opinerais pour deux Chambres, sans que l’une eût droit de veto sur l’autre ; le Sénat sera chargé de l’examen, la Chambre des représentants de proposer des lois. Pour établir la balance des pouvoirs, il suffit, ce me semble, de la permanence de l’Assemblée nationale, de la responsabilité des agents du pouvoir exécutif; et pour que celui-ci ne puisse avoir rien à craindre du pouvoir législatif, je suis d’avis d’accorder au roi le veto absolu. Je me résume ainsi : La liberté et la tranquillité de la France exigent la permanence des Assemblées. Une Chambre unique étant d’une activité et d’une force irrésistibles est nécessaire pour tout créer. Jamais l'hydre aux trois têtes n’aurait permis de faire une Constitution ; mais tout doit changer pour l’avenir : il faut plus de moyens pour conserver que pour acquérir ; et la précipitation doit être évitée dans un Corps législatif. Il faut des moyens modérateurs, et pour cela joindre à la Chambre nationale un second corps, mais sans veto absolu ; ce serait les armer l’un contre l’autre ; le veto de la seconde Chambre doit être seulement suspensif, et produire un second examen avant de former la loi. Je ne donne rien à la naissance et au rang dans la composition du Sénat. La distinction de l’âge ui, comme le sort, n’afflige personne, étant 'ailleurs le signe de l’expérience, doit être le caractère des sénateurs ; mais point de places héréditaires ni viagères ; renouvellement des élections tous les deux ans ; point de renouvellement partiel, source d’aristocratie et d’esprit de corps. 11 ne faut qu’un esprit national. Examinant ensuite s’il peut y avoir indépendance entre deux pouvoirs constitués, je pense qu’il faut l’établir, et ne donner ni à l’un ni à Fautre le pouvoir de se détruire. Si l’un des pouvoirs avait un empire absolu sur l’autre, vous verriez dissoudre l’état monarchique. J’opine pour la permanence et la sanction intacte. La séance se lève à deux heures et demie, et M. le président annonce la séance pour le lendemain neuf heures. ANNEXE à la séance deV Assemblée nationale du 4 septembre 1789. RAPPORT Fait au comité des droits féodaux le 4 septembre 1789, sur l’objet et V ordre du travail dont il est chargé. Par M. Mcrlisi, député de Douai à V Assemblée nationale, secrétaire dudit comité (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale). Messieurs, chargés par l’Assemblée nationale, sous le titre de comité des droits féodaux , de préparer les matériaux des lois qu’elle doit faire pour l'exécution d’une partie des décrets arrêtés les 4, 6, 7, 8, 10 et 11 août, nous ne pouvons mieux commencer notre travail que par une détermination précise, et de son objet, et de l’ordre auquel il convient de l’assujettir. L’objet de notre travail n’est pas équivoque. Les droits féodaux sont soumis indéfiniment à no? recherches et à notre examen ; et vous savez, Messieurs, que quoique ces mots, droits féodeaux, ne désignent, dans leur sens rigoureux, que les droits qui dérivent du contrat de fief, et dont l’inféodation même est le principe direct; on ne laisse pas, dans l’usage, d’en étendre la signification à tous les droits qui, se trouvant le plus ordinairement entre les mains des seigneurs, forment par leur ensemble ce que Dumoulin appelle complexum feudale (2). Ainsi, quoique les rentes seigneuriales, les droits de champart, les corvées, les banalités, les prestations représentatives de l’ancienne servitude, etc., ne soient pas, à proprement parler, des droits féodeaux, nous ne laisserons pas de nous en occuper ; j’ose même dire que les laisser à l’écart, ce serait tromper les vues du décret de Y Assemblée nationale qui a établi notre comité. Par la même raison, les droits de justice doivent entrer dans le cadre de nos travaux, non-seulement parce que les justices seigneuriales dérivent de la féodalité et se sont établies avec l'hérédité des fiefs (3), mais encore parce qu’il y a plusieurs provinces où s’est conservé l’ancien axiome, la justice suit le fief , et il n'est point de fief sans justice. Nous ne devons pas même exclure de notre examen les rentes purement foncières que lMs-semblée nationale a déclarées rachetabjes. L’achat de ces rentes sera naturellement soumis a des règles communes à celui de quelques prestations seigneuriales ; et dès lors il n’y a nulle raison pour ne pas nous occuper des unes en même temps que des autres. Quant à l’ordre qui doit diriger nos recherches et nos discussions, il ne faut, pour le bien con-(1) Le rapport de M. Merlin do Douai n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Sur la coutume de Paris, tit 1, g 51. Gl. 1, n° 1. (3) Il n’y a guère que Loyseau qui ait prétendu que la justice et le fief ont toujours été deux objets séparés. Le comte de Boulainvillers, l’abbé de Fleury, de Lauri'ere et le président de Montesquiou, qui connaissaient s bien les monuments anciens de notre droit public, assurent tous, au contraire, que dans l’origine, la juridiction suivait toujours le fief, et il est impossible de se refuser aux preuves qu’ils en donnent,