[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1791.1 g" Un membre observe que les peiues portées dans cet article ne sont pas suffisantes, parce qu’il est ici question de violences commises avec préméditation et de guet-apens ; il propose la peine de mort. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 28. « Lorsque les violences spécifiées aux articles 23, 24, 25 et 26 auront été commises avec préméditation et de guet-apens, les coupables seront punis de mort. » {Adopté.) Lecture est faite de l’article 29, ainsi conçu : « La même disposition aura lieu, et les peines portées en l’article précédent seront encourues, lorsque les violences ci-dessus spécifiées auront été commises dans la personne du père ou de la mère naturels ou légitimes, ou de tous ascendants légitimes du coupable, encore qüe le crime ait été commis sans préméditation. « Si le crime a été commis envers lesdites personnes avec préméditation, la durée de la peine portée au présent article sera double. » M. Populus. Je demande que, contre cette espèce de parricide, on prononce la peine de mort. M. Mougins de Roquefort. Vous puniriez de la même peine celui qui aurait mutilé ses parents et celui qui les aurait privés de la vie ! Ce serait dénaturer les principes que vous avez établis et qui ont créé cette gradation qu’un législateur sage et juste doit fixer entre les délits et les peines. Pourquoi punir l’enfant imprudent en colère, qui, sans préméditation, frappe les auteurs de ses jours, comme la loi punirait l’enfant dénaturé et barbare qui leur ôterait le jour? Je demande que l’article du comité soit décrété. M. iLe Pelletier -Saint-Fargeau , rapporteur. Je convertirai, si l’on veut, la peine de 4 ans de détention en 8 ans et celle de six ans de chaînes en celle de 9 ans. M. Populus. Un peuple libre doit avoir des mœurs ; or, rien n’est plus nécessaire au maintien des mœurs et de l’autorité paternelle, pour laquelle on ne saurait inspirer trop de respect, que de sévir fortement contre les enfants assez dénaturés pour porter la main sur ceux de qui ils tiennent la vie. Le moindre délit en ce genre est très grave et ne peut être trop sévèrement réprimé. J’opine pour la peine de mort dans tous les cas. {Applaudissements. ) M. Prugnon. Je ne Vois pas de crime plus monstrueux que celui de ravir la vie à celui qui l’a donnée, et je demande si cette nalion-là qui avait tant honoré l’humanité ne donnait pas une leçon bien frappante aux législateurs en vouant au dernier supplice le fils meurtrier de son père. Nous avons à rougir, Messieurs, si nous respectons assez peu les mœurs pour ne point vouer un crime aussi atroce que celui d’un enfant qui tue son père à la haine même et à l’horreur qu’excite en nous un tel crime. M. Emmery. Messieurs, vous iriez contre l’intention des lois, si vous ne conserviez, dans la punition des crimes, les différentes nuances qui sont nécessaires et vous produiriez le mal affreux qu’a produit la loi qui inflige la même peine au voleur sur les chemins et à l’assassin. On a accusé la loi de créer des assassins; en effet, le voleur étant également puni, soit qu’il volât, soit qu’il assassinât, était excité par la loi à assassiner : les morts ne parlent pas et le silence était une chance de plus en sa faveur. Par les mêmes motifs, si la loi qu’on propose punit également les enfants qui, sans préméditation, porteront les mains sur leurs parents et les enfants atroces qui leur ôtent la vie, la loi excite l’enfant qui verra la plaie faite à son père et la peine infligée, à se porter à des excès plus forts, et par là la loi devient elle-même coupable de tant d’atrocités. Si, lorsqu’un enfant porte une main impie sur son père, vous en faites un scélérat qui se voit condamné à mourir, après qu’il aura battu son père, il ne se portera à l’assassiner que lorsqu’il saura que la même peine sera prononcée par la loi. {Murmures.) Je conclus pour la gradation de la peine. M. Carat aîné. Je demande quelle société se croira en sûreté lorsqu’elle conservera dans son sein les monstres qui ont osé porter la main sur les auteurs de leurs jours, qui ont pu les mutiler et qui ne se sont arrêtés qu’aprës les avoir mutilés. Messieurs, en vous demandant la mort contre ce genre de crime, je remplis l’intention la plus sacrée des lois pénales, celle de la sûreté publique. Aucun des préopinants ne remplit l’intention de la loi lorsqu’il veut laisser la vie à de tels monstres. Je demande la mort contre le parricide. M. Tronehet. Il est certain que tout homme qui a encore le sentiment du respect filial peut se laisser emporter facilement à la sévérité des peines contre celui qui se livre à une action aussi impie que celle de mutiler son père, même dans un accès de passion et de fureur. Cependant, j’avoue que la réflexion qui a été faite pâr M. Emmery peut arrêter ceux qui se laisseraient emporter à ce sentiment, tout pieux qu’il est, et je vais vous proposer un genre de peine à ajouter à celui que la loi propose pour dispenser de là peine de mort. Dans le cas que l’action n’aurait été que l’effet d’üne tête égarée ou emportée par la passion, je voudrais que cet homme qui aurait eu le malheur de porter la main sur ses père et mère et de les mutiler, ne fût condamné qu’à la peine qui est portée dans l’article; mais qü’il fût de plus condamné à la dégradation civique perpétuelle et qu’il ne fût plus compté au nombre des citoyens. M. Ee Pelletier - Salnt-Fargeau , rappor-teuté Le sentiment auquel s’est livré l’Assemblée honore les mœurs publiques. Voici, selon moi, l’observation la plus solide : quel est le père qüi» ayant été frappé par son fils, ne trouvera pas encore dans ses entrailles un