246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.J [Assemblée nationale.j dition de l’indemnité due aux propriétaires et fixée par le règlement. « Art. 8. Les baux faits par le gouvernement aux inventeurs des mines qu’ils ont mises en exploitation, et aux entrepreneurs des premiers travaux, auront leur plein et entier effet. « Art. 9. Les assemblées administratives présenteront incessamment au Corps législatif les projets de règlement qui seront applicables à l’exploitation de leurs mines et convenables à leurs localités. » Plusieurs membres demandent l’impression du discours et du projet de décret de M. Hertault-Lamerville. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour sur cette motion. (L’Assemblée, consultée , décrète qu’elle ne passe pas à l’ordre du jour.) M. le Président. Je mets aux voix la demande d'impression. (L’Assemblée décrète l’impression du discours et du projet de décret.) M. de Lamline. Les mines font-elles partie de la propriété foncière ou appartiennent-elles à la nation en général? Cette question faite à une Assemblée jalouse de conserver à la propriété tous ses droits paraîtrait assez extraordinaire j si la décision du comité ne devait surprendre encore davantage. Sa discussion devient donc importante ; elle tient au droit des gens, bien plus encore qu’au droit des nations. La surveillance et l’inspection des mines sont dues par l’Etat à l’intérêt public; mais il doit en même temps aux citoyens en particulier la conservation de leurs droits individuels. Celte vigilance légitime ne peut jamais être une appropriation, un envahissement anticonstitutionnel des biens de celui qui avait acquis pour jouir. Le propriétaire use-t-il mai de sa propriété? une inspection sévère et juste doit le rappeler aux principes sages et aux méthodes utiles. Ses facultés pécuniaires ne lui permettent -elles pas d’entreprendre une exploitation coûteuse ? Dès lors, on ne peut subroger personne à ses droits que sous deux conditions. La première de ces conditions est que le propriétaire soit tenu de déclarer qu’il ne veut ou ne peut user de sa chose; la seconde, que L’Etat ne permette point la mise en possession d’un étranger, sans que ce dernier soit assujetti à une indemnité préalable. Le consentement du propriétaire du fonds, le dédommagement qu’il reçoit pour sa cession sont des preuves évidentes de son droit exclusif à la chose. Les mines n’appartiennent pas plus naturellement à l’Etat que touies les autres productions des champs. En vain leurs produits servent à l’usage général; les denrées, les combustibles (t tout ce que la terre nous offre, dans sa prodigalité, ne sont-ils pas à l’usage commun de tout ce qui respire, de tous les êtres répandus sur sa surface? Je sais que nul propriétaire n’est entièrement indépendant dans sa jouissance et que, par l’accord social, il doit compte à ses associés, c’est-à-dire à l’Etat, d’une gestion raisonnable ; mais, à son tour, te gouvernement ne peut point s’emparer de 1a. propriété individuelle. Il lui doit au contraire, et tout à la fois, conseil pour en bien user et sauvegarde contre l’usurpation d’autrui. C’est en partant de deux principes erronés que les amis des porteurs de privilèges voudraient, pour en autoriser les concessions abusives, faire déclarer les mines des propriétés publiques et exiler de leurs champs les hommes tranquilles qui les cultivent et qui, sans sollicitations, sans intrigues, n’ont ici que nons pour défenseurs. Non, je ne trahirai point leur juste cause, ma raison et mon cœur, avant mes cahiers, m’en avaient prescrit le devoir. Premièrement : « Ces biens, a-t-on dit, qui ne peuvent appartenir à un seul, appartiennent à tous et n’ont par conséquent de maître que la nation. » Ce raisonnement otfre d’abord, dans sa généralité, une fausseté évidente ;et, ensuite, nulle relation entre son principe et sa conséquence. 11 est une infinité de biens dans la nature qui appartiennent à tous et n’ont pas pour maître une nation. Les mines, d’ailleurs, et particulièrement les carrières de charbon, ne sont pas de ces biens vagues et communs qui deviennent le patrimoine de qui n’en a pas. Secondement : « La nation, a-t-on dit, par son droit de souveraineté, est maîtresse de toutes les parties de son sol qui sont indivises et qui n’ont point encore connu de propriétaire partn ulier. » Si la nation a la surveillance générale de toutes les parties de son sol, de toutes propriétés, la sienne ne peut être trop restreinte. Sa gloire et sa richesse véritable sont de multiplier les propriétaires dans son sein, sans multiplier ses possessions directes. Veiller aux jouis-ances d’un chacun, mais non s’en emparer; garantir et non acquérir ; être la souveraine économe de tous les biens, mais pour les faire sagement administrer au profit même du citoyen qui ne le pourrai!, pas ; protéger sa fortune contre l’usurpation d’autrui, et non en partager les dépouilles, tel est le contrat légitime de la nation avec les individus : tel est l’accord durable et solennelle entre la classe qui gouverne et celle qui est gouvernée; et ce lien social, déjà consacré par la justice et la nature, a été raffermi par votre déclaration des droits. Sans doute, les mines sont indivises, tant qu’elles ne sont point encore en exploitation. Le sont-elles? alors chaque propriétaire acquiert un droit proportionnel à sa propriété ou à l’indemnité qui la représente. N’en pouvait-on pas dire autant de tout champ étendu, avant son partage? Il était indivis; mais la nation n’en était pas propriétaire. La famille, la communauté qui y avaient droit, l’ont divisé; la nation est intéressée à ce qu’il soit mis en valeur; mais là se bornent et son devoir et sa légitime puissance. « Tout citoyen, ose répondre l’avidité particulière, n’a droit qu’à la superficie du fonds ; il ne peut recueillir sur cette surface que l'aliment qui lui convient et la subsistance de ses troupeaux. Tout ce qui se trouve dans l’intérieur ne doit point lui appartenir ; et le conseil ai si que les minisires, qui représentaient naguère toute la nation, ont dû s’en emparer pour l’utilité publique et en faire par conséquent la dot, la récompense et le prix des sollicitations heureuses.» Ce commentaire du principe qu’on vous propose, ce commentaire qui serait bon dans les codes de l’Asie, ne déshonorera pas le vôtre. Le véritable apanage d’un peuple libre est le maintien le plus étendu de toute propriété individuelle. « Les mines, vous dit-on, présentent un ensemble d’exploitation. Il faut suivre cet ensemble; et on ne peut opérer en partie...» Mais les corps administratifs seront préposés pour veiller à cet [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.] 