SÉANCE DU 20 FRUCTIDOR AN II (6 SEPTEMBRE 1794) - N° 81-85 315 Le 11 thermidor, elle émit à l’unanimité son vœu pour la représentation nationale. Le 12 au matin, il vous fut manifesté par l’organe de deux commissaires envoyés vers vous. Pendant ce temps la société populaire de Soissons appela la surveillance du comité révolutionnaire sur quelques individus connus par leurs liaisons ou leurs rapports avec le conspirateur Saint-Just, et, par mesure de sûreté générale, demanda que les scellés fussent apposés sur leurs papiers. L’aristocratie jeta les hauts cris; elle accusa la société populaire de vouloir la proscrire; cependant des députés de cette Société ont déposé à votre comité de Sûreté générale des renseignements sur cette affaire. Le 3 fructidor, un de ces députés se présenta à l’administration du district de Soissons; il y fut apostrophé de la manière la plus outrageante par l’agent national, qui lui reprocha, ainsi qu’à la Société, d’avoir remis au comité de Sûreté générale une liste de proscription, et d’être les continuateurs de Robespierre. Pour toute réponse à ces invectives, le commissaire de la Société populaire invita le président du district à faire lecture au public du certificat des bureaux du comité de Sûreté générale, contenant le reçu des notes civiques qu’il y avait déposées. Ce reçu fut lu, l’administration le retint, et, malgré les réclamations des commissaires de la Société et au mépris de la loi qui interdit aux administrations le droit de s’approprier les papiers des Sociétés populaires, cet acte resta déposé aux archives du district, sous prétexte qu’il n’est pas de dépôt plus sacré. Ce n’est pas tout; les membres du comité permanent de la Société furent cités au conseil général de la commune pour y subir un interrogatoire sur leur conduite tant auprès du comité révolutionnaire de la commune de Soissons qu’auprès du comité de Sûreté générale. Ce moyen ne réussit pas à l’aristocratie; elle en imagina un autre. Le 14 fructidor, sept des personnages désignés dans les notes fournies firent citer individuellement les commissaires de la Société populaire à comparaître le lendemain par-devant les assesseurs du juge de paix, pour s’y entendre condamner à faire réparation d’honneur à messieurs les citateurs, à attester de leur civisme; et maintenant l’on instruit contre eux cette étrange procédure. C’est ainsi, citoyens représentants, que l’on cherche à décourager les Sociétés populaires, à briser leur énergie, à les dégoûter de la surveillance qu’elles exercent si utilement pour la République. C’est ainsi qu’en assujettissant, contre tous les principes, les actes de ces Sociétés à la juridiction des tribunaux, on intervertit la hiérarchie des pouvoirs, et qu’on s’efforce de frapper le gouvernement révolutionnaire, si redoutable aux aristocrates, et sans lequel la révolution ne peut arriver à son terme. Nous demandons à la Convention que, d’après le vu des pièces dont nous sommes porteurs, la procédure intentée contre la Société populaire de Soissons soit cassée et déclarée nulle; que défense soit faite au tribunal de paix de s’immiscer dans les affaires attribuées par la loi du 14 frimaire au comité de Sûreté générale, et que l’examen de la conduite des citateurs et du tribunal soit renvoyé à ce comité. Signé Bilhaut, Ch. Noël, orateur ; Delabarre. 81 Le citoyen Grappotte se plaint de ce qu'on lui refuse justice, et de ce que les pièces par lui remises au comité de Sûreté générale, en ont été soustraites. Renvoyé aux comités de Sûreté générale et de Législation (137). 82 Le citoyen Bertin demande le renvoi des pièces que son frère, détenu, produit pour sa justification au représentant du peuple Monestier (de la Lozère), actuellement en mission dans le département des Landes. Décrété (138). 83 La citoyenne Catherine Regny réclame de la justice de la Convention, le rétablissement, sur la tête, d’une rente viagère de 666 L 1 s 4 d, constituée sur la tête du dernier tyran, au profit de feu Fleuri Croizat, qui l’avoit léguée par son testament à Catherine Regny. Renvoyé au comité des Finances (139). 84 Le citoyen Izambert demande à prodiguer son sang pour la patrie. Une décision du comité de Salut public porte qu’il ne sera point compris dans l’organisation du dixième régiment d’hussards où il servoit en qualité de sous-lieutenant, et que sa retraite lui sera accordée. Ce militaire ne veut point de sa retraite, il est prêt à servir en qualité de simple volontaire. Renvoyé au comité de la Guerre (140). 85 Une députation de la société régénérée d’Aix, département des Bouches-du-Rhône, applaudit aux travaux de la Convention, repousse les calomnies dirigées contre elle, applaudit aux mesures vigoureuses prises (137) P. V., XLV, 119. (138) P. V., XLV, 119-120. (139) P. V., XLV, 120. (140) P. V., XLV, 120. 