498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 janvier 1791.] Votre comité, Messieurs, s’occupait de cette mesure. II a pressenti d’avance combien elle était nécessaire, et les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons nous font une loi de prendre les mesures les plus efficaces, les plus fermes et les plus énergiques. Un membre à droite : Bravo 1 M. Chasset, rapporteur. Il ne faut pas croire, Messieurs, que, malgré les manœuvres des ennemis du bien public, le nombre de ceux qui s’opposent à la loi soit aussi grand qu’on le dit. Au nom du comité, je suis chargé de vous faire le rapport de ce qui est arrivé à Orléans. C’est une mission bien satisfaisante pour moi. Sans préambule, je vais vous dire ce qui s’y est passé. Les faits sont puisés dans une lettre en date du 24 de ce mois, écrite par les officiers munici-aux à M. Salomon, membre de celte Assemblée. n lui écrit : « C’est avec un vrai plaisir que nous vous informons de la prestation du serment par les évêque, curés et autres ecclésiastiques ..... (Murmures à droite , tumulte.) Un membre : Il n’y a pas plusieurs évêques. M. Cliasset, rapporteur. «... par les évêque au singulier, les curés au pluriel. ( Applaudissements à gauche et dans les tribunes .) « ... et les fonctionnaires publics de notre ville. Ce dimanche 23 janvier 1791, le conseil général de la commune s’est divisé en plusieurs sections pour recevoir le serment. M. de Jarente, évêque du département du Loiret, ci-devant d’Orléans, s’est rendu, accompagné d’un clergé nombreux, dans l’église cathédrale où il a prêté le serment prescrit. Cet exemple, d’un patriotisme éclairé et de soumission aux lois, a été suivi par scs vicaires choisis, en grande partie, parmi les curés des paroisses réunies à la cathédrale et ar plusieurs autres. Les curés de Saint-Marc, de aint-Paul, de Saint-Laurent, de Saint-Paterne, leurs vicaires en grande partie, le desservant de Saint-Pierre-le-Cuillier se sont empressés, en prêtant le serment, de marcher sur les traces du vertueux prélat de ce diocèse. (Murmures à droite .) Le nombre des ecclésiastiques qui ont prêté le serment est de 44. Tout s’est passé avec beaucoup d’ordre et la plus grande tranquillité. Nous espérons que cette nouvelle vous sera agréable, et que vous voudrez bien y donner toute la publicité possible. « Nous sommes, etc... » D’après ce que je viens de lire et ce que vous avez entendu d’ailleurs, vous voyez que ceux qui sont réfractaires à la loi, ne sont pas si nombreux qu’on le pense. (Murmures à droite .) Cependant il est du devoir de l'Assemblée de s’occuper sans relâche de la loi, surtout dans les départements où on oppose le plus de résistance. Je vais vous en citer un trait en vous mettant sous les yeux ce qui s’est passé hier dans la capitale. Avant l’instruction du 21 de ce mois, sous le prétexte que le décret du 27 était trop rigoureux contre ceux qui refusaient de prêter le serment, les grands vicaires ne i’évêque s’étaient retirés. Depuis l’instruction ils ont x épris leurs fonctions. Voici ce qu’ils ont fait avant-hier : Pour obtenir des dispenses de publication de deux bans, quatre familles se sont présentées à neuf heures du matin. Quoiqu’on leur eût fixé cette heure, ils trouvent le secrétariat fermé, personne ne se présente de toute la journée. Le peuple, instruit de cela, murmure et s’assemble. Des pasteurs vénérables des paroisses, réunis à la cathédrale, ont couru quelques dangers parce que le peuple, induit en erreur, pensait que ces curés avaient le droit de délivrer les dispenses. Peut-être même cette idée avait été insinuée exprès parmi le peuple. Les curés, pour se tirer d’embarras, ont été obUgés de venir au comité ecclésiastique, avec vingt-cinq individus composant les quatre familles. Ces pasteurs vénérables nous ont demandé un moyen de faire cesser le tumulte, en satisfaisant le peuple et en l’éclairant. Vous jugez de l’embarras de votre comité ; il ne pouvait vous consulter, le cas était pressant. Voici la résolution qu’il a prise : Il a pensé qu’il était une mesure juste, commandée par la nécessité, d’ailleurs autorisée