492 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. possible, l’arrêté pris dans l’Assemblée nationale, et sanctionné par le Roi, qui contiendra son agrément, avec l’injonction à ses receveurs de recevoir pour comptant et en l’acquit de nos contributions, aux époques fixes, toutes les quittances qui seront expédiées en notre hôtel de ville, des sommes payées en avance des contributions, et de tenir compte des intérêts échus pour les souscriptions de la dernière espèce, moyennant que tous les dix jours nous ferons verser le montant de nos recettes au trésor royal. « Nous ajoutons à nos vœux, celui que notre exemple soit imité par toutes les provinces, si nous n’avons pas le bonheur qu’elles nous aient déjà prévenus. * M. Ic duc de Liancourt propose de voter des remerciements à la province de Touraine pour l’exemple de dévouement et de zèle qu’elle vient d’offrir à la France. Cette motion est adoptée. L’Assemblée décide ensuite que la motion de M. de Menou et l’adresse de la province de Touraine seront imprimées et renvoyées aux bureaux. L'ordre du jour appelle la discussion sur les articles additionnels proposés par divers membres à la déclaration des droits. M. Bouche demande que l’examen de ces articles soit renvoyé après la Constitution. Cette demande est devenue celle de toute l’Assemblée. L’Assemblée décrète que la discussion des articles à ajouter à la déclaration des droits sera renvoyée après la Constitution. M. Bouche propose ensuite l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale reconnaît quela déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas finie, qu’elle va s’occuper sans relâche de la Constitution. Si dans le cours de sa discussion il se présente quelque article qui mérite d’être inséré dans la déclaration, il sera soumis à la dé ¬ libération, lorsque la Constitution sera terminée. En conséquence de son arrêté de ce jour, elle décrète comme articles de la déclaration des droits ceux qui ont été consentis. » M. Bouche demande encore que le comité de Constitution dépose sur-le-champ son travail sur le bureau. M. le Président représente, quant au premier objet, que c’est répéter en d’autres termes ce que l’Assemblée vient de décréter. Quant au second, il souffre beaucoup de difficultés, qui ne sont terminées que par une promesse du comité de soumettre demain ses premiers essais. M. Bureaux de Puzy. Le colosse gothique Q de notre ancienne Constitution est enfin renversé. La nation applaudit à sa chute; mais aux premiers moments de la joie ont succédé ceux de la crainte et des alarmes. Les lois sont sans force, les tribunaux sans autorité ; les troupes prennent le désordre pour le alriotisme, et le peuple la licence pour la fierté. Le législateur, au milieu de l’immensité et de la confusion de ces débris, s’étonne de ne voir encore aucun pouvoir préparé pour remplacer ceux qui sont renversés, et la nation, à peine [27 août 1789.] échappée aux entreprises du despotisme, est près de périr dans les fureurs de l’anarchie. Sans doute ce que vous avez fait vous avez dû le faire ; mais à ces malheurs vous êtes loin de croire qu’il pourrait s’en joindre de nouveaux. Les gens de la campagne, devenus cruels à force de mauvais traitements ont obtenu de vous justice, et ils vous ont eu alors de la reconnaissance; vous leur avez accordé des bienfaits, et ils sont devenus injustes; cependant vous devez prendre un parti pour faire respecter les lois nouvelles. C’est ici que le moment d’une correspondance entre toutes les provinces devient nécessaire ; cependant elle ne peut être telle que vous puissiez en attendre une parfaite harmonie. Ce n’est qu’en établissant les assemblées provinciales et les assemblées municipales que vous pouvez faire renaître l’ordre; ces assemblées recevront de vous les lois que vous prononcerez, et vous recevrez d’elles les instructions qui manquent dans vos cahiers. Ne vous laissez pas arrêter par une inversion daus l’ordre, et ne sacrifiez pas au stérile amour de la méthode des avantages réels. Yoici l’arrêté que je soumets à l’Assemblée: « L’Assemblée nationale arrête qu’aussitôt qu’elle aura établi les bases fondamentales de la Constitution, elle s’occupera de l’organisation des assemblées municipales; que le Roi sera supplié de convoquer les unes et les autres sur-le-champ et de les mettre en activité. » M. Deschamps combat la motion de M. Bureaux de Puzy. 11 rappelle les grands principes de la Constitution monarchique ; je propose, dit-il, de les sanctionner, et ce sera après les avoir décrétés, ce sera après avoir divisé, limité le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, que l’on établira les assemblées provinciales. M. Moiinier. Si l’on pouvait mettre les assemblées provinciales en activité sans inconvénients ; si l’on pouvait établir un nouvel ordre judiciaire avant déformer le Corps législatif, il serait bon de hâter ces établissements. Mais avant tout il faut songer au Corps législatif ; notre liberté en dépend, et notre liberté nvest pas attachée aux assemblées provinciales. Avec ces assemblées le royaume sera mieux gouverné, et sans le Corps législatif nous ne serons que des esclaves. D’ailleurs toutes les choses ont des rapports entre elles. En établissant les assemblées provinciales, il faudra qu’elles conservent l’ancien régime ; puis ensuite il faudra qu’elles le détruisent. C’est pour éviter ces inconvénients qu’il importe de consolider le Corps législatif avant tout. M. le vicomte de üoatlles. Dans la position où est le royaume, l’Assemblée doit s’occuper de lui donner une bonne Constitution, et surtout de prévenir les malheurs qui le mettraient hors d’état d’en jouir ; mais avant d’en poser les fondements, il me paraît essentiel d’écarter tout ce qui pourrait s’y opposer, et je n’en aperçois les moyens, qu’en conservant au pouvoir législatif sa majesté, et au pouvoir exécutif toute sa force et son activité : il est sans doute impossible de rendre à un corps usé toute sa vigueur, de rétablir des impôts qui ont paru désastreux, de rappeler des tribunaux dont les abus ont éloigné la confiance, de livrer les répartitions des subsides à un pouvoir arbitraire, de faire agir dans une direction uniforme les corps militaires placés trop ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]21 août 1189.] 493 [Assemblée nationale.] longtemps entre les devoirs opposés, d’arrêter les effervescences de conseils permanents que leur zèle même peut égarer ; pour s’opposer à l’anarchie qui pourrait nous menacer, et pour déraciner en quelque sorte ce genre de séparation entre les provinces, je propose à l’Assemblée : 1° De s’occuper de la création ou de la réforme des corps judiciaires: 2° De l’organisation des municipalités ; 3° De l’établissement des assemblées électives et des administrations provinciales ; 4° De la puissance militaire, c’est-à-dire de l’organisation des milices nationales, de leur régime uniforme, de leurs rapports indirects avec le pouvoir législatif, et de leurs rapports directs avec le pouvoir exécutif; 5° De l’armée, dans le rapport du nombre, de la partie de l’impôt destinée à la payer, de l’obéissance qu’elle doit au monarque et de la fidélité qu’elle doit à la nation ; 6° De la conversion des impôts actuels dans des impôts les moins onéreux au peuple, et de leur rapport avec les besoins de l’Etat. M. Camus demande qu’on passe dès l’instant à la discussion des articles relatifs à la monarchie, qui sont le résultat presque unanime de tous les cahiers, dont le résultat a été formé par le comité de Constitution, et présenté par M. le président, alors un des commissaires. M. Frétean, secrétaire , donne lecture de ces articles ainsi qu’il suit : Ces articles, présentés à la séance du 27 juillet, sont : « Art. 1er. Le gouvernement français est un gouvernement monarchique. « Art. 2. La personne du Roi est inviolable et sacrée. « Art. 3. Sa couronne est héréditaire de mâle en mâle. « Art. 4. Le Roi est dépositaire du pouvoir exécutif. « Art. 5. Les agents de l’autorité sont responsables. « Art. 6. La sanction royale est nécessaire pour la promulgation des lois. « Art. 7. La nation fait la loi avec la sanction royale. « Art. 8. Le consentement national est nécessaire à l’emprunt et à l’impôt. « Art. 9. L’impôt ne peut être accordé que d’une tenue d’Etats généraux à l’autre. « Art. 10. La propriété sera sacrée. « Art. 11. La liberté individuelle sera sacrée. » Une grande partie de l’Assemblée demande qu’on mette de suite les divers articles en discussion, pour en délibérer dans la même séance. M. de Firieu dit qu’ils sont préexistants dans l’esprit de tous les Français; qu’il est impossible de résister à l’évidence de ces principes ; que la volonté générale des commettants est connue, qu’elle doit être suivie. M. Pétlon de Villeneuve s’oppose à ce que les articles soient délibérés avec précipitation. Il dit que, parmi les articles, il en est d’une utilité évidente pour le peuple français, pour sa tranquillité, comme le maintien de la monarchie, la succession au trône de mâle en mâle, l’exclusion des femmes, le droit législatif dans la réunion du peuple, l’inviolabilité de la liberté et de la propriété. Mais d’autres articles ne sont pas d’une utilité aussi évidente; ils sont sujets à un mûr examen, et il réclame qu’à cause de l’importance la discussion en soit faite pendant trois jours, et que les articles soient soumis à l’examen des bureaux. M. de Lachèze dit qu’un grand nombre des cahiers n’étant pas imprimé, il est difficile de connaître le vœu général des commettants ; que la discussion éclairera sur ce qui leur est le plus utile. M. le Président observe que ceux dont les articles sont différents du relevé présenté à l’Assemblée pourront proposer des amendements. M. le Président reçoit une lettre et un mémoire de M. le directeur général des finances. Il demande que la discussion soit interrompue pour en entendre la lecture. Un membre demande qu’elle soit renvoyée après la décision de l’objet mis en discussion. M. le Président observe qu’il a annoncé hier que le mémoire serait lu dans la séance de ce jour. Lettre de M. Neclcer à M, le président. <« Monsieur, j’ai l’honneur de vous envoyer le rapport que j’avais cru pouvoir porter moi-même à l’Assemblée. Je lui présente l’hommage de mes respects, et je réclame son indulgente bonté. « « Je suis avec respect, etc. « Signé: NeCKER. » MÉMOIRE envoyé à l’Assemblée nationale par M. Hecker, directeur général des finances (1). Messieurs, j’aurais pu, depuis quelques jours, vous annoncer l’issue vraisemblable de l’emprunt que vous avez décrété, si l'état de ma santé me Lavait permis. Je profite d’un premier moment de convalescence pour vous rendre le compte qui vous est dû. 11 n’a été porté au trésor royal, depuis l’époque de l’ouverture de cet emprunt jusqu’à présent, qu’une somme de deux millions six cents mille livres (2) ; et la recette des derniers jours a été si modique, qu’on peut considérer le succès de cet emprunt comme entièrement manqué. J’ai craint ce malheureux événement, du moment que je fus informé de votre délibération du 9 août; mais je cachai soigneusement mon sentiment, afin de ne. pas contrarier par une opinion anticipée, la chance d’un mouvement favorable à l’emprunt. L’expérience est toujours en aide à l’esprit naturel et aux calculs du jugement : ainsi, pour vous guider dans vos délibérations futures, vous désirerez sûrement de connaître pourquoi votre emprunt n’a point eu de succès. J’avais été aussi loin qu’il était possible pour l’honneur du crédit national, en vous proposant d’ouvrir un emprunt à 5 0/0, dans le temps qu’au prix des effets publics sur la place, les capita-(1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse de ce mémoire. (2) La généreuse souscription faite à Bordeaux, non encore réalisée, n’cst pas comprise dans cette somme.