[Assemblée natioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1791.] traîtres, de ce que nous pourrons faire, sur ce que nous avons fait... Et qu’ils frémissent!... « Signé : Les citoyens composant la garde nationale de Fontenay-le-Gumte. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du sieur Balzac , citoyen de la section de la place Royale à Paris, qui offre de payer, à compter du jour que nous serons en guerre jusqu’à celui où nos armes seront victorieuses, 15 sols par jour, pour celui de ses compatriotes qui le remplacera. Il regrette que sa fortune ne lui permette pas de répondre plus grandement au patriotisme qui anime tous les bons citoyens. M. le Président fait donner lecture d’une lettre du sieur Jacques Langlade de Villier , citoyen de Paris, père de 14 enfants ou petits-enfants, à laquelle est joint le serment qu’il prête en conséquence du décret de l’Assemblée du 22 juin dernier. Cette lettre est ainsi conçue : « Messieurs, « J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint mon serment patriotique : il est dans toute l’effusion de mon cœur; il est l’expression de mon âme et de mes sentiments. J’ai adressé aujourd’hui au district de Saint-Lazare , maintenant section Poissonnière, mon serment. Depuis, malgré mon âge, je lui ai témoigné le désir que j’avais de rester citoyen actif. Je réitère aujourd’hui en vos mains le serment dû à la circonstance : il importe très peu à la nation, mais il importe beaucoup à un père qui, prêt à descendre dans le tombeau, laisse après lui 14 enfants ou petits-enfants. « Recevez donc, Messieurs, mon serment comme pèrede famille, j’ose dire respectable, et de fidélité de laquelle je réponds. « Je soussigné Jacques Langlade, âgé de 78 ans, ancien secrétaire de feu M. de Conti ; je jure en mon âme et conscience de maintenir les décrets prononcés et à prononcer par l’auguste aréopage; j’espère verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour soutenir l’heureuse Constitution qui nous a été donnée envers et contre tous ses ennemis; j’espère que la providence, qui a si bien surveillé les travaux de nos sages législateurs, voudra bien m’accorder la grâce que je lui demande tous les jours, de me conserver la santé et la force pour être en état de donner à nos concitoyens les preuves de mon patriotisme, que je jure de porter jusque dansje tombeau. ( Applaudissements .) « Je suis, etc. « Signé ; LANGLADE DE VlLLIER. » M. le Président fait donner lecture de la soumission faite par plusieurs membres du tribunal de cassation pour l’entretien, l’un de trois gardes nationaux, et tous les autres de chacun un garde national, pendant tout le temps que durera leur exercice audit tribunal. Suivent les noms desdits membres : J. -P .-Ü.GzrrsLn, président; Vernier, Fantin, Cl.- B. Navier, Gensonné, Giraudet, François Le Maire, Barrai, Caillemer, Riolz, Mol-vaut, Albarel, de Prosnay, Boucher, Hor-tal, Pons, J.-G. du Mesnil, Bailly, Miquel, 1" Série. T. XXVIII. Bazenerye, Tupinier, Cosinhal, Hérault, Morseng, Lions, de Torcy, G. Hom, greffier du tribunal de cassation , Malleville, Brouard, Greuzé-Latouche, Bouche, Vieil-lart. (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette liste dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est un rapport des commissaires de L'Assemblée nationale envoyés dans les départements de la Meuse , de la Moselle et des Ardennes. M. de JVIontesqnîou, l’un des commissaires. Messieurs, Nous avons terminé la mission que vous nous aviez donnée. Nous avons parcouru les trois départements de la Meuse, de la Moselle et des Ardennes : c’est là que M. de Bouillé commandait; c’est là ([ue devait se consommer le mystère d’iniquité dont le patriotisme d’un seul citoyen a préservé la France. Certes, celui qui avait coqçu cet horrible projet n’avait pas étudié l’esprit qui anime les habitants du pays qui devait en être le théâtre : nulle partie du royaume ne rassemble des citoyens plus ardents pour la Révolution ; la terre y est hérissée de soldats prêts à mourir pour la cause de la liberté : un seul esprit semble les animer tous. Au moment où l’imagination grossissait encore le danger très réel qui nous a menacés, le peuple des villes a vu des femmes, semblables à ces fameuses Spartiates, disputer pour leurs fils l’honneur de marcher les premiers (. Applaudissements .) : là on ne demande que des armes et des chefs fidèles; enfin, après avoir parcouru cette partie de l’Empire, il est impossible de n’avoir pas l’intime conviction que le despotisme ne pourrait désormais y conquérir que des déserts. Nous vous avons rendu compte précédemment de l’exécution de vos ordres à Verdun et à Metz. Après être sortis de cette dernière place, nous avons gagné Bitche, le point le plus reculé de la partie que nous étions chargés de visiter, et nous avons suivi la frontière dans une longueur de 80 lieues, jusqu’à Charlemont, Givet et Philippe-ville, passant par Sarrelouis, Thionville, Longwy, Montmédy, Sedan, Mézières et Rocroy. Les troupes dont nous avons reçu le serment consistent, en infanterie, en 14 régiments, un bataillon d’infanterie légère, un régiment d’artillerie