247 ensemble et s’en acquitteront peut-être aussi bien que les intendants qui en étaient ci-devant chargés. Les propriétaires s’uniront comme s’unissent des compagnies étrangères de privilégiés. Ils s’uniront comme ils l’ont fait dans tous les temps pour les mines de ma province. A leur défaut, à leur refus, des capitalistes opulents se feront subroger légalement à leurs droits, en indemnisant le propriétaire, ou en lui concédant une part dans les bénéfices ; l’un produira le fonds commercial, et l’autre ses capitaux ou son industrie. Alors l’Etat aura respecté la propriété, mais en obligeantàen faire usage. Alors l’ensemble des travaux sera maintenu, et beaucoup mieux qu’il n’a pu l’être... Tels sont les principes justes et sages de la seule loi qui soit digne de vous. Les sophismes de l’intérêt privé, les raisonnements de ceux qui, en écoulant des hommes privilégiés, ont cru voir dans une heureuse usurpation une légitime propriété, tous les mémoires, tous les discours échouent contre le sentiment naturel de la justice, contre ce simple aperçu: tout ce qu’une compagnie de concessionnaires a offert et offre de faire sous l’inspection du gouvernement, pourquoi des propriétaires ou des compagnies de propriétaires ne le feraient-ils pas ? Prononcez donc ce décret qui portera la joie, l’espérance et le travail sur nos monts arides et dans nos vallées. Les mines font partie de la propriété foncière sous la surveillance spéciale et l’inspection de la nation. Si toutes les mines en général m’ont paru devoir faire partie du patrimoine individuel, combien, à plus forte raison encore, les carrières de charbon fossile ne doivent-elles pas lui être unies ! Cependant le rapport de votre comité les confond avec les mines métalliques, sans admettre entre elles aucune différence. 11 croit aller au vrai but, l'avantage de la nation, en blessant éminemment les droits de tous les propriétaires qui composent cette nation même. Tous, en effet, possèdent ou peuvent posséder des carrières de charbon dans leur territoire ; et votre décret, trahissant les bienfaits de la nature, viendrait les leur ravir ! Mais que parlé-je de bienfaits ? Ce serait une calamité pour le possesseur d’un sol, s’il renfermait un minéral utile; en l’indemnisant de la superficie, on pourrait le priver de son héritage, de son héritage sur lequel il est né et sur lequel il veut mourir. C’est à tort que, sous le nom abusif de mines , donné indistinctement aux exploitations métalliques et à celles du charbon fossile, on réunirait sous un même point de vue les unes et les autres. Le métal est distinct du fonds, et leur nature n’est point homogène. Le charbon, au contraire, fait partie du sol; il lui est non seulement inhérent, mais pour ainsi dire substantiel. Pour extraire les métaux, il faut pour l’ordinaire de très grands frais ; il faut presque toujours fouiller à d’immenses profondeurs; il faut établir des fourneaux et employer des procédés chimiques pour l’épurement, la fonte et le départ des matières. Pour extraire le charbon, au contraire, il n’est pas besoin d’aussi grands moyens; on le trouve pour l’ordinaire en couchesihorizon-tales, près de la surface. Différent du métal, le charbon paraît toujours sous sa véritable forme, et l’art ne lui fait éprouver ni changement ni métamorphose; aussi, pour le plus grand nombre des contrées, et en particulier pour mon département entier, un puits, un ouvrier et une pioche forment le commencement d’une extraction; quiconque a le droit de se servir du feu, a le droit naturel de puiser dans sa propriété tout ce qui peut servir à l’alimenter, et en appliquer les bienfaisants effets à son usage. Les métaux rares serventde signes de richesses. Transformés en monnaie, ils deviennent les agents manuels des échanges, le véhicule de la force et de la puissance des Etats. Le charbon fossile, au contraire, n’est qu’une production du sol, sujette à la consommation individuelle, comme les fruits, les pierres, les bois; delà une troisième et frappante différence, d’où il résulte que le charbon appartient à la terre, et la terre à un propriétaire que votre sagesse, que votre justice, et je dis plus, que votre prudence doivent protéger. Dans toutes nos contrées, on vend et on achète non seulement le fonds, mais le tréfonds. Ces deux propriétés ont été distinguées par les propriétaires depuis plus de quatre siècles. Les uns les réunissent encore toutes les deux dans leurs mains. Les autres jouissent de l’une ou de l’autre. Ici, on cultive le sol, là on a acquis le droit d’en fouiller l’intérieur : ces droits sont devenus, par un long commerce et d’innombrables transactions, le patrimoine unique des familles, la dot des femmes, les portions légitimaires des enfants. Depuis la publication de ce rapport funeste, les pères, les femmes et les enfants désolés et inquiets ne se rassurent que sur la déclaration des droits et votre justice. Toutes les villes, tous leurs habitants, tous les districts et le département en corps vous implorent, et on vous a laissé ignorer et leurs alarmes, et leurs motifs, et leurs droits; et nous avons étéforcés défaire imprimer et répandre leurs justes réclamations pour vous les faire connaître. Je me résume. La règle générale, c’est-à-dire le principe, doit être promulgué en faveur de la propriété ; et si l’utilité publique, légalement constatée, demande ensuite une exception en faveur des inventeurs, de ceux qui les premiers ont découvert et découvriront descarrières, cette exception est secondaire, et ne peut être établie qu’a-prèsle principe. Ainsi en ôtant les mots substances fossiles du premier article du projet de décret, il faut comprendre le charbon de pierre dans le second, puisque les carrières de ce fossile, ainsi que toutes les autres de craie, d’argile, d'ardoise et de marne font très essentiellement partie de la propriété foncière. J’adopte le projet de décret de M. Lamerville, sauf quelques modifications que je vous demanderai d’y apporter à divers articles s’il vient en discussion". M. de Mirabeau. Messieurs, la question que vous allez décider tient aux plus grands intérêts, et le premier de tous est l’existence et la conservation des mines. Cette question paraît diviser les opinions, mais je crois que c’est faute de l’entendre, et faute de s’entendre, car il est facile de concilier tous les intérêts avec le véritable principe de cette matière. Quel est ce principe? Je pourrais dire tout à la fois qu’il est et qu’il n’est pas dans le projet du comité. On le trouve dans tes bases de sou plan, on ne le trouve pas dans tous les développements de son système; et par Jà, en admettant le principe du comité, je suis forcé de combattre ou de modifier quelquès-qmes de ses conséquences. Je crois que l’éclaircissement de cette question tient surtout à la manière de la traiter. Le comité, dans son rapport, semble ne l’avoir envisa- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.) 