356 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Quinaire an H L ' J ) 5 novembre 1793 dans le peuple, c’est de mettre sur les assignats républicains une inscription royaliste telle que celle qui est au dos de l’assignat de dix livres que nous joignons à la présente; ils ont inscrit de même quinze cent mille livres qu’ils nous avaient prises à Fontenay et d’autres sommes prises ailleurs. Nous venons, par l’arrêté ci-joint, d’annuler toute cette monnaie royalisée; comme nos pouvoirs, quoique limités en eux-mêmes, ne s’étendent, par le décret qui nous envoie ici, qu’au département de la Charente-Inférieure, nous avons balancé si nous étendrions notre ar¬ rêté aux départements voisins. Cependant le grand intérêt public nous a décidés, nous avons étendu cet arrêté aux huit départements qui en¬ tourent la Vendée, et nous l’avons envoyé aux administrateurs par des courriers extraordi¬ naires. Mais nous croyons essentiel que vous don¬ niez par un décret votre approbation à notre mesure, et peut-être feriez-vous bien de la gé¬ néraliser pour toute la République. Nous joi¬ gnons ici un exemplaire de cet arrêté, prenez-en connaissance et décidez. « Lequinio; Laignelot. N° 1209. AU NOM DU ROY. BonYpour 10 livres suivant le règlement du 2 aoust 1793. Thomas. Par le conseil supérieur, Barré secrétaire du bureau des dépêches. Comité de surveillance à la 'Rochelle N° 86. Arrêté (1). Lequinio et Laignelot, à tous les vrais républicains. Nous, représentants du peuple français, ins¬ truits que les royalistes, les-prêtres, les ci-devant nobles et tous les scélérats qui combattent dans la Vendée contre la liberté du peuple français ont établi une commission qu’ils appellent con¬ seil supérieur, chargé d’apposer sur les assignats républicains une inscription anticivique telle que celle-ci que nous avons vue inscrite sur un assignat de 10 livres : Au nom du roi, bon pour 10 livres, suivant le règlement du 2 aoust 1793, signé, Thomas, par le conseil supérieur ; Barré, secrétaire du bureau des dépêches. Considérant que ce délit est une nouvelle preuve de l’audace et de la scélératesse de ces ennemis du bien public, et combien il serait dangereux de laisser circuler une pareille mon¬ naie qui ferait croire aux hommes faciles à éga¬ rer qu’il existe encore en France quelque por¬ tion d’autorité royale; Considérant enfin que ce papier-monnaie se trouve essentiellement altéré par cette inscrip-oription odieuse, et qu’il ne peut plus circuler dans des mains républicaines, en vertu des pou¬ voirs illimités dont la Convention nous a revê¬ tus, (1) Archives nationales, carton C 278, dossier 735. Nous annulons tout assignat, de quelque va¬ leur qu’il soit qui porterait, soit sur le bon côté, soit sur le revers, l’inscription ci-dessus men¬ tionnée ou toute autre marque quelconque' por-tant le caractère de l’incivisme, ou même" une inscription ou marque civique apposée par les ennemis de la République, soit du dedans, soit du dehors, et défendons à tous receveurs de de¬ niers publics d’en recevoir, sous peine d’en ré¬ tablir la valeur dans leurs caisses et d’être pour¬ suivis comme fabricateurs de faux assignats; comme aussi à tous notaires ou autres officiers publics d’en référer la valeur dans leurs actes, jugements ou arrêtés, à peine d’être également poursuivis comme complices de fabrication de faux assignats. Le présent arrêté sera imprimé, publié et af¬ fiché sans délai dans toutes les communes des départements de la Charente-Inférieure, de la * Haute-Charente (sic), des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Loire-Inférieure, Mayenne-et-Loire, Indre-et-Loire et de la Vienne. Nous ren¬ dons les administrateurs de ces départements personnellement et collectivement dans chaque administration responsables du retardement qu’ils pourraient apporter à l’impression et pu¬ blication du présent, qui leur sera envoyé par des courriers extraordinaires. A Rochefort, le 8e jour du 2e mois de l’an II de la République française une et indivisible. Lequinio; L at gnelot. Les mêmes représentants annoncent aussi de Rochefort que