258 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Une députation des artistes du Théâtre de l’Égalité est admise. VERTEUIL, orateur : Législateurs, vous avez mis les vertus à l’ordre du jour; l’huma-nité est sans doute la première. Nous sommes dans le sein de la Convention nationale les organes d’une nombreuse société d’artistes, dont les talents fournissent à l’existence de quinze cents citoyens composant leurs familles. Nous exercions notre art sous l’administration d’administrateurs intelligents, dans le plus beau théâtre et le mieux situé de Paris, lorsque nos directeurs, victimes des pamphlets du Père Duchêne et du club électoral, furent incarcérés, sur le réquisitoire de Chaumette, agent national de la commune. Nous restâmes sans guides, sans ressources, abandonnés à nous-mêmes. Ce ne fut que par grâce, et par une sorte de compassion pour nos familles, que la commune nous laissa la jouissance du Théâtre National, où nous vécûmes de privations pendant six mois, employant nos modiques recettes à payer les dépenses préparatoires que nécessitaient les grands ouvrages que nous devions offrir au public et que nous avions puisés dans les fastes et faits héroïques de notre glorieuse révolution. C’est à l’instant où nous allions les mettre en scène que nous reçûmes l’arrêté du comité de Salut public, en date du 27 germinal, qui disposait de notre théâtre en faveur des artistes de l’Opéra, et nous translatait au théâtre du faubourg Germain. La lettre du ministre de l’Intérieur ne nous permit aucun délai que celui de trois jours. Alors la petitesse de notre nouvel atelier ne nous permit aucune possibilité de pouvoir mettre en activité tous nos genres de talents, et nos dépenses premières furent perdues pour nous et pour la progression des arts. Un nouvel arrêté du comité de Salut public, en date du 18 prairial, établit l’organisation provisoire des théâtres. D’après un régime particulier pour ceux des Arts et de l’Égalité, il fut nommé pour eux un agent national surveillant la recette, la conduite et le payement des artistes. Nous fumes consolés de nos maux par l’honneur d’appartenir au gouvernement, et par l’espérance de voir effectuer le projet accepté depuis trois mois pour l’agrandissement de notre salle. Un troisième arrêté du comité de Salut public, en date du 5 thermidor, réunit à notre société les artistes du ci-devant Théâtre-Français, et cette augmentation nous engagea à solliciter des comités une prompte organisation. On nous renvoya après celle du Théâtre des Arts; et puisque la munificence nationale a réglé son sort, nous croyons pouvoir venir à notre tour, sous le niveau de l’égalité, réclamer les secours et l’organisation que nous avons droit d’attendre du gouvernement. Nous avons remis, depuis six décades, aux comités réunis des Finances et de l’Instruction publique, le tableau financier de notre théâtre. Il prouve qu’il existe, après cinq mois de travail et de zèle, et malgré notre réunion aux talents des artistes du Théâtre Français, un déficit pour le complément du payement de tous, provenant autant du retard à former l’organisation que du malheureux emplacement de notre théâtre, situé dans un quartier éloigné et désert. C’est la rentrée de ce déficit que nous venons réclamer. Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance. Un membre demande le renvoi de cette pétition au comité, pour qu’il organise cette partie d’instruction publique. Cette proposition est décrétée (76). 27 Un secrétaire donne lecture d'une adresse de la société populaire de l’Isle [-sur-la-Sorgue], département de Vaucluse. A peine les représentans Rovère et Poultier eurent-ils abandonné ces malheureuses contrées, qu’ils étoient venus organiser en département que la paix et le bonheur qu’ils y avoient ramenés, s’enfuirent avec eux pour faire place à tous les crimes, à toutes les horreurs que l’esprit de vengeance et de faction est capable d’enfanter pour déchirer la patrie. Les maisons d’arrêt, devenues comme autant de gouffres qui dévoient engloutir la population de ce département, furent encombrées de citoyens de toutes les classes, de tout âge et de tout sexe; plusieurs péris-soient d’inanition ou de l’air empesté qu’on respiroit dans ces affreux séjours : les autres dévoient périr sur l’échafaud. Le décret de la Convention qui suspendit toute espèce d'exécution, commença l'ouvrage que les représentans Goupilleau [de Montaigu] et Perrin ont si dignement achevé ; ils ont rendu nombre d’innocentes victimes à la liberté ; ils ont rendu à la culture des milliers d'arpens de terre qui réclamoient en vain les bras du cultivateur. L’énergie et la sagesse des représentans Auguis et Serres dans leur mission à Marseille [Bouches-du-Rhône] ont puissamment coopéré à ramener dans le midi la justice et le bonheur. Tel est le tableau que les membres de cette société populaire présentent à la Convention sur la situation de leur pays. Ils finissent en protestant de rester à jamais unis à la Convention et de la reconnoître toujours pour leur unique point de ralliement. (76) Moniteur, XXII, 511. J. Mont.,, n° 32 et J. Paris, n° 56 indiquent que l’affaire est renvoyée au comité d’instruction Publique pour en faire un rapport dans la décade