248 gée que sous son aspect métaphysique. Or, premièrement, des abstractions, qui sont la meilleure manière de raisonner, ne sont ni les seuls ni les premiers éléments de l’art de gouverner. En second lieu il est si facile, soit avec le plan du comité, soit avec quelques amendements, de concilier la législation des mines avec l’intérêt des propriétaires du sol, qu’il ne valait pas la peine de faire tant d’efforts pour prouver que les mines doivent être régies comme des propriétés indivises. Il valait mieux, selon moi, que le comité eût nettement expliqué ce qu’il entend lorsqu’il déclare que les mines sont à la disposition nationale. Veut-il dire, parla, que la nation a le droit de veiller à ce qu’elles soient exploitées; qu’elle doit les concéder lorsque le propriétaire du sol ne les exploite pas; qu’il est impossible sur ce point de s’en rapporter uniquement à l’intérêt des propriétaires des surfaces et de courir toutes les chances de leur paresse, de leur ignorance ou de la faiblesse de leurs moyens? Dans ce sens j’adopte en entier le système du comité; dans ce sens je pense, avec lui, que les mines doivent être à la disposition nationale pour être concédées, pour l’être de telle ou de toute autre manière; car son système serait absurde s’il devait être séparé de ce développement. De là je tire deux conséquences : la première, c’est qu’il n’est pas vrai que nous puissions décider un article seul du comité comme constitutionnel, et regarder tous les autres comme simplement réglementaires. Je pense, au contraire, qu’il est indispensable de réunir sept articles qui sont séparés dans le projet de décret, et dont plusieurs mêmes ne s’y trouvent pas, pour les joindre au principe de cette matière, pour expliquer, pour fixer, par là, ce principe d’une manière invariable; car il n’est personne qui ne sache qu'une théorie, qui est très bonne lorsqu’on en fait telle application, peut devenir très funeste par une application différente. La seconde conséquence que me fournit cette manière de procéder, c’est que le comité, pour ne l’avoir pas entièrement suivie, a blessé, selon moi, le droit, non de la propriété privée en général, mais de quelques propriétaires. Il me semble par exemple que, après avoir établi que les mines doivent être concédées et que les propriétaires du sol doivent être préférés, il était facile de juger toutes les anciennes concessions d’après ce principe, ce qui tendait à déclarer milles toutes les concessions par lesquelles des propriétaires, exploitant leurs propres mines, avaient été dépouillés. On aurait ainsi décidé tous les cas par un seul principe; on n’aurait eu besoin que de juger du passé par les règles que l’on veut s’imposer pour l’avenir. G’était sans doute une folie de regarder les mines comme une possession domaniale : c’était un acte de sagesse de les concéder pour exciter à les découvrir, et pour en assurer la possession aux inventeurs; c’élait une iniquité d’en dépouiller ceux qui les exploitaient déjà, car l’Etat n’ayant droit qu’à l’exploitation n’avait plus à intervenir quand une mine était cultivée. Ce peu de mots renferme tous les principes que je vais développer ; et l’on saura comment j’ai procédé dans cet examen, si j’ajoute que je me suis fait à moi-même les questions suivantes : Est-il probable que les mines seront mises en valeur, si on déclare qu’elles font partie de la propriété, du sol? Est-il possible que toutes les mines soient exploitées par de simples propriétaires? Causerait-on un préjudice réel aux possesseurs de la surface des terres, en déclarant que les mines sont des propriétés publiques, dans ce sens que c’est à la nation à en concéder l’exploitation, de manière que b s propriétaires du sol aient la préférence, comme ils auraient dû l’avoir dans tous les temps? On ne me dira pas que ces questions sont inutiles, car c’est comme si je demandais : Est-il avantageux d’avoir des mines, et quand on les a, faut-il les laisser sans produit ? Je vais donc traiter la question de la propriété des mines, et dans le sens du comité et dans mon sens. Je répondrai ensuite aux principales objections qu’on oppose au système du comité ; et après l’avoir examiné relativement aux concessionnaires, je proposerai une nouvelle rédaction de quelques articles du projet de décret, que je regarde comme indivisibles du principe et comme devant être décrétés en même temps. Avant de discuter si la propriété est attaquée par le projet de décret, il faut savoir, il faut réunir sous un seul point de vue tout ce que le comité accorde aux propriétaires, soit directement, soit par des conséquences qu’il est facile de suppléer sans s’écarter de son système: alors seulement on pourra décider s’il est possible d’aller plus loin. D’abord toutes les mines ne sont pas déclarées des propriétés publiques, et une très grande partie est abandonnée aux propriétaires du sol : telles, sont non seulement tontes les carrières, non seulement les terres vitrioliques à l’usage de l’agriculture, mais toutes les mines qui, vu leur posilion, peuvent être facilement exploitées par tout le monde ; c’est-à-dire les mines superficielles de transport ou d’aliuvion, ce qui comprend presque toutes les mines de fer et une grande partie de celles de charbons dans les provinces où elles sont par couches horizontales et rapprochées de la surface. Voilà déjà un premier hommage rendu au droit de propriété dans les articles 2 et 5 du titre Ier et dans les deux premiers articles du titre II. En second lieu, il résulte évidemment de ces articles, quoique le projet de loi n’en parle point, que toutes les concessions qui n’avaient pour objet que des mines superficielles se trouvent abrogées; ainsi, sous ce nouveau rapport, le propriétaire rentre dans ses droits. En troisième lieu, même pour les mines qui seront à la disposition nationale, les anciennes concessions sont abrogées si elles n’ont eu pour objet que des mines déjà découvertes et en exploitation réglée dans le fonds d’autrui : c’est la disposition de l’article 8 du titre Ier ; et si on fait de cet article une disposition absolue, si on la dégage des exceptions établies dans les trois articles suivants, car rien n’est plus odieux que de distinguer quand il s’agit d’être juste, cela seul rétablit encore dans leurs premiers droits les propriétaires de plusieurs provinces. Eu quatrième lieu, je vois encore dans l’article 16 du titre Ier, que, pour toutes les nouvelles concessions des mines qui sont déclarées nationales, les propriétaires du sol seront préférés à tous les autres concurrents. Or, d’après cela, je ne conçois pas de quelle importance il serait d’examiner la question abstraite de la propriété. Quel que soit le droit d’un possesseur, il faut ou qu’il exploite, ou qu’il laisse exploiter; son véritable droit de propriété est exercé par la préférence. Enfin même dans le cas où le propriétaire ne veut pas exploiter, le projet de loi accorde l’indemnité la plus forte pour tous les dommages [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 121 mars 1791.] 