103 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [19 avril 1790.] quelquefois du sort d’une guerre, et le sort d’une guerre de celui d’uri Empire. Ces courtes observations dont je pourrais faire un gros livre où il n’y aurait rien de trop, tendent à vous engager, Messieurs, à ne point permettre qu’il soit exercé de réforme ni sur l’artillerie, ni sur le génie, ni sur les officiers encadrés dans les compagnies ; et à vous prémunir contre le préjugé qu’on emploie trop d’officiers généraux, et d’officiers de l’état-major de l’armée, lorsque cependant c’est de leur instruction que dépendent les succès de la guerre; et qu’il serait impossible que nous eussions des officiers généraux et un état-major instruit à la guerre, s’il n’y en avait pas un nombre suffisant d’employés pendant la paix. L’erreur, à cet égard, ne provient que de ce qu’on considère que l’inutilité actuelle de tant d’officiers, et qu’on ne songe pas que si l’on n’a une armée que pour la guerre, il faut toujours avoir des officiers instruits pour la plus grande force où cette armée puisse être portée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY. Séance du lundi 19 avril 1790 (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Poule, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi soir. M. Hœderer, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier dimanche. Ces procès-verbaux n’éprouvent aucune réclamation. 11 est fait lecture des adresses suivantes : Adresse des bas-officiers, grenadiers, chasseurs, etc., composant le régiment royal-la-marine. Ils protestent de leur attachement inébranlable à la constitution, du zèle qu’ils mettront à la maintenir; ils renouvellent enfin leur serment civique, et supplient l’Assemblée nationale de rendre leur colonel, M. d’Ambert, à ses fonctions. Voici en quels termes ils s’expriment: « Les bas-officiers, grenadiers, chasseurs, etc., composant le régiment royal-la-marine, pénétrés de respect pour l’auguste Assemblée, se reposant toujours sur la justice de ses décrets, et disposés à ne former qu’un même esprit et à se réunir aux gardes nationales pour lemaintien de la constitution, qui assure à tout individu sa liberté, ne peuvent s’empêcher de vous témoigner tout leur respect sur un événement assez malheureux pour, au moment de leur départ, les priver de leur colonel, qui depuis le commencement de la régénération de cet empire ne nous a inspiré que l’amour du bien public et la plus parfaite union avec tous les citoyens. « Persuadés que les représentants de la nation et le roi regarderont comme inconséquents des propos peu mesurés qu’on impute à notre chef, à qui on ne peut qu’attribuer la régularité de notre conduite, si elle a pu paraître telle dans toutes les circonstances, nous recourons à leurs bontés (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. pour nous rendre un citoyen aussi digne de nous commander que soumis aux décrets de l’Assemblée et fidèle à les faire exécuter, suppliant de ne pas le priver plus longtemps de sa liberté et de le rendre à ses fonctions ; nos peines actuelles nous empêchent de peindre celles où nous sommes sur l’incertitude de son sort. Nous avons de plus renouvelé le serment d’être fidèles à la nation, au roi et à la loi, comme aussi d’employer toutes nos forces pour assurer la nouvelle constitution. « Ainsi délibéré à Marseille, le 6 avril 1790. » M. lîicard de Séalt dit que le roi a déféré M. le colonel d’Ambert à la justice et qu’il faut attendre le jugement qui sera prononcé. Adresse de reconnaissance, d'adhésion et de dévouement de la garde nationale de Toulon, dans laquelle elle dit : « Le jugement équitable que vous avez rendu dans sa cause lui fait un devoir sacré d’un tribut particulier de vénération et d’amour; hommage trop longtemps suspendu par l’empire des circonstances qui ont occupé la garde nationale pour la nouvelle élection des officiers municipaux. Nous prêtons entre vos mains le serment solennel d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution dont le peuple français est à la veille de jouir et qui sera le fruit de vos lumières, de votre zèle et de votre courage. Vous