SÉANCE DU 2 FRUCTIDOR AN II (19 AOÛT 1794) - N° 1 283 Maldant ( receveur de l’agence nat. de l’enregistrement et des domaines nat. du distr. de Decize-le-Rocher) (1). m [Le cn capitaine commdt la Ie c‘e des canoniers uolont. nat. soldés du départ1 du Cantal, à la Conv.; Armée des Alpes, 4e division] (2) Citoyen président, Les dangers que viennent de courir la liberté et la représentation nationale ont fait frémir tous les cœurs qui ont l’amour des vertus et de la liberté. J’ai le bonheur de commander une compagnie de républicains; je les ai assemblés ce matin, je leur ai parlé de l’énergie de la Convention nationale à punir les crimes et récompenser les vertus; je leur ai démontré les avantages qu’il y avoit à ce que la Convention nationale restât à son poste. Ces cœurs vrai-ments purs se sont levés d’un mouvement spontané et ont voté une adresse de félicitation à la représentation nationale; je leur ai exposé le trait héroïque des républicains qui composoient l’équipage du vaisseau Le Vengeur, qui sont morts si glorieusement pour la cause publique; aussitôt il s’est ouvert une subscription et chacun y a coopéré selon ses moyens. Cette somme m’a été déposée pour vous être envoyée et destinée à la construction du vaisseau qui doit remplacer l’immortel équipage et qui va bientôt flotter sur les mers pour anéantir la race anglaise. Citoyen président, je te prie de vouloir bien faire part à la Convention nationale de l’adresse cy-jointe (3) et de faire agréer l’offrande par nous faite. Je suis avec attachement, union et fraternité, le républicain Guillaume ( capitaine commdt). A Grenoble, le 22 thermidor, 2 e année de la République une, indivisible et démocratique. n [Les républicains de Smyrne (4) écrivent à la Convention nationale que, quoique séparés d’elle par de vastes mers, ils n’en ont pas moins frémi d’horreur en apprenant l’atroce conjuration qui menaçoit la liberté; ils applaudissent au supplice des conspirateurs, la félicitent sur ses travaux, l’invitent à rester à son poste, à déchirer tous les masques, l’assurent de leur entier dévouement à la révolution et lui annoncent que, malgré qu’une nombreuse aristocratie et des fonctionnaires liberticides aient voulu comprimer les élans de leur patriotisme, ils ont proclamé dans les contrées qu’ils habitent les principes de la France régénérée et libre] (5). (1) En marge : Reçu les 25 liv. le 2 fructidor. Signé Ducroisi. (2) C 318, pl. 1291, p. 8. (3) Voir ci-dessus k. (4) Empire Ottoman. (5) Bin, 2 fruct.; Ann. pair., n° DXCVII. O [La conseil gal et la sté popul. réunis, de Donzy (1), à la Conv.; Donzy, 23 therm. II] (2) Fidèles et courageux représentans, Enfin nous respirons l’air pur de la liberté. Le spectre hideux des Catilina l’avoit empesté de son haleine sanguinaire. La chute de ces monstres vient d’embélir le ciel et proclamer encore l’existence de l’Etre suprême. C’est à vous, illustres Montagnards, que nous sommes redevables de cet inappréciable bienfait. Grâces immortelles vous en soient rendues; nous bénissons à jamais vos impérissables travaux, et partout, en les partageant, nous saurons combattre vos dangers. Qu’ils savaient mal connaître le peuple fran-çois, les monstres ambitieux qui croyaient pouvoir élever impunément sous ses yeux le trône durable d’un nouveau despotisme sur la vile poussière du dernier des tyrans qu’il venait d’écraser ! L’amour sacré de la liberté ne l’enflamme-t-il pas tout entier, comme il embrase vos cœurs généreux ? En osant tourner contre vous leurs mains parricides, pensoient-ils donc éteindre ce feu qui se nourrit et s’accroît du souffle des orages élevés contre la patrie ? Avoient-ils donc oublié que ce peuple est toujours autour de vous et que l’i[n]fatiga-ble, l’incorruptible Parisien ne chérit pas en vain la liberté lorsqu’il sait si bien et si constamment montrer comme on la défend et comme on écrase les traîtres qui veulent la détruire ? 