et le corps des mineurs; en troupes à cheval, en 2 régiments de cavalerie, 5 de hussards, 6 de dragons et 3 de chasseurs. Partout nous avons trouvé le même zèle pour le maintien de la Constitution, dans les soldats, cavaliers, dragons, hussards et chasseurs; cette ardeur est portée à un point qui doit faire trembler nos ennemis. Si nos troupes ont à combattre pour la cause de la Révolution, ce sma leur propre cause qu’elles croiront défendre. ( Applaudissements .) Malheureusement tous les officiers n’ont pas adopté les mêmes principes; ceux qui avaient une opinion différente ont montré du moins leur respect pour la religion du serment : ils n’ont pas juré ce que leur cœur désavouait; mais il n’est pas un régiment, parmi ceux que nous avons vus, où la totalité des officiers ait refusé de prendre l’engagement décrété : il en est plusieurs où tous font accepté. Ainsi les officiers actuellement au service méritent la confiance de la nation, et les régiments où il y a beaucoup de places vacantes témoignent plutôt des regrets 15 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 226 pour une grande partie des officiers qu’ils ont perdus, que des doutes sur ceux qui leur restent. Nous avons vu 7 régiments d’infanterie suisse ou allemande qui se sont presque tous conformés à la loi. Dans les 8 régiments d’infanterie française, et dans les 16 régiments de troupes à cheval que nous avons vus, 150 officiers environ sont compris dans la réforme que vous avez prononcée : nous en remettrons l’état au ministre. Nous n’employons dans cette liste de capitaines ou de lieutenants à remplacer, que ceux qui sont réformés par votre décret du 22 juin dernier : il en est plusieurs autres qui, après avoir prêté le serment, ont, soit par dégoût du service, soit par des raisons particulières, adressé leurs démissions au ministre de la guerrePDeux régiments de dragons et un de chasseurs à cheval sont particulièrement dans ce cas; et quoique notre mission se bornât au serment, nous avons fait de vains efforts pour retenir ces officiers; nous avons même été loyalement secondés par les dragons et chasseurs à leurs ordres, mais nous l’avons été sans succès. Nous n’apportons pas la liste de ces derniers officiers; notre commission ne nous chargeait pas de ces détails ; le ministre de la guerre est en état de vous en rendre compte. Les officiers qui y sont inscrits se flattent qu’ils seront traités comme ceux qui ont refusé de prêter le serment : nous ne leur avons donné aucune espérance à cet égard, mais nous leur avons promis de mettre leur demande sous les yeux de l’Assemblée nationale. U est inutile que nous vous représentions la nécessité urgente de remplacer tout ce qui vaque de places d’officiers dans l’armée ; ce n’est qu’au moment où l’organisation de tous les corps sera complète, que l’on pourra travailler efficacement au rétablissement de la discipline et à l’instruction des troupes. Les moments sont précieux, et le besoin de ranimer ces deux ressorts de la force militaire est évident : mais il s’en faut bien qu’il soit vrai, comme les malveillants ne cessent de le répéter, que le mal soit sans remède, il peut, au contraire, être promptement guéri, si l’ Assemblée n’admet au commandement que des chefs patriotes, si elle les investit d’une grande autorité, et si les cours martiales, partout constituées, sont justes et inexorables. C’est particulièrement dans l’infanterie française qu’un grand nombre d’emplois est vacant ; ce serait peut-être le cas de tirer parti d’une occasion malheureuse pour diminuer la quantité d’officiers (. Applaudissements ), soit en les réduisant à deux par compagnie, soit en réduisant les compagnies elles-mêmes à un moindre nombre : alors l'opération de la réforme actuelle serait moins à charge aux finances de l’Etat; alors les officiers mieux payés, sans que la dépense fût plus grande, seraient plus attachés à leurs emplois : plus occupés, ils se livreraient moins au désoeuvrement qui les perd ; et très suffisants pour le nombre d’hommes qu’ils auraient à conduire, il en résulterait pour nos armées à la guerre une diminution d’équipages, pour nos garnisons plus de tranquillité, et pour chaque individu plus d’espérance d’avancement. Dans l’ancien système, on multipliait les places d’officiers pour favoriser une classe privilégiée qui en avait fait son patrimoine, et qui se croyait déplacée partout ailleurs : aujourd’hui que toutes les professions appellent tous les citoyens, nous ne devons plus connaître que des fonctionnaires publics; l’Etat ne doit employer que ceux dont il a besoin, et tout fone-113 juillet 1791.] tionnaire inutile est un fardeau pour la société. Nous n’insisterons pas davantage sur celte observation; nous demandons seulement qu’elle soit renvoyée au comité militaire, et qu’elle soit sérieusement examinée. Nous vous avons informés de la nouvelle distribution que nous avons faite des troupes dans les différentes places de la frontière ; le strict nécessaire est partout, et il est difficile de donner plus que le nécessaire à chaque partie, lorsque, distribuant avec égalité les précautions convenables, rien