584 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 février 1790.] brésis, déclare qu’il est chargé de demander qu’à la mutation des abbés réguliers de la province dans laquelle la commende n’a pas lieu, les pensions sur les abbayes soient appliquées par préférence aux ecclésiastiques de la province, et que, dans aucun cas, la commende ne puisse être introduite dans cette province, même en faveur des cardinaux. M. le marquis de Toulongeon écrit à l’Assemblée pour lui annoncer que le mauvais état de sa santé ne fait qu’empirer, qu’il perd tout espoir de pouvoir reprendre des fonctions chères à son cœur; qu’il prie, en conséquence, l’Assemblée d’agréer ses regrets, sa démission, et le suppléant destiné à le remplacer. Enfin, M. de Toulongeon prête, par écrit, le serment civique, dont il adresse la minute, signée de sa main, à l’Assemblée. Il est ensuite fait lecture d’une lettre de M.d’ André, datée de Marseille, le 5 février, dans laquelle il mande qu’il a été instruit du décret de l’Assemblée qui interdit à tous ses membre d’accepter ni. place, ni emploi du gouvernement ; qu’il serait parti sur-le-champ pour se rendre à 1 Assemblée nationale, si la situation dans laquelle se trouve la Provence lui avait permis de l’abandonner avant d’avoir un successeur ; qu’il a écrit, pour en réclamer un, à M. de Saint-Priest, et que, fidèle aux principes de l’Assemblée, il viendra reprendre son poste dès qu’il aura reçu la réponse du ministre; qu’au surplus, il n'a été que chargé de rétablir la tranquillité dans la province, et qu’il n’a point accepté la place de commissaire départi. L’Assemblée approuve les sentiments et la conduite de M. d’André, et arrêté qu’il en sera fait une mention dans le procès-verbal. M. le Président lève la séance. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du samedi 13 février 1790 (1). M. de Lacoste, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. le marquis d’Estourmel fait remarquer qu’on a omis d’y comprendre sa déclaration au nom de la province du Gambrésis. M. de Lacoste répond que cette déclaration n’a pas été remise sur le bureau et que la rectification sera faite. M. l’abbé Thomas, député, se plaint que des gardes-françaises viennent d’exiger qu’il ôte un ruban qu’il portait à sa boutonnière, en le menaçant de l’arracher eux-mêmes. M. Madier de Montjau réclame, au nom de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, contre un article inséré dans le procès-verbal de la séance du 22 décembre. Cet article contient un récit fait alors à l’Assemblée, au sujet d’une lettre écrite par M. Tavernot, habitant du bourg Saint-An-déol, à la municipalité de Metz, pour demander un certain nombre de libelles que cette municipalité ne distribue pas. M. Tavernot assure qu’il n’a pas écrit cette lettre, et la sénéchaussée demande avec lui que les calomniateurs soient poursuivis et punis. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le maire de Paris, relative aux dispositions prises par le commandant général, pour recevoir demain, à Notre-Dame, l’Assemblée nationale. Ces dispositions sont approuvées et MM. les députés se réuniront dans la salle demain, à dix heures et demie, pour aller en cérémonie assister au Te Deum. M. le Président communique ensuite à l’Assemblée une lettre du président de la commune de Paris, qui demande audience pour une députation des représentants de la commune. L’Assemblée indique la séance de ce soir huit heures (1). Un membre du comité des rapports annonce que, d’après les informations prises à Brie-Comte-Ro-bert, les volontaires de la compagnie du Bon-Dieu n’ont rien fait pour la bénédiction de leur drapeau que de concert avec la municipalité et la garde nationale de cette ville. M. Delarenne, prieur de Saint-Martin de Ne-vers, député du Nivernais, demande la permission de s’absenter pour quinze jours. Ce congé est accordé. M. Martin-Liévin Palmaert, desservant de Mardyck, suppléant de M. Vanden-Bavière, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis après avoir prêté le serment civique. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le garde des sceaux, relative à une instance pendante au Conseil, qui intéresse le sieur de Vou-ges, ancien fermier des messageries et des diligences de Lyon. Ce fermier réclamant une indemnité, l’Assemblée renvoie l'affaire au comité de liquidation. M. le Président fait part à l’Assemblée d’un projet de monument et d’une fête patriotique en l’honneur de la nation et du Roi, par le sieur Gois, sculpteur du Roi, et professeur de l’Académie de peinture et sculpture. Le plan de cette fête, et le monument en relief, sont mis sous les yeux de l’Assemblée, qui en témoigne sa satisfaction au sieur Gois, et lui permet d’assister à sa séance. M. le baron de Cernon, rapporteur du comité de constitution , propose le décret suivant relatif à la division des départements du royaume: Département de Lyon. • L’Assemblée nationale décrète, conformément à l’avis du comité de constitution, que le règlement pour fixer les conditions de la réunion du bourg de la Guillotière à la ville de Lyon sera - (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (Il Par suite de la longueur de la séance du matin, il n’y a pas eu de séance le soir. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 février 1790.1 585 proposé par la prochaine assemblée du département. » M. le Président met aux voix le décret qui est adopté. M. le baron de Cernon propose un autre décret relatif au district de Bourboune. Il dit que le député du district de Bourbonne, qui fait partie du département de Chaumont, a fait valoir auprès du comité que ce district n’a pas l’étendue voulue par les décrets, et qu’il y a lieu de réviser les limites. Le comité de constitution pense que la plainte est fondée et propose le décret suivant : Département de Chaumont. « L’Assemblée nationale décrète que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seront déterminées par la prochaine assemblée du département. » Les députés des autres districts réclament l’exécution des démarcations signées entre eux et déposées au comité. Le réclamant observe qu’il est le seul représentant du district de Bourbonne contre douze représentants pour les autres districts; il persiste à réclamer la réparation de l’injustice qui a été commise. M. le marquis d’Estourmel appuie le renvoi de la décision à l’assemblée du département. D'autres membres proposent la question préalable sur le décret. M. Gaultier de Rinuzat. La division déjà faite ne peut être opposée au réclamant puisqu’il l’a combattue et qu’il s’est trouvé seul contre douze adversaires. Si le district est inférieur en étendue et en population à tous les autres, rien n’empêche d’approcher davantage de l’égalité; je conclus donc à l’adoption du décret et je demande qu’il obtienne la priorité. M. le Président met le décret aux voix, il est adopté. M. le baron de Cernon propose un troisième projet de décret pour laisser à la vallée de Barcelonnette la faculté de se déterminer à la prochaine législature sur sa réunion à la Provence ou au Dauphiné. M. Delley d’Agler. Vous ne pouvez changer vos décrets toutes les vingt-quatre heures. Dimanche dernier vous avez décrété que Barcelonnette serait le chef-lieu d’un district du département de la Provence, vous ne devez pas vous déjuger à si courte date. M. Bouche. La vallée de Barcelonnette ne réclame pas; en conséquence, je propose de décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. La motion de M. Bouche est mise aux voix et adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion sur celte question : Les ordres religieux seront-ils abolis ? Y aura-t-il des exceptions? M. Roger. L’Assemblée nationale doit-elle supprimer les ordres religieux? Gomment doit-elle le faire? Doit-elle ne conserver aucun des établissements ecclésiastiques ? Vous pouvez supprimer les ordres religieux, si vous le devez : vous le devez, s’ils n’ont plus d’objets d’utilité. Nos champs sont défrichés; l’imprimerie a conservé et propagé les lumières ; les établissements publics de charité rempliront mieux que les ordres religieux les devoirs de la société. Les ordres religieux sont donc inutiles ? Etant inutiles, ils ne peuvent être que nuisibles. Vous devez donc les supprimer; vous le pouvez donc? Mais les religieux ont des droits à ce qu’ils ont possédé. Nous ne pouvons être à leur égard ni injustes, ni économes ; la mesure de leurs possessions est celle de leurs droits ; elle doit donner la proportion de leurs pensions. J’adopte l’affirmative de la question présentée à la discussion, et je propose, en amendement de conserver uniquement la congrégation de Saint-Maur, parce qu’elle a bien mérité de l'Etat par ses vertus et par son amour pour les lettres. M. l’abbé d’Eymar, député du clergé de la Basse-Alsace {[). Messieurs, combien il serait heureux et avantageux, peut-être, pour la chose publique, que la grande majorité de cette Assemblée eût éprouvé, en écoutant hier et avant-hier le rapport du comité ecclésiastique, la même impression d’assentiment qui l’a affectée, lorsqu’elle a entendu, lundi dernier, celui de votre comité féodal ! C’est le propre de ce qui est vraiment juste et utile de captiver rapidement; ainsi, l’universalité des suffrages, en dépit des préventions et de l’intérêt, tandis que ce qui n’est pas marqué à ces grands caractères n’a ni le même ascendant, ni la même prépondérance, et qu’il laisse à la variété des opinions la persuasion respective que chacun a la meilleure et qu’elle doit prévaloir. Puisque, tel est à mon grand regret et à celui de beaucoup d’autres, le sort de la question actuelle, essayons du moins de l’environner et de la frapper de tant de lumières que la conscience de chacun soit acquittée, et que votre jugement, quand il sera prononcé, n’ait imprimé et ne laisse aucune trace que celle de l’équité et du bien général. Vous avez fait hier, Messieurs, un acte réel de justice, quand vous avez prolongé la discussion qui nous est soumise, et que vous avez reculé la décision d’un problème aussi imposant que celui de savoir si l'Assemblée nationale supprimera en France l'ordre religieux en tout ou en partie ; car tel est le premier article auquel on a réduit la grande question qui nous occupe, et sur laquelle plusieurs orateurs vous out déjà exposé des idées et des senti-timents bien opposés ; cette opposition elle-même, et cette diversité prouvent, Messieurs, combien il est nécessaire de s’éclairer avant de prononcer. Si vous jetez un seul religieux hors de son état, vous avez le même droit contre tous. Si vous annulez un seul de ses vœux, vous avez le même pouvoir contre tous ses autres vœux. Ici le principe est si sévère, les conséquences sont tellement cohérentes, que tous les hommes et tous les vœux vous sont soumis, ou que vous êtes forcés de respecter également et tous les vœux et tous les hommes. Voilà l’étendue et la rigidité du droit qu’il s’agit de chercher, du droit sur lequel avant tout (1) L’opinion de M. l’abbé d’Eymar n’a pas été insérée au Moniteur.