0 fille Renaud, s’il étoit vrai que ta main n’eût voulu frapper qu’un tyran, quel service ne rendais-tu pas à la patrie, sous les dehors du crime, en la délivrant alors d’un monstre qui n’a que trop vécu, et n’aurions-nous pas à donner à ta mémoire les regrets et la douleur que sa cruelle hipocrisie nous a ravis pour lui ? Non, jamais les réputations ne nous en imposeront à l’avenir : c’est à l’ombre des plus grands renoms que se couvèrent les plus grands forfaits. L’infâme Robespierre et les siens marchoient ainsi au trône des Cromwel mais ils ne se rappelloient pas que du trône à l’échaf-faud il n’y a qu’un pas. Le monstre jouoit toutes les vertus et son cœur renfermoit tous les crimes. Pensoit-il donc par cette infernale manœuvre nous persuader que la vertu n’est qu’une chimère, et ne nous parloit-il sans cesse depuis peu de l’existence de l’Etre suprême, que pour nous arracher par la sienne cette consolante idée ? Ah sans doute il y seroit parvenu s’il se fût assis tranquillement sur son trône de sang et si nul François ne se fût levé pour le poignarder; mais sa chute vient d’affermir notre foi, et votre courage, secondé par le fidèle Parisien, de nous convaincre que la vertu n’est pas un vain mot et ne peut l’être parmi des républicains. (1) Nièvre. (2) C 319, pl. 1300, p. 10, 12. Bin , 3 fruct.; Ann. pair., n° DXCVIII. 284 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Partout le scélérat avoit répandu son génie atroce et perfide; comme lui, ses petits suppôts avoient l’art de faire un crime d’une erreur, et souvent, pour le créer, en trouvoient les moyens dans leur cœur. Ils se proclamoient eux-mêmes, ou se faisoient proclamer seuls purs et républicains, et cependant ils n’étoient ni probes ni vertueux, et si quelque main hardie vouloit leur briser leur masque, c’étoit la liberté qu’on attaquoit. Avoient-ils une querelle particulière, c’étoit contre eux encore un attentat liberticide. Fiers des moyens de terreur dont ils aimoient à s’entourrer, et dont la loi ne frappoit que les véritables ennemis de la patrie, ils s’en ser-voient pour eux seuls, au nom du salut public. Leur vilaine âme repoussoit les moyens de faire aimer la révolution en refusant ceux de ramener à la société des hommes qui auroient pu la servir; et les armes que la patrie avoit mises en leurs mains pour terrasser ses ennemis frap-poient souvent en sens contraire. Leur règne affreux est passé. Il ne doit désormais exister sur le sol de la liberté que des hommes vraiment probes et vertueux, c’est-à-dire des républicains. Partout où leur race impie sera reconnue, ils subiront le sort de leur maître. Mais vous seuls devez tracer la manière de les rechercher, de crainte que des erreurs ne puissent ébranler la chose publique et toucher ces hommes courageux qui n’ont d’autre passion que la liberté. Restez donc, vertueux représentans, restez fermes et imperturbables à votre poste. Rendez à l’esprit public sa véritable énergie, trop long-tems comprimée sous la main obscure des conspirateurs. Que la justice soit toujours terrible pour les méchans et les traîtres, mais enfin rassurante pour les âmes pures et tranquilles, et que la tendre fraternité ne soit plus un vain songe chez un peuple libre. La commune de Donzy, en venant, par nous, vous témoigner sa reconnoissance de ce que vous avez encore une fois sauvé la patrie, vient aussi payer entre vos mains le tribut particulier d’un bienfait qu’elle doit à la révolution : c’est par elle qu’elle a recouvré des bois que lui avoit ravi la puissance féodalle du vieux Mancini, se disant ci-devant son seigneur. En rentrant dans cette propriété patrimoniale, son premier vœu fut d’en consacrer les prémices à l’armement et à l’équipement d’un cavalier jacobin. L’exécution de ce vœu n’a pas été aussi prompte que le sentiment qui l’a fait naître, mais enfin le voilà rempli. Nous vous prions, au nom de nos concitoyens, d’en agréer l’hommage. Ce cavalier est dans l’âge heureux où l’amour de la patrie ne peut rester nul. Aussi son offre généreuse de voler à sa défense, et sa conduitte parmi nous, nous rassurent-elles sur l’hommage