n’indique encore aucun point menacé. Au moment d’un rassemblement dans les pays étrangers de troupes, d’approvisionnements et de munitions de guerre, on sera sans doute à temps d’opposer de grandes forces à tous les desseins hostiles; mais des places presque démantelées, de faibles approvisionnements de vivres et de munitions, sont faits pour donner de la confiance à l’ennemi, et de justes alarmes aux patriotes, Or, tel est l’état d’uDe partie de notre frontière. L’ancien système de notre gouvernement était depuis longtemps un système de conquête; c’était toujours hors du royaume que nous allions combattre : on mettait depuis un siècle au rang des dépenses inutiles la conservation de ces forteresses qui nous environnent; leur état atteste l’insouciance des ministres et les effets de ce luxe destructeur qui embellit tout et ne conserve rien. La nation ayant changé de système, ayant calculé les droits des peuples comme les droits de l’homme, tous les résultats doivent être différents. La sûreté du royaume est désormais notre principal objet; les places qui l’assurent doivent une première fois être rétablies dans leur état primitif, améliorées ensuite et mises sur un pied d’entretien tel qu’aucune réparation importante n’y soit jamais nécessaire. Non seulement nous sommes très loin de ce point de perfection, mais nous ne faisons pas tout ce qu’il fautpoury arriver. De toute la frontière des 3 départements que nous avons parcourus, Bitche et Gharlemont sont seuls dans un état respectable; les autres places présentent le triste tableau d’un abandon presque général ; des remparts ou dégradés ou éboulés, des fossés remplis à moitié par des atterrissements, des contrescarpes détruites: voilà ce que nous avons vu partout. Les chemins couverts ne sont pas rétablis nulle part, les bois nécessaires pour les palissades, les blindages, les ponts de communication ne sont ramassés qu’en partie; les travaux commandés pour cette année sont disposés comme si nous avions plusieurs années devant nous; l’insuffisance des fonds, celle des bras est partout la même. Si la nécessité nous forçait à repousser des attaques sérieuses, avec tous les efforts possibles, nous ne présenterions qu’une défense incomplète; et cette vérité, évidente aux yeux des habitants de la frontière, répand dans leur esprit, des doutes sur la sincérité et sur le patriotisme de ceux qui sont à la tête de l’administration. Nous les avons rassurés autant que nous le devions sur l’objet de leurs craintes, nous leur avons montré la faiblesse des efforts qu’ils pouvaient redouter : mais ici nous devons vous dire toutes les vérités. Il faut prendre des moyens plus prompts, plus actifs, plus généraux que ceux qui ont été pris jusqu’ici; il faut que l’été ne smcoule pas en travaux insuffisants. Il n’y a rien à espérer pour la défense du royaume de ce que l’on fait aujourd’hui, si l’on ne rétablit que quelques points, si l’on ne palissade que quelques ouvrages, si l’on ne prépare que quelques brèches. Il [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1791.1 faut surtout une direction particulière pour ces travaux, une direction active et responsable, et des fonds suffisants, it plus exactement payés, Toute économie dans ce genre serait un principe de ruine pour l’avenir; et remarquez, Messieurs, que nous ne vous parlons que ms places de première ligne : on peut en effet remettre à une autre année celles de la seconde. Nous vous observons seulement en passant, que Melz est tout ouvert par un endroit de son enceinte, et que nous avons été obligés de prendre des précautions pour empêcher que quelques aventuriers à cheval pussent y entrer la nuit, y répandre une ridicule alarme. {Murmures. — C’est abominable!) De toutes ces places de la frontière, Mézières est celle qui est le moins défendue. En 1747, on voulut changer en ouvrage à couronne l’ouvrage à corne qui couvrait le pont de la Meuse; on le commença alors ; bientôt après on abandonna l’ouvrage, et il n’a pas été repris depuis. Cette construction à faire est indépendante des réparations nombreuses qu’exige le reste des fortifications de cette plac ', et particulièrement du comblement des fossés, qui y est presque général. Quelques mois bien employés peuvent changer la face de nos frontières, mais pour cela il n’y a pas i,un moment à négliger, la saison avance, et la perte de cette année pourrait être irréparable. Ce n’est pas à Paris qu’il faut placer le centre d’autorité, d’action et de surveillance de ces grands travaux; une correspondance lente, des envois de fonds retardés soit par la négligence, soit par la mauvaise volonté des sous-ordres, le défaut d’ensemble dans l’exécution, un tâtonnement auquel le silence absolu du ministre, ou l’insuffisance de ses réponses, sert au moins de prétexte : voilà ce qu’il faut écarter en mettant sur les lieux une commission de ce que le génie et l’artillerie peuvent nous fournir de chefs plus instruits et plus éprouvés. Le général, à qui l’Assemblée accorde la confiance la plus étendue, verrait tout par ses yeux, et des moyens illimités livrés à une autorité puissante mettraient