[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [88 juillet 1790.) 343 M. Anson. Le préopinant parait étonné de ce qu’au mois de mai, on avait payé une si petite somme des anticipations; je vais expliquer comment cela se fait; ce n’est qu’au mois d’avril que vous avez défendu de 1rs renouveler; celles qui avaient été renouvelées ne sont payables qu’une année après. Ce n’est qu’à l’époaue de votre décret qu’on a cessé d’en renouveler, et que l’on commence d’en payer. M. Frétean demande qu’on ajourne à trois jours le projet de décret présenté au nom du comité des finances. Après quelques débats, l’Assemblée ordonne l’impression du projet de décret, et l’ajournement à mercredi. M. l’abbé îllaury. J’ai voulu voir si le compte que M. Necker vient de donner des finances, depuis le mois de mai 1789 au mois de mai 1790, est garanti. Il est rédigé par M. Dufresne, et porte seulement ces mots : Vu, Necker. Je demande qu’il soit certifié véritable par ce ministre; si nous découvrons quelques péchés d’omission ou de commission, M. Necker les avouera comme nous, parce qu’il n’aura rien certifié. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’un mémoire de M. Necker sur les circonstances qui ont changé le résultat de l’aperçu spéculatif qu’il a présenté le 31 mai, et sur les variations survenues dans la recette et dans la dépense. L’Assemblée ordonne l’impression et le renvoi au comité des finances du mémoire qui est ainsi conçu : Mémoire adressé à l'Assemblée nationale , par le premier ministre des finances (1). Messieurs, les affaires de finances, aussi longtemps que l’ordre public ne sera point rétabli, exigeront continuellement votre attention, car, jusqu’à cette heureuse et désirable époque, toutes les supputa tionsseront soumises à des contrariétés imprévues. Que si l’on joint à cette situation des choses, la lenteur inévitable de toutes les dispositions législatives d’une nombreuse assemblée, l’on sera moins surpris encore que de grandes difficultés se renouvellent ou se perpétuent. Je vais appliquer ces réflexions générales à un objet particulier digne de toute votre attention. J’ai remis à l’Assemblée nationale un aperçu, formé le l«r mai dernier, des besoins et des ressources pendant les huit derniers mois de cette année. Il résultait de ce tableau qu’au 31 décembre il devait y avoir un excédant de 11 millions. Je fis observer en même temps que cet excédant devait être considéré comme la simple représentation du fonds de caisse indispensable en tous les temps, et encore plus à une époque où la prudence exige de conserver soigneusement une somme quelconque en numéraire effectif, afin de se mettre en état de satisfaire aux nombreux paye-ments qui ne peuvent être exécutés qu’en espèce. Le tableau des huit derniers mois de l’année n’offrait donc en aperçu que le niveau entre les ressources et les besoins. (1) Le Moniteur se borne à mentionner la présentation de ce document. Je dois aujourd’hui vous entretenir, Messieurs, des circonstances qui, selon toutes les probabilités, apporteront un changement à ces spéculations; elles vous sont la plupart connues; mais je crois important, je crois nécessaire de les rassembler sous vos yeux: 1° On a vu, dans l’aperçu du Ie' mai, que l’on comptait avec vraisemblance sur la rentrée, pendant les huit derniers mois de l’année, des 4 millions en arrière sur les impositions directes; mais le Trésor public, loin d’être encore rempli de cet objet, a éprouvé un nouveau déficit de 2,450,000 livres, par l’impossibilité où se sont trouvés quelques receveurs généraux, desatisfaire aux engagementsqu’ilsavaientpris àterme fixe, selon l’usage constant pour les impositions directes. Voilà donc un vide en ce moment de plus de 6 millions, et l’on peut craindre (ju’il ne s’augmente en voyant le retard prolongé de la confection des rôles des tailles dans un grand nombre de communautés. On ne peut rien ajouter cependant aux ordres répétés de l’Assemblée nationale et aux recommandations instantes de l’administration. Le dernier décret rendu par l’Assemb'ée nationale à ce sujet, en excitant la surveillance des directoires de déparîement, aura peut-être un effet décisif; mais on se ressentira toujours, dans le cours de l’année, des premières lenteurs qui n’ont pas été prévues. 2° Les produits de la ferme générale, de la régie des aides et de l’administration des domaines, vont encore en dégradant : et quoiquej’aie estimé les recouvrements sur les droits indirects excessivement bas, on n’est pas sûr qu’ils ne soient encore au-dessous de mes calculs dans le cours entier de l’année. 