ARCHIVES PAELEMENTAIRES PARIS HORS LES MURS (suite.) CAHIER Des plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Passy-lès-Paris (1). Ce cahier étant composé d’éléments qui obligent, pour en éclaircir les articles, à des discussions qui lès allongent nécessairement, ils seront refondus à l’assemblée générale dans d’autres, probablement plus concis, et qui seront donnés aux députés aux Etats généraux. Il semble raisonnable de diviser en deux parties les cahiers destinés aux députés électeurs qui doivent se rendre à l’assemblée générale. La première contiendra les maximes fondamentales et les pouvoirs spéciaux, dont les députés aux Etats, sous quelque prétexte que ce soit, ne doivent jamais s’écarter, et la seconde, les instructions. Quoique plusieurs exemples, notamment celui du Danemark, ayant prouvé que la majeure partie d’une assemblée qui représente un peuple peut oublier ses droits les plus sacrés, nous ne supposerons pas que les députés d’une nation comme la nôtre, librement élus et avec des pouvoirs illimités, puissent méconnaître ou mépriser tellement les grandes vérités, qu’ils lui fissent contracter des obligations révoltantes et qui, d’ailleurs, deviendraient nuiles par la réclamation universelle, qu’ils sanctionnassent, par exemple, une loi qui donnerait à un seul ou à plusieurs le droit de tuer ou même de disposer à leur gré de toutes les propriétés. Mais dès qu’un intérêt, quoique majeur et général, s’écarte de l’évidence, il peut faire naître une grande diversité d’opinions, et la justice voulant que celle du plus grand nombre l’emporte, il est nécessaire d’établir le meilleur moyen de la constater et d’en assurer la prépondérance. En est-il un plus certain que des pouvoirs spéciaux donnés séparément par un grand nombre de communautés dans l’uuiversalité du royaume que l’intrigue et la corruption ne peuvent pas embrasser? Tout doit tendre, a dit un excellent écrivain, qui cependant s’oppose aux procurations, à faire disparaître ou du moins à affaiblir dans les représentants de la nation l’influence de la volonté propre pour porter la volonté générale au plus haut degré d’énergie. Qu’on regarde les députés comme restant toujours des agents particuliers de chaque district qui les commet, et formant seulement, parce qu’ils sont rassemblés, les Etats généraux ; ou qu’une fois réunis on considère chacun d’eux comme les représentants des citoyens collectivement pris, il est incontestable que le but de leur mission est (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 1" Série. T. V. de remplir rigoureusement les intentions de là nation entière, s’il est possible, ou du moins de sa majeure partie, et les seuls pouvoirs spéciaux peuvent rendre les intentions invariablement authentiques. Mais c’est avilir les députés et les rendre escla ¬ ves, a-t-on dit. Gomment la procuration de tout un bailliage avilirait-elle lorsque celle d’un particulier est souvent honorable? Et qui peut l’être plus pour celui dont le zèle du bien public n’est souillé d’aucun amouç-propre, que de recevoir sur les objets les plus importants les pouvoirs, même limités, d’une partie de ses concitoyens qui lui témoignent en même temps sur d’autres objets une confiance sans bornes? Votre gloire exige-t-elle, faut-il pour votre honneur que trente mille, que vingt-quatre millions d’hommes deviennent nuis pour leurs plus grands intérêts dès qu’ils les font confiés, ceux-ci, à douze cents, les premiers à un seul? On ajoute : Dès que vous limitez les pouvoirs des députés, vous frappez les Etats d’inertie. Je frappe d’inertie les cabales et tous les moyens que pourraient y employer les adversaires du bien public ; je conserve la plus entière influencé à son plus grand protecteur ; l’intention générale et les Etats pourront le plus fortement possible tout ce qu’on voudra qu’ils puissent. On s’égare au point d’assimiler l’inconvénient des pouvoirs limités à celui du vœu des diètes de Pologne. On oublie que , pour l’établissement ou l’abrogation d’une loi, la nation polonaise exige l’universalité des suffrages, tandis qu’on reconnaît en France (ju’une pluralité plus ou moins grande doit suffire ; que, quels que soient les pouvoirs desquels , à la vérité, doit s’ensuivre l’obligation de voter pour ou contre tel avis, ils ne peuvent pas empêcher qu’on ne puisse délibérer, prendre des décisions, sanctionner des lois, surtout que ces lois soient exécutoires pour tous, et que les protestations qu’on ne pourra se dispenser de faire et de recevoir, loin de rien arrêter, n’auront que la très-utile conséquence de rappeler dans des sièles plus éclairés une vérité inconnue dans le temps actuel. Enfin on objecte que de la discussion des matières débattues aux Etats peuvent naître des matières communes capables d’éclairer les députés qui changeraient les opinions des commettants eux-mêmes et dont les pouvoirs spéciaux empêcheraient de profiter. Cette objection paraît d’abord spécieuse ; sans doute il faut user de ce moyen, faute de meilleur, pour les objets sur lesquels les idées ne sont pas encore déterminées et sur qui cependant il est nécessaire de prendre un parti ; mais pour peu qu’on y fasse attention, il présente un nouveau danger dans les pouvoirs illimités et un motif plus pressant de les restreindre. Les vérités sont rarement prouvées au mo-1 BMI. S [Paris hors les murs.] 2 [États gén. 1789. Cahiers.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ment où elles se montrent, et malheur à celui qui croit tro'p tôt les avoir honorées ! La prudence veut qu’on les médite et qu’on ne les admette qu’a-près la rôilexion et l’expérience. Que d’erreurs ont d’abord séduit au premier abord même les plus sages! et combien il vaut mieux retarder pour quelque temps l’avantage que pourrait à l’instant produire une vérité qu'une nation entière n’oubliera certainement pas, que l’exposer aux inconvénients d’une illusion qu’il serait peut-être impossible de détruire ! Ce n’est pas aux Etats, au sien de qui se réuniront tant d’intentions et de moyens de corrompre et de séduire, que les opinions'doivent se fixer; elles n’y seraient que le produitdes passions : c’est dans le cabinet des sages, c’est au milieu des sociétés pures et paisibles distribuées dans toute l’étendue du royaume, c’est là qu’elles seront, pour la majeure partie, celui du sentiment réfléchi du bien public ; si l’on ne veut pas s’exposer aux plus grands dangers, il faut n’admettre que celles qu’auront arrêtées d’avance les méditations, les entretiens, les débats et les écrits précédents, auxquels se joindront par la suite les actes antérieurs des