bientôt la défense du royaume sur le pied convenable. .Nous vous supplions de prendre cet objet dans la plus sérieuse considération. Cette défense de la frontière septentrionale du royaume est, comme nous vous l’avons dit, insuffisante partout, parce que la frontière n’est sérieusement menacée nulle part. Les Côtes-du-Nord et le Pas-de-Calais fortifieraient les Ardennes, la Meuse et la Moselle, si i’un de ces 3 départements pouvait être attaqué, et réciproquement. Ce sont les Etats de la même puissance qui bordent toute cette frontière; il en résulte à nos yeux la nécessité d’en confier la garde au même général : cette seule disposition donnerait une grande sécurité aux habitants de ces différents départements ; ils verraient un seul général placé en observation des mouvements de nos voisins pouvant, au moindre signal, réunir et placer les forces nécessaires partout où les circonstances les appelleraient. Divers camps d’observation, utiles à l'instruction des troupes, plus utiles encore aux travaux des fortifications, serviraient à former des officiers généraux qui, au bout de 30 années de paix, sont la plupart fort peu exercés aux grandes manœuvres; iis instruiraient nos braves gardes nationales, et déconcerteraient les petits projets et les grandes menaces de nos ennemis. Il est un de ces camps que la situation des choses semble indiquer plus que tous les autre?, et qu’elle place sur les frontières de l’Al-227 sace et de la Lorraine allemande, au point de contact de l'armée du Nord et de celle du Rhin.; mai?, pour que toutes ces mesures soient utiles, il faut qu’il y règne un grand ensemble, il faut qu’elles tiennent toutes à un plan général; et c’est pour cela qu’elles ont besoin d’être dirigées par le même chef. Nous pensons, en conséquence, que les pouvoirs de M. de Rochambeau devraient s’étendre jusqu’à Bitche. Les approvisionnements d’artillerie sont immenses en tout genre, et l’activité de nos arsenaux est telle que nous pouvons le désirer. Il n’en est pas de même de l’armement des troupes. Les gardes nationales ont reçu beaucoup de fusils, mais la distribution en ayant été faite sans méthode, les districts des frontières en manquent essentiellement, et les campagnes qui, dans les moments d’alarmes comme celui-ci, exercent la plus grande vigilance, ne peuvent employer que des bras désarmés. Nous avons pris connaissance de l’état des salles d’armes; nous avons vu qu’il serait imprudent de ne pas réserver ce qui nous reste de fusils du dernier modèle, tant pour l’infanterie de ligne que pour la partie des gardes nationales qui vont plus particulièrement se dévouer à la défense de l’Etat. Dans les arsenaux de 14 places frontières, nous u’avons trouvé, outre les fusils du modèle de 1777, qu’environ 3,500 armes du modèle précédent que l’on puisse donner aux campagnes. Nous en avons fait distribuer environ 300 par district de l’extrême frontière, en établissant à cet égard un ordre de distribution proportionné à la population, et une responsabilité de la part des municipalités à qui le dépôt en serait confié. Vous sentez à quel point ce secours est insuffisant, tant pour établir une vraie défense, que pour fermer des défenseurs. La manufacture de Gharle ville a ordre de fabriquer 12,000 fusils dans l’année, et vraisemblablement les deux autres manufactures ont le même ordre. Ges travaux, que nous avons suivis dans le plus grand détail, s’exécutent avec tout l’ordre et toute la précision possibles; mais il est clair qu’une fabrication de 36,000 fusils par an n’est rien da; s la circonstance actuelle. Les ouvriers des manufactures ont été autorisés, par une lettre de M. de La Tour-du-Pin, à travailler pour le commerce : dès tors, il est devenu impossible de les contenir comme par le passé, et au lieu de 2 et 3,000 fusils que ci-devant on pouvait tirer tous les mois de chaque manufacture, à peine peut-on aujourd’hui en obtenir 1,000. La subordination de ces ouvriers est aussi considérablement affaiblie. La rigidité des règles établies à la fabrication, règles qui seules en assurent la bonté, est aujourd’hui l’objet delà réclamation des ouvriers. Vos commissaires les ont entendus; leurs plaintes portent sur l’observation d’une loi essentiellement bonne, mais qui les gène. Nous leur avons démontré que la loi était juste, et que nous n’avions pas le droit de l’abroger. Deux mutins seuls ont murmuré contre cette décision, et samedi soir l’un d’eux a voulu assassiner l’officier d’artillerie chargé de diriger les travaux de la manufacture. Ce crime, heureusement, n’a pas été consommé; 1 1 le coupable arrêté ôtait, à notre départ, livré à la justice. Il nous paraît convenable de prendre des mesures pour rétablir l’activité de la fabrication ; une légère augmentation dans les prix nous parait nécessaire depuis l’abrogation des privilèges ; mais il faut que les ouvriers qui travaillent pour la nation ne travaillent que pour elle dans les circonstances comme celles-ci, et alors 80 ou 228 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 100,000 fusi;s pourront être fabriqués dans un an, et réparer le vide de nos arsenaux : c'est encore