[Ier mars 1790.] 761 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l’envoyer au delà de son territoire, et bien moins pour faire les fonctions de recors et de satellites envers d’honorables et excellents citoyens. Ceux-ci ne manqueront pas certainement d’en avoir satisfaction sans coup férir et avec leur sagesse ordinaire, par qui de droit. C’est leur affaire ; mais c’est la mienne de demander à l’Assemblée un décret qui prévienne ün pareil abus de pouvoir armé pour la nation et jamais contre elle ; voilà le projet de ce décret, et par lequel je terminerai cette longue, mais nécessaire instruction : c L’Assemblée nationale, considérant que la garde nationale n’a été établie et ne doit être conservée que pour la défense des citoyens de la nation, d’après ses principes et ses décrets, en attendant qu’elle ait fixé par une loi générale et uniforme le régime de cette force nouvelle dans l’Etat, elle a décrété et décrète que dans toutes les municipalités du royaume, la garde nationale ne recevra des ordres que des officiers municipaux des lieux, à qui il est défendu de l’employer ailleurs que dans leur propre territoire.» ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du lundi 1er mars 1790 (1). M. Guillotin, V un des anciens secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi soir 27 février. M. Guillaume, l'un des secrétaires, lit le procès-verbal de la séance d’hier dimanche, 28 février. Le premier de ces procès-verbaux est adopté sans réclamation. Au sujet du procès-verbal d’hier, des doutes se produisent pour savoir si, dans l’article 8 du décret militaire, on doit lire le 14 juillet ou si c’est au 15 juillet que l’Assemblée a entendu fixer le serment annuel des troupes. M. le Président met la question aux voix. Le procès-verbal est adopté avec la date du 14 juillet. M. Delahaye-Delaunaye, député d'Orléans, qui ne s’était pas trouvé à la séance du 4 février, est admis à prêter le serment civique. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion de l'affaire des colonies. M. l’abbé Grégoire, président du comité des rapports. Vous avez ajourné à cette séance le rapport de l’affaire de Saint-Domingue et de la Martinique. On nous a remis hier soir, très tard, les pièces que M. de la Luzerne avait annoncées et envoyées. Malgré notre zèle et notre activité, nous n’avons pu en achever le dépouillement, et nous demandons l’ajournement à demain. M. le chevalier de Cocherel demande qu’on fasse sur-le-champ la lecture de ces pièces. Cette demande est rejetée. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. le Président. La pétition des négociants de Bordeaux , relative à la traite des noirs, se trouve à l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui. M. le baron d’EIbhecq, député de Lille(l). Mesi sieurs, les députés de toutes les villes maritimes du royaume et ceux de Bordeaux en particulier, vous demandent ; 1° Le rétablissement du régime prohibitif dans nos colonies, sans restriction ni modification. Ils vous demandent en second lieu, qu’il ne soit rien changé dans les habitudes du commerce et des colonies relativement à la traite des noirs et à leur état dans nos îles. Le premier objet a été profondément discuté en 1765, sous le ministère de M. le duc de Clioiseul ; et après avoir épuisé le pour et le contre, il y eut arrêt en juillet 1767, sous le ministère de M. le duc de Praslin, et il fut prononcé que l’étranger serait admis pour la fourniture de diverses denrées, sous la condition cependant que cette fourniture serait faite pour Saint-Domingue, dans le seul port du môle Saint-Nicolas, et pour les îles du Vent, dans celui du Carénage, à Sainte-Lucie. La même question a reparu sous le ministère de M. de Sartine. On ne fit que répéter ce qui avait été dit dans la discussion de 1767; et le 30 juillet 1784, sous le ministère de M. le maréchal de Castries, le prononcé fut le même, avec cette seule différence que le nombre des articles permis ci-devant fut alors augmenté, avec la commodité pour les colons, d’un port désigné dans chaque île, pour les colonies du Vent, et de plusieurs ports dans l’île de Saint-Domingue. La décision de 1767 n’avait contenté ni les colons ni les planteurs ; et celle de 1784 n’eut pas meilleurs succès. Les négociants invoquaient les fameuses lettres-patentes de 1727 ; les planteurs réclamaient la loi plus impérieuse de la nécessité, démontrée par l’impossibilité évidente où était le commerce de la France, de leur fournir à prix raisonnable les denrées dont il s’agissait. Les négociants objectaient le danger de la contrebande, et les planteurs se plaignaient de la très dispendieuse obligation d’aller chercher plus loin ce qu’il eût été si naturel et si juste de leur accorder, dans tous les ports où le roi entretenait des bureaux montés pour la police du commerce dans nos îles ; et c’est ainsi que s’est perpétué le procès qui reparaît aujourd’hui dans cette assemblée. Je ne me permettrai pas d’examiner si les juges qui vous ont précédés, Messieurs, ont manqué de lumière ou de courage nécessaire contre les cris de l’intérêt particulier ; mais dans l’un et dans l’autre cas, j’aperçois d’autant mieux le prix de la circonstance qui soumet la question dont il s’agit au tribunal le plus éclairé et le plus important qui puisse exister dans le royaume ; et puisque ce procès est déjà tout instruit, par l’abondance des raisons employées de part et d’autre depuis 25 ans, je crois devoir vous proposer le renvoi de cette grande affaire à un comité, dans lequel deux ou trois planteurs et autant de négociants ayant été entendus pour la dernière fois, et le rapport du comité fait à l’assemblée, elle pourra prononcer définitivement sur une question que, sans ces grands moyens, il faudrait tenir pour insoluble et interminable. Quant à la seconde question relative à la traite des noirs et à leur état dans nos îles, les colons (1) Le discours de M. le baron d’Elbhecq n’a pas été inséré au Moniteur.