Etats généraux eux-mêmes, et munir les députés qui doivent en sentir le besoin de l’arme invincible des pouvoirs spéciaux. Mais ces pouvoirs, qui peuvent seuls constater l’opinion générale et nécessiter la pluralité des voix pour elle, ne doivent regarder que des objets généraux et majeurs sur lesquels elle a pu se décider. A l’égard des matières qui, quoique générales et d’une très-grande importance, n’ont cependant pas encore été susceptibles d’être parfaitement débattues et jugées, et celles qui n’ont que des rapports locaux, il faut se contenter d’instructions, d’exceptions, et donner sur le reste confiance entière aux députés ; la nécessité L’exige pour les premières ; les secondes, trop circonscrites pour laisser craindre une influence étrangère, seront sans doute discutées aux Etats paisiblement et avec toutes les disposition s convenables; et comme elles ne présentent qu’un intérêt commun aux députés et aux commettants, aucun motif ne peut exciter la méfiance et limiter les pouvoirs, lle-commandons-leur seulement de ne pas oublier que l’objet de toute convention sociale est nécessairement de procurer le plus grand bonheur possible à tous ceux qu’elle réunit. MAXIMES FONDAMENTALES ET POUVOIRS SPÉCIAUX. Il est avant tout nécessaire de s’occuper des moyens de tirer la nation de la situation pénible où l’a réduite le désordre actuel, et de lui procurer l’inestimable bonheur d’une sage constitution. Les motifs les plus forts, les liens d’affection les plus puissants nous attachent à notre Roi, dont toute la conduite nous prouve évidemment qu’il veut sincèrement notre bien ; il a été assez juste, assez généreux pour établir lui-même les droits de la nation, il l’appelle à son secours, il réclame ses lumières et son affection ; montrons-iui qu’il a bien présumé d’elle, que nos coeurs sont effectivement à lui, servons-le par delà son attente, et qu’il soit convaincu qu’il ne peut jamais mieux s’adresser qu’à nous. Tout pouvoir réside essentiellement et primor-dialement dans la nation; tous les autres émanent de son consentement, et comme elle ne peut pas s’assembler en totalité, ses députés librement élus en nombre suffisant et dans la proportion la plus équitable sont dépositaires de ce pouvoir, sous les conditions et restrictions imposées par leurs commettants. , Si le Roi ne tient son pouvoir que du consentement de la nation, à plus forte raison la noblesse et le clergé ne tiennent-ils leurs prérogatives que du consentement de cette même nation, qui n’a pu les leur accorder et ne doit les leur conserver que dans la vue des avantages qui peuvent en résulter pour elle. Il existe donc une nation distincte du souverain, de la noblesse et du clergé; la noblesse et le clergé ne font partie de cette nation que comme citoyens, c’est en cette qualité qu’ils ont le droit d’entrer comme les autres dans la composition des Etats généraux, où sans doute ils ont le droit de défendre leurs propres intérêts, de rappeler les motifs qui les ont fait accorder et d’en demander le maintien. Mais les députés du tiers-état librement élus, n’étant purement' et simplement que des citoyens, ne peuvent pas avoir d’autres intérêts que ceux de la nation, et conséquemmen t leur nombre et la manière de délibérer doivent être tels, qu’ils ne puissent jamais perdre la prépondérance aux Etats généraux. Il est donc nécessaire que le nombre de leurs députés soit au moins égal à celui des deux au-tre:? ensemble ; qu’ils en soient absolument indépendants ; que les délibérations soient faites en commun' par les trois ordres et les suffrages comptés par tête; autrement l’esprit de corps éteindra l’amour du bien public. L’étendue de la France, sa population, ses mœurs, son opinion et ses affections même nécessitent une monarchie, c’est-à-dire un gouvernement composé d’une nation et d’un Roi qui tient d'elle une autorité déterminée par des lois qu’elle a faites ou consenties et qui lui donnent toutes les branches du pouvoir exécutif qu’elle ne peut pas espérer elle-même, ou qu’il lui est plus utile de conférer au souverain, et parmi les lois, les Français doivent regarder comme fondamentales les suivantes : Art. 1er. La succession de la couronne telle qu elle a eu lieu invariablement à l’égard de la race capétienne, au moins depuis Philippe de Valois, et qui nous à si souvent garantis des guerres intestines que la seule incertitude de cette succession a tant de fois allumées chez les nations voisines. Art. 2. Tout servage personnel ne pouvant avoir de titre légitime en France, il doit être aboli, même quand il y serait utile, mais avec des précautions assez sages pour ne pas nuire à ceux mêmes que l’on affranchira. Art. 3. L’assemblée de la nation à époques fixes et dans les circonstances qui l’exigent , doit résulter delà seule constitution, et les prochains Etats généraux établiront d’une manière indélébile les circonstances et les époques qui ne doivent pas être éloignées de plus de trois années, et toutes les formes et conditions à observer pour opérer ladite assemblée, en déterminer le lieu et la durée, la rapprocher ou même la rendre permanente. Art. 4. Toute loi, toute abrogation de lois, doivent être proposées par le Roi ou par les Etats généraux et ne peuvent recevoir de sanction que par leur consentement. Art. 5. Tout subside, sa quotité, sa nature, sa répartition et son emploi doit être accordé et déterminé par les Etats généraux pour un temps limité par eux et qui doit être au plus égal à celuiqu’ils auront arrêté pour l’intervalle entre les époques fixes et ses assemblées, et nul motif rai- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] g sonnable ne peut empêcher qu’il ne soit également supporté par tous les citoyens sans aucune distinction ni privilège. Art. 6. Son emploi et la conduite de ceux qui qn auront été chargés doivent à cet égard être vérifiés par les Etats généraux, qui, s’il y a malversation, feront juger les comptes et les administrateurs par leurs juges ordinaires. Art. 7. Aucun emprunt direct ou indirect ne peut être fait sans le consentement des Etats ; ils en doivent déterminer et en surveiller l’emploi comme celui des subsides , assigner et hypothéquer le gage de ses intérêts et de son remboursement, qui doit être fait en termes très-courts , parce que la génération actuelle n’a pas droit d’engager la génération future. Art. 8. 