verriez les soldats nationaux de Toulon verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang, si ce sacrifice pouvait être nécessaire à l’exécution de vos décrets et à la régénération du royaume de laquelle dépend le rétablissement durable de la liberté française. » Délibération des officiers municipaux de la ville de Toulon qui ont arrêté que les régents et professeurs du collège et les frères des Ecoles chrétiennes seraient invités à puiser dans la déclaration des droits de l’homme et dans les divers décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, la matière des thèmes de leurs écoliers et les lignes qu’ils leur donneront à copier. Voici le texte de la délibération : « Séance de la municipalité du 27 mars 1790. « M. Leclerc, officier municipal, a dit: « Messieurs, pour propager l’esprit de patriotisme, pour le faire germer dans le cœur des jeunes étudiants du collège de cette ville, il me semblerait utile d’inviter MM. les régents et professeurs de puiser la matière de leurs thèmes dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et dans les divers décrets de l’Assemblée nationale que le roi a sanctionnés; de les inviter à faire lire dans les classes et salles d’étude, le discours prononcé par le roi à l’Assemblée nationale le 4 février 1790, ainsi que l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français; d’inviter pareillement les frères des écoles chrétiennes et les maîtres d’écriture, de prendre dans ces écrits, qui respirent l’amour de la patrie, les phrases et lignes qu’ils donneront à copier à leurs écoliers, sans préjudice des maximes chrétiennes dont ils sont en coutume de faire usage; et j’ai l’honneur de vous proposer, en même temps, Messieurs, d’adresser aux supérieurs de la maison de l’oratoire un nombre de placards de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec prière d’en faire afficher un dans chaque classe et un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dans la salle d’étude des pensionnaires. C’est là un vœu que j’ai formé; puisse-t-il, Messieurs, être aussi le vôtre. « Sur quoi la municipalité de Toulon a arrêté que les régents et professeurs du collège de cette ville seront invités à puiser dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et dans les divers décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, la matière des thèmes qu’ils donneront à leurs écoliers et à faire lire dans les classes et salles d’étude le discours prononcé par le roi à l’Assemblée nationale le 4 février 1790, ainsi que l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français; que les frères des écoles chrétiennes et tous les maîtres d’écriture de la ville seront pareillement invités à prendre dans ces écrits patriotiques les phrases et lignes qu’ils donneront à copier à leurs écoliers, sans préjudice des maximes chrétiennes dont ils ont accoutumé de faire usage. « Arrêté, en outre, d’adresser au supérieur de la maison de l’oratoire, un nombre de placards de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec prière d’en faire afficher un dans chaque classe et un dans la salle d’étude des pensionnaires, et qu’extrait de la présente délibération lui sera remis par le secrétaire-greffier, ainsi qu’au supérieur de la communauté des frères des écoles chrétiennes ; et qu’au surplus les maîtres d’écriture de la ville seront convoqués dans la salle consulaire pour ouïr lecture de ladite délibération, avec exhortation de s’y conformer ; c’est ainsi qu’ils acquitteront tous un vœu cher à la municipalité. « Collationné : SlMIAN, secrétaire-greffier. » La délibération de la municipalité de Toulon reçoit de nombreux applaudissements. M. l’abbé Chatizel, député de la province d’Anjou, donne sa démission, qui est acceptée. M. l’abbé Jacquemart, suppléant de M. Chatizel, dont les pouvoirs ont été vérifiés et reconnus valables, est admis et prête le serment civique. M. le comte de Vogué, député de Villeneuve-de-Berg, demande un congé de trois semaines pour raison d’affaires. M. le vicomte de Ségur, député de Bordeaux, demande également uu congé de trois semaines pour motif de santé. Ces deux congés sont