sentiment qui l’empêchera de livrer à la justice celui dont il a reçu la plus cruelle offense! Et d’ailleurs, si le crime d’un enfant qui porte une main parricide et sacrilège sur son père est ün crime atroce, vous devez penser en même temps que, dans l’egpèee dont vous vous occupez, il n’y a qu’un commencement de volonté ; il n’y a pas une volonté entière; il y a une volonté égarée, puisqu’il s’agit d’un premier mouvement, d’une querelle ; 'et par conséquent, il n’y à point cette espèce de préméditation qui donne au délit toute sa gravité. D’après ces considérations, Messieurs, je von» 88 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1791. demande d’adopter la peine proposée par le comité. Quant à l’addition proposée par M. Tronchet, il me semble que M. Prugnon y a répondu et qu’il est impossible d’admettre dans la société un homme dégradé à jamais, avili, puisqu’il n’a aucune espérance de renaître à l’honneur et à la vie. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements ayant pour objet de prononcer la peine de mort ou la dégradation civique.) M. Prugnon. Je demande alors que toute mutilation commise dans la personne des père et mère ou de tout autre ascendant soit punie de 20 années de chaînes. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 29. « Toute mutilation commise dans la personne du père ou de la mère naturelle ou légitime, ou de tout autre ascendant légitime du coupable, sera punie de 20 années de chaînes. » {Adopté.) Les articles 30, 31, 32 et 33 sont successsive-ment mis aux voix, sans changement, comme suit : Art. 30. « Le crime de la castration sera puni de mort. » {Adopté.) Art. 31. « Le viol sera puni de 6 années de chaînes. » (Adopté.) Art. 32. « La peine portée en l’article précédent, sera de 12 années de chaînes, lorsqu’il aura été commis dans la personne d’une tille âgée de moins de 14 ans accomplis, ou lorsque le coupable aura été aidé dans son crime par la violence et les efforts d’un ou de plusieurs complices. » (Adopté.) Art. 33. « Quiconque sera convaincu d’avoir, par violence ou séduction, et à l’effet d’en abuser ou de la prostituer, enlevé une fille au-dessous de 16 ans accomplis, hors de la maison des personnes sous la puissance desquelles est ladite tille, ou de la maison dans laquelle lesdites personnes la font élever ou l’ont placée, sera puni de la peine de 12 années de chaînes. » {Adopté.) Lecture est faite de l’article 34, ainsi conçu : « Quiconque sera convaincu d’avoir volontairement falsifié ou détruit la preuve de l’état civil d’une personne, sera puni de la peine de 10 années de chaînes. » Après quelques observations, l’article est mis aux voix avec le retranchement du mot « volontairement » dans les termes suivants : Art. 34. « Quiconque sera convaincu d’avoir falsifié ou détruit la preuve de l’état civil d'une personne, sera puni de la peine de 10 années de chaînes. » (Adopté.) M. llougins de Roquefort. Je demande que l’on double la peine pour un fonctionnaire public chargé de pièces prouvant l’état civil des citoyens. M. I�e Pelletier-Saint-Fargeau, l'appor-teur. J’adopte. Voici maintenant l’article 35 : Art. 35. « Toute personne engagée dans les liens du mariage, qui en contractera un second avant la dissolution du premier, sera punie de la peine de 10 années de chaînes. « En cas d’accusation de ce crime, l’exception de la bonne foi pourra être admise lorsqu’elle sera prouvée. » {Adopté.) Les articles 30, 31 et 32 de la deuxième section du titre II de la seconde partie , sont successivement mis aux voix, sans changement, dans les termes suivants : Arl. 30 de la deuxième section du titre II de la seconde partie. « Quiconque sera convaincu d’avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, mis le feu à des maisons, bâtiments, édifices, bateaux, magasins, chantiers, forêts, bois taillis, récoltes en meule ou sur pied, ou à des matières combustibles disposées pour communiquer le feu auxdits maisons, bâtiments, édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, forêts, bois taillis, récoltes en meule ou sur pied, sera puni de mort. » {Adopté.) Art. 31. « Quiconque sera convaincu d’avoir volontairement détruit, par l’effet d’une mine, ou disposé une mine pour détruire des bâtiments, maisons, édifices, navires ou vaisseaux, sera puni de mort.» {Adopté.) Art. 32. « Quiconque sera convaincu d’avoir, verbalement ou par écrits anonymes ou signés, menacé d’incendier la propriété d’autrui, sans que lesdites menaces aient été réalisées, sera puni de 4 années de chaînes. » (Adopté.) Lecture est faite de l’article 35 de la même section, ainsi conçu : Art. 35. « Quiconque sera convaincu d’avoir, volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire, à autrui, empoisonné des chevaux et autres bêtes de charge, moutons, porc-;, bestiaux, ou poissons dans des étangs, rivières ou réservoirs, sera puui de 6 années de chaînes. » Un membre demande que les personnes qui seront convaincues d’avoir fait écouler des étangs soient comprises dans cet article. Sur cette demande, on observe que cette action appartient à la police correctionnelle. (L’article 35 est en conséquence mis aux voix et adopté sans changement.) M. lie Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne ensuite lecture de trois articles relatifs à la prescription en matière criminelle et ainsi conçus : « Art. 1er. Il ne pourra être intenté aucune action criminelle pour raison d’un crime commis depuis plus de 3 années et qui, dans cet intervalle, n’aura donné lieu à aucune plainte ni poursuite. « Art. 2. Nul ne pourra être poursuivi pour raison d’un crime commis depuis plus de 6 années, si, dans cet intervalle, aucun juré d’accusation