11 faut annuler tous les impôts actuels et les rétablir sur-le-champ pour le temps de la tenue des Etats en leur nom et sous la dénomination des subsides. Art. 9. La liberté individuelle des citoyens est inviolable, et dans le cas d’une accusation ils doivent être seulement soumis au jugement de leurs juges naturels; mais pour ôter toute excuse et tout prétexte aux partisans de l’autorité arbitraire et conserver autant qu’il est possible le très-faible avantage de l’absurde préjugé par lequel ils prétendaient que tous les membres d’une famille se surveillaient, et qui donnait naissance aux plus grands abus, il paraît nécessaire d’établir par les motifs les plus frappants et la solennité la plus grande une loi qui déclare que les fautes sont personnelles, qu’il n’en peut résulter aucune tache pour les individus tenant par le sang au coupable, à moins qu’on ne trouvât au procès une preuve évidente que ceux qui devaient les surveiller ont négligé de le faire, auquel cas eux, mais eux seuls, seraient entachés, et que les confiscations fussent abolies. Art. 10. La presse doit être libre ; mais comme il en peut résulter des délits graves, tout imprimé doit porter le nom de l'imprimeur, qui sera caution de l’auteur soit pour le représenter dans le cas de satisfaction personnelle, soit pour les réparations civiles. Art. 11.11 est nécessaire d’établir des Etats provinciaux avec des arrondissements commodes, une organisation moins compliquée que celle des assemblées provinciales et celles subordonnées actuelles avec un pouvoir coactif que ces assemblées n’ont pas, et qui leur serait nécessaire pour se faire obéir. Art. 12. Un citoyen, de quelque ordre qu’il soit et quelques possessions qu’il ait, ne doit avoir qu’une voix et un seul lieu pour les différentes élections relatives aux Etats généraux , et s’il ne peut pas voter lui-même, ne donner qu’une seule procuration comme possesseur de fier. Art. 13. Les mineurs ne doivent être capables ni de voter ni de recevoir des procurations, et à plus forte raison ne peuvent-ils être choisis comme électeurs ou comme députés; mais s’ils sont propriétaires de fiefs, ils peuvent donner une seule procuration à un majeur. On a incroyablement abusé du silence des règlements sur cet objet. Des mineurs ont reçu des procurations pour voter ; même il y en a eu d’élus comme députés, de sorte que, jugés incapables par la loi de gérer eux-même leurs affaires personnelles, on a prétendu qu’ils pouvaient être chargés du plus grand, du plus important des intérêts, du salut national, et vingt personnages âgés de quinze ans, sortant du collège pour le jour des élections, pouvaient, d’après ce principe, se donner mutuellement leurs procurations, être maîtres des élections et mettre le Roi et la France entière sous leur tutelle. Art. 14. Les ordres du clergé et de la noblesse consentiront vraisemblablement d’abord, comme ils ont fait par tout le royaume, à contribuer sans aucune distinction ni privilège à tous les subsides. Alors on croit qu’il sera bon : 1° De les remercier avec politesse mais comme d’une chose due, et s’ils prétendent l’accorder comme une faveur, leur faire sentir avec ménagement que ce n’en est pas une, mais une justice ; 2° De les prier de s’expliquer clairement sur les honneurs, droits, privilèges, distinctions et prérogatives qu’ils se réservent ; s’ils n’y attachent aucun avantage direct ou indirect, et qu’on soit pleinement assuré qu’ils ne les réclament que pour l’ordre, et que les objets ne pouvant grever et incommoder personne, il faut y consentir de bon cœur et sans balancer ; S4* De demander décisivement que le mérite , dans quelque ordre qu’il se trouve, soit admis aux places de la magistrature, ecclésiastiques et militaires, dispositions sans lesquelles il n’y a pas de sûreté publique, et que, pour les délits de même espèce, tout Français, de quelque état qu’il soit, subisse les mêmes peines ; les privilégiés en méritent même de plus sévères, puisqu’ils ajoutent à leurs délits le crime de l’ingratitude. Si ces objets sont convenus, l’affection la plus cordiale, l'union, la fraternité s’établissent à jamais parmi les Français, le plus grand bien s’opérera, parce que tous les esprits y tendront, et nul obstacle alors pour que les délibérations se fassent en commun et par tête, et qu’il n’y ait qu’un cahier pour les trois ordres. Art. 15. Que les cahiers soient présentés au Roi sous une forme respectueuse et non humiliante. Les députés doivent, sur ces objets, se renfermer exactement dans leurs pouvoirs et sur toutes choses, ne s’occuper des autres que lorsque ceux-ci seront invariablement déterminés. A l’égard de ceux qui vont suivre, nous nous bornerons à des iustructions, nous confiant aux lumières et à la conscience de ceux qui seront chargés de nos intérêts, persuadés qu’ils les défendront comme nous le ferions nous-mêmes ; mais nous les désavouons ici par rapport aux premiers, s’ils ne se renferment pas dans leurs pouvoirs. INSTRUCTIONS. Art. 1er. Les Etats généraux doivent demander au souverain la situation exacte des finances et la vérifier sur les pièces justificatives. Art. 2. Gomme les dettes parmi lesquelles on doit ranger les pensions n’ont pas été contractées du consentement de la nation, elle a le droit d’en faire un examen rigoureux et de les consolider, réduire ou supprimer suivant qu’elle les trouvera justes, forcées ou illégitimes, de les assujettir, comme toutes les autres rentes, proportionnellement à l’impôt territorial, à une retenue dont il serait de toute injustice qu’elles fussent exemptes, de fixer leur remboursement au denier vingt de l’intérêt actuel ou même au-dessous, car l’avantage de n’avoir pas éprouvé de retenue rendrait très-équitable pour celles qui n’ont pas supporté de réduction de l’établir au-dessous. Art. 3. Les dépenses doivent ensuite, d’après un établissement exact, être déterminées, même dans les détails, autant qu’il sera possible ; celles concernant la personne du Roi, largement, suffisamment et pourtant avec économie; celles qui sont nécessaires à la sûreté publique et particulière (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Paris hors les murs. tant au dehors qu’au dedans, à l’administration et à �exécution des lois , etc., il faut donner des bornes étroites à celles qui ne sont qu’utiles et supprimer en entier celles qui ne sont que de pur agrément et de luxe. Art. 4. Lorsque, par ce travail préliminaire, les charges de l’Etat seront abolies, il faudra bien y subvenir par des subsides également supportés par tous les citoyens et pourvoira ce qu’ils soient: 1» Si clairs, que chacun connaisse parfaitement ce qu’il doit payer ; 2° Les moins onéreux possibles, soit par leurs conséquences, soit par la manière de les percevoir ; 3° Equitablement répartis et autant que faire se pourra par les contribuables eux-mêmes. Art. 