6 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1791.) l’enfant criminel fût exposé sur la pla�e publique? Alors il n’y aura pas de père de famille qui n’y conduise sou enfant qui aura 12, 13 et 14 ans, et qui ne lui dise : « Vo s cct enfant qui a le même âge que toi, il s’est mal conduit, il a commis un crime : vois la honte qu’il subit. » Les enfants prendront un intérêt très pressant à cet individu qui est de leur âge, et je crois que sous ce point de vue il est très essentiel que l’exposition ait lieu à cause de l'exécution qui est le but moral de vos institutions. Je n’en fais pas une motion expresse, mais j’ai cru devoir vous présenter ces réflexions. M. Carat aîné. Je me réunis aux réflexions de M. Prieur; mais j’observe qu’on emploie une expression impropre. L’individu qui n’aura pas atteint 16 ans est qualifié sans cesse d’enfant. lin individu qui est entre 13 et 14 ans n’< st pas un enfant, c’est un jeune homme; c’est un citoyen qui peut tester. Rayez donc d’abord cette qualification d’enfant, ou géeéralisez-la moins. Par l’article précédent vous avez décidé, sans balancer, que le parricide même de 14 ans, avec discernement, ne subirait point la peine de mort. À gauche : Ah ! ali I M. Carat aîné. Oui, Messieurs, vous l’avez décrété pour un fratricide, et maintenant on veut pousser la tendresse humaine jusqu’à l’exempter d’une peine ignominieuse. Votre humanité, Messieurs, me paraît une batbarie atroce. Je demande queles enfants au-dessous de 16 ans, qui subiront la détention de 20 ans, soient exposés aux regards du public, eommesi la peine n’avait pas été commuée. M. Fe Pelletier de Saint-Fargcau, rapporteur. J’adopte l’amendement relatif à l’exposition. Je fais seulement une observation : je demande en quoi consistera l’expositiun du condamné. M. Fegrand. Vous l’exposerez comme ayant mérité la peine de mûri et en étant exclus à cause de son âge. M. Fe Pelletier de Sasnt-Fargeau, rapporteur. Voici la rédaction de l’article : Art. 4. <« Dans les cas portés en l’article précédent, le condamné ne subira pas l’expositiun aux regards du peuple, sinon lorsque la peine de mort aura été commuée en 20 années vie détention dans une maison de correction; auquel cas, l’exposition du condamné aura lieu pendant 6 heures dans les formes qui sont ci-dessus prescrites. » {Adopté.) Art. 5. « Nul ce pou ra être déporté s’il a 75 ans accomplis. » [Adopté.) Art. 6. « Dans les cas où la loi prononce l’une des peines de la chaîne, de ta réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention pour plus de 6 ans, ta durée de ta peine sera réduite à 5 ans si t’accusé trouvé coupable est âgé de 75 ans accomplis ou au-delà. {Adopté.) Art. 7. « Tout condamné à l’une desdites peines, qui aura atteint l’âge de 80 ans accomplis, sera mis eu liberté par jugement du tribunal criminel, rendu sur sa requête, s’il a subi au moins 5 années de sa peine. » {Adopté.) M. Fe Pelletier de Salnt-Fargean, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre relatif à V exécution des jugements contre un accusé contumace; il comprend les deux articles suivants : Art. 1er. « Lorsqu’un accusé aura été condamné à l’une des peines établies ci-dessus, il sera dresse-, sur la place publique de la ville où le juré d’accusation aura été convoqué, un poteau auquel on appliquera un écriteau indicatif des noms du condamné, de son domicile, de sa profession, du crime qu’il a commis et du jugement rendu contre lui. » M. Delavigue. Je demande que l’affiche soit faite sur le lieu du délit. M. Fe Pelletier de Saitit-Fargenu, rapporteur. L’affiche doit être faite dans le lieu de l’exécution. (L’article 1er est adopté.) Art. 2. « Cet écriteau restera exposé aux yeux du peuple pendant 12 heures, si la condamnation emporte la peine de mort; pendant 6 heures, si la condamnation emporte la peine de la chaîne, ou de la réclusion dans la maison de force; pendant 4 heures, si la condamnation emporte la peine de la gêne; pendant 2 heures, si la condamnation emporte la peine de la détention, de la dégradation civique ou du carcan. » {Adopté.) M. Fe Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, à la deuxième partie du Code pénal , concernant V application des peines aux différents crimes. Je demande à l’Assemblée toute son attention pour un objet d’une aussi haute importance, où la rédaction a de; conséquences aussi étendues, puisqu’unseulmot peut quelquefois coûter ou sauver la vie à un accusé. Gomme la rédaction de ces articles est, je le répète, de la pins grande impor�- tance, lorsqu’il y aura des objections faites, lors-qu’ily aura eu des amendements proposés et acceptés, comme je n’oserai pas prendre sur moi de rédiger sur-le-champ définitivement, je proposerai à l’Assemblée, lorsque l’article aura été contesté et que les changements auront été adoptés, de renvoyer toujours au lendemain la rédaction définitive, afin qu’on puisse avoir 24 heures pour peser les termes de cette rédaction. M. Sentetz. Je demande la parole sur l’ordre de la discussion. Avant d’ouvrir la discussion des titres qui vous sont présentés, j’observe qu’il est de très grands crimes dont le comité dans son projet ne fait nullement mention ; cependant les dispositions qui les concernent devraient servir de frontispice à cette partie du Code pénal. Je veux parler de certains crimes contre la religion, lesquels peuvent compromettre essentiellement l’ordre public. D’abord il me paraît que ce serait être très criminel qu de professer publiquement des principes contraires à l’existence de Dieu. Il n’est 7 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1,791.] pas nécessaire sans doute de justifier à vos yeux l’importance de cette