[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1790.] 699 et journellement payés par le gouvernement. Ainsi, en diminuant la dépense déjà établie, ces préparatifs, devenus moins dispendieux, seront l’ouvrage des citoyens que la capitale renferme. Un aulel simple, posé sur un stylobate carré, élevé de vingt-cinq pieds, et posé sur de larges gradins, fera la noble et simple décoration de ce temple. Un arc de triomphe le fermera et sa plus belle parure, son luxe le plus pompeux sera une foule immense d’hommes libres, qui, 11’étant enfermés dans aucuns murs, et n’ayant rien qui les cacbe au ciel qui les écoute, seront témoins et acteurs de cette scène superbe et joindront au serment u‘ on prononcera devant eux les transports ’une véritable ivresse et les cris de la reconnaissance. Quant à la sûreté intérieure et extérieure, il n’est pas de soins que les commissaires n’aient cru devoir prendre. Il n’est aucun endroit qui n’ait été examiné, aucun souterrain qui n’ait été visité ; et les différentes sections de Paris sont priées de vouloir bien nommer chacune un commissaire qui, deux jours avant la fête, vienne examiner le lieu et les préparatifs, réunir sa vigilance à celle des commissaires et ajouter les précautions qu’il croira nécessaires, s’il en est qui soient échappées à leur prévoyance. Tels sont les motifs qui ont guidé les commissaires, les raisons qui ont décidé leur choix et les précautions qu’ils ont cru devoir prendre pour la préparation du lieu où sera établie la fête. Pour l’ordre, la marche et les détails, on publiera incessamment le programme qui doit les contenir et qui n’est retardé que par l’immensité des soins, des préliminaires et des arrangements dont il faut s’occuper. Par cet exposé simple et dont les circonstances ordonnent la brièveté, tous les citoyens jugeront quelle confiance on doit avoir aux calomnieuses imputations, aux dangereux rapports répandus avec une coupable profusion dans le public. Les commissaires ne répondront pas à ces nombreux écrits dictés par des intérêts bien opposés à l’intérêt public. La vérité et la tranquillité de leur conscience seront leur seule réponse. Signé : Gharon, président de la commune pour le pacte fédératif; Avril, Pons de Verdun. J.-L. Brousse, Jallier, A.-G.-F. Champion, Mathis, Gélé-rier, le Mit, de Bourges, Desmousseaux, Làfisse, tous commissaires nommés pour le pacte fédératif. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. le marquis de bonnat. Séance du lundi h juillet 1790 (1). M. tue Pelletier, président , ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Delley-d’Agier lit le procès-verbal de la séance de samedi soir, 3 juillet. M. Charles de Lameth. Je réclame contre la teneur du décret qui porte que le commandant de l’escadre sera tenu de se rendre à Paris pour jurer, etc.; cette expression est certainement inexacte et n’est pas conforme au décret que vous avez rendu. J’en demande la modification. M. Delley-d’Agier. Aucun secrétaire ne se permet de rédiger Tes décrets; notre mission est de les transcrire dans les termes où ils sont adoptés; c’est ce que j’ai fait, pour mon compte, dans le procès-verbal incriminé. M. Bouche. L’observation deM. Delley-d’Agier est fort juste. Je demande que le proces-verbal soit adopté sans modification. M. le Président met le procès-verbal aux voix ; il est adopté. M. Robespierre, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 4 juillet. M. de Tracy. Je propose d’ajouter à la formule du sermeat qui sera prêté à la fédération civique, la disposition suivante : « Nous jurons de ne jamais prendre les armes pour une querelle de religion. » L’exemple récent d’un de nos départements me dispense de commentaires pour justifier ma motion. M. Garat l'ainé. Les guerres civiles occasionnées par les différences de religion ont toujours été les plus sanglantes et les plus implacables; j’appuie donc l’amendement. M. Goupilleau. La rédaction présentée par M. de Tracy est beaucoup trop