5. Les impôts indirects, dont la perception est pénible et vexatoire, ont les conséquences les plus fâcheuses pour la tranquillié des citoyens, les mœurs, l’agriculture, l’industrie et le commerce ; il paraît de nécessité urgente d’adopter un plan qui fasse espérer de les supprimer successivement, et avant tout, ceux des gabelles, des aides, des traites, du contrôle, droits domaniaux, franc-fief et du tabac, les plus désastreux de tous, pour en ôter. l’incertitude et l’arbitraire; ceux qui sont multipliés sur un même objet sous une multitude de dénominations différentes, doivent être refondus en un seul, et que le tarif exprimé de la manière la plus distincte et la plus précise reçoive la plus grande publication. Qu’il soit imprimé en gros caractères, affiché dans plusieurs endroits, surtout dans les lieux où on l’exige, et toujours produit par ceux qui Je perçoivent à la première réquisition des payants, ou même sans qu’ils le demandent. Art. 6. Les loteries, quoique -volontaires, sont peut-être l’invention la plus funeste pour la sûreté publique et les mœurs ; il serait difficile de trouver un moyen plus efficace de faire des voleurs et des assassins, surtoutde ceux à qui notre sûreté intérieure et personnelle est principalement confiée. Art. 7. L’impôt territorial paraît à tous égards préférable aux autres ; et s’il était possible de parvenir à la libération des dettes, on croit qu’il suffirait, avec quelques autres sur les villes, à toutes les dépenses, et sa perception serait très-facile en ajoutant aux mesures établies pour l’obtenir un moyen nouveau plus efficace qui dispenserait dès autres et qui semble devoir rencontrer d’autant moins de considération, qu’il dériverait naturellement du motif qui nécessite la contribution ; sa principale destination est de subvenir aux dépenses nécessaires pour procurer à chacun la sûreté de sa personne et de ses propriétés : il serait donc juste de ne pas donner au moins la dernière à celui qui refuse de payer sa quote-part, et qu’il ne pût être admis dans aucun tribunal comme demandeur ou comme défendeur qu’en produisant une quittance de ses impositions extraite de leurs rôles émargés avec la date, portant que celles échues trois mois avant le commencement du procès ont été acquittées avant qu’il fût entamé. Art. 8. L’aliénation des domaines peut être consentie par la nation et utilement employée à la liquidation des dettes ; l’Etat sera plus que dédommagé par l’amélioration de leur culture et les finances obtiendront par les seuls impôts qu’ils produiront un secours beaucoup plus grand que celui de leur revenu direct. Mais, à cet égard, il est de la plus grande importance d’observer , que la disproportion trop grande des fortunes est le plus grand mal des sociétés, qu’il n’en est même peut-être aucun qui n’en dérive ; que, par conséquent, on ne doit jamais perdre de vue que toute disposition qui tend à la produire est funeste, et que l’assimilation parfaite des biens domaniaux ou de ceux de mainmorte aux autres propriétés entraînerait leur accumulation, la dépopulation des campagnes et la ruine de l’agriculture. Il 'serait donc à désirer qu’on établît, comme plusieurs Etats voisins l’ont fait, notamment celui de Hanovre, pour la distribution des communes et terres incultes, une règle qui rendît impossible la réunion, soit entre elles, soit avec d’autres propriétés foncières, des portions de domaines aliénés et en même temps leur subdivision, qui, trop étendue, est sans doute aussi un mal, mais moins fâcheux, à la vérité, que le premier; cette règle consiste à diviser par portions de 200, 100, 60, 30 ou 15 arpents, les bois et terres labourables dont le produit n’est pas très-considérable ; de 8, 4 et même même 2 arpents les prés, vignes et terrains susceptibles d’une culture potagère, qui, à égale superficie, rapportent beaucoup plus que les premiers, et d’en aliéner la propriété, sous la condition que ceux qui en obtiendront une, n’importe par quels moyens, pourvu qu’ils soient approuvés par la loi, n’auront-pas d’autres biens-fouds, ne pouvant les subdiviser ni les transmettre à d’autres acquéreurs que sous les mêmes conditions. Cette observation a la même importance pour les mainmortables, si les Etats généraux jugent à propos de rendre leurs biens libres; plusieurs autres moyens peuvent, sans doute, conduire au même but. Art. 9. Il ne devrait y avoir qu’un seul poids, qu’une seule mesure et qu’une seule loi. Art. 10. II serait à désirer que les traitements faits par l’Etat ou par des particuliers, pour des établissements ou des hommes publics, fussent stipulés ou appréciés en mesure bien désignée d'une espèce de denrée dont le prix forme presque toujours la base principale de celui de toutes les autres, le blé, par exemple; son prix moyen, publié par tout le royaume ou dans chaque arrondissement des Etats provinciaux, réglerait ce que chacun doit payer et recevoir, en laissant, d’ailleurs, la liberté de faire le payement ou de l’exiger en nature à une époque fixée par la loi; on aurait aussi la plus grande approximation à l’invariabilité des traitements, et l’avantage pour l’administration de n’être que très-rarement obligée de s’occuper d’une réforme laborieuse, qu’il est d’une injustice criante de ne pas faire, et qui rencontre toujours les plus grandes difficultés. Art. 11. L’abus des capitaineries, et en général des chasses, la multitude du gibier qui dévore les productions et écrase l’agriculture, demandent la plus prompte et la plus entière réforme. Art. 12. Nous pensons qu’il est instant que les Etuis généraux demandent au Roi de former, au plus tôt, une ou plusieurs commissions composées de magistrats et de citoyens éclairés et d’une probité reconnue, de les charger d’examiner avec le plus grand soin nos lois, tant criminelles que civiles; d’en faire une critique raisonnée quils accompagneraient d’un plan d’un nouveau code qui, réformant notre législation, la simplifiât et la réformât entièrement et sans exception, de sorte qu’il en résultât une entière liberté personnelle, une plus grande sûreté pour l’innocence, et en même temps un plus grand danger pour le crime, toute la facilité possible d’obtenir promptement et près de soi une justice gratuite ou peu dispen- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 5 dieuse ; que, renfermé dans un ouvrage clair et précis, et par conséquent peu volumineux, il procurât à tout citoyen les facilités de connaître ses devoirs et ses droits, les moyens de se défendre lui-même et d’éviter des frais presque toujours plus ruineux que la perte de ses prétentions, et dont il pourrait