249 qu’on aura causé?. Celte indemnité doit être réglée sur la valeur du m illeur terrain, quoique les mines s ient placées le plus souvent sous les surfaces les plus siériles. L’imérêt du prix du terrain sera pavé au 6 0/0 sans retenue. Les concessionnaires répondront de tous les dommages de leurs ouvriers; et si pour exploiter une mine il faut toucher à des enclos, d* s cours, des jardins, des vergers voi-ins de l’habitation, le mineur ne pourra pas forcer le consentement des possesseurs du sol. Ce sont les dispositions des articles 1, 29, 30, 31 et 37 du titre Ier. Que manque-t-il donc à l’intérêt des propriétaires dans une loi qui les ménage avec tant de soin? Je voudrais l’apprendre des propriétaires mêmes. Que demand z-vous, leur dirais-je? Sont-ce les mines abondantes, les mines qui sont presque indivisibles de votre sol et que vous pouvez facilement exploiter? Le projet de loi vous les accorde. Regrettez-vous ce fer, ce charbon que vous ne laisseriez i as enfoui parce qu’il est à votre portée? Vous pouvez l’extraire, la loi vous le permet; et les concessions ne mettent aucun obstacle à vos droits. Avez-vous découvert des mines même profondes dans votre sint s violent le droit de propriété? G’est donc à cela que se réduit la question. Je soutiens d’abord qu’il serait absurde de regarder comme une violation du droit de propriété la loi nu’on impose au propriétaire du sol, d’en céder une partie (tour l’exploitation d’une mine. La nécessité de cette mes ire n’est point particulière an projet du comi'é; elle est commune à tous les >ystèrr es ; il faudrait également l’adopter si oa déclarait que toutes les mines sont une dépendance du sol, ou si on les accordait au premier o cupant. Une mine répond souvent aux surfaces d’une foule de propriétés; on la découvre par un puits; c’est souvent par un autre, et par plusieurs autres qu’il faut l’extraire. Admettrez-vous, de la part d’un propriétaire, un refus que rien ne pourra forcer? 11 sera dès lors impossible d’exploiter les mines. Laisserez-vous la possibilité du refus pour que le propriétaire ait le droit de vendre son consentement à plus haut prix? Mais pourquoi la loi ne le fixerait-elle pas, puisqu’il s’agit de l’utilité publique? N’en use-t-on pas ainsi pour les rues, les chemins et les canaux? Ce n’est pas donc dans cet article que la propriété est violée. Elle l’est bien moins encore dans l’article qui maimientles inventeurs jusqu’au terme de leurs concessions. En effet, on déclarerait aujourd’hui que toutes les mines sont des propriétés privées et font partie du sol, qu’il faudrait encore respecter un contrat, qui a enrichi la société, soutenu nos manufactures, doublé nos productions, d minué l’importation des étrangers, et ranimé l’industrie dans plusieurs provinces; il faudrait le respecter, parce que le gain qu’il a procuré, a été le fruit de beaucoup de risques et de très grands sacrifices. Certainement si l’on entend par droit de propriété le d oit de s’emparer d’une mine exploitée par ceux qui l’ont découverte, de recueillir à la p'a< e de celui qui a semé, de ruiner à son profit quiconque a mis des capitaux immenses à ce genre de culture, alors le droit de propriété est violé; ma's il n’est aucun de nous qui n’appelât cette usurpation un brigandage. Admet-on le système du premier occupant? Ceux qui ont trouvé, sont les premiers occupants. N’admet-on pour propriétaires des mines, que les propriétaires du sol? Je voudrais que l’on me dît à qui appartiendra une mine de deux lieues de rayon exploitée par 4,000 ouvriers, et qui répond à la surface de 2,000 propriétaires? En fera-t-on le partage entre tous les possesseurs du sol? Ils n’y auraient pas un droit égal. La donnera-t-on à trois ou à quatre possesseurs privilégiés dans les terrains desquels les pui's se trouvent ouverts? Mais souvent le filon n’est pas sous la surface de ces terrains. Achèteront-ils des ateliers de plusieurs millions? Comment, dans quelle proportion chacun y contribuera-t-il? Permettra-t-on à chacun d’eux de faire de nouvelles ouvertures? Il faudra donc renouveler toutes les dépenses lorsqu’elles sont toutes faites. D’ailleurs, prenez garde, un édifice immense est caché sous la terre; le moindre travail mal combiné peut, dans un instant, ou tout renverser ou tout submerger. Il faudrait donc dans tous les systèmes conserver de pareils concessionnaires. Ce n’est donc pas sous ce rapport que le projet de loi [ eut être contraire au droit de propriété. Il ne reste qu’un seul point sur lequel on puisse disputer; la propriété individuelle est-elle violée en déclarant que certaines mines sont à la disposition de la nation? Mais j’ai déjà fait observer que cette partie du décret ne doit pas être séparée de l’article 16, par lequel il est dit : « que nulle concession nouvelle ne pourra être « accordée qu’auparavant le propriétaire de la «surface n’ait été requis de s’expliquer, dans le « délai de deux mois, s’il entend procéder lui-« même à l’exploitation ; auquel c,is il aura la « préférence. » Ainsi, dans le projet de loi, le sens de ce mot, propriété nationale ou propriété à la disposition de la nation, signifie seulement que la nation aura le droit de concéder les mines. Or, je voudrais que l’on m’apprît comment ce droit de concession pourra nuire au propriétaire, tandis 2g0 [Assemblée nationale.] qu’il dépendra de lui d’être préféré dans les concessions. S’il était injuste, comme on le prétend, d’accorder une mine à celui qui veut la rechercher, lorsque le propriélaire du sol où elle se trouve refuse de l'extraire, il serait donc juste que le propriétaire refusant d’exploiter, nul autre ne le pût à sa place. Or, qui voudrait soutenir cette opinion? Aurait-on osé la proposer, lorsque vous avez autorisé le dessèchement des marais, dans le cas même où les