[ Conventien nationale.] i Courage, représentants, philosophes, d’un grand peuple qui le deviendra, courage, le règne des mômeries va finir. « Vive la République ! vive le triomphe de la raison ! « Laforêt, procureur syndic. La Société populaire de Villeneuve-sur-Landes. nouvellement épurée, adresse le procès-verbal de l’inauguration des bustes de Marat et Le Peletier. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi du procès-verbal (2). La Société populaire de Villeneuve-des -Landes, nouvellement épurée, à la Société séante aux Jacobins, à Paris. « Villeneuve-des-Landes, le sextidi fri¬ maire, l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. <( Frères et amis, « Nous vous adressons le verbal de l’inaugu¬ ration (sic) de Marat et Le Peletier. Vous verrez que les sentiments de regret et d’estime pour ces victimes illustres de la liberté pénètrent tous les citoyens jusqu’aux lieux les plus recu¬ lés de la République. Nous mourrons tous avec eux, nous en faisons le serment solennel, ou nous assoierons sur des bases éternelles l’em¬ pire de la liberté et de la raison. Saint-Marcq fils, président ; Desetjilhès, secrétaire ; II ont an G, secrétaire. Verbal historique de l'inauguration (sic) de Marat et Le Peletier, faite à Villeneuve-des-Landes (3). Le nonidi de la 2e décade du mois de brumaire. Le comité choisi pour présider aux préparatifs de l’inauguration de Marat et de Le Peletier fit planter la veille un jeune chêne sur la place de la Fédération, auquel on a donné le nom d’arbre de la Fraternité. On eut soin de laisser toutes les racines à cet arbre afin qu’il pût être un monument à jamais durable de cette fête et que les citoyens, témoins de son accroissement, se rappelassent que bien loin de laisser affaiblir par le temps les sentiments de leur patriotisme, ils devaient, au contraire, s’enflammer chaque jour davantage de l’amour de la liberté. Le jour de la fête, on dressa une tombe funèbre plus remarquable par sa simplicité champêtre que par sa pompe. Ses plus précieux ornements étaient les symboles touchants qui distinguaient les deux illustres victimes de la liberté. On y voyait l’urne sacrée où reposaient leurs cendres, couverte d’un crêpe funèbre. A côté de ce signe lugubre, s’élevaient deux tiges de cyprès entourées de guirlandes et sur¬ montées du bonnet glorieux de la liberté. Au pied de cet arbrisseau, étaient placés les bustes des deux martyrs de la patrie et au-dessus on lisait en gros caractères : Marat n'est point mort, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 320. (2) Archives nationales, carton G 286, dossier 842. (3) Archives nationales, carton G 286, dossier 842. 695 I ü vit parmi nous; Le Peletier satisfait par sa mort. Deux jeunes vestales, soutenant le crêpe noir, gémissaient sur la mort de ces grands hommes ; l’une portait une équerre dans sa main; l’autre, une balance, comme pour apprendre aux spec¬ tateurs que l’amour de l’égalité ne doit jamais être séparé de celui de la justice. Plus bas, pa¬ raissait une fille fraîche et robuste, image vive et naturelle de la liberté; deux républicains l’en¬ touraient de deux côtés dans une attitude fière et imposante, armés d’un sabre et d’une pique pour la défendre contre tous ses ennemis. Les citoyens, préparés pour ce spectacle, attendaient avec impatience l’ouverture de la cérémonie, lorsqu’un mauvais génie, soufflant tout à coup les vents et la pluie pendant quelques heures, nous fit craindre de ne pouvoir nous livrer à tous les transports qu’inspirait ce grand jour. Mais le Ciel, touché de la justice de nos vœux, seconda nos désirs, et fit succéder à ce temps orageux un temps calme et serein. Aussitôt les corps constitués rassemblés dans la maison commune et décorés des marques de leurs fonctions, dirigèrent leur marche vers la place de la Fédération, précédés de la garde nationale qui portait l’étendard tricolore d’un pas grave et ordonné et suivis de toute la foule des bons citoyens. A leur approche, des cris mille fois répétés de Vive la liberté! vive la République! frappent agréablement les airs. Parvenus au pied de la tombe funèbre, le corps municipal invite les orateurs, chargés de célébrer les vertus civiques des deux héros, de remplir leur glorieuse tâche. Ceux-ci montent à l’instant sur l’amphithéâtre qui avait été dressé, pro¬ noncent l’éloge funèbre de Marat et Le Peletier et méritent, par leurs discours, l’applaudisse¬ ment de tout le peuple. A peine l’éloge achevé, on alluma près du tombeau un bûcher fatal aux vaines distinc¬ tions et l’on y consuma tous les titres des sots préjugés de noblesse, tous les titres de féoda¬ lité, tous les signes de la royauté, tontes les marques des grandeurs passées. C’est ainsi que des hommes libres effacent la honte de leur esclavage et qu’ils immolent à la gloire de la liberté jusqu’aux plus frêles vestiges de l’odieuse servitude. Tel fut l’agréable encens qu’on brûla en l’honneur de Marat et Le Peletier, ces deux illustres victimes de la rage du despo¬ tisme anéanti; telle fut la plus douce récom¬ pense qu’on peut offrir à leurs travaux et à tous les efforts que leur avait coûtés l’affranchisse¬ ment de leur patrie. Pendant ce sacrifice, si flatteur pour les vrais citoyens, si douloureux pour les ennemis de l’égalité, on dansa la farandole, on chanta l’hymne de la liberté, le peuple se livra à tous les transports de la plus vive joie. La cérémonie achevée, les corps constitués et la garde natio¬ nale, revenant dans le même ordre avec lequel ils étaient partis, se réunirent sur la place de la liberté. On y reprit le chant de l’hymne sacré, et c’est en le continuant qu’on est revenu dans la maison commune. Là, un repas frugal, un repas sans linge et sans couvert, digne des Spartiates et des sans-culottes, attendait les amis de la liberté et de l’égalité. Mais les senti¬ ments qui ont assaisonné ce banquet agreste en ont surtout relevé le prix. C’est là qu’on a reconnu que les vrais républicains ne voient que des frères dans leurs semblables. Saint-Marcq, fils, président; Desetjilhès ca* det, secrétaire; Hontang, secrétaire. archives parlementaires.