faire une application plus utile pour la patrie. Il s’ensuivrait, encore, l’emploi plus avantageux du temps, dès lumières et du travail d’une multitude d’individus qui ne vivent que du chaos de nos lois, et que le plus grand nombre des citoyens ayant une parfaite connaissance de la législation, le gouvernement pourrait être au moins en grande partie déchargé du devoir onéreux et pénible de procurer la justice aux peuples, et laisser aux justiciables le soin avantageux et satisfaisant de choisir eux-mêmes leurs juges, et même le moyen de réduire la nécessité de leur existence à ses justes bornes, sans nuire à leur indépendance, à leur considération, à leur capacité en les élisant pour un temps pendant lequel, maîtres de donner leur démission, ils ne seraient destituables que pour forfaiture jugée, après lequel ils seraient susceptibles d’être continués pour les mêmes conditions et pour le même espace de temps, à l’expiration duquel ils ne pourraient être réélus qu’a-près l’intervalle d’une troisième époque, en observant, pour conserver l’habitude des affaires dans les tribunaux, de ne pas les changer en total autant qu’il sera possible, mais par partie, comme tiers, etc. Pour parvenir, dans cette importante matière, à une inestimable bonification, ne faudrait-il pas : 1° Liquider d’une manière équitable les dîmes et champarts, destructifs de toutes les améliorations dans l’agriculture, les banalités, le péage et toutes les redevances et entraves féodales, et donner à ceux qu’elles grèvent la faculté de les rembourser? Il en résulterait, pour les seigneurs qui placeraient les remboursements, l’augmentation d’un revenu plus facile à recueillir pour eux; pour les censitaires et les vassaux, la paix et la délivrance du tourment dispendieux et perpétuel des papiers terriers, dont les faiseurs seraient seuls à plaindre. Mais, s’écrieront, sans doute, les possesseurs de fiefs, vous voulez donc détruire les justices seigneuriales; elles ont à la vérité beaucoup d’abus, mais une justice est un patrimoine, vous renversez la société si vous ne respectez pas les propriétés, et les justices en sont une. La justice, un patrimoine, une propriété! vous renversez vous-mêmes les principes les plus élémentaires ; vous est-elle utile, cette propriété ? Vous vendez donc la justice, vous en disposez de manière qu’elle s’exerce principalement en votre faveur? Qu’elle abomination ! Non, sans doute, répondra-t-on, je cherche avec soin des hommes intègres et instruits, je les établis juges, je leur recommande de décider sans partialité, même contre moi, et je paye amplement et sans difficulté les frais de procédures et de juridiction qui sont à ma charge. — Ah! vous prononcez le mot, la justice n’est pas une propriété, mais une charge, une véritable dette exigible par les habitants d’un district à qui vous la devez. — Mais c’est un droit. — Non, c’est un devoir. — Enfin vous me privez au moins, enm’ôtantles moyens de contribuer à l’ordre, d’une des jouissances les plus flatteuses pour une âme bienfaisante. — Ah! j’entends ce langage et vous concevez ma réponse ; si vous aimez véritablement vos semblables, considérez que la généralité des seigneurs de terres ne vous ressemblent et ne vous ressembleront jamais, et que votre vertu s’élève jusqu’à sacrifier la satisfaction de fairB vous-même le bien à celle de lui donner une base plus solide ; . 2° Etablir l’égalité de partage entre les héritiers d’un degré pareil, excepté pour les propriétés indivisibles qui doivent passer en entier à l’un d’eux quelconque, désigné par la loi, et sous les conditions qu’ils régissent ces biens; 3° Régler que les substitutions fussent bornées à une seule tête et fondées sur des motifs dont la justice et la réalité fussent susceptibles d’être jugées; 4° Fixer un degré de parenté, passé lequel on n’aurait plus la facilité d’hériter; vendre alors les successions vacantes pour en employer le prix au payement des dettes ou à la diminution de l’impôt ; 5° Eteindre les jurandes et les maîtrises, excepté peut-être celles sur l’objet desquelles les citoyens ne peuvent pas se garantir d’être trompés, comme les médicaments et l’orfèvrerie; la seule conséquence des autrès est de hausser les prix, d’éteindre l’industrie et de gêner le commerce; 6’ Supprimer les confréries dont les quêtes nuisent à celles pour les pauvres et autres objets utiles, et troublent le service divin ; 7° Rendre toutes les rentes rachetables ; 8° Abolir toutes dispenses ecclésiastiques pour mariage ou autres objets: s’ils ne sont pas criminels, elles sont inutiles ;s’ils le sont, rien ne peut en dispenser; 9° Abandonner les vœux à la seule conscience de ceux qui les ont faits, et conséquemment décharger la législation, qui ne les reconnaîtra pas, du soin d’en ordonner et d’en surveiller l’exécution. Ces seuls amendements anéantiraient les trois quarts des procès, et peut-être faudrait-il joindre l’abolition des testaments. Tout homme, chargé de la défense de sa patrie, doit toujours avoir devant les yeux que sa qualité de citoyen est la première ; en conséquence, il doit faire serment de servir sa nation avant toutes choses, de ne jamais agir dans l’intérieur de l’Etat contre ses compatriotes, que pour empêcher les violences. Qu’il se souvienne qu’il ne dépend de l’administration que parce que la nation le veut, et qu’elle ne le commande que pour l’ordre, sans lequel on ne peut rien opérer dmtile. Pour ce même ordre, il est important que toute personne dont l’emploi demande résidence soit contrainte à l’observer. La licence effrénée des mœurs ne doit pas être oubliée; elle est aujourd’hui telle, qu’elle révolte même ceux qu’elle entraîne; on ose défendre ses excès par les prétextes les plus absurdes, et la négligence de la magistrature, chargée de la police pour la réprimer, est d’autant plus incompréhensible, que la dépopulation et la dégradation de toute espèce quelle occasionne est effrayante, même pour des yeux indifférents. N’est-il pas inconcevable, par exemple, qu’au dix-huitième siècle on regarde l’opéra de Paris comme tellement essentiel à la prospérité nationale, que pendant longtemps, par l’abus le plus coupable de l’autorité ministérielle, une fille, dans l’âge le plus tendre, sans talents, sans disposition pour en avoir, et par le seul motif de se livrer au libertinage, pouvait abandonner ses parents et se soustraire à leurs réclamations dès qu’un directeur de ce spectacle ou ses suppôts l'avait inscrite sur le registre? Les administrateurs de l’Opéra disent ou avouent aujourd’hui qu’on ne reçoit de sujets mineurs à l’Opéra que sur le consentement