propriétaires du sol ne voudraient pas y consentir? Il n’en est pas des richesses qui sont sous la terre, comme des fruits qui sont sur sa surface; il n’est pointa craindre qu’un trop grand nombre de propriétaires renoncent à un produit facile; leur travail est provoqué par des impôts, et la négligence de quelques individus nuirait très peu à la société entière. Les mines au contraire sont peu nombreuses. Soit qu’on les exploite ou qu’on les dédaigne, l’impôt sur le sol, restant le même, ne stimu e pas l’activité. Il faut d’ailleurs sans cesse que les mines épuisées soient remplacées par d’autres; et, dans l’état actuel de nos besoins, la cessation de ce produit serait la ruine de beaucoup de nos manufactures. Enfin, dans toute société bien ordonnée, ne conviendrait-il pas que la propriété même du sol passât à un autre maître, si son possesseur le laissait trop longtemps sans culture? Cela seul suffirait, au besoin, pour justifier un principe qui, en déclarant que les mines sont à la disposition nationale, se réduit, par le fait, au droit de les concéder quand le propriétaire refuse d’en jouir et d’en faire jouir la société. Mais il y a plus : personne n’a encore soutenu que les mines non exploitées par le propriétaire du sol ne pourraient l’être par personne; et tous ceux qui regardent les mines comme des propriétés, sont forcés de reconnaître le droit du premier occupant, dans le fonds d’autrui. Il ne s’agirait donc, sous ce rapport, que d’une dispute de mots ; car quelle différence y a-t-il entre un propriétaire refusant d’exploiter une mine, qui la voit usurpée par un premier occupant, et ce même propriétaire refusant une concession qu’on est, par là, forcé de donner à un autre? 11 perd la mine dans les deux cas; et bien loin que la propriété soit violée par le système des concessions, je prétends qu’elle est, au contraire, plus ménagée. Le premier occupant prive le propriétaire du sol d’une mine, sans qu’il le sache, sans qu’il le veuille, sans qu’il puisse même s’y opposer; au lieu que, dans le système des concessions, il est averti, provoqué même, et préféré quand il lui plaît. Pour vous montrer, Messieurs, que mon système concilie tous les intérêts, je n’ai besoin que de vous citer quelques passages d’un ouvrage qui vient d’être publié contre le rapport du comité, en faveur des propriétaires des mines du Forez et du Languedoc, et qui porte la signature du sieur Pérignon. On lit à la page 11 de ce mémoire : « Le gouvernement, si tous les propriétaires « d’un territoire refusaient de le cultiver, aurait « le droit de les y forcer. — De même, si le proprié-« taire d’une mine ne voulait pas l’exploiter, on « l’obligerait à le faire ou on ferait exploiter. « Mais celui qui cultive son champ, qui le fait « produire, est à l’abri de tout reproche. » Or, le projet de loi ne dit précisément que cela. Les mines seront concédées, parce qu’il ne faut pas que cette terre féconde reste en friche. Elles [21 mars 1791.] seront concédées au propriétaire quand il voudra les cultiver. Elles ne seront accordées à tout autre que sur son refus. Nous voilà donc dans les mêmes principes. Voici un autre passage du même mémoire (p. 17): « Il faut céder à l’utilité publique, d’accord ; « mais je suis dans le principe, quand f exploite « la mine de charbon qui se trouve dans ma >< terre, quand je suis les procédés que la loi « m’indique, quand j’exécute 1. s règlements « qu’elle prescrit pour l’exploitation. « La raison d’utilité publique n’a d’autre but, « d’autre motif que l’exploitation des mines. * Eh bien! les propriétaires, en exploitant les < mines, remplissent ce but. « Les concessionnaires ne feront antre chose « que ce que font les propriétaires. Où est donc c le b°soin de concessi n? » La réponse est facile. S’il est vrai que l’utilité publique fasse une nécessité de Exploitation des mines, ainsi qu’on le reconnaît; s’il est vrai que ce but ne soit rempli que par le propriétaire exploitant, il s’ensuit que la société a intérêt de concéder les mines à tout autre qu’au propriétaire, si celui-ci refuse de les cultiver. Cette conséquence est certainement irréplicable. En effet, je n’ai qu’une question à faire aux auteurs de ce mémoire. Vous convenez qu’il est important que le propriétaie n’exploitant pas, un autre puisse exploiter. Supp 'sez donc l’inaction du propriétaire; qui explo tea? Direz-vous, le premier occupant? Je vous réponds que celui qui voudrait être occupant deviendra concessionnaire. Nous voilà donc encore d'accord sur les principes. Nous le sommes d’autant plus, que le projet du comité devrait subsister pre que en entier, quand même on en retrancherait le premier article, qui tend à déclarer que les mines sont à la disposition de la nation; car il faudrait dans tous les cas, à moins de vouloir renoncer aux mines, remplacer cet article par celui-ci ; l’exploitation des mines sera concédée car la nation. On aurait exprimé le même principe par des mots différents, et toutes les conséquences seraient les mêmes. Veut-on examiner malgré cela si les mines sont essentiellement des propriétés privées dépendantes de la surface qui les couvre? Je dis que la société n'a fait une propriété du sol qu’à la charge de la culture, et sous ce rapport le sol ne s’entend que de la surface. Je dis que dans la formation de la société on n’a i u regarder comme propriété que les objets dont la so< tété pouvait alors garantir la conservation. Or, comment aurait-on empêché qu’à 1,200 pieds au-dessous d’un propriétaire on n’exploitât la mi e que le propriétaire du sol aurait prétendu lui appartenir? Je dis que si l’intérêt commun et la justice sont les deux fondements de la propriété, l’intérêt commun ni l’équité n’exigent pas que les mines soient des accessoires de la surface. Je dis que l’intérieur de la terre n’est pas su-ceptible d’un partage; que les mines, par leur marche irrégulière, le sont encore moins; que, quant à la surface, l’intérêt de la société est que les propriétés soient divisées; que dans l’intérieur de la terre il faudrait au contraire les réunir, et qu’ainsi la législation qui admettrait deux sortes de propriétés comme accessoires l’une de l’autre, et dont l’une serait inutile par cela seul qu’elle aurait l'autre pour base et pour mesure, serait absurde. Je dis que l’idée d être maître d’un tor-ARCHLVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.] rent et d’une rivière qui répond sous la terre à la surface de nos champs, me paraît aussi singulière que celle d’empêcher le passage d’un ballon dans l’air, qui répond aussi, à coup sûr, au sul d’une propriété particulière. Je dis que