un objet qui mérite une attention particulière. Dans le moment actuel, et pour fournir à la partie la plus urgente des secours nécessaires aux municipalités delà frontière, on propose d’acheter à Chnrlevilie 3,000 fusils neufs qui s’y trouvent, à 15 livres pièce. Le département des Ardennes nous a requis d’en solliciter l’ordre. C\ st un objet de 45,000 livres : cette mesure nous paraît sage, nous vous invitons à l’ordonner et à autorisé r cette distrib ution dans les districts des Ardennes et de la Meuse, qui touchent à la fro.;- tière. Les gardes nationales off ent, dans le pays que nous veuo.is de parcourir, le spectacle imposant qui frappe ici vos yeux depuis longtemps : celui d’une armée innombrable, vouée à la défeuse deia patrie par tes seuls motifs de l’honneur et du patriotisme. Ces soldats delà liberté désertent toute autre occupation dès qu’un signal d’alarme se tait entendre. Dans tous les lieux où leur nombre permet leur rassemblement, iis tigureni déjà à côté des régiments les mieux exercés, et quelques mois d’instruction plus suivie les y placeraient avec avantage; mais ce qu’on ne saurait trop admirer, ce qui prouve à quel point l’esprit public a déjà fait de progrès en France, c’est l’étonnante, l’imperturbable union qui règne entre cette milice libre et les troupes de ligne. ( Applaudissements .) Aucune prétention ne les clivis ; ious les services qu’ils font en commun ne serait pas mieux faits par les soldats du même régiment; et cette émulation qui se fait remarquer dans les plus petits détails du service militaire est un présage assuré de celle qui se développerait s’il fallait marcher à la gloire. Partout les gardes nationales attendent impatiemment le décret qui les rassemblera; peut-être même serait-il important de ne pas le différer, mais peut-être aussi faudrait-il considérer que ces braves citoyens ont, ou des champs à cultiver, ou des professions utiks à exercer, et qu’en les préparant à la défense de la pairie, il est bon de les enlever, témoins qu’il sera possible, à leurs travaux particuliers. Njus penserions que la moitié seulement de ceux qui auront été honorés du choix qu’ils sollicitent tous pourrait être réunie, soit dans les champs, soit dans les garnisons, et, 3 mois après, être relevée par l’autre moitié. De la sorte, vous en formeriez le double sans aucune surcharge pour cette intéressante partie de la nation. C’était un spectacle enchanteur que celui de la joie qu’ils faisaient éclater lorsqu’ils r nouvelaient le serment de mourir pour la défense de la patrie, et de n’obéir qu’aux ordres qui leur seraient donnés en conséquence des décrets de l’Assemblée nationale. Les approvisionnements en vivres et en fourrages sont considérables dans le département de la Moselle; il n’en n’est pas de même dans ceux de la Meuse et des Ardennes. Plusieurs places de ces deux départements ne se trouveraient pas approvisionnées pour un temps raisonnable, si les garnisons en étaient poilées au nombre suffisant pour les défendre. Les moyens de transport étant plus difficiles, surtout dans le département des Ardennes, où il n’existe p s déplaces de seconde ligne propres à contenir des magasins, il serait important d’y pourvoir à l’avance, et de u’avoir plus qu’à les entretenir. Jama s cet acte de prévoyance ü’am a été plus facile à exécuter que cette année. Les récoltes detoutgenrepromettentla plus grande 113 juillet 1791.] abondance, et cette dépense aura peut-être une autre utilité politique, celle d’empêcher le prix des denrées de s’avilira un point accablent pour le cultivateur. Nous devons vous transmettre aussi la surprise qu’excite partout le retard de l'organisation delà gendarmerie nationale. G? corps universellement estimé, dans 1 état actuel des choses ne peut suffire à son service; néanmoins, s’il est une circonstance où aucune des branches de la force publique ne puisse être impunément négligée, c’est celle où des événements extraordinaires excitent ou eiùretiennentdans les esprit-beaucoup d’inquiétudes et d’agitations. Get article est un de c ux sur lesquels nous avons vu insister le plus fortement ies corps administratifs. Après vousavoir renducompte des observations générâtes que nous avons faites, il nous reste à vous parler de quelques faits particuliers. Nous avons trouvé à Montmédy le 96e régiment d’infanterie, ci devant Nassau, et à Stenay le 15e régiment de cavalerie, ci-devant Royal-Allemand : ils avaient tous deux été employés plus activement que les autres parM. de Bouille au moment où il méditait l'exécution de son projet. Le premier de ces régiments avaitreçu, le 22, à 5 heures du matin, à Montmédy, où il était arrivé le 20, l’ordre de marcher; et après avoir fait 10 lieues de marche forcée, il était rentré à Montméiy. Pénétrés d’indignation qu’on eût voulu faire d’eux les instruments d’une trahison, les sous-officiers de ce régiment, tant en leur nom qu’au nom de leurs soldats, se rassemblèrent, ainsi que leurs officiers, le 23, au matin et portèrent au directoire du district de Montmédy la déclaration la plus formelle de l’ignoranceabsolue où ils avaient été du motif de leur