accordés. M. Merlin. Vous avez chargé le comité féodal de vous présenter un projet de décret sur le droit de pacage ou de ravage, connu dans la Lorraine, le Barrois, les Trois-Ëvêchés, la Franche-Comté, la Normandie, etc, etc., qui consiste à faire courir des bestiaux dans les prairies, depuis le mois d’avril jusqu'à la fauchaison. Ce droit pourrait être le prix d’une concession de fonds ou d’une convention. Si telle était son origine, on pourrait le déclarer rachetable; mais, dans le doute, peut-on présumer qu’un droit pareil ait cette origine? Le comité féodal ne l’a pas pensé. D’une part, il ne croit pas que les propriétaires aient consenti à se charger d’une servitude qui détruirait leur propriété; d’une autre part, les seigneurs ont-ils pu se donner des fonds en se réservant de les dévaster? Le propriétaire se trouve libéré de cette servitude en changeant la nature de ses propriétés... [19 avril 1790.] Ainsi, jusqu’à ce qu’on ait prouvé que ce droit provient d’une convention ou d’une concession de fonds, on doit croire qu’il est la suite de la négligence des propriétaires, ou l’effet des guerres et des vexations féodales. Vous ne devez pas hésiter à l’abolir; vous le devez d’autant moins, qu’un édit de Louis XV a assujetti toute servitude de cette espèce à la puissance de la loi. M. Gossin. Messieurs, le droit dont le comité féodal vous propose la suppression, est une de ces usurpations oppressives qui découragent l’agriculture, révoltent l’agriculteur et qu’il était réservé à l’Assemblée nationale d’anéantir sans aucune indemnité. Il a lieu dans un très grand nombre de paroisses du Barrois et dans aucune les possesseurs ne peuvent ni prouver son origine, ni justifier ce joug sous lequel tous les propriétaires des plus belles et des plus vastes prairies qui enrichissent la Meuse, sont obligés de se soumettre. Quoi déplus vexatoire, en effet, que le pouvoir de faire fouler et pâturer pendant trois mois, par un troupeau de bœufs, les propriétés les plus précieuses, celles que les lois municipales protègent avec plus de soin, puisqu’elles interdisent l’accès des prairies aux bestiaux des propriétaires mêmes ! L’exercice capricieux de ce prétendu droit entièrement abandonné à la direction d’un fermier, peut être et est souvent entre ses mains un moyen de vengeance cruelle puisqu’il peut faire passer et repasser quarante fois son troupeau sur le pré de l’habitant qui a pu lui déplaire. J’ai vu, Messieurs, et j’ose dire avec la plus profonde douleur, les plus belles prairies dévastées par l’exercice de cette usurpation et enlever aux laboureurs la plus belle de leurs ressources. Cette classe de citoyens qui bénit vos travaux, attend avec impatience une abolition après laquelle ils soupirent et qui eût été la première de toutes celles que vous avez prononcées, si le droit qui en est l’objet eût été connu du comité féodal. Je propose, comme amendement, que tous procès mus à raison de ce droit, soient abolis. M. Boutaric. Il me semble que, par la dernière partie du décret, on abolit le droit de vaine pâture. Cet objet mériterait d’être discuté. M. de Boislandry. Le droit de vaine pâture est dangereux sous beaucoup de rapports ; mais il n’en est pas question dans l’article proposé. Le projet de décret est adopté ainsi qu’il suit ; « Le droit de ravage, vautrage, préage, coiro-lage, parcours ou pâturage sur les prés, avant la fauchaison de la première herbe, sous quelque dénomination qu’il soit connu, est aboli, sauf indemnité, dans le cas où il serait justifié dans la forme prescrite par l’article 29 du titre 2 du décret du 15 mars dernier, avoir été établi par convention ou par concession de fonds, et sans que, sous ce prétexte, il puisse être prétendu par ceux qui en ont joui jusqu’à présent, aucun droit de pâturage sur les secondes herbes ou regains, lorsqu’il ne leur serait pas attribué par titre, coutume ou usage valable. « Les procès intentés et non décidés par jugement en dernier ressort, avant la publication du présent décret, relativement au droit ci-dessus aboli, ne pourront être jugés que pour les frais des procédures faites antérieurement à cette époque. »