huit ministres du culte catholique, et un du culte protestant, viennent d’abandonner le métier d’imposture en présence de tout le peuple; ils ont juré de n’enseigner désormais que la morale, et de prêcher contre toutes les tyran¬ nies politiques et religieuses; ils ont scellé leur serment en brûlant dans un vase plein d’encens leurs lettres de prêtrise. Le peuple, en applaudis¬ sant à cet acte de raison, a juré de même d’ou¬ blier toute querelle particulière, toute différence de culte et d’opinions religieuses. Cette lettre très longue, et contenant beaucoup d’autres détails consolants pour la philosophie et l’humanité, sera insérée en entier au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Lequinio et Laignelot (2). Lequinio et Laignelot, représentants, envoyés dans la Charente-Inférieure, à la Convention natio¬ nale. Rochefort, le 2e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II. « Nous marchons de miracles en miracles, citoyens nos collègues, et bientôt il ne nous restera plus que le regret de n’en avoir plus à faire. Huit bénisseurs du culte catholique et un ministre du culte protestant viennent de se dé-prêtriser jeudi, dernier jour de la décade, en présence de tout le peuple assemblé dans le temple de la vérité, ci-devant l’église parois¬ siale de cette ville. Ils ont, aux grands applau¬ di) Procès-verbaux de la Convention , t. 24, p. 325. (2) Archives nationales, carton G 278, dossier 735; Aulard : Recueil des actes el de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 189. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. î 5 brumaire an II 357 (5 novembre 1/93 dissements de la multitude pressée autour et dans le temple, juré de n’enseigner désormais que les grands principes de morale et de la saine philosophie, de prêcher contre toutes les ty¬ rannies politiques et religieuses, et de commen¬ cer enfin à montrer aux hommes le flambeau de la raison; ils ont scellé leur serment en brû¬ lant dans un vase plein d’encens leurs lettres de prêtrise qui répandirent pour la première fois la bonne odeur autour d’elles. Tout le peuple, les protestants et les catholiques, ont juré, par acclamation et enthousiasme, avec l’oubli de leurs anciennes superstitions, celui des que¬ relles qui ont si longtemps inondé le pays du sang français versé par les rois et les prêtres; il n’y aura plus désormais dans cette ville qu’une seule manière de prêcher la morale, qu’un temple, celui de la vérité, qu’un seul dépôt des restes inanimés de l’homme que la superstition faisait revivre sans cesse, pour tourmenter les vivants. Un grand tableau des droits de l’homme va remplacer le tabernacle des ridicules et imbé¬ ciles mystères, et plusieurs autres tableaux por¬ teront sur les murs l’Acte constitutionnel; comme l’on n’était pas muni de ces tableaux, on y a suppléé momentanément parle dépôt, dans le tabernacle, d’un exemplaire in-8° des droits de l’homme et de l’Acte constitutionnel signé de nous, du maire, du procureur de la commune et du président de la Société populaire; cette scène si neuve s’est passée avec un enthousiasme universel qu’il serait impossible de peindre; mais nous devons vous dire qu’elle n’était que la suite d’une fête civique où tout le peuple, toutes les autorités constituées et nous, sommes allés rendre, sur la place publique, hommage aux vertus de deux héros républicains, de deux sans-culottes morts glorieusement pour la dé¬ fense de la liberté, ce sont les citoyens Mulon et Tartu, tous deux nés plébéiens, tous deux ayant commencé par être mousses, et tous deux élevés par leurs vertus civiques et leurs talents au grade de capitaine de vaisseau qui leur était interdit pour jamais sous l’ancien régime. Le premier commandait la frégate la Cléopâtre ; sa mort au milieu du combat contre deux frégates anglaises dont il avait pris une, a été suivie de la perte de sa frégate. « Le second n’ayant eu que la cuisse empor¬ tée, a eu quelques quarts d’heure d’intervalle en¬ tre sa blessure et sa mort, il les a employés à en¬ courager son équipage et à donner des leçons de patriotisme, à son