3° L’Assemblée nationale ayant décrété, dans le mois de mars dernier, 49 millions d’impôts en remplacement de la gabelle et des droits sur les cuirs, l’amidon, les fers et les huiles, il était naturel de présumer, le 1er mai, que, sur cette somme, le Trésor public recevrait 25 millions dans le cours de l’année; mais nous touchons à la fin de juillet, et vous n’avez point encore réparti les 49 millions d’impôts nouveaux entre les divers départements qui doivent y être assujettis. Les règles infiniment exactes, prescrites par votre décret pour cette répartition, ont entraîné un grand nombre de recherches; il a fallu connaître avec précision la date sous laquelle les différentes communautés du royaume ont cessé d’être soumises à l’impôt des gabelles ; il a fallu de plus s’enquérir de la mesure de leur consommation; et ces divers renseignements, donnés par les directions et les greniers à sel de la ferme générale, on a dû les appliquer à l’ancienne division du royaume par généralité; enfin, un travail immense a été la suite des bases de répartition que vous avez adoptées par votre décret, et le membre du comité des finances qui a demandé et dirigé ce travail, aura de fort bonnes raisons à vous donner du retard de son rapport; mais il n’est pas moins vrai qu’en attendant, l’on ne peut procéder ni à l’assiette de l’impôt par communautés, ni à la formation des rôles par individus ; et, à l’époque où nous sommes, il n’est plus possible de croire à une rentrée de 25 millions dans le cours de cette année. 4° On avait évalué, dans l’aperçu formé le l«r mai, les recouvrements sïlr la contribution patriotique, pendant le cours des huit derniers mois de l’année, à 12 millions en compensation d’arrérages, et à 30 millions en deniers, et cette dernière supposition avait été jugée trop modérée. Cepen- 344 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dant les retards que l’on éprouve me font craindre, en ce moment, que la recette du Trésor public, dans le cours des huit derniers mois de l’année, ne soit encore au-dessous de mes espérances. On a mis tout en usage pour bâter la confection des rôles dont les municipalités ont été chargées par vos décrets ; mais les contrariétés dont vous avez exactement connaissance par le comité que vous avez nommé pour suivre cette partie d’administration, apportent des retards à l’exécution de vos dispositions. Le zèle des directeurs de département les surmontera sans doute; on n’ose plus néanmoins compter sur 30 millions de recette en deniers, dans le cours des huit derniers mois de l’année. J’ai représenté, plusieurs fois, au comité des finances, qu’il serait convenable d’accorder une remise quelconque aux receveurs et aux collecteurs : il ne faut pas désintéresser entièrement ceux qui contribuent de quelque manière au succès d’une affaire essentielle. Vous avez aussi découragé, je le crains, les personnes chargées de la perception des contributions indirectes. Le moment n’était pas encore venu de compter sur un zèle sans récompense ; et nous sommes dans une circonstance où l’importance du recouvrement exact des deniers publics, unie peut-être au salut de l’Etat, ne peut-être trop évaluée. 5° On avait passé, dans l’aperçu du 1er mai, les dépenses ordinaires selon leur ancienne fixation, mais on avait déduit sur le total 25 millions en raison des retranchements attendus à la suite des plans de réforme dont l’Assemblée nationale est occupée. La totalité de ces réformes était estimée à 60 millions ; ainsi il était naturel de présumer, le 1er mai, que, dans le cours de huit mois, le Trésor public éprouverait un soulagement de 25 millions, et le comité des finances l’avait jugé de même; mais le retard des délibérations relatives à la nouvelle organisation de l’armée, n’a pas encore permis de jouir de la grande économie que vous aviez déterminée sur le département de la guerre ; et cependant l’augmentation de solde accordée aux soldats forme un accroissement de dépense de 600,000 francs par mois. Vos décrets assurent, pour l’avenir, une diminution importante sur les pensions ; mais, par une disposition particulière et qu’on ne pouvait préjuger, cet objet considérable de dépenses sera plus fort dans l’année 1790, qu’il ne l’a jamais été. En effet, vous avez déterminé, le 27 juin, que l’on eût à payer, sans retard ni discontinuation, tous les arrérages dus le 31 décembre 1789, disposition qui comprend ceux de 1789 et les reliquats de 1788. Vous avez, de plus, déeidéque l’on acquitterait de même les six premiers mois de 1790 de toutes les pensions de 500 livres et au-dessous. Enfin, par votre décret du 16 ce mois, vous avez étendu ce payement de 600 livres pour 1790 à toutes les pensions indistinctement. Cependant il résulte de ces dispositions qu’au lieu d’un allègement en 1790, il y aurait 7 millions à paytr au delà des 25 à 26 millions qui ont formé, jusqu’à présent, la plus forte dépense des pensions pour une année entière. J’omets d’autres observations de moindre importance, qui diminuent encore les réductions attendues sur la totalité des dépenses fixes pendant le cours des huit derniers mois de l’année. 