[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] 628 tion a subsisté; car, lorsqu’il s’agit de rompre des chaînes, le despotisme est inexorable. Aussi avec quels transports de joie la société des amis des noirs a-t-elle vu convoquer ces Etats généraux, que le génie de la France a transformés en Convention nationale! Avec quels ravissements, vous a-t-elle vus, Messieurs, poser pour fondement de la Constitution, cette vérité sainte, que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ! Dès lors elle a senti que vous étiez appelés à réaliser les espérances des amis de l’humanité. Elle a prévu que vos principes philantropiques vous donneraient partout des admirateurs et des appuis et que vous auriez tout à la fois le pouvoir et le droit de faire ce que dix Etats des Etats-Unis ont eu déjà la gloire d’exécuter. Mais plus heureuse que ces Etats, dont les relations commerciales et politiques ne sont ni assez fortes, ni assez étendues, pour entraîner sur leurs pas aucune des puissances de l’Europe, l’Assemblée nationale ne peut pratiquer l’humanité, sans l’inspirer, sans la commander partout. Elle peut donc exercer sur le bonheur du genre humain plus d’influence que nul mortel, nul corps législatif, n’en a obtenu dans les plus belles époques de l’histoire. Eh! à qui se présentera jamais un plus bel avenir? Le résultat infaillible des mesures fermes et modérées par lesquelles vous pourrez préparer sans troubles et sans convulsions, d’abord l’abolition de la traite, puis celle de l’esclavage, cet infaillible et précieux résultat, c’est d’arracher des millions d’hommes à l’ignominie, à la mort; c’est de régénérer les deux mondes; c’est de perfectionner l’espèce humaine; c’est, enfin, de provoquer cette confraternité universelle, saule capable de changer en un lieu de délices cette terre de douleurs et de crimes. La société des amis des noirs avait nommé, dès le mots d'avril 1789, des députés pour défendre la cause de ces infortunés qui nous ressemblent par les mêmes besoins, les mêmes misères, les mêmes facultés, et qui, perpétuellement victimes de nos faux calculs, sans représentants, parce qu’on ne leur suppose ni intelligence, ni volonté, ne peuvent avoir pour défenseurs que des hommes désintéressés, courageux, et libres de toutes sortes de préjugés. Nous aurions pu profiter de plus d’une circonstance pour obtenir de vous la faveur d’être entendus. Sensibles aux hommages de sociétés étrangères, vous n’auriez pas sans doute reçu d’un œil indifférent ceux d’une société française. Celle de Londres n’a qu’à défendre des hommes heureux et une constitution existante; et nous avions à vous présenter des milliers de malheureux, à vous dénoncer uu commerce de crimes, qui, sous le nom français, ensanglante chaque jour une terre étrangère. Mais tandis que iajustice et la pitié nous sollicitaient de défendre les noirs, le patriotisme nous attachait invinciblement à vos nobles travaux, à vos alarmes, à vos espérances, à vos triomphes. Nous n’avons pas cessé, nous ne cesserons pas de regarder comme des ennemis delà patrie, tous ceux qui ont interrompu ou tous ceux qui interrompront, sans la plus évidente nécessité, cette constitution, digne objet de vos travaux et de nos sollicitudes. Nous ne voulons avoir à nous reprocher ni précipitation, ni faiblesse, et voilà pourquoi nous ne nous sommes point présentés, lorsque vous nommâtes un comité pour examiner les pétitions du commerce et les pièces arrivées des colonies. Pénétrés de respect pour les motifs de patriotisme qui vous ont dicté l’article sur la conservation du commerce indirect des colonies, attendant, des circonstances plus favorables, ce décret que sollicitait l’humanité, qui sans doute était dans tous les cœurs, lorsque les lèvres refusaient de le prononcer, nous ne réclamons aujourd’hui que contre une extension donnée à l’article par lequel l’Assemblée nationale a déclaré criminel envers la nation quiconque travaillerait à exciter des soulèvements contre les colons. Des hommes qui n’ont vu qu’avec effroi, qui n’ont attaqué qu’avec fureur et démence, les écrits publiés en faveur de l’humanité souffrante, ont insinué que l’Assemblée avait entendu, par cet article, mettre un terme aux travaux de cette société. Us ont dit qu’écrire en faveur des noirs, c'était travailler à les soulever, c’était se rendre criminel de lèse-nation; et le décret était à peine rendu, que la persécution marquait déjà des victimes. Loin de nous l’idée de prêter à l'Assemblée, qui nous entend, ces arrière-pensées du despotisme, ces explications sanguinaires de lois énigmatiques, avec lesquelles on égorgerait les défenseurs de l’humanité et de la vérité ! Les législateurs qui ont gravé dans un monumeut immortel le droit de la liberté d’écrire, ne peuvent commander le silence, surtout à des hommes de bien qui n’écrivent que pour sécher des pleurs, que pour épargner des crimes. Ils ne peuvent nous défendre de prouver que la traite et l’esclavage ne sont pas seulement des attentats à tous les droits, mais d’inutiles et fatales barbaries, mais de grossières erreurs de calcul. La mission sainte embrassée par la société, leur eût interdit toute espèce d’alarme, même sous le despotisme : que doit-ce être sous une Constitution libre? Non, les amis des noirs n’ont pas bravé le despotisme, pour trembler sous la liberté. En vous annonçant leur tranquillité et le vœu qu’ils ont fait de continuer leurs travaux jusqu’à l’abolition des deux crimes qu’ils poursuivent, ils croient vous rendre un hommage cligne de vos principes; ils acquittent un double devoir, celui de venger la liberté d’écrire, et la gloire de cette Assemblée, que le seul soupçon d’une pareille interprétation de son décret pourrait flétrir. Signé : Pétion de ’Willeneuve, président. Brissot de Warville, secrétaire. M. Il ou gins de Roquefort. Dans plusieurs villes et lieux du royaume il existe deux titres de bénéfices-cures dans la même paroisse. II est indispensable de s’occuper du cas non prévu de la vacance de l’un de ces litres et je propose de décréter qu’en cas de vacance par mort, démission ou autrement, d’un desdits bénéfices-cures, il sera provisoirement sursis à toute nomination, le tout en conformité de l’esprit du décret rendu le 9 novembre dernier. M. Camus. En Normandie, j’ai vu trois curés dans une même église; la motion est pressante; elle ne peut éprouver aucune difficulté et j’en demande l’adoption immédiate. (L’Assemblée consultée renvoie la motion au comité ecclésiastique qui donnera incessamment son avis.) Un de MM. les secrétaires rappelle la demande de la municipalité de la paroisse de Bois-Redon,