316 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE par Maignet contre les ci-devant nobles et prêtres, et au décret de la Convention qui les approuve : elle dénonce les dénonciateurs de ce représentant du peuple, et déclare qu’au réveil de la contre-révolution, le réveil a battu dans les sociétés populaires de ces contrées; le mot d’ordre, dit-elle, est Convention; le point de ralliement, principes et lois; la devise, justice et vigueur; leur serment, liberté, gouvernement révolutionnaire ou la mort. Cette adresse est accueillie par de vifs applaudissements. La Convention nationale en décrète la mention honorable, l’insertion en entier au bulletin, et le renvoi au comité de Sûreté générale (141). L’orateur : Représentai, La société régénérée d’Aix, département des Bouches-du-Rhône, nous députe vers vous pour applaudir à vos travaux, pour repousser et confondre la calomnie, et déposer dans votre sein ses sollicitudes. La tête du tyran Robespierre est tombée, et la liberté, trop longtemps comprimée, a entendu sonner l’heure de la résurrection : mais la joie des patriotes a été de courte durée. Les prédécesseurs, les émules du tyran, ont changé de système après sa mort pour continuer leurs persécutions, pour se maintenir dans leur despotisme. Ils nous ont accusés d’être les complices, les continuateurs de Robespierre, nous qui en étions les victimes, qui en eussions été les Scaevola. Ils ont rassemblé autour d’eux les débris impurs de toutes les factions; ils ont réchauffé tous les vices, et s’en sont entourés. Le modérantisme a osé jeter son masque; l’aristocratie a relevé sa tête hideuse. Des regards criminels se sont tournés vers les lieux qui renferment les bourreaux de la patrie; et des femmes égarées par des hommes corrompus se sont portées en foule pour applaudir au triomphe du crime. Les patriotes énergiques ont été traités d’hommes de sang. Des discours incendiaires ont tracé des portraits abominables contre les fidèles enfans de la liberté. La société populaire, ce roc escarpé, inaccessible aux intrigues et à l’ambition, habité par des hommes purs, dont les mains fécondent la terre ou embélissent les arts, cette société respectable a été outragée, avilie par le maire en fonctions, devant un grand peuple assemblé. Vous avez entendu naguères dans cette enceinte des pétitionnaires d’Aix, sans mission, vouloir vous apitoyer sur le sort des ci-devant nobles et prêtres, et accuser le représentant du peuple Maignet de les avoir réduits à l’heureuse impuissance de nuire. Eh quoi ! des agriculteurs, des artisans, des citoyens utiles à la société ont été renfermés pour des erreurs, pour (141) P.V., XLV, 120. J. Paris, n° 615; Ann. R. F., n° 279; F. de la Républ., n° 427; J. Fr., n° 712; J. Perlet, n° 714; J. S.-Culottes, n° 569; J. Univ., n° 1 748; M. U., XLIII, 329; J. Mont., n° 130. des fautes légères, et aucune voix ne s’est fait entendre en leur faveur ! et lorsqu’une mesure juste et salutaire balaye de notre commune des présidents à mortier, des marquis, des prêtres fanatiques, des nobles conspirateurs, enfin, les sangsues et les vampires encore gorgés du sang du peuple, un maire, à la honte des mœurs publiques, déserte son poste, et vient se déclarer leur défenseur à la face des représentans d’une nation justement révoltée de leurs forfaits ! un ancien membre du comité, un de ceux qui ont résolu, signé et fait exécuter les mandats d’arrêt contre tous les suspects que renferment les maisons de réclusion, ne craint pas de venir se calomnier lui-même !... Car il est un raisonnement bien simple qui se présente ici naturellement : ou les pétitionnaires ont entendu parler de tous les suspects en général, ou seulement des ci-devant prêtres et nobles compris dans la mesure prise par le représentant Maignet. Dans le premier cas, c’étoit le comité de surveillance de la commune, auteur de ces arrestations, qu’il falloit dénoncer, s’il s’en trouvoit d’injustes ou d’illégales; car le représentant du peuple n’y avoit aucune part; et alors les pétitionnaires sont venus s’accuser eux-mêmes, le maire ayant été longtemps, et l’autre n’ayant jamais cessé d’être membre de ce comité. Dans le second cas, c’est donc seulement la cause des prêtres et des nobles qu’ils sont venus plaider à la barre de la Convention; c’est cet indigne motif qui a fait retentir les voûtes de cette enceinte des calomnies les plus dégoûtantes. Représentans, la société populaire d’Aix désavoue cette infamie; elle vous dénonce la dénonciation et ses auteurs; elle applaudit aux mesures vigoureuses prises par Maignet et au décret de la Convention qui les consacre. Les patriotes, délivrés de la présence de ces nobles et prêtres, dont l’air sinistre et conspirateur menaçoit la liberté et affligeoit ses enfans, vous disent par notre bouche : Mettez une triple barrière autour de la fosse aux lions; faites juger sans délai tous les conspirateurs; soyez justes et impassibles comme la loi, mais fermes comme le rocher que vous habitez, sévères et inflexibles comme Brutus : la justice soutiendra, vengera l’innocence; mais les perfides modérés, les aristocrates, les orgueilleux, les despotes, que toutes les foudres de la Montagne, lancées à la fois, les pulvérisent en un instant ! Restez sur ce mont majestueux, Représentans du peuple; soyez plus que jamais la terreur de l’aristocratie et du modérantisme, l’espoir et le soutien des patriotes. Tournez vos regards vers nos départemens, où la réaction s’est fait sentir avec tant de violence : dans ces contrées brûlantes tout porte l’empreinte du climat; le patriotisme y est ardent; mais aussi le modérantisme y est plus souple, plus artificieux, plus perfide; l’aristocratie plus conspiratrice, plus sanguinaire, l’intrigue plus active. Que les moyens de les comprimer soient donc plus actifs, plus vigoureux; que les représentans chargés de ce devoir y soient énergiquement révolutionnaires. Les patriotes y sont en petit nombre; mais quoiqu’assiégés de toutes parts, ils combattent en hommes libres, ils frappent en montagnards. Au réveil de la contre-révolution,