par les lois dans certains cas. Il a répondu aux curés et aux familles, qu’après une première publication de bans, l’on pouvait se dispenser des deux autres, parce que la publication n’est pas un moyen d’annuler un mariage, surtout lorsqu’on est dans le cas de le réhabiliter si l’on veut ou si l’on peut. (Murmures à droite.) Votre comité a donc conseille de passer outre à la célébration du mariage, et il s’y est cru autorisé parce qu’il y a ici une résistance visible de la part des grands vicaires, et qu’elle était l’occasion d’un grand tumulte. M. Alassleu, curé de Sergy. M. le rapporteur se trompe sur les faits : il y avait sept familles et non pas quatre. 11 oublie surtout un fait très intéressant et cette omission dénature totalement les faits; il oublie de dire que M. de Florac, un des vicaires généraux, avait promis verbalement aux sept personnes qui se sont présentées pour la dispense des bancs, de la leur accorder. Ce fait est attesté par des curés qui étaient présents, et qui en ont rendu compte au comité. Le rendez-vous était, comme on l’a dit, indiqué pour neuf heures; personne ne s’est trouvé au secrétariat. Votre comité ecclésiastique a pensé que les vicaires généraux n’ayant pas trouvé d’opposition légitimé à l’expédition des dispenses, elles étaient censées avoir été accordées. (Murmures à droite.) Le comité n’a rien prononcé, il a donné son avis à deux curés de la cité qui sont venus le consulter. Il a dit que les parents ayant la preuve par témoins de la promesse faite par les vicaires généraux, ils devaient faire leur sommation au secrétariat, à l’effet de constater le refus, et d’appeler comme d’abus s’il y avait lieu. (La partie gauche applaudit.) M. de Juigué. Voici comment les choses se sont passées. M. de Florac n’est point arrivé à neuf heures, parce qu’il y a eu une affaire qui l’a retardé d’un quart d’heure. Il n’y a qu’à envoyer quelqu’un pour savoir la vérité. Plusieurs voix: L’ordre du jour! M. Cliasset, rapporteur. Je suis fort aise que M. le cure de Sergy vous ait rendu compte... (Murmures et interruptions.) M. d’Aubergeon de Ulurlnais. J’observe que M. le rappurteur n’est pas dans l’ordre du jour; qu’il passe au projet de décret! M. l’abbé llaury. Il y aurait un autre décret à proposer avant celui-là. (Interruptions.) [26 janvier 1791 .J 499 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs voix: L’ordre du jour! M. l'abbé Maury. J’appelle comme d’abus du refus qu’uu me fa U de m’accorder la parole. M. Chasset, rapporteur. J’étais chargé expressément de vous rendre compte de ces laits; vous les connaissez maintenant. Je vais vous donner lecture du projet de décret : « Art. 1er. Après l’expiration du délai accordé par le dfcretdu 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédé au remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n’auront pas prêté leur serment civique. Quant aux autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auront pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 du mois de décembre, il sera procédé à leur remplacement, après l’expiration des délais portés par ce dernier décret. Art. 2. Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics ecclésiastiques, soit par mort, démission, ou pour cause d’absence, de non-résidence dans le royaume, ou de non-prestation de serment, il sera d’abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l’évêque; ensuite, après la confection de cette élection et des autres opérations, les électeurs de chaque district se retireront dans leurs chefs-lieux pour l’élection des curés. « Art. 3. Dans les départements où il ne sera besoin que de nommer des curés, les électeurs de district seront convoqués aussitôt après l’expiration des délais. « Art. 4. Aussitôt que le jour indiqué pour la première assemblée des électeurs sera arrivé, ceux des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui n’auront p is prêté leur serment, ne seront plus admis à le faire; et lorsque le procureur général syndic du département, ou le procureur syndic du district leur aura fait notilier le jour où leurs successeurs entreront en fonctions, ils