signé fi [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] dès père, mère, tuteurs ou maris, mais que, cette formalité remplie, ils sont effectivement hors de la puissance des parents ou du mari. A l’égard des instructions sur ce qui nous regarde le plus particulièrement, vous vous contenterez de recommander à ceux qui seront le plus immédiatement chargés de nos intérêts , d’a-outer à la multitude des vexations indirectes que a savante industrie fiscale a perfectionnées, dont les Etats ne manqueront pas de demander la proscription, celles que, sous le prétexte de l’approvisionnement des grandes villes, l’avidité financière exerce sur les villages qui les avoisinent, et notamment sur ceux des environs de Paris. Non-seulement les marchés publics y sont interdits, mais les marchands ambulants n’ont pas même la liberté d’y débiter la plupart des vivres de première nécessité, parce que, dit-on, le débit et les marchés faciliteraient les dépôts destinés à la contrebande, et que, d’ailleurs, les denrées étant certainement apportées pour Paris, on y causerait bientôt la famine, s’il était ainsi permis de les arrêter au passage. Le premier motif ne peut pas se soutenir. Paris est entouré de murs et de bâtiments, pour lesquels il ne fallait pas dépenser tant de millions, s’ils ne suffisent pas pour le garantir des contrebandiers, qui, certainement, emploieraient des moyens plus sûrs, plus cachés et plus économiques pour former par un commerce de la première main, des magasins dont les gros achats qu’ils feraient dans des marchés sans cesse fréquentés par les commis des barrières, pour leur propre compte, indiqueraient bientôt la destination. La mauvaise foi de la seconde raison,” encore plus futile, est plus maladroitement masquée; les paysans sont autant que les bourgeois, et l’existence des villes ne peut, sous aucun prétexte, exiger le sacrifice de celle des campagnes. Celles-ci même mériteraient peut-être la préférence, car la vie de ceux qui font vivre est plus précieuse que celle des gens, qui ne font que vivre. Les aliments consommés par cent hommes de Vaugirard, n’en nourriraient pas davantage à Paris ; et pourquoi faut-il que la faim des premiers ne puisse être apaisée, que lorsque les derniers sont rassasiés? et pourquoi cette prohibition ne regarde-t-elle que les vivres qui payent entrée, tandis que ceux qui n’en doivent pas se débitent sans opposition ? Enfin, il est au moins aussi important de ne pas laisser sortir de Paris la volaille et le poisson, par exemple, que de les y faire entrer ; on ne devrait au moins pouvoir le faire qu’à l’heure où tous les habitants qu’on protège avec un soin si touchant, ont eu le temps de se pourvoir ; et cependant, on va là librement, dès là pointe du jour, avant même qu’ils soient éveillés, enlever ces denrées dans leur marché, pour les emporter dans la campagne. 11 est donc évident que les véritables motifs d’une pareille manœuvre sont d’ajouter à l’énormité des impôts que payent les malheureux la charge plus écrasante encore des entrées. Comme l’habitude de souffrir et la multitude des maux peuvent bien en faire oublier une partie, nous vous recommandons de ne pas laisser ignorer un si grand abus, à la suite duquel vous pourrez en dénoncer une multitude d’autres de même nature ou même plus criants, comme tous les droits perçus dans la banlieue de Paris, notamment ceux connus sous la dénomination de droits réservés , contre le principe incontestable qu’ils ne sont pas dus par les habitants sujets à la taille, que les villages ae cette banlieue payent ; il existe, dit-on, des lois qui les appuient ; quelles lois, grand Dieu ! et qu’elles prouvent bien que l’audace et la cupidité savent tout obtenir ! Puissent les Etats généraux nous en procurer qui rendent à jamais odieux quiconque en osera solliciter de pareilles ! Il résulte de tout ce que nous venons d’exposer qu’il faut donner des pouvoirs spéciaux, et dont les députés ne pourront pas s’écarter sans être désavoués , sur les objets généraux et majeurs à l’égard desquels l’opinion générale a pu se décider, et des instructions, tant sur les objets importants sur lesquels elle n’est pas fixée encore, que sur les intérêts locaux. RÉSUMÉ DES POUVOIRS SPÉCIAUX. Art. 1er. S’occuper avant toute chose d’une constitution inaltérable. Art. 2. Témoigner au Roi tous les sentiments d’amour, de respect et de reconnaissance dont la nation est pénétrée pour lui. Art. 3. Etablir comme maxime fondamentale que tous pouvoirs résident essentiellement dans la nation, et que tous les autres émanent d’elle. Art. 4. Que les trois ordres n’entrent aux Etats que comme citoyens, et que les deux premiers ne peuvent qu’y défendre leurs intérêts en en rappelant les motifs et en demander le maintien, et que la nation ne doit les leur conserver qu’en vue des avantages qu’elle en peut tirer. Art. 5. Que les députés du tiers aux Etats doivent être au moins égaux en nombre à la totalité de ceux des premiers ordres ; que les délibérations doivent y être faites en commun et les suffrages comptés par tête. Art. 6. Que la France exige une monarchie, ou un gouvernement composé d’une nation et d’un Roi, tenant d’elle un pouvoir réglé par des lois faites ou consenties par elle. Art. 7. La succession à la couronne, telle qu’elle est établie depuis Philippe de Valois, déclarée invariable. Art. 8. Abolition de tout servage avec les précautions nécessaires pour le bonheur de ceux qu’on affranchira. Art. 9. L’assemblée de la nation à époques fixes de trois années, au plus, et dans les éirconstances nécessaires, déterminée dans un lieu et pour une durée : qu’elle résulte de la seule constitution, sans qu’il soit besoin de convocation ; la rapprocher davantage et la rendre même permanente, si ce moyen est nécessaire pour se dispenser de lois provisoires. Art. 10. Toute loi ou abrogation de lois, tout subside, sa quotité, sa nature, sa répartition et son emploi, tout emprunt, .son usage et son remboursement à époques fixes doivent être proposés par le Roi ou par les Etats généraux, et ne peuvent recevoir de sanction que par leur consentement. Art. 11. Annuler tous les impôts actuels et les rétablir sur-le-champ pour le temps de la tenue des Etats , en leur nom, sous la désignation de subsides, et déclarer que, "par la suite, ils seront indistinctement payés par tous les citoyens, à proportion de leurs biens. Art. 12. La liberté individuelle des citoyens; qu’ils ne puissent être arrêtés sans être dans les-vingt-quatre heures livrés à leurs juges naturels; les fautes déclarées personnelles, les punitions pour les mêmes