vague pour qu’elle puisse être adoptée; elle irait à l’encontre du but que veut atteindre son auteur; en effet, les soldats ■ lu régiment de Guyenne qui ont résisté aux soi-disant catholiques de Nîmes pourraient être considérés comme ayant pris les armes pour uu trouble religieux. Ge serait l’anarchie dans le désordre. M. Mathieu de Montmorency. Je demande le renvoi au comité de Constitution. Le renvoi est prononcé. Le procès-verbal est adopté. M. d’André. J’ai reconnu l’exactitude du procès-verbal, et je n’ai pas cherché à m’élever contre Sa rédaction ; c’est donc par une motion spéciale que je demande à l’Assemblée d’ordonner au comité des finances de nous présenter incessamment un état complet des employés dans les divers départements. M. Camus. J’appuie la motion en la complétant, car je réclame un tableau comparatif des appointements eu 1740, 1760 et 1790. La motion étant appuyée, elle est mise aux voix et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le comité des finances sera tenu de faire imprimer, avant de présenter ses rapports sur l’état des employés dans les divers départements, le détail de la composition des bureaux, telle qu’elle est actuellement , telle qu’elle était en 1788, et telle qu’elle fut trouvée à deux époques antérieures, distantes de dix années au moins l’une de l’autre. » (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . L'un de MM. les secrétaires lit une adresse dans laquelle les commissaires du roi pour le départe- 700 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1790.] ment de la Charente-Inférieure dénoncent à l’Assemblée nationale des violences dont ils ont été menacés vers la fin de leur mission. Cette adresse est renvoyée au comité des rapports. En voici un extrait : « Les commissaires du roi du département de la Charente-Inférieure n’avaient éprouvé aucune défaveur; ils croyaient avoir atteint la fin de leurs travaux, puisque l’Assemblée doit clore demain ses séances, lorsqu’un événement dont les suites pourraient devenir fâcheuses, a troublé leurs opérations. Les commissaires du roi s’étaient partagé leursdistricts pour accélérer leur formation ;M. Go-Î[ué, l’un d’eux, était chargé de celui de Saint-ean-d’Angély ; il a cherché à se concerter avec les électeurs de ce district, pour fixer le jour auquel il conviendra de se réunir dans le chef-lieu. Un très grand nombre lui demandèrent le dimanche 4 juillet; il se prêta d’autant plus volontiers à cet arrangement, qu’il était convenu avec M. Valentin que le mardi 6, on procéderait à la nomination des officiers municipaux, ainsi qu’il est ordonné par l’Assemblée nationale. Mais M. Valentin , à qui cette disposition sans doute ne convenait pas, et qui voulait faire organiser la municipalité avant le district, voulut ensuite, par de sollicitations, et bientôt par des menaces, le déterminer à changer le jour marqué. Comme M. Goqué fut inébranlable, une trentaine de volontaires de Saint-Jean-d’Angély, qui se trouvaient ici, imaginèrent sans doute qu’on lui en imposerait. Ils s’oublièrent jusqu’à le menacer de le massacrer, lui et les électeurs, s’ils se présentaient au jour indiqué. Si les circonstances l’exigent, les commisssaires prendront les ordres de l’Assemblée nationale. » M. lie Pelletier, président , annonce que le résultat du second tour de scrutin élèveM. de Bonnay à la présidence : les voix se sont réparties de la manière suivante : M. de Bonnay ............... 307 M. de Menou ................ 101 M. de La Rochefoucauld ..... 82 M. de Gazalès ............... 