(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [i°* jBja 1790.] (et ce que je vais vous dire est su de tous ceux qui vivent un peu dans le monde) que M. de Saint-Priest, dont je ne désavouerais certainement pas la connaissance, si j’avais l 'honneur d’avoir avec lui quelques rapports, est précisément le seul des ministres duroiavec lequel je n’ai aucuneespèce de liaisons. Je ne l’ai vu que deux fois dans ma vie, dont une avant son départ pour Constantinople. Il y a quatre autres ministres avec qui j’ai des travaux à suivre, tant comme inspecteur général du commerce et des manufactures, que comme chargé de la collection et du dépôt des lois commerciales étrangères. Je n’en fais pas mystère, et je le ferais mal à propos car la chose est imprimée en quatre endroits dans l’Almanach royal. Mais ces ministres ne m’ont jamais commandé arbitrairement, jamais ils ne m’ont fait faire que ce que j’ai cru juste et utile. Je suis toujours resté libre et indépendant de toute autre passion, de tout autre intérêt que celui du bien public, au milieq d’eux, Messieurs, comme au milieu de vous, Qna constamment su et dit dans l’administration que je n'étais propre qu'à bien faire , et que l'on ne pouvait obtenir de moi aucun autre service; douce récompense de ma vie, que toutes les fois qu’on a voulu malfaire, on m’a repoussé, renvoyé, disgracié; que toutes les fois queie zèle patriotique ou l’amour de la réputation ont porté le gouvernement à faire du bien, on m’a fait l’honneur de me rechercher, de me rappeler, de m’em-i) loyer. Je reviens à l’imputation particulière que m’a faite M. de Biauzat, Non, Messieurs, je n’ai point été instruit par M. de Saint-Priest, que je ne connais pas, d’un l'ait qui se trouve depuis cinq jours dans toutes les lettres de commerce; j’ai eu la première connaissance de ce fait, à l’occasion du travail dont vous et votre comité des finances m’avez chargé relativement au débit du sel, appartenant à la nation et provenant des salines ae province. Vous n’avez point cru, vous n’avez point dit, comme M. de Biauzat l’a fait imprimer, que ma motion fût évidemment ministérielle, Ues insinuations intéressées, injustes et secrètes de quelques particuliers à leurs voisins, si elles ont eu lieu, ne sont pas des débats de votre Assemblée. Fallait-il donc être ministériel pour remarquer dans um temps où le tribunal que vous avez établi, où la municipalité de Paris, que vous avez mise a portée de vérifier les faits, vous ont tous deux avertis, vous ont tous deux affirmé qu’il y aeuides distributions d’argent ;qu’elles continuent; qu’elles paraissent venir d’une côur étrangère; fallait-il donc être ministériel pour remarquer quels peuvent en être les effets? Quoi, Messieurs, vous savez qu’il y a eu et qu’il y a encore des distributions d’argent, et vous avez vu que l’attentat commis sur M, d’Albert de Riom avait été annoncé à Paris avant d’avoir été effectué ; que ia prise des forts de Marseille avait été un bruit public à Paris avant qu’on l’eût tentée; qu’on parlait à Paris de leur démolition lorsqu’à peine on la commençait ; vous avez vu que le même jour de la prise de Marseille, presque tous les autres forts des provinces méridionales ont été pris, ou attaqués ou menacés; vous voyez que; tandis que M-de Balayette et la garde nationale de Paris déployaient toute leur activité et leur courage pour préserver le Châtelet de Pin-surreçtion de quelques brigands étrangers qui cherchaient à égarer, par dé mauvaises perfidies, le très bon peuple de la capitale, la motion de détruire le Ghâtelet se faisait à 200 lieues de Paris, chez des gens à qui le Châtelet ne peut faire ni bien ni mal ; et l’on passera pour ministériel, si l’on fixe, sur cette correspondance de faits si bien liés les uns aux autres, vos regards patriotiques et ceux des citoyens vertueux de Paris ! Messieurs, si une parfaite habileté est une grande maladresse, les puissances étrangères sont mal servies: elles ont des agents également indiscrets dans les choses et dans les paroles. Oui, Messieurs, je suis ministériel eu un sens: lorsque je vous dis ces vérités importantes, je remplis en effet un ministère., un ministère saint et sacré, le ministère pour lequel nous avons été envoyés de toutes les parties du royaume, le ministère auquel nous avons tous fait serment de dévouer notre vie; je remplis le ministère de la vertu et du patriotisme indignés qui se révoltent contre l’accumulation des intrigues par lesquelles on voudrait faire écrouler-eet empire et perdre la Constitution qui vous coûte tant de peines et de travaux. Vous remplirez le vôtre, en la préservant de toute atteinte, en faisant de toutes parts respecter la souveraineté de ia nation, en réprimant tous les désordres, en rendant inutiles tant de coupables efforts. J’ai honte de vous parler encore de la plainte que j’ai mise gous vos yeux, lorsqu’il s’agit d’ob* jets d’une si grande importance. Que suis-je pour vous occuper? Rien. Mais, à côté même de la patrie, l’honnêteté et la vérité qui ia servent avec zèle sont quelque chose à vos yeux. Je puis donc demander, car vous demanderez vous-mêmes que M. Gaultier de Biauzat soit rappelé à l’ordre, et qu’il lui soif enjoint de ne pas inculper ses collègues sans preuves. C’est à quoi je conclus. M. de Folleville. La cause de M. Dupont est celle de tous les honnêtes gens, parce qull a toujours défendu la vertu. Il s’établit une discussion pour savoir si M. de Biauzat sera ou ne sera pas rappelé à l’ordre. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. M. Dupont (de Nemours ). Je n’ai besoin d’autro récompense de l’Assemblée que de l’assurance de sou estime; je consens que l’on passe à l'ordre du jour, pourvu que je sois assuré que je n’en ai pas perdu la plus faible portion. (Qn passé 4 l’ordre du jour.) M. le Président donne lecture' de lettres patentes données sur les décrets. Expéditions! en . parchemins pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale: « 1° De lettres patentes sur le décret du 14 dû mois dernier, qui prohibe l’entrée du sel étranger dans le royaume, « De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux UÙ Cauderot, à imposer sur les habitants de çetfê ville la somme de douze Gent dix livres, « 3° De lettres patentes sur ie décret du I7j portant que toute demande en retrait féodal QU censuel, qui n’a pas été adjugée avant la publication des lettres patentes du 3 novembre dernier, est et doit demeurer sans effet, « ¥ D’une proclamation sur le décret du portant que le çerps administratif du départent! 40 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] de l’Oise résidera alternativement dans les villes de Beaùvais et Compïègne. 5° Enfin, d’une proclamation sur le décret du 28, portant que la démolition de la citadelle de Marseille sera arrêtée sur-le-champ. M. Moreau (de Tours) sollicite l’attention de l’Assemblée nationale sur une rivalité survenue et excitée entre l’ancienne milice bourgeoise d’Amboise et les gardes nationales de la même ville ; il propose et fait adopter le décret dont la teneur suit: « L’Assemblée nationale décrète que l’ancienne milice bourgeoise d’Amboise ne sera admise à aucun service qu’autant que ses membres s’incorporeront aux gardes nationales, où ne pourront être admis que les citoyens actifs et les fils de citoyens actifs; ordonne que les drapeaux de l’ancienne milice bourgeoise seront déposés dans l’église paroissiale d’Amboise. » M. le baron d’Harambnre propose à l’Assemblée de s’occuper à l’instant de différents désordres qui ont eu lieu dans plusieurs corps de troupes de l’armée, notamment dans les régiments de Lorraine et de la reine. Cette affaire est renvoyée au comité militaire. M. Legrand, député du Berry , demande la permission d’instruire l’Assemblée d’un refus de la maréchaussée de la Châtre de prêter main-forte dans une occasion pressante. Cette affaire est renvoyée au comité des rapports. M. Defermon, rapporteur du comité de police, propose un projet de décret concernant les boucheries de Paris, concerté avec le comité d’agriculture et de commerce. M. Fréteau propose d’ajouter à ce décret: sauf aux parties à se pourvoir devant les juges à qui il artiendra. a question préalable est demandée et prononcée sur cet amendement. î Le décret est ensuite rendu en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de commerce et d’agriculture, de la contestation relative aux étaux des boucheries de Paris, « A décrété que la nouvelle municipalité de Paris, aussitôt qu’elle sera formée, fera l’examen des anciens règlements relatifs aux étaux des boucheries, pour, sur le résultat de cet examen, être ensuite statué; « Déclare, sur le surplus, n’y avoir lieu à délibérer. » M. le Président fait lecture d’une lettre de M. le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois : il prévient l'Assemblée nationale que le roi et la famille royale se rendront à 9 heures pour entendre la rand’messe et aller à la procession ; l’Assemblée écide qu’elle s’y rendra à 8 heures trois quarts. On fait lecture d’une lettre de M. le maire et de M. le commandant général de la garde nationale : ils demandent les ordres de l’Assemblée sur la manière dont elle veut composer sa garde pour la procession du jour de la Fête-Dieu. M. de M oailles. Etant au milieu de nos concitoyens, nous n’avons besoin d’aucune garde; quant à la police, c’est à M. le maire à prendre les mesures qu’il croira convenables. M. le vicomte Desfosse*, député duVerman-dois, menacé de la perte d’un œil, demande un congé d’un mois qui lui est accordé. La séance est levée à 10 heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ. Séance du mercredi 2 juin 1790, au matin (1). M. Devillas, député de Saint-Flour, entretient l’Assemblée d’une délibération et d’une adresse de la commune de la ville de Murat, en Auvergne, sur lesquelles il est instant de statuer; cette localité demande que la libre circulation des grains soit assurée et qu’il lui soit permis de contracter un emprunt pour achats de blés afin que