délits, semblables pour tous les ordres, et les confiscations abolies. Art. 13. La presse libre, mais tout imprimeur [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 7 obligé de mettre son nom à l’ouvrage qu’il imprimera, et d’en être caution. Art. 14. Des Etats provinciaux avec des arrondissements commodes, des assemblées subordonnées, des pouvoirs et des moyens suffisants. Art. 15. Qu’un citoyen quelconque n’ait absolument qu’une seule voix, ou ne puisse donner qu’une procuration, pour l’élection des électeurs ou députés aux Etats, et qu’aucuns mineurs ne puissent être élus, voter ou recevoir des procurations. Art. 16. Accorder, sans difficulté, aux deux premiers ordres, tout honneur, privilèges, prérogatives, droits, distinctions non pécuniaires, qui ne peuvent grever ni incommoder personne, tendant à l’ordre public, et dont ils jouissent. Art. 17. Nulle exclusion de mérite personnel, dans quelque ordre qu’il soit, des places ecclésiastiques, militaires et de robe. Art. 18. Que chaque paroisse empêche la mendicité en pourvoyant aux besoins de ses pauvres domiciliés. RÉSUMÉ DES INSTRUCTIONS. Art. 1er. Vérification des finances et des dettes qu’il faut consolider et réduire ou annuler, suivant qu’elles seront justes, forcées ou illégitimes. Art. 2. Retenue des vingtièmes ou autre impôt territorial, sur les arrérages des dettes, et leur remboursement au denier vingt des intérêts actuels. Art. 3. Règlement des dépenses jusque dans les détails, celles pour le Roi convenables à la dignité du trône, celles utiles réglées, inutiles supprimées. Art. 4. Les subsides établis d’une manière claire, la moins onéreuse, et les répartir par les contribuables eux-mêmes, sous la direction d’Etats provinciaux ; tendre, autant qu’il sera possible, à la suppression des impôts indirects, surtout des plus désastreux, en ôter l’incertitude et l’arbitraire, et leur substituer l’impôt territorial. Art. 5. N’être admis en justice comme demandeur ou défendeur, qu’en produisant la quittance de l’impôt territorial datée sur l’émargement du rôle, trois mois avant le commencement du procès. Art. 6. Suppression des loteries. Art. 7. Examiner si l’aliénation des domaines et des mainmortes serait utile, mais la régler sur des principes qui la rende peu dangereuse. Art. 8. Un seul poids et une seule mesure, et prendre les moyens de n’avoir à l’avenir qu’une seule loi. Art. 9. Traitement pour les officiers publics stipulés en mesure, et fixés invariablement pour le blé. Art. 10. Extinction des capitaineries, et règlement rigoureux contre l’abus des chasses et la multiplication du gibier. Art. 11. Réforme de la justice qui produira entière liberté personnelle, sûreté pour l’innocence, danger pour le crime ; code court et précis renfermant toutes les lois, de manière que chacun, le connaissant, puisse se défendre lui-même, et tout homme de bon sens devenir juge par le droit des justiciables et avec des conditions, qui, sans nuire à leur indépendance, à leur considération et à leur capacité, les nécessitât et leur donnât le plus grand intérêt à être juste. Art. 12. Liquider d’une manière équitable les dîmes, champarts, banalités, péages et toutes les féodalités, même les justices seigneuriales, et donner à ceux à qui elles sont à charge la faculté de les rembourser. Art. 13. Qu’il n’y ait qu’une seule espèce de juge pour toutes les affaires qui concernent la magistrature Art. 14. Egalité de partage entre les héritiers du même degré. Art. 15. Lès substitutions bornées à une seule tête, motivées, et les motifs susceptibles d’être jugés. Art. 16. La faculté d’hériter bornée à un degré éloigné et à fixer, et alors les successions vendues au profit de la nation. Art. 17. Extinction des jurandes, maîtrises et des confréries. Art. 18. Toute rente rachetable. Art. 19. Toutedispense ecclésiastique pour mariage, ou autres objets, déclarée nulle ou inutile. Art. 20. Les vœux laissés à la conscience et non reconnus par la loi, qui n’en ordonnera ni n’en surveillera l’exécution. Art. 21. La résidence ordonnée à tous ceux qui rempliront une place qui l’exige. Art. 22. Qu’aucun citoyen armé par la nation pour sa défense ne marche contre elle et contre tout citoyen, si ce n’est pour arrêter la violence et à la réquisition des magistrats. Art. 23. Que l’excès de la dépravation des mœurs soit réprimée. Art. 24. Que la vie des habitants des campagnes étant aussi sacrée que celle des bourgeois, ceux qui veulent vendre des denrées aux premiers le puissent librement, sans être vexés dans les villages qui avoisinent les grandes villes, sous prétexte de pourvoir à leur approvisionnent. Art. 25. Que la foule de droits qui, sous une multitude de dénominations différentes et par la perception la plus abusive, sont exigés dans les villages de la banlieue de Paris, où ils ne devraient pas être perçus, puisque les paroisses payent la taille, soit abolie. Sans doute une multitude d’autres objets mérite d’être présentée à la nation assemblée; nous n’avons noté que ceux qui nous ont frappés davantage. Nous laissons à votre prudence le soin d’exposer ceux que votre sagacité pourra découvrir, et d’appuyer ce que d’autres vous indiqueront et que vous croirez le mériter ; mais n’oubliez pas que toutes les vérités ne peuvent pas s’établir en un instant, qu’il faut laisser le temps de les sentir, qu’il en est surtout qu’il faut bien se garder même de laisser soupçonner, dans la crainte que ceux qui les méconnaissent ou dont elles blessent les intérêts ne profitent, pendant qu’elles ne sont pas universellement reconnues, de quelques circonstances pour les éloigner pour longtemps et peut-être pour toujours. Mous allons finir par ce qui rassemble tous les préceptes. L’homme, et sans exception tout être sensible, fait irrésistiblement toutcequ’il croit le conduire au bonheur pt lui faire éviter l’infortune ; la vertu, c’est-à-dire le désir du bien-être des autres, est le plus grand et le plus néces saire moyen de parvenir au sien ; le salut du peuple doit donc être constamment votre suprême loi, les bons sont ceux qui suivent cette maxime, les méchants ceux qui la méconnaissent; tousles mobiles d’ici bas se réduisent, d’ailleurs, en force et intelligence ; ne négligez rien pour être les plus forts ; si vous y parvenez, hâtez-vous de faire le bien ; si les méchants dominent, soyez prudents, résistez et temporisez, mais que rien ne vous fasse consentir à la ruine de vos concitoyens. g [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Signé Chabanne ; Pharon père ; François Olivier-, Pierre Poyet ; Antoine Cîerace ; Jacques Bardou; Denis Baudran; Pierre