marche, et l’explication la plus franche de leur attachement à la Constitution française. Cette déclaration, dont une expédition nous a été délivrée par le district et qu’appuyait le sentiment de tous les habitants de Montmédy, doiteffacertoutes les idées deméfiauce qui déjà s’étaient répandues contre ce beau régiment, aussi remarquable par sa discipline, que par le talent des chefs qui lui restent. Leur colonel a déserté son poste; il s’est déclaré l’ennemi de la patrie, et s’est fait justice à lui-même en sortant du royaume. A peine sa conduite a-t-elle été connue, que 2 officiers de ce régiment se sont déclarés dépositaires d’une somme de 80,961 livres, enécus, queM. Hamiltonleur avait remise, et aussitôt le chef du corps en a fait sa déclaration au district. Nous avons ordonné le dépôt de cette somme à la caisse dudit régiment ju�u’après les ordres de l’Assemblée nationale, et nous en avons déclaré les chefs r sponsabies. On sait à présent que depuis quelque temps il s’était fait, dans cette province, de nombreux échanges d’assignats contre du numéraire ; c’était la cause ignorée de l’élévation subite du prix de l’argent. La somme dont nous venons de vous parler est, sans doute, le produit d’une partie de ces échanges. Nuus avons déclaré suspendu de tout commandement militaire le sieur Hamilton, colonel du régiment de Nassau, et le sieur Duplessis, lieutenant-colonel du 12e régiment de chasseurs qui a suivi son exemple et qui est sorti du royaume. Quant au 15e régiment de cavalerie, ci-devant Royai-Allemand, 7 officiers seulement lui restent : il paraît que c’est le régiment sur lequel M. de Bouillé comptait le plus. Les cavaliers témoignent le plus grand regret de cette conliance, | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1791.] 220 qui aujourd’hui leur semble avilissante. Nous ne prétendons rien prononcer sur des faits que nous ne connaissons que par le récit des parties intéressées; mais nous pouvons attester que ce régiment, remarquable par sa beauté et par l’indignation qu’il a témoignée contre les projets de M. de Bouille, depuis que le motif en est bien connu, a prêté, avec transport, le serment que vous aviez prescrit. Il paraît que M. de Bouille, au moment de faire agir les troupes, avait donné pour prétexte du voyage du roi le rassemblement d’un camp à Mcmtmédy; et que, pour ce rassemblement, il avait supposé à l’avance des mouvements de troupes autrichiennes dans le pays de Luxembourg, mouvements absolument faux, puisqu’il est avéré que le duché de Luxembourg ne contient que 3,000 hommes, tant pour la défense de cette place que pour la garde du pays. Un camp devait effectivement se former sous Montmédy le 23, les effels de campement étaient déjà arrivés, mais les dispositions ultérieures de M. de Bouillé sont encore un mystère impénétrable. Ce général, dont le nom ne se prononce plus sans horreur dans le pays d’où nous arrivons, avait enveloppé ses desseins sinistres, de manière à tromper les yeux les plus attentifs; mais heureusement qu’il a été trahi lui-même par ses propres combinaisons. Il se vante aujourd’hui d’employer contre sa patrie ce caractère actif et entreprenant auquel il a dû ses succès. Il semble à l’entendre que toutes les puissances de l’Europe lui ont remis leurs pleins pouvoirs. Ah! sans doute, si ce bel Empire a su déjà délier l’Europe entière lorsqu’il ne s’agissait que de servir l’in-jus'e ambition d’un monarque, il saura bien mieux encore déconcerter les ligues impies qui se formeraient contre sa liberté ! ( Applaudissements .) Mais pourquoi l’art de la politique, ou plutôt la vraie politique, qui n’a d’autre art que la justice et la raison universelles, ne serait-elle pas employée en même temps à la défense d’une si belle cause? Est-il une seule puissance à qui le sort de la France puisse être indifférent? Cette vaste et riche contrée n’a-t-elle pas des points de contact avec toutes les nations civilisées? Si quelques-unes peuvent être avides de partager ses dépouilles, n’en est-il point d’intéressées à la conservation de sa prépondérance? Pourquoi, dans une circonstance où rien n’est à négliger, renoncerions-nous à former des alliances, quand nous ne pouvons douter qu’il est des peuples éclairés chez qui notre Révolution a trouvé beaucoup plus d’admirateurs que de critique>, quand surtout notre abjuration de tout esprit de conquête ne laisse à aucune puissance un motif raisonnable de nous disputer des avantages qui ne peuvent plus nuire à personne? Sachons, Messieurs, tirer parti !de notre position actuelle, hâtons-nous de confondre le plan de cette confédération dont on nous menace; et que la ressource des négociations, si souvent prostituée pour l’usurpation, serve du moins cette fois au triomphe de la justice. Mais n’oublions pas que leur succès dépendra de l’autorité que vous donnerez aux engagements qu’il sera permis de prendre au nom de la nation française. Il est difficile d’exprimer toutes les pensées qui se présentent dans un pareil sujet, lorsque d'une part l’on voit les difficultés d asseoir un système politique national sans l’intervention directe de la. nation; et de