la prétend m de regarder les mines comme un accessoire de la surface, et comme une véritable propriété, est certainement très nouvelle ; car je voudrais bien savoir si quelque acheteur s’est jamais avisé de demander une diminution de prix ou de faire casser une vente, parce qu’il aura découvert qu’une mine avait été fouillée sous le sol qu’il a acheté; il pourrait cependant soutenir qu’il avait droit à tout, et qu’en achetant le sol il voulait pénétrer au fonds de la terre. Enfin, je dis qu’il n’est presque aucune mine qui réponde physiquement au sol de bd proprit taire. La direction oblique d’une mine de l’est à l’ouest la fait toucher, dans un très court espace, à 100 propriétés différentes. Examinons maintenant, et ceci vaudra mieux pour la législation des mines qu’une théorie purement raéihaphysique, si le système par lequel on dé - lacerait que les mines sont une propriété accessoire uu sol, n’en serait pas la ruine totale. Ou jae peut nier que les mines doivent être exploitées dans leur ensemble : or, par cela seul, on ne gagnerait rien à les déclarer des propriétés privées, car il faudrait presque toujours que tous les maîtres d’un sol très vaste voulussent y concourir, sans quoi cette propriété de chacun ne serait réellement celle de personne. Quelles que soient no-lois sur cette matière, nous ne changerons certainement pas celles de la nature. Or, n’est-il pas évident, qu’à chaque pas la recherche d’une mine force à s’écarter des règles ordinaires des propriétés? Une mine n’est pas exploitable avec une seule ouverture. Je creuse un puits dans mon fonds; à peine ai-je une lueur d’espérance, que je suis sous le fonds d’autrui. Si celui-ci ne me permet pas de faire une autre ouverture, il faut que je renonce à mes travaux : s’il e-t forcé de me l’accorder, il est donc vrai que le droit de propriété doit céder à l’utilité publique'. Indépendamment de cette première difficulté, comment concevoir qu’un propriétaire du sol puisse se livrer à toutes les dépenses de ce genre d’industrie? Sait-on bien ce que c’est que d’exploiter une mine? Creuser des puits, les soutenir et en repousser sans cesse les eaux; percer des galeries à travers des rochers, et en prévenir l’affaissement; pacer partout des étais coûteux; établir des machines, des pompes à feu, des ventila eurs, faire pour tous ces travaux des dépenses ruineuses, les risquer pour des essais souvent infructueux; les continuer pour qu’ils ne soient pas inutiles, et avoir des fonds suffisants pour une grande quantité d’ouvriers : s’il s’agit dus mmes métalliques, établir des fourneaux, fondre la mine, y consumer des forêts entiè es, joindreenfin à un crédit nécessaire pour se procurer de grands capitaux la connaissance la plus profonde d’un art qui exige le secours de presque toutes les sciences. Est-ce là ce qu’on peut attendre des propriétaires isolés? La plupart n’ont pas même des ressources suffisantes pour cultiver la surface de leur sol, comment en auraient-ils pour se livrer à des entreprises périlleuses? Veut-ou qu’ils vendent la surface de leurs propriétés pour se procurer les moyens d’en sonder la profondeur? , Un exemple fera mieux connaître les dépenses énormes qu’exige la recherche des mines. Je ci-2oi terai la compagnie d’Anzin près de Valenciennes : elle obtint une concession, non pour exploiter une mine, mais pour la découvrir lorsqu’aucun indice ne l’annonçait. Ce fut aprè3 22 ans de travaux qu’elle toucha la mine. Le premier filon était à 300 pieds, et n’était susceptible d’aucun produit. Pour y arriver, il avait fallu franchir un torrent intérieur qui couvrait tout l’espace dans l’étendue de plusieurs lieues. On touchait la mine avec une sonde; et il fallait non pas épuiser cette masse d’eau, ce qui était impossible, mais la traverser. Une machine immease fut construite, c’était un puits doublé de bois. On s’en servit pour contenir les eaux et traverser l’étang. Ce boisage fut prolongé jusqu’à 900 pieds de profondeur. Il fallut bientôt d’autres puits du même genre et une foule d’autres machines. Chaque puits en bois dans les miues d’Anzin de 460 toises, à plomb (car la mine a 1,200 pieds de profondeur), coûte 400,000 livres. Il y en a 25 à Anzin et 12 aux mines de Fresnes et de Vieux-Condé : cet objet seul a coûté 15 millions. Il y a 12 pompes à feu de 100,000 livres chacune. Les galeries et les autres machines ont coûté 8 millions; on y emploie 600 chevaux; on y occupe 4,000 ouvriers. Les dépenses en indemnités accordées selon les règles que l'on suivait alors, en impositions et en pensions aux ouvriers malades, aux veuves, aux enfants des ouvriers, vont à plus de 100,000 livres chaque année : je demande si les propriétaires du sol auraient pu tenter une aussi vaste entreprise? A quoi cependant a-t-il tenu que cette mine, que tous les étrangers reconnaissent pour l’une des plus belles de l’Europe, n’ait ruiné les capitalistes dont elle avait absorbé la fortune? C’est par là, Messieurs, qu’il faut décider la question des mines. Le rapporteur a tout dit, selon moi, quand, dans les premières pages de son rapport, il a rappelé les travaux immenses qu’elles exigent, ce concours de tant de moyens, cette réunion de tous les arts qu’il faut employer pour en rendre l’exploitation utile. Les mines ne peuvent appartenir qu’à celui qui peut les extraire; si l’on en faisait des propriétés isolées, ce serait évidemment y renoncer. Ce résultat peut encore être appuyé de l’exemple de presque tous les peuples et de notre propre expérience. Je ne cite ni les Grecs, ni les Romains, car s’ils faisaient exploiter leurs mines pour le compte de l’Etat, n’oublions pas qu’ils avaient des esclaves, et nous ne voulons pas en avoir; mais en Allemagne, en Espagne, en Portugal, les mines sont des propriétés publiques. Un auteur français a prétendu qu’en Angleterre les mines sont des propriétés privées , il s’est trompé : on les considère comme un droit national; aucun particulier ne peut, fouiller une mine sans une permission du roi qui ne la donne que moyennant une redevance appelée realty : il y a en Angleterre des mineurs de profession; ils sont classés; ils ont des barmestres, des jurés, des tribunaux, et cependant eu Angleterre les mines des fossiles sont peu profondes. On a confondu, parce qu’on a vu des mineurs propriétaires dans le nord du royaume; on ne s’est pas aperçu qu’ils étaient en même temps concessionnaires. L’origine de ces concessions se perd dans l’antiquité; elles furent accordées à des étrangers venus de Saxe et de Danemark; on leur donna, pour les retenir, un privilège perpétuel et une foule de prérogatives. On les