ne pourront plus en remplir aucune. « Art. 5. Les évêques qui ont été élus jusqu’à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de l’année 1791, ne seront pas tenus de se présenter pour obtenir la confirmation canonique, au métropolitain, ni aux évêques des arrondissements qui n’auraient pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre; et dans le cas où il n’y aurait dans l’arrondissement aucun évêque qui eût prêté le serment prescrit, ils se pourvoiront par-devant le directoire de département, pour leur être indiqué l’un des évêques de France qui aura prêté le serment, lequel pourra procéder à la confirmation canonique, sans être astreint à demander Ja permission à i’évêque du département. » M. de Cazalès. Une prévoyance inutile est le plus funeste présent que la nature ait fait aux hommes : je n’ai jamais senti cette vérité d’une manière plus cruelle, que quand je suis monté à cette tribune; car il m’est impossible de penser qu’on accueille l’opinion que je vais vous présenter, et de me dissimuler les malheurs qui nous menacent, si vous adoptez le projet qui vous est présenté par votre comité. {Murmures.) L’Assemblée nationale a cru devoir donner au clergé de France une Constitution appropiiée au nouvel ordre de choses qu’elle a établi; mais il n’est pas dans son pouvoir, ii n’a pas été dans son intention d’attenter à l’autorité spirituelle de l’Eglise, de prétendre sur elle une suprématie civile, nue l’Eglise, a réprouvée dans tous les temps; l’Assemblée n’avait pas ce droit, elle l’a reconnu par un grand nombre de décrets, par le titre même de la constitution civile du clergé. L’Assemblée nationale et l’Eglise de France sont d’accord sur les principes, et ne diffèrent plus que sur un point de fait. L’Assemblée a-t elle ou non attenté à l’autorité spirituelle? {Murmures.) Plusieurs voix : A l’ordre! à l’ordre l M. le Président. Monsieur, votre discussion ne doit porter que sur le projet de décret soumis à la délibération. M. de Cazalès. Je n’entreprendrai pas de traiter cette question. Les murmures que je viens d’entendre m’annoncent assez que l’Assemblée ne le souffrirait point; d’ailleurs, ma science théo logique se borne à savoir qu’en matière de dogme, nous devons nous soumettre à ceux qui ont reçu leur mission et leur autorité de l’Eglise et de Dieu même. (Pdres à gauche.) M. l’abbé Gouttes. Si l’on recommence les débats sur la discipline extérieure ou la discipline intérieure, il faudra répondre, et vous renouvellerez ainsi des contestations inutiles sur une chose reconnue et jugée. Je demande qu’on se borne à discuter le projet de décret, article par article. M. de Cazalès. Je n’entrerai pas dans la discussion que l’Assemblée paraît redouter. Je répète que ma science théologique se borne à savoir que nous devons soumission à ceux qui ont reçu de Dieu leur mission et leur autorité. Les évêques de l’Assemblée nationale ont pensé qu’il y avait dans vos décrets des objets qui portaient aiteiute à l’autorité de l’Eglise. Presque tous les évêques de France ont adhéré à cette doctrine, et la grande majorité du clergé du second ordre a suivi l’exemple que lui ont donné ses guides et ses chefs. {Murmures prolongés.) M. Bouttevilie-Dumctz. Je demande que M. de Cazalès soit rappelé à l’ordre. M. de Cazalès. Quand il s’agit de prendre un parti, il est bon de connaître l’état dans lequel on se trouve. Peut-être est-ce l'impatience de l’Assemblée qui l’a souvent empêchée de prendre le parti convenable, faute de s’être tracé à elle-même sa position. {Murmures.) M. ïe Président. Il y a un projet soumis à la délibération; vous devez le discuter. M. de Cazalès. Il faut bien, Monsieur le Président, faire connaître sa pensée pour discuter uue question. Quelque imposante que soit l’autorité de l’Eglise de France, je sais qu’elle n’est pas infaillible, qu’il n’est pas impossible qu’elle se trompe. Si cependant le chef de l’Eglise universelle, le Pape avait adhéré à celte doctrine.... {Murmures.) Plusieurs voix : A l’ordre! à l’ordre! M. Gaultier-Biauzat. Ce n’est pas là la question ; il s’agit de savoir de quelle manière on