6° L’Assemblée nationale, par son décret du 30 mai sur la mendicité, a déterminé une nou-[25 juillet 1790.] velle dépense de 30,000 livres par département, objet par conséquent de 2,500,000 livres, indépendamment du supplément nécessaire pour la ville de Paris. 7° L’Assemblée, postérieurement toujours au 1er mai, a accordé aux troupes de la marine et des colonies une augmentation de solde qui forme une dépense d’environ 1 million pour l’année. 8° Les achats de numéraire ont un peu renchéri; et, en même temps, le besoin d’y recourir s’est accru. J’avais pensé et je pense encore qu’on adoucirait cette nécessité en astreignant, comme je l’avais proposé, les receveurs et les collecteurs des impositions à payer en argent ce qu’ils reçoivent en argent. Je viens de donner une idée générale du vide que peuvent occasionner dans le cours de cette année des retards invraisemblables et des dispositions inattendues à l’époque du 1er mai dernier. J’ai cru devoir ramener ratlentfon de l’Assemblée nationale vers ces circonstances, afin qu’elle soit instruite, à l’avance, de la nécessité probable d’un supplément de moyens pour le service de l’année; afin que, sur le rapport de son comité des finances, elle continue à protéger les efforts de l’administration pour le recouvrement de la contribution patriotique; afin qu’elle accélère, en ce qui dépend d’elle, la répartition par département du remplacement de La gabelle et des autres droits supprimés ; afin qu’elle détermine, le plus promptement possible, les économies dont le département de la guerre lui paraîtra susceptible; afin qu’elle n’ordonne aucune nouvelle dépense payable dans cette année, s’il n’v a pas nécessité absolue, ou qu’elle exige au moins des comités qui lui en proposeront, de lui en faire connaître, en somme, l’exacte étendue; et afin aussi que l’Assemblée ne soit passurprise,si, prudemment, j’apporte quelque lenteur dans la distribution des fonds destinés aux dépenses susceptibles d’une prolongation de payement. Les résumés que j’ai présentés dans ce mémoire ne doivent pas inspirer d’alarme, car ce sont essentiellement des retards de recouvrement et et non des vides réels que j’ai annoncés; dans le temps où on aurait pu, par des négociations . d’anticipations, faire servir aux payements du jour, des recettes à quelques mois de distance, le service complet de cette année n’aurait pas présenté d’inquiétude. Mais puisque l’Assemblée nationale, en procrivant ces anticipations, les a remplacées par l’émission d’une somme équivalente en assignais, il est bien important de soutenir le crédit de ces derniers billets, en accélérant la vente des biens destinés à leur amortissement. Je me crois obligé de fixer l’Assemblée nationale sur l’embarras dans lequel pourront se trouver les finances au commencement de l’année prochaine, si les impôts qui doivent remplacer les droits supprimés ou tombés eu dépérissement, ne sont pas établis à l’avance, et si leur recouvrement n’est pas assuré. L’Assemblée a connaissance de l’étal général des affaires du royaume ; il devient pressant, sous tous les rapports, que le comité des impositions fasse connaître ses plans, et vous mette, sans retard, en état de les discuter. Les bien nationaux offrent, sans doute, de grandes ressources, mais elles ne peuvent se réaliser qu’avec une certaine mesure; l’Assemblée nationale est d’ailleurs trop éclairée pour faire servir le produit de la vente de ces biens au payement des dépenses fixes; celles-ci, dans tout Etat dont les finances sont bien administrées, ne doivent [26 juillet 1790.1 [Assemblée nationale.] jamais être balancées que par des revenus également fixes, et les ressources extraordinaires ne peuvent être appliquées sagement qu’aux dépenses extraordinaire, ou au remboursement des capitaux de la dette publique. M. Dupont (de Nemours) rend compte du travail qu’il a fait pour le remplacement de la gabelle et des droits supprimés; il en expose les difficultés; il annonce que ce travail est fait et qu’il sera mis, à la fin delà semaine, sous les yeux de l’Assemblée. M. Vernier annonce également que l’état de la perception des impositions dans les différents départements est rédigé. L’Assemblée en ordonne l’impression. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du lundi 26 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Itegnaud (de Saint-Jean-d' Angély), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, 25 de ce mois. Ce procès-verbal est adopté sans réclamation. L’Assemblée agrée l’hommage que lui fait M. l’abbé Lamourette, d’un écrit intitulé: « Le décret de l'Assemblée nationale, sur les biens du clergé, justifié par son rapport avec la nature et les lois de l’institution ecclésiastique. » Elle agrée également l’hommage que lui fait M. du Gai, député extraordinaire, d’un recueil des décrets de l’Assemblée, intitulé: Code politique, avec cette épigraphe: « Je viens, après mille ans, changer ces lois grossières. » M. du Hautoy, député de la Meurthe, demande et obtient un congé de six semaines pour affaires de famille pressantes. M. de Barbotan, député de Dax, écrit à M. le Président pour le prier d’informer l’Assemblée que le dérangement de sa santé l’a empêché de se rendre auprès d’elle, dès le premier jour de ce mois, terme de son congé, et de lui annoncer qu’il s’y rendra dans les premiers jours du mois prochain. M. le Président donne connaissance à l’Assemblée d’une note de M. le garde des sceaux, indicative des décrets suivants, sanctionnés par le roi. Le roi a sanctionné ou accepté : 1° Le décret de l’Assemblée nationale du 17 de ce mois, concernant les créances arriérées, et les pouvoirs et les fonctions du comité de liquidation ; 2° Le décret du 20, concernant la régie de tous les droits qui formaient l’objet des baux passés par les ci-devant Etats d’Artois ; 3° Le décret du même jour, portant que la redevance annuelle, levée sur les juifs de Metz, du pays messin et partout ailleurs, sous la dénomination de droit « d’habitation, protection et tolérance, » est et demeure supprimé et abolie; (1) Cetto séance est incomplète au Moniteur . 345 4° Le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Sivry, à faire un emprunt de 800 livres; 5° Le décret du même jour, qui autorise et valide, en tant que de besoin, le payement de 2,400 livres fait aux particuliers de la ville de Gimont qui ont logé le premier bataillon du régiment de Gambrésis ; 6° Le décret du 21 , portant que les notaires, greffiers, huissiers et sergents sont autorisés à faire les ventes de meubles dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites par Jes jurés priseurs; 7° Le décret du 22, portant que tous les délits de chasse, commis sur les plaisirs du roi, doivent être poursuivis par devant les juges ordinaires ; 8° Le décret du 23, portant qne la commission provisoire, établie dans la ci-devant province de Languedoc, a contrevenu en allouant différentes sommes au décret du 23 mars, et défenses au trésorier de les payer ; 9° Et enfin, Sa Majesté a donné ses ordres pour l’exécution du décret du 6, relatif aux années ou certificats de réception des décrets. Signé : Champion de Gicé, archevêque de Bordeaux. Paris, ce 26 juillet 1790. Une pétition des habitants de la communauté de Mont-Saint-Martin, district de Longwy, département de la Moselle, relative à un détachement de neuf hommes du régiment Royal-Alleraand, cavalerie, envoyés chez eux pour empêcher l’exportation des grains, est renvoyée au comité des finances. Un mémoire en forme de lettres de M. François-Aubert Thuilières, habitant de Tignouville en Beauce, est renvoyée au comité d’agriculture et de commerce. M. Vernier, rapporteur du comité des finances, propose deux décrets d'imposition pour Saint-André de Valborgne et Le Vigan et deux décrets d'emprunt pour Annonay et Don%y. Ges décrets sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : Premier décret. L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les officiers municipaux de Saint-André de Valborgne, district de Saint-Hippolyte, département du Gard, à imposer la somme de‘800 livres, sur tous les contribuables dans leurs rôles pour acquitter pareille somme fournie pour le soulagement des pauvres, dont les officiers municipaux s’étaient rendus personnellement responsables, le tout conformément à la délibération du 16 mai 1790. Deuxième décret. « Sur le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale autorise les officiers municipaux du Vigan, département du Gard, à imposer en une ou deux années, à leur choix, la somme de 6,000 livres, pour être employée, tant aux dépenses articulées, qu’à l’acquit des dettes désignées dans la délibération prise en conseil général, le 26 juin 1790, à charge de rendre compte. * Troisième décret. « Sur le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale, conformément à la délibéra-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.