l’autre, celle d’allier cette intervention avec le secret nécessaire au succès des négociations. Si l’action du chef que la Constitution donne au pouvoir exécutif était elle-même ce qu’elle devrait être, ces difficultés n’existeraient pas; mais parce que les ressorts du gouvernement n’ont pas le mouvement que vous avez voulu leur imprimer, faut-il que le timon de l’Etat reste à l’abandon? N’existe-t-il donc aucun moyen de faire entendre dans les cabinets de l’Europe le vœu de l’Assemblée nationale? Offrirait-elle aux puissances étrangères une garantie moins respectable que la volonté versatile des rois, ou plutôt celles des ministres qui renouve’aient 20 règnes dans la durée d’un seul? Pourquoi, du moins, ne ferait-on pas directement et franchement, au nom de l’Assemblée nationale, la discussion des indemnités que réclament à juste titre les princes d’Allemagne possessionnés dans nos provinces? Il est temps enfin qu’une négociation aussi simple mette un terme à des inimitiés que l’Assemblée nationale n’a jamais eu l’intention de faire naître. Nous finirons, Messieurs, par manifester une vérité importante dont il faut que vous soyez instruits et que nous serions bien coupables de dissimuler. Cette vérité est que tout l’espoir, toute la confiance des pays que nous avons parcourus, résident dans l’Assemblée nationale, et ne résident qu’en elle. Autant la conduite qu’elle vient de tenir inspire le respect et l’admiration, autant dans ces circonstances difficiles les soupçons, les défiances environnent de tous côtés le pouvoir exécutif. Nous n’examinerons pas si la conduite de ses principaux agents peut motiver une telle disposition des esprits ; il suffit qu’on ne puisse se flatter de la changer brusquement, pour que vous ne deviez jamais la perdre de vue dans les mesures générales qu’exige en cet instant le salut de l’Etat. Nous n’aurons point l’indiscrélion de vous présenter des idées précises sur un sujet de cette importance; il nous faudrait d’ailleurs plus de temps pour leur donner le développement dont elles auraient besoin; mais il suffit de vous les faire apercevoir, pour que vous sentiez qu’une conjoncture aussi extraordinaire que celle où nous sommes, ne permet pas un timide asservissement aux règles communes. Quand il s’agit de la sûreté du royaunm, quand le gouvernement n’a plus de ressorts suffisants, quand on ne peut espérer de lui rendre, par une simple application des principes, l’énergie qui lui manque, des précautions d’un ordre supérieur sont momentanément indispensables. Il faut donc, nous osons le dire, il faut qu’il se forme, entre l’Assemblée nationale et le pouvoir exécutif, une union intime; il faut que la faiblesse de l’un soit soutenue par l’influence de l’autre; et si des mesures exécutives ne peuvent, dans le moment actuel, avoir de succès qu’autant qu’elles émaneront directement du Corps législatif, ou qu’elles seront directement secondées par lui, gardons-nous de sacrifier le salut public à un respect superstitieux pour le principe de la distinction des pouvoirs. Songeons que le moment qui précède celui où une Constitution nouvelle doit sortir triomphante du sein des orages est un moment hors des règles. Songeons que le corps constituant semble aujourd’hui la seule providence sur laquelle les citoyens se reposent du destin de l’Empire, et qu’une telle opinion vous donne une force contre laquelle viendront toujours se briser les efforts des ennemis de la Révolution. {Murmures à droite. Applaudissements à gauche.) C’est à vous aujourd’hui, Messieurs, en distinguant de la circonstance actuelle le temps heureux où la Constitution sera affermie et victorieuse; 230 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 juillet 1791.] c’est à vous à rechercher les moyens de vous lier provisoirement au pouvoir exécutif, de manière à lui faire partager la confiance dont jouit le corps constituant. Nous ne pouvons trop le répéter; c’est de la solution de ce problème intéressant, que peut dépendre le sort de la Révolution. Il nous reste encore à vous entretenir de quelques faits d’ordre public qui vous intéressent et sur lesquels nous avons pris des informations, quoiqu’ils ne fissent point partie de notre mission. La vente des domaines nationaux est partout dans la plus grande activité. Le prix n’en a point baissé, et l’ardeur de les acquérir ne s’est pas ralentie un moment. Les assignats circulent bien et, avant les derniers accaparements de numéraire, leur échange s’était soutenu à un prix modéré. Aujourd’hui l’on combat l’avidité des usuriers par l’établissement des caisses patriotiques. Nous en avons vu naître une à Sedan, et une autre à Charle-ville. On s’occupait d’en établir à Metz. Nous avons encouragé, autant que nous l'avons pu, cette utile industrie; et nous avons fortement recommandé de l'associer avec la petite monnaie, sans laquelle ses avantages sont médiocres. Ces institutions n’ont pour ennemis que les marchands d’argent ; mais elles ont pour appui la raison, les bons citoyens et la nécessité : ainsi leur succès n’est pas douteux. Un autre objet plus important encore nous a fort occupés, rétablissement