que nous vous en faisons. Pendant qu’il va combatre les ennemis de la République dans le corps que vous lui ferez indiquer, nos concitoyens, redoublant d’amour pour la liberté, de reconnoissance pour vous, vont redoubler de zèle et d’activité pour extraire du sein de la terre la foudre qui doit écraser tous les tyrans et les traîtres; déjà depuis plus de deux mois leur infatigable ardeur en arrache plus de 150 livres par décade malgré l’ingratitude du sol qu’ils habitent. Pour nous, représentans, nous resterons toujours fidèles à nos serments : nous voulons la liberté ou la mort, nous redoublerons d’efforts pour la défendre à notre poste de surveillance contre les traîtres; nous la chérissons; nous voulons la faire aimer, et non la défigurer par nos passions. Partout et dans le péril nous ne reconnoîtrons toujours que la Convention nationale pour notre point de ralliment. Et s’il nous falloit succomber, nous cririons encore en périssant : vive la Convention ! Vive la liberté ! Vive la Montagne ! Vive la République ! Normand Les membres composant le conseil général de la commune de Donzy, et de la société populaire, réunis : Charron ( présid . de la sté popul.), Couroux-Desprez ( agent nat.), Gaulon ( secrét . de la sté popul.), Couroux-Aunaux ( ?) ( secrét . de la sté popul.), Raffeau (secrét.), Moreau (secrét.), Raffeau (secrét.-adjoint) et 19 autres signatures. Extrait du registre des délibérations de la commune de Donzy. Séance publique du 30 germinal l’an second de la République françoise une et indivisible, présidée par le citoyen Alfroi-Seigne, officier municipal, à laquelle ont assisté les citoyens Normand, Jovet, Carré, Nami, Vée, Coqueval, officiers municipaux, et les citoyens Amelot, Goy, Gaulon, Merlot, Vée, Thierriat, Petit, Nami, Foubert, Dagot, Nargeot, Girault, Bille-tou, Coution, Cachet, notables; Couroux-Desprez, agent national et Moreau, secrétaire. A l’ouverture de la séance l’agent national a dit : Vous venez enfin, citoyens, de rentrer dans la propriété de vos bois que le vieux Mancini, joignant la perfidie de ses promesses magnifiques aux abus de la puissance féodale, avoit usurpées sur vous. C’est à la révolution que vous êtes redevables de cet avantage : la loi du 28 août 1792 (vieux stile) a réparé à votre égard tous les torts des déprédations féodalles : je demande que vous reconnoissiez ce bienfait en offrant pour la défense de la patrie un cavalier tout armé et équipé. Sur quoi, le conseil s’étant levé d’un mouvement simultané et adoptant avec empressement cette proposition, a déclaré et déclare, au nom de cette commune, qu’il ne lui est doux de jouir de ce bienfait particulier de la révolution qu’au-tant qu’il lui offre un moyen de donner à la patrie un nouveau témoignage de sa reconnoissance et de son amour pour elle. En conséquence arrête : 1° que les prémices du bien dont elle a été trop longtems dépouillée et qui vient de lui être enfin rendu, seront employés à l’équipement et à l’armement d’un cavalier pour la défense de la patrie. 2° qu’il sera fait une addresse à la Convention national pour la prier d’agréer cette offre et le témoignage sincère de la reconnoissance des habi-tans de cette commune, charge l’agent national de veiller au prompt armement et équipement du cavallier et au choix qui en sera fait. Fait et arrêté les jour et an que dessus. Signé sur le registre : Alfroi-Seigne, Normand, Jovet, SÉANCE DU 2 FRUCTIDOR AN II (19 AOÛT 1794) - N08 2-4 285 Carré, Nami, Vée, Coqueval, Amelot, Goy, Gaulon, Merlot, Vée, Thierriat, Petit, Nami, Foubert, Dagot, Nargeot, Girault, Billetou, Coution, Cachet, Couroux-Desprez et Moreau, secrétaire (1). 2 Le citoyen Lapras fait don d’une médaille qu’il a remportée à l’école vétérinaire de Lyon (2). Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Jean Borie, représentant du peuple, délégué dans le Gard et la Lozère pour l’organisation du gouvernement révolutionnaire, au présid. de la Conv.; Monistrol (4), 15 therm. II] (5) J’adresse ci-clos à la Convention un paquet du citoyen Lapras, officier vétérinaire, qui offre à la nation une médaille qu’il remporta à l’école vétérinaire de ci-devant Lion. Cet offre a d’autant plus de prix que Pras (sic) net pas fortuné et que la médaille a quelque valeur. J’espère que la Convention en voudra faire mention au bulletin et m’adresser ou à lui un extrait du procès-verbal comme une preuve de son dévouement. S. et F. Borie (6). Monistrol, le 19 therm. an II; Pierre François Lapras, officier vétérinaire au Monistrol, département de la Haute-Loire, au présid. de la Conv. Citoyen président, Je t’envoye une médaille que je remportai à l’école vétérinaire de ci-devant Lion. Je te prie de l’offrir de ma part à la Convention comme preuve de mon dévouement à la chose publique. C’était le prix de mon travail, elle a quelque valeur intrinsèque mais mes facultés et ma vie sont à la patrie et en attendant qu’elle aye besoin de mes bras, j’offre une médaille qui aura infiniment plus de valeur pour moi lorsqu’elle sera fondue dans le trésor public. S. et F. Lapras. 3 Le citoyen Etienne Duplan, canonnier de la section du Temple (7), créancier de l’Etat, de 400 liv. de principal, se plaint de n’être point payé des arrérages dus, parce que sa présence à l’armée l’a empêché de remplir les formalités prescrites. Renvoyé au comité des finances (8). (1) P. C.C. Raffeau, secrétaire-adjoint. (2) Rhône. (3) P.-V., XLIV, 12. (4) Haute-Loire. (5) C 318, pl. 1291, p. 10, 11. (6) En marge : Reçu la médaille le 2 fructidor. Signé Ducroisi. (7) A Paris. (8) P.-V., XLIV, 12. 4 Le citoyen Mayneaud, détenu à Pélagie, demande sa liberté. Renvoyé au comité de sûreté générale (1). On admet un citoyen d’un département éloigné de Paris de 60 lieues; calomnié par un prêtre fanatique et officier municipal qui avait refuser d’accepter la constitution républicaine, il a été détenu pendant 8 mois dans les maisons d’arrêt de la commune de Paris; il demande une indemnité pour retourner auprès de sa femme et de ses 4 enfants. Le président répond qu’il trouvera dans la Convention asile et secours, et l’invite à assister à la séance. Un membre atteste que ce citoyen n’a vécu, dans la maison d’arrêt, que par le secours de ses amis, et que, pendant sa longue détention, ses enfants, sa femme, ont été réduits à la plus affreuse misère; il demande qu’à l’instant l’assemblée lui accorde des secours. MONNEL : Vous entendrez grand nombre de réclamations semblables. Beaucoup de détenus, injustement persécutés, réclament des indemnités; la justice veut que vous en accordiez à quelques-uns. Ainsi je demande que le comité des secours vous propose des mesures générales. Il en est une que je vous propose : c’est de décréter que les dénonciateurs et les comités révolutionnaires soient tenus de payer ces indemnités. (On applaudit). L’Assemblée décrète que le comité des secours fera promptement un rapport sur la demande du pétitionnaire, et passe à l’ordre du jour sur les autres propositions (2). 5 L’agent national du district de Thomières, ci-devant Saint-Paul (3), département de l’Hérault, fait part à la Convention nationale que les biens d’émigrés se vendent avec le plus grand avantage dans ce district, et que, pendant le mois de messidor, plusieurs lots, estimés 142 133 liv., y ont été vendus 770 529 livres. Mention honorable, renvoyé à la commission des dépêches et domaines nationaux, par le comité des pétitions et de correspondance (4). (1) P.-V., XLIV, 12. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 542; J. Fr., n° 694; J S-Culottes, n° 551. Selon la Gazette frçse, n° 962, la Convention n’a pris aucun parti mais elle a chargé ses comités de lui faire, dans le plus bref délai, un rapport sur le mode de venir au secours des citoyens illégalement arrachés à leurs familles. Selon J. Perlet (n° 696), la proposition allait être mise aux voix, mais un membre annonce que le comité des secours prépare un rapport général à cet égard. (3) Sic pour Saint-Pons-de-Thomières. (4) P.-V., XLIV, 12, Bin, 5 fruct. (suppl1)-