nomme encore aujourd’hui tanniers; ils ont une police particulière; le roi se fait payer le realty sur les mines qu’ils ex- 252 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 121 mars 1791.) ploitent, comme sur toutes les autres. Ils sont propriétaires parce que, s’étant établis dans des lieux inhabités, la propriété du terrain ne leur a jamais été contestée. Notre expérienceprouve également quelaliberté individuelle d’exploiter les mines ne sert qu’à les rendre inutiles ou à les détruire. Négligence dans leur recherche, erreurs funestes dans leur exploitation, dissension entre les propriétaires, dévastation ; fruit de l’ignorance, abandon total par défaut de moyens : voilà les effets que la liberté a toujours produits, lorsque notre législation a voulu s’en rapprocher de trop près. Le rapporteur vous a rappelé les motifs du règlement de 1744; il fut rendu sur les plaintes de toutes les manufactures du royaume. Je ne sais ce qu’on peut répondre à ces objections. Dira-t-on que les propriétaires formeront une société? Mais réuniront-ils tout à la fois leur sol et leur fortune? Leur sol : il faudrait souvent, pour exploiter une mine de deux lieues de rayon, réunir 2,000 propriétaires ; et quelle sera la proportion de leur intérêt? Comment un si grand nombre d’associés agiront-ils de concert ? Leur fortune : mais presque toujours elle serait insuffisante; il est des mines dont l’entreprise a coûté dix fois plus que la valeur totale au sol qui les couvre. La réunion était possible sous l’ancien régime. Qu’on cite un seul exemple où plusieurs propriétaires se soient réunis. N’oublions pas, d’ailleurs, qu’il y a plus d’entreprises de ce genre où l’on s’est ruiné, que de celles où les fonds sont rentrés. Ce revers importe fort peu lorsqu’il frappe sur des capitalistes; leurs fonds n’ont fait que passer dans d’autres mains, et la société a gagné même à des tentatives infructueuses. Mais n’est-il pas contraire à l’intérêt public que les propriétaires du sol s’appauvrissent? Dira-t-on que des compagnies de mineurs achèteront toutes les surfaces de terres qu’ils voudront exploiter et deviendront ainsi propriétaires? Je demande si la réunion d’un si grand nombre de propriétés serait facile, et si elle serait facile, et si elle serait utile dans les principes de notre nouvelle Constitution? D’ailleurs, peut-on espérer qu’une compagnie, qui a des avances si considérables à faire avant de découvrir ce qui peut-être n’existe pas, ajoutera à toutes les chances qui sont contre elle, celle d’un achat d’immeubles, qui serait une source de nouvelles pertes? Dira-t-on qu’il y aura un plus grand nombre de petites exploitations, ce qui tiendra lieu des entreprises plus considérables? Mais on a déjà observé qu’on ne peut pas diviser une mine comme on divise la culture d’un champ. Les frais sont moindres dans les grandes entreprises, et la matière de la mine peut être vendue à plus bas prix. Quand on a fait de grandes dépenses, on suit un filon jusqu’à son épuisement : la quantité des matières extrailes est donc plus considérable; et sous ce nouveau rapport le prix en est moindre. 2,000 propriétaires feront 2,000 puits pour une exploitation qu’une compagnie aurait fait avec 4,000. Les premiers n’emploieront que des hommes pour tous les travaux; celle-ci y suppléera par des machines. _ Enfin croira-t-on répondre à toutes ces objections, en admettant pour système le droit de premier occupant? G’est alors qu’on va tomber dans un étrange chaos-Quelle sera la propriété de celui qui aura trouvé le premier une mine? Il n’aura certainement que ce qu’il aura touché... Ce filon de 10 toises, de 1,000 toises, est à lui ; mais si le filon a 100 toises, 2,000 toises, l’autre bout lui appartient-il quoiqu’il ne l’ait pas trouvé, quoiqu’il n’en connaisse ni la direction ni l’existence? Un antre mineur peut sans doute aussi l’exploiter; il sera à son tour le premier occupant; et voyez quelles seront les suites d’un pareil système? Un ouvrier gagné n’aura qu’à faire connaître la direction de la mine, un propriétaire avisé y pénétrera d’un seul coup : il aura la plus grande pat tie du profit, l’inventeur n’aura plus que les dépenses. Aura-t-on des mines avec ce système? Pourra-t-on surtout exploiter des liions méta'li'iues qui n’ont qu’une épaisseur médiocre, et qui s’étendent à une grande distance ? Un auteur moderne qui a voulu commenter les idées publiées en 1769 par le respectable M. Tur-got, dans un ouvrage périodique, croyait répondre à cette objection de cette manière. « Si les mineurs, disait-il, en partant des deux bouts opposés, viennent à se rencontrer, le filon sera épuisé; il n’y aura donc point de rivalité. » Il aurait dù prévoir que le mineur peut couper le filon à quelques pas de l’inventeur et s’éloigner de lui au lieu d’aller à sa rencontre. Je demande alors à qui serait le profit? Et s’ils parviennent par des routes opposées au point où deux filons se réunissent, à qui restera le champ de bataille? Quel est celui qui prendra pour son compte toutes les dépenses qu’un seul des concurrents aura faites? L’auteur dont je parle les renvoie à des arbitres. Il était plus facile de donner ce conseil que de prononcer. Mais le double système, soit du premier occupant, soit de l’exploitation libre de la part des propriétaires du sol, présente un inconvénient encore bien plus grave, auquel il estimpossible de parer. Je suppose qu’une mine déjà exploitée, ou qui le serait dans la sui te, pût être croisée par d’autres entreprises de la part de ceux qui croiraient pouvoir s’approprier ou ce qui serait dans leur sol, ou ce qu’ils parviendraient à découvrir; et je prends la mine d’Anzin pour exemple. Uq nouveau puits, ou maladroitement, ou méchamment construit, n’aurait qu’à verser les eaux dans l’espace miné, 25 millions de dépenses seraient détruites dans un quart d’heure. J’ai dit maladroitement ou méchamment, car on sait avec quelle jalousie les mineurs de Mous ont toujours vu l’exploitation de cette mine. Ils fournissaient, avant qu’elle fût découverte, jusqu’à 3 millions de mesures de charbon, à 5 1. 