fils, mousse à son bord. Je meurs pour la liberté de mon pays, je meurs content, apprends à combattre pour elle et sois toujours Vennemi des tyrans. Telles ont été ses dernières paroles à ce jeune enfant qu’il a laissé pour venger sa mort. La frégate l’ Uranie, que commandait ce brave homme, avait déjà fait plusieurs prises, et elle tenait en cale deux cent cinquante prisonniers espagnols qui l’entra¬ vaient ; elle a battu complètement la frégate an¬ glaise, mais elle n’a pu s’en emparer. Elle est ren¬ trée ici suivie de la corvette qu’elle avait prise quelques jours auparavant; toute la garde na¬ tionale, tous les marins, tout le peuple, toutes les autorités constituées ont répandu des fleurs sur le mausolée élevé sur la place publique à la mémoire de ces deux héros de la marine répu¬ blicaine, et nous avons donné le nom de Tartu à la frégate que commandait ce capitaine, et qui s’appelait Y Uranie. La municipalité vous enverra le procès-verbal de cette fête dans la¬ quelle il y a eu plusieurs accessoires importants dont nous ne vous parlons pas. Elle a consacré le jour du repos de l’ère républicaine et nous avons, par un arrêté exprès, établi ce nouvel ordre dans les travaux du port. Pas une seule réclamation ne s’est élevée contre, et le jour d’hier, tous les vieux saints ont passé sans que personne daignât s’en apercevoir. « Nous avons cru devoir récompenser le cou¬ rage de ces prêtres philosophes qui, les premiers, ont osé secouer aussi énergiquement le joug de la superstition. Nous leur avons assuré, leur vie durant, la pension de douze cents livres, dont six jouissaient comme curés; les deux autres, comme aumôniers n’avaient que cent pistoles, mais ils ont tous montré la même vertu, nous les avons cru dignes du même traitement; c’est à vous à modifier ce que vous croiriez inconvenant dans notre arrêté que nous joignons à la présente. Nous devons au surplus à la vérité de vous dire que ces huit ci-devant prêtres ne s’attendaient à rien, plusieurs d’entre eux nous avaient fait part de leur détermination, mais nous ne leur avions laissé concevoir aucun soupçon de faveur, aucun espoir de récompense; ils avaient peut-être compté sur la générosité de la nation fran¬ çaise, et en cela ils n’ont point eu tort. Voici les noms de ces prêtres philosophes : Masdebor, ci-devant aumônier de 4e régiment de la marine; Jean-Robert Quesnet, curé de Saint-Hippolyte; Guy Beaupoil, vicaire de Marennes; Nicolas Pluchoneau, aumônier de l’hôpital de la marine; François-René-Auguste Leydet, curé de Notre-Dame de Rochefort; Antoine Chemineau, curé de Fouras; Basil, curé de Saint-Nazaire, dis¬ trict de Marennes, et Bonneau, curé de la com¬ mune d’Olonne. « Nous vous adressons copie de l’arrêté sous¬ crit après leur serment par les cinq premiers, les autres qui n’ont pu être présents nous ont écrit des lettres dont nous avons donné lecture au peuple et que nous déposons, avec les origi¬ naux de nos arrêtés, à la municipalité de Roche-fort. « Tout va marcher ici rondement, le peuple va de lui-même au flambeau de la raison que nous lui montrons avec douceur et fraternité; le tribunal révolutionnaire que nous venons d’établir fera marcher les aristocrates, et la guil¬ lotine fera rouler les traîtres. .. Lequinio, Laignexqt. » Serment (1). s Nous, prêtres assermentés sur la Constitution républicaine de France, et attachés de cœur et d’affection à toutes les lois de la République, reconnaissant l’évidence des vérités philoso¬ phiques qui ont donné lieu à ce régime destruc¬ teur de toutes les espèces de tyrannies, et vou¬ lant donner une preuve non équivoque de notre patriotisme et de notre amour pour la liberté et l’égalité et du désir dont nous sommes ardem¬ ment animés de concourir d’une manière franche et ferme au bonheur de tous les hommes de quelque religion qu’ils puissent être, nous pro¬ mettons, ainsi que nous venons de le jurer en chaire en présence du peuple, dans le temple de la Vérité, autrefois l’église paroissiale de cette ville, de n’être désormais que des prédicateurs (1) Archives nationales , carton C 278, dossier 735.