suivante. Mess. Soir, n° 820 indique le renvoi aux comités des Finances et de Salut public pour en faire un rapport dans le délai d’une décade. F. de la Républ., n° 56, indique le renvoi aux comités des Finances et d’instruction publique et le même délai pour le rapport. Mentions dans J. Fr., n° 781; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. R. F., n° 55. SÉANCE DU 25 BRUMAIRE AN III (SAMEDI 15 NOVEMBRE 1794) - N08 28-30 259 Mention honorable, insertion au bulletin (77). On lit une adresse de la société populaire de l’Isle, département de Vaucluse. « Lorsque nos braves représentants Rovère et Poultier, dit-elle, lurent envoyés dans cette contrée pour organiser le nouveau département créé par vous, sous le nom de département de Vaucluse, et démembré de celui des Bouches-du-Rhône, ils vivifièrent partout le patriotisme opprimé et portèrent partout le bonheur et la tranquillité dans toutes les familles. Toujours prêts à secourir l’indigent, leurs jours se comptèrent par des bienfaits ; l’aristocratie fut anéantie, nous jouîmes d’une existence nouvelle. Ah ! dignes représentants, vous nous quittâtes trop tôt, pour aller confondre des calomnies dirigées contre vous par une faction nouvelle ; et ces beaux jours s’évanouirent. Bientôt livrés à de nouveaux dangers, Robespierre, nouveau Catilina, parlant toujours vertu et probité, entouré de satellites sanguinaires, dictant ses ordres avec un goût tyrannique ; ce mangeur d’hommes, pour exercer plus sûrement ses actes de barbarie, fit remplir les cachots des plus chauds patriotes; les maisons d’arrêts s’encombrent de cultivateurs, d’artisans, de vieillards, de femmes enceintes ou allaitent leurs enfants ; il en périt même faute de secours ; la terreur s’empare de toutes les âmes; par un citoyen qui n’eût à regretter un des siens; les opinions ne peuvent plus se manifester dans les sociétés populaires, devenues désertes par la fuite de leurs membres menacés par la faction. Encore quelques jours, c’en était fait de la République ; le despotisme renaissait plus furieux que jamais, et, la détestable conjuration se consommant dans le silence, l’échafaud aurait de suite étouffé les cris du désespoir, retentissant d’un bout à l’autre de la République. Instruit de nos malheurs, un décret émané de votre sagesse suspendit toute espèce d’exécution ; les dignes représentants du peuple Gou-pilleau [de Montaigu], et Perrin arrivèrent dans nos contrées; leurs coeurs sensibles se soulèvent; ils frémissent au récit des horreurs qui se sont commises, et donnent la liberté à nombre d’innocentes victimes. Des milliers d’arpents de terre abandonnés par nos agriculteurs incarcérés, ou que la terreur avait fait fuir, sont cultivés. Oui, Goupilleau et Perrin, la justice et le bonheur ont suivi vos pas; le bien que vous nous avez fait nous retrace sans cesse les jours heureux dont nous jouissions pendant la mission, dans ces contrées, de vos collègues Rovère et Poultier, vertueux comme vous. Nous ne balançons pas de placer au même rang dans notre opinion les dignes représentants du peuple Serre et Auguis, qui, par leur sagesse et leur énergie, ont su arrêter les progrès d’une faction qui s’élevait dans Marseille, par une suite de ce même système destructeur. Représentants, nous jurons unanimement de ne jamais nous séparer de la Convention, notre (77) P.-V., XLIX, 218. seul et unique appui; de périr avec elle plutôt que de souffrir qu’on lui porte la moindre atteinte, de rester debout jusqu’à ce que vous ayez assuré le bonheur du peuple. Plaine, Marais, Montagne, Muscadins, et toutes espèces de distinction nous sont inconnues, notre seul point de ralliement étant la Convention et notre cri : Vivent la République française, une et indivisible, la liberté, l’égalité et la Convention ! Périssent les traîtres et les conspirateurs ! » {On applaudit à plusieurs reprises.) Cette adresse sera insérée au Bulletin avec mention honorable (78). 28 Les citoyens de la commune de Cou-tances [Manche] félicitent la Convention nationale sur ses travaux : le vœu du peuple n’est pas douteux, disent-ils ; comme lui vous voulez la liberté dans toute sa plénitude, et non un règne de sang et de terreur. Mention honorable, insertion au bulletin (79). Les citoyens de la commune de Coutances félicitent la Convention sur ses travaux. « Continuez à bien mériter de la patrie, disent-ils ; faites toujours régner la justice et la vertu avec la sévérité des lois. Le vœu du peuple n’est pas douteux ; comme lui, vous voulez la liberté dans toute sa plénitude, et non dans un règne de sang et de terreur » (80) 29 La société populaire d’Aurillac [Cantal] rétracte l’adhésion qu’elle avoit donnée à l’adresse de Dijon; elle déclare que cette adhésion fut l’ouvrage de l’intrigue. Elle jure de n’avoir point de ralliement qu’au-tour de la Convention. Elle invite l’Assemblée à faire insérer sa rétractation dans le bulletin. Décrété (81). 30 Le citoyen Blondeau, ci-devant chef du neuvième bataillon du Doubs, sollicite de la Convention sa réintégration dans ce poste. (78) Moniteur, XXII, 512-513. (79) P.-V., XLIX, 219. (80) Moniteur, XXII, 508. Débats, n° 784, 795. (81) P.-V., XLEX, 219. Moniteur, XXII, 508. Débats, n° 784, 795. Voir Arch. Pari., 24 brum., n° 4.