10 s. la mesure du poids de 250 livres; et la compagnie d’Anzin, qui donne aujourd’hui le même p ids à 25 sous, fournit à la consommation de cinq provinces. Il me reste à parler des anciens concessionnaires et j’adopte, en le modifiant, le plan du comité. Je confirme seulement les concessions des mines qui n’ont pas été données dans un état d’exploitation et qu’il a fallu découvrir. Le droit de pareils concessionnaires devrait être conservé quand même les mines seraient déclarées des propriétés privées; à plus forte raison doit-il l’être si le système des concessions est adopté. Un véritable contrat existe entre ces concessionnaires et l’ancien gouvernement, et ce contrat n’est point un don ni un privilège. C'était, si l’on veut, un bail, et vous avez conservé les baux à ferme des propriétés que vous avez déclarées nationales. L’utilité publique exigeait que les mines fussent exploitées. Leroi ne cédait pas un terrain, il le désignait. Il donnait un droit dont les mineurs n’auraient pas eu besoin dans [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1791.] ]e système du premier occupant. Il était alors important de n’être point contrarié par les seigneurs de lief, qui, dans quelques provinces, prétendaient avoir aussi un droit sur les mines ; et puisque les concessions pouvaient seules conserver ce genre d’industrie, il serait évidemment injuste de punir ceux qui, en s’y livrant avec bonne foi, avtc courage, ont en même temps servi leur pays. Q e leur a-t-on donné? Un droit dont personne n’usait, un champ plus fertile en espérances qu’m succès, et souvent la faculté de se ruiner. Ces privilégiés, si on veut les appeler ainsi, ne nuisaient à personne. Q ie leur disait-on ? Consacrez vos capitaux à telle entreprise; faites des recherches, courez-en tous les risques; semez de l'or dans l’interieur de la terre, et proportionnez vos avances à la durée des récoltes que vous pouvez espérer : jusqu’alors on ne s’emparera pas du fruit de vos lra\aux. Ce privilège, si c’en est un, est d’une singulière espèce. Ces hommes ont été utiles, ils ont alimenté nos manufactures, agianui notre commeree, conservé notre numéraire. Doit-on les dépouiller? Mais le pourrait-on sans injustice ? Ils n’auraient point de concession, qu’iis auraient pour titre leurs travaux, leurs dépenses et leurs services. Et par qui les ferait-on remplacer? Serait-ce par d’autres concessionnaires? Mais, quoi ! Nous legar-dons comme une injustice de l’ancien gouvernement d’avoir concédé des mines exploitées à des favoris [tour en dépouiller les propriétaires, et nous pourrions imiter une telle conduite! Seraient-ils remplacés par les propriétaires du sol ? Et comment uiviserait-on ces riehesesque d’autres mains ont préparées? Gomment distribuerait-on ces immenses ateliers, qui ne peuvent être conservés que par l’exploitation la plus régulière? Ne voit-on pas qu’un seul mois d’interruption dans les travaux détruirait 1r s machines, di.-perserait les ouvriers, et ferait perdre jusqu’à la trace d s mines? Je propr se, Messieurs, les sept articles suivants à la place des articles 1,2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 16 du titre Ior du projet du comité et d> s articles 1 et 2 du titre II. « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que les mines et minières tant méta liques que non métalliques, ainsi que les bitume s, charbons de terre ou de pierre et pyrites smit à la disposition de la nation; et que ces substances ne pourront être exploitées que de son consenti ment, à la charge d’indemniser, d’apiès les règles qui seront prescrites, les propriétaires de la surface, qui jouiront en outre de celles de ces mines qui pourront être exploitées à tranchées ouvertes, sans fosse et sans lumière. « Art. 2. 11 n’est rien innové à l’extraction des sables, c aies, a gib s, pierres à bâtir, marbres, ardoises, pierres à chaux et à plâtre, qui continueront d’être exploités par les propriétaires, sans q dil soit nécessaire d’obtenir aucune concession. « Art. 3. Les concessionnaires actuels ou leurs cessionnaire-qui ont découvert les mines qu’ils exploitent, seront maintenus jusqu’au terme de leur concession, qui ne pourra pas excéder cinquante années, à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 4. Si ces concessions excédaient une surf. ce de 6 lieues carrées, elles seront réduites à cette étendue par les administrations de département, qui laisseront aux concessionnaires le choix des parties qu’ils voudront garder. « Art. 5. Les concessionnaires, dont la conces-253 sion a eu pour objet des mines découvertes et exploitées par des propriétaires, seront déchus de leur concession, à moins qu’il n’y ait consentement légal des propriétaires de la surface ; et lesdites mines retourneront aux propriétaires qui les exploitaient avant lesdites concessions, à la charge, par ces derniers, de rembourser de gré à gré, ou à dire d’experts, aux concessionnaires actuels, la valeur des ouvrages et travaux dont ils profiteront. « Art. 6. Les concessions des mines dans lesquelles tous les travaux ont cessé depuis une année seront supprimées. « Art. 7. Les propriétaires des surfaces seront préférés pour toutes les concessions nouvelles des mines qui pourraient se trouver dans leurs fonds ; et ils seront requis de s’expliquer, ainsi qu’il sera dit ci-après. Plusieurs membres demandant que le discours et le projet de décret de M. de Mirabeau soient imprimés et disirihués. (Cette motion est décrétée.) (Le reste comme au projet du comité.) Plusieurs membres demandent que la suite de la discussion sur les mines et minières soit ajournée à dimanche prochain. (Get ajournement est décrété.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante : « Grenoble, le 15 mars 1791. « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous envoyer ma démission de député à l’Assemblée nationale et de vous déclarer que, dès ce moment, je cesse de me regarder comme un de ses membres. « Signé : Antoine d’Agoult. » M. le Président. J’ai à faire part à l’Assemblée de plusieurs dépêches importantes qui me sont remises par un courrier extraordinaire arrivant actuellement de Douai ; l’Assemblée veut-elle que je lui en donne lecture? ( Marques nombreuses œ assentiment.) Voici ces documents : 1° Lettre des administrateurs du district de Douai. « Douai, le 18 mars 1791. « Messieurs, vous avez été informés des troubles qui ont alarmé un inslant la vil e de Douai ; ces troubles soûl entièrement cessés et la plus grande tranquillité règne actuellement. « Privée de toute autre ressource, cette ville avait l’avantage, inappréciable pour elle, de posséder dans ses murs une administration qui a eu constamment pour garantie de sa sûreté l’amour et le respect des citoyens. Au nom des administrés, noussupplions l’Assemblée nationale de rendre à cette cité le siège du département et d’ordonner que le directoire du département retiré à Lille, où il siège provisoirement, lui soit rendu. « Nous vous prions, Monsieur le Président, de manifester le vœu que nous formons, de compter parmi les bienfaits de l’Assemblée nationale celui de voir rentrer dans cette ville des admi-