47 M. lie Pelletier, avant de quitter le fauteuil, dit : « Messieurs, « Lorsque j’ai accepté le pénible honneur auquel m’ont appelé vos suffrages, pénétré de mon insuffisance, je n’ai pu que vous offrir l’hommage de mon zèle et de mon dévouement à vos ordres. « Aujourd’hui, je dois vous exprimer un nouveau sentiment : vos bontés ont accueilli mes efforts; et ce qui me manquait, j’ose le dire, vous avez daigné , Messieurs, y suppléer par votre indulgence. « Une époque à jamais célèbre dans les annales de la liberté appelle toute la France à la plus touchante cérémonie : en vain quelque nuages rassemblés et grossis par des souffles malfaisants obscurcissent au loin l’horizon de cette fête civique... Non, ils ne se formeront point en orage, et les premiers rayons de ce beau jour les disperseront aisément. « Dans un moment où la nation et le roi resserreront encore le lien qui les unit, où les souvenirs les plus amers vont se perdre dans le bonheur d’une allégresse fraternelle ; dans un moment enfin, où il n’y aura plus qu’un parti, vous avez voulu, Messieurs, qu’on revît à votre tête un de nos collègues qui toujours a su tempérer ce que chaque parti pouvait avoir d’extrême et d’exagéré : constamment distingué par un esprit de maturité, de sagesse et de conciliation, il vous a paru digne de cette place et de cette circonstance; et, sous tous les rapports, il devait vous inspirer le désir de mettre à cette seconde épreuve des talents si avantageusement connus par un premier succès. » M. de Bonnay prend place au fauteuil et s’exprime en ces termes : « Messieurs, « La nouvelle marque de confiance dont vous m’honorez ne m’inspirera point une présomption déplacée; et l’éclat de la circonstance, en ajoutant à ma reconnaissance pour vos bontés, ne m’aveuglera point sur vos véritables motifs. « J’ai peut-être eu le bonheur de vous donner quelques preuves de zèle ; et vous avez voulu les récompenser. « Je vous ai montré une exactitude rigide à faire observer les lois de votre police intérieure ; et vous avez senti qu’au moment où vous alliez paraître, j’oserai dire aux yeux de la France entière, il était plus nécessaire que jamais de respecter avec scrupule des règlements que vous avez faits, et que vous ne pouvez enfreindre qu’au détriment de vos travaux et de votre gloire. « Enfin, Messieurs, vous avez peut-être espéré que parmi les fautes que vous aurez encore à me pardonner, je pourrais, à l’aide de mon premier essai, éviter au moins celles de l’inexpérience. « Tels sont les titres sans doute auxquels je dois vos suffrages; mais si l’honneur que j’ai déjà eu de les obtenir, si l’indulgence que vous avez alors daigné m’accorder me donnent aujourd’hui le droit de vous parler avec quelque franchise, j’oserai vous dire, Messieurs, que jamais l’Assemblée nationale n’est si auguste, qu’elle n’obtient jamais mieux le respect et la confiance, que, lorsqu’attentive et recueillie, elle écoute froidement les discussions, permet les opinions les plus opposées, et que du sein d’une délibération réfléchie, elle fait sortir ces décrets dont la sagesse persuade tous les esprits. « Qu’il me soit permis, Messieurs, de vous inviter, au nom du bien public qui souffre de nos moindres fautes, de nos moindres pertes de temps, au nom de la nation qui attend de vous son bonheur, au nom de la liberté que vous êtes venus établir, de vous inviter, dis-je, à l’ordre et à la paix . « Les circonstances exigent impérieusement le sacrifice de toutes les rivalités, et la réunion de tous les bons esprits. Il est temps, il est nécessaire que tous les membres de l’Assemblée se rapprochent, qu’ils marchent tous au même but; et ce but doit être le bien général. « J’y concourrai moi-même, Messieurs, en m’efforçant constamment de diriger vers lui la marche de vos délibérations. Je serai secondé par vous; et cette pensée peut seule me donner la confiance que j’ai besoin pour parcourir de nouveau une carrière difficile. Mais si, dans quelques moments orageux, le choc des passions se faisait encore entendre, s’il allait jusqu’à troubler l’ordre que vous désirez tous, et que vous m’ordonnez de maintenir, si des volontés du moment et passagères s’opposaient à l’exécution de vos volontés réfléchies et constantes, alors, Messieurs, fort de vos propres lois, fort de ma conscience et des intentions que je vous connais, je saurais en appeler de l’Assemblée nationale à elle-même, et