Bernard; Antoine Bernard; Baugoust; Pierre Bourget; Breton; Brand; Couche; Deslions; François Devèze; Breton; Denis Girandier; Etienne Gormers; Denis Grenun ; Héri-vaux; Huet; Hue; Mausscl ; Olivier ; Puizeux; Bénard ;AntoineRinguard; PhilippeRoger; Meigneux; Sageret; Pierre Martin ; Tillieux; Trecourt; Antoine Vacquerie ; Levasseur ; Hauvel ; Leguet ; Jean Joan-net; Harivel; Leguet; Guérin; Chalmel ; Poulain ; Séries , Bouchet ; Jarie; Gauman ; Leber; Pharon; Bard; Gueniel ; Breaud; Nicolas Morin ; Leviellard; Tempe ; Géiiot de Saint-Paul ; Meyé, greffier. CAHIER Des plaintes et remontrances du village de Pavant (1), Sur les surcharges que les habitants de la pa* roisse de Pavaut, généralité de Soissons, supportent en toute espèce d’impôts et autres charges locales, ce qui les réduit dans la plus affreuse misère. Les habitants de Pavaut sont augmentés en rincipal de taille, depuis 1775, de la somme de 69 livres ; ils payaient en 1772, 1773, 1774 et 1775, 627 livres 5 sous de principal de tailles ; depuis 1788, ils en payent celle de 996 livres 5 sous; cette surcharge est d’autant plus désastreuse, que depuis trois années une tuilerie, restée avec 7 ou 8 arpents d’héritage, est sans locataire, et les héritages qui en dépendent sont exploités par le seigneur propriétaire de ladite tuilerie, qui est privilégiée et ne payepas de taille; en conséquence, il en est résulté un rejet sur la paroisse d’une somme de 105 livres de toutes impositions que payaient les locataires quil’ex-poitaient avant. Cette augmentation de 369 livres de principal détaillé procure aux habitants une surcharge de 924 livres de toutes impositions; il faut ajouter à cette somme celle de 105 livres que payaient les locataires ci-devant de la tuilerie, ce qui forme la somme de 1,029 livres; il faut encore ajouter à cette somme celle de 172 livres 10 sous, pour la prestation représentative de la corvée, ce qui finalement, pour la paroisse, forme la somme de 1,201 livres 10 sous, somme exorbitante qui accable nécessairement tous les habitants de cette pauvre paroisse. , On croirait sans doute, qu’après un exposé aussi désastreux que véritable, il n’était plus possible d’y rien ajouter; mais point du tout, ce n’est pas encore là la fin de nos maux; il faut encore y ajouter une augmentation de 40 livres, principal de la taille que l’on vient d’ôterà François Serve t, laboureur de cette paroisse, pour différentes pertes qu’il a essuyées l’année dernière, et qüi sont reversées sur les autres habitants, par ordre des officiers de la commission intermédiaire de l’élection de Soissons ; ces 40 livres donnent encore aux autres habitants une augmentation de 117 livres de toutes impositions, compris la prestation représentative de la corvée. De pareilles surcharges sont bien faites pour jeter le désespoir dans l’âme des pauvres habitants. Nous allons lâcher de faire entrevoir la position de notre paroisse, ainsi que. celle de son territoire. * (1) Noos publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. Le village de Pavaut estsituô à un quart delieu de la rivière de Marne, à l’opposite de Charly, au pied d’une montagne escarpée; le coteau est rempli de vignes qui présentent leurs aspects au nord, les vignes sont coupées de haut en bas par huit ou neuf ravins, l’on y dépouille du vin passablement, mais d’une qualité inférieure aux vignobles voisins, à cause de leur position au nord; au-dessus des vignes sont des terres d’une culture pénible et d’un faible rapport; au-dessus de ces terres sontdes bois appartenant aux seigneurs, et au-dessus de ces bois sont des terres humides qui ne sont pas bien difficiles à cultiver, mais qui sont aussi d’un faible rapport; au-dessus du village et des vignes sont des terres sableuses, remplies de pierrailles que les eaux des ravins y déposent dans les grandes crues d’eaux, ce qui fait que ces terres ne sont propres qu’à rapporter du seigle; au-dessous de celles-ci sont les meilleures terres, mais très-exposées aux débordements de la rivière par leur situation basse et profonde, au point qu’il n’v a pas de terroir, sur toute la rivière de Marne, aussi exposé aux débordements que le nôtre, et dont les eaux s’écoulent aussi difficilement; entre ces derniers et la rivière sont des terres mêlées de sable, qui ne sont propres qu’au méteil, et où il vient ordinairement beaucoup de coquelicots. . Par le bas des terres basses se trouvent les prés, qui ont autrefois suffi pour la consommation du lieu; mais aujourd’hui que ces prés, humides qu’ils étaient dans l’origine, se sont élevés par succession de temps, par les débordements de la rivière, qui y a déposé à chaque débordement de la vase qui en a élevé le terrain et l’a rendu sec, d’humide qu’il était dans son commencement, ce qui fait qu’ils ne produisent que très peu de foin, le seul remède qu’il y aurait serait de faire des prairies artificielles et de défricher les prés, ui sont pour ainsi dire de nulle valeur, et cepen-ant qui seraient d’excellentes terres propres à produire des grains en abondance. Lëfe prairies artificielles seraient d’une grande ressource, et ces défrichements de mauvais prés seraient d’un grand profit; mais voilà un obstacle de la part du propriétaire et-du fermier ; les prés sont exempts de dîmes , les prairies artificielles payent les dîmes; ainsi, défrichez les mauvaises prairies naturelles, elles payeront la dîme; établissez de bonnes prairies artificielles, elles payeront encore la dîme ; ainsi, voilà une tâche sur le bien du propriétaire, et une surcharge pour le locataire : c’est ce qui est cause que les choses restent dans l’état ; elles sont au grand détriment de l’agriculture. Le seul et unique remède serait d’affranchir delà dîme l’un ou l’autre, soit les prairies naturelles défrichées, ou les prairies artificielles établies. La peinture que nous venons de faire de notre position paraîtra sans doute minutieuse ; mais nous l’avons crue nécessaire, à cause des charges locales dont nous sommes surchargés. Malgré l’infériorité du terroir que nous habitons, presque tous les habitants sont propriétaires d’un peu de vigne et de terre ; il n’y en a pro-quo pas qui ne doivent des rentes sur ces biens, à peu près de la valeur de ce qu’ils valent intrinsèquement ; en outre, il est dû au seigneur des surcens et cens considérables ; on les évalue à 850 livres par an, sur environ cent dix feux dont notre paroisse est composée ; nous avons à payer la dîme sur les vins, qui se paye dans tous lès environs à peu près à 6 pintes de Paris par pièce, jauge Marne. Nous la payons à 9 pintes par pièce , même jaugé ;