de l’impôt et son recouvrement. Nous voulions surtout nous assurer du fondement que pouvaient avoir les bruits tant de fois répandus sur l’impossibilité de percevoir l’imposition foncière, sur l’effroi qu’elle allait répandre dans les provinces, et sur la résistance qu’éprouverait sa perception. Nous pouvons assurer à l’Assemblée que les directoires des départements de la Meuse, de la Moselle et des Ardennes nous ont dit, en termes exprès, que leur pays était soulagé; que la dîme seule payait la majeure partie de l’impôt; que le peuple l’acquitterait avec zèle, et que l’expédition des nouveaux rôles était même attendue avec une sorte d’impatience. Nous ne pouvons donner trop d’éloges au zèle et au patriotisme des corps administratifs. Tous ceux avec qui nous avons eu des relations justifient pleinement la confiance qui les a institués. ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Plusieurs membres demandent l’impression du rapport de M. de Montesquiou et l’envoi dans les 83 départements. M. Frétean-Safnt-Just. Je sens combien il est nécessaire d’éclairer la nation sur sa position véritable. Aussi je suis bien loin de vouloir m’opposer à l’impression du rapport qui vient de vous être fait. Mais je dois observer que M. de Montesquiou ayant avancé des faits contradictoires à tout ce qui nous a été dit jusqu’à présent et qui seraient de nature à alarmer la nation, il est nécessaire que ces faits soient constatés de manière à ne laisser aucun doute. Il y a en effet, au commencement de ce rapport, un mot qui m’a infiniment touché, je dirai même effrayé; ce mot qui, je le répète, est en contradiction avec des récits très circonstanciés faits à l’Assemblée nationale. Ce mot porte sur l’état des approvisionnements pour l’armée. 11 a été dit ici à la tribune, il n’y a pas quinze jours, que l’armée, en la supposant de 150,000 hommes, était approvisionnée pour 18 mois; par conséquent, en la supposant de 220,000 hommes, elle doit l’être au moins pour un an; et le commencement du rapport de M. de Montesquiou fait supposer, et malheureusement des lettres de Lille viennent à l’appui, que l’armée n’est pas approvisionnée. De plus, M. de Montesquiou a dit eu finissant qu’il y a des provisions suffisantes pour les garnisons et les troupes dans le département de la Moselle, mais que celui des Ardennes en manque encore. Si l’Assemblée nationale ordonne l’impression de ce rapport, je demande qu’il passe auparavant sous les yeux du comité militaire, et qu’il en soit conféré avec ceux qui ont avancé qu’il y avait des vivres pour l’armée. Il y a un autre point qui n’est pas moins intéressant. Le comité militaire nous a exposé qu’il avait été distribué depuis la Révolution environ 700,000 fusils ; ces 700,000 fusils ne sont probablement pas sortis du royaume, ou du moins c’est en très petite quantité. Je demande donc qu’il soit joint à ce rapport un état de distribution de ces armes, de manière que si tout à coup il était nécessaire d’établir un état plus considérable d’hommes armés que ne l’exige l’état de paix, on pût, en s’adressant aux divers départements, revendiquer les armes, sauf à les rendre ensuite. On sait assez combien il y a d’intentions hostiles contre nous, et malheureusement de la part de Français importants. J’insiste donc pour que ce rapport ne paraisse qu’avec les modifications et explications qui peuvent empêcher que sa lecture ne jette une alarme excessive dans l’esprit des citoyens. Voilà quelle est ma motion. M. de montesquiou, rapporteur. J’ai demandé la parole pour répondre à M. Fréteau. Notre intention n’a point été de flatter l’Assemblée en lui dissimulant nos besoins. Nous avons pensé que, quand l’Assemblée nationale a envoyé de ses membres pour visiter les provinces, c’était la vérité qu’elle attendait d’eux, et non pas des vœux fabriqués d’après aucune raison ou opinion particulière. Je n’ai point dit, dans mon rapport, que la frontière lût dénuée d’approvisionnements de tous genres. J’ai dit nommément que, dans le département de la Moselle, il y avait un approvisionnement complet. J’ai dit que, dans le département des Ardennes, il y avait un approvisionnement très incomplet ; et j’ai dit une vérité dont je pourrais donner la preuve par tous les états d’approvisionnements. Le comité militaire ne peut pas en savoir plus que nous sur cela, parce que nous avons tout vu et que j’ai en main les pièces qui constatent les faits que j’ai avancés. Je crois qu’il n’est pas effrayant pour la nation de savoir qu’il faut acheter une certaine quantité de rations de fourrage et de farine pour approvisionner un département. Ainsi, quand le comité militaire aurait fait vingt fois le rapport, il ne nous persuaderait pas que le département des Ardennes est approvisionné, lorsque nous avons vu qu’il ne l’était pas. Quant aux armes, nous n’avons pas dit qu’il n’y avait pas de quoi armer les troupes de ligne et même le supplément qui serait fourni aux troupes de ligne, car nous avons dit expre;sô-ment le contraire; et c’est par cette raison que nous vous proposons de donner aux gardes nationales des campagnes les fusils du modèle