opinion, même dans l’ordre politique. (Murmures.) J’observerai simplement, puisque vous vous occupez de la matière des crimes, que la conviction de la pré-e.ice u’un pareil juge est le moyen le plus sùr de prévenir les crimes soit secrets, soit publics. Secondement,, la morale de vos lois prend sa source dans la moralechrélienne, dans la morale révélée. ( Interruptions .) Ainsi .celui-là serait digne de grands châtiments, qui voudrait ébranler ce te base p écieuse et respectable : il attaquerait, à la fois, vos mœurs, vos lois, votre Constitution ; tel serait celui qui professerait publiquement le déisme. Plusieurs membres : L’athéisme ! M. Sentetz. On m’observe que ce dont je parle est de l’athéisme. Je réponds que ce qui était l’objet de ma première observation était l’athéisme, et que ce qui est l’objet de la seconde, c’est b' déisme. Je passe à une troisième observation. Vous avez déclaré que nul ne pourrait être inquiété pour ses opinions religieuses ; mais vous avez subordonné cette faculté au maintien de l’ordre public. Ce serait donc être bien coupable que de prêcher, sous le prétexte imposant de religion, des dogmes qui commanderaient des actions déclarées des crimes par vos lois, de professer, par exemple, des dogmes qui ordonneraient des sacrifices de sang humain. (Murmures.) Plusieurs membres : À l’ordre du jour! M. Christin. Il faut décréter les articles du comité et après cela on proposera si l’on veut des articles additionnels. M. Sentetz. J’ai choisi peut-être là un exemple indiscret et qui serait contraire à votre Constitution. D’après ces réflexions, qui seraient susceptibles d’un très grand développement, je propose l’article suivant pour être mis en tête de la section du Gode pénal qui vous est présentée : « Ceux qui professeront publiquement l’athéisme, même le déisme, ou qui prêcheront, publiquement des dogmes qui commanderaient des actions réputées crimes par les lois de l’Etat, seront punis de mort. ■> M. Prieur, ironiquement. Oui, pour la première fois. M. Briois-Beauinetz. Les questions que l’on vient de soulever sont de la plus haute importance. La majesté, la dignité du sujet m* nous permettent i as de tes traiter sans 1 i plus profonde réflexion. Je demande donc le renvoi au comité et que l’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, renvoie au comilé la motion de M. Sentetz et passe à l’ordre du jour.) M. lie Pelletier de Saiirt-Fargeau, rapporteur. Le thre premier de la seconde partie du Code pénal a trait aux crimes et attentats contre la chose publique ; nous allons examiner la première section de ce titre, relative aux crimes contre la sûreté extérieure de l'Etat. Voici les deux premiers articles : « Art. 1er. Toutes machinations et intelligences politiques avec les puissances étrangères, ou avec leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités ou pour leur indiquer les moyens d’entreprendre la guerre contre la France avec avantage, seront punies de la peine du cachot pendant 12 ans, dans le cas ou lesdites machinations et intelligences n’auront été suivies d’aucune hostilité. « Art. 2. Si les manœuvres mentionnées en l’article précédent sont suivies de quelques hostilités, ou si elles sont liées à une conspiration formée dans l’intérieur du royaume, elles seront punies de la peine de 24 années de cachot. >- M. d’André. Il faut la peine de mort dans les deux cas. M. Malouet. J’adopte les deux articles qui viennent de vous être lus par M. le rapporteur, mais je demande à présenter une observation à J’Assemblée. Les deux articles qui vous sont soumis sont précédés dans le projet du comité d’une disposition ainsi conçue : « Lorsqu’un Français, chef de parti, à la tête de troupes étrangères, ou à la tête de citoyens révoltés, aura exercé des hostilités contre la France, après qu’un décret du Corps légistatif l’aura déclaré ennemi public, chacun aura le droit de lui ôter la vie ; s’il est arrêté vivant, il sera condamné à être pendu. » Je demande à M. îe rapporteur s’il est dansd’im-teution de proposer cet article. M. le Pelletier de Saint-Fargeaa, rapporteur. Non, Monsieur. M. Malouet. À la bonne heure, car je me proposais de parler contre le droit attribué à chacun d’ôter la vie à un homme. Dans les circonstances où nous sommes, chacun s’arroge le droit déjuger si un homme est criminel. Je dis que je né conçois pas comment le comité de Constitution a osé publier un article comme celui qui est dans le projet imprimé ; je demande que l’Assemblée ordonne expressément la radiation de cet article -là. C’est certainement un très grand crime que celui de porter les armes contre sa patrie : celui-là est digne de mort ; mais, dans les circonstances actuelles, lorsque nous entendons journellement crier dans les rues, exciter aux massacres.... (Murmures à gauche.) M. le Pelletier de Saint-Fa rgean, rapporteur. Je réponds à ce que dit le préopinant, que le comité a été bien éloigné d’insinuer ces principes au peuple, le droit d’exercer, sous l’autorité de la loi, ce droit suprême de vie et ae mort, puisqu’il ne vous propose pas de le décréter. Mais au moment où on l’a imprimé, il y a joint ce correctif : contre un chef de parti déclaré rebelle par un décret formel du Corps législatif. M. Malouet. Eh bien ! Monsieur, eh bien ! (Bruit.) comment n’avez-vous pas rougi de publier une pareille prop< sition dan-un temps où les dissentiments d’opinions poiiiiques fournissent à des scélérats le prétexte de dénoncer tel ou tel homme du peuple comme ennemi de la patrie, comme chef d’un paru ? (Murmures. — A l'ordre du jour !)... Gomment oser, après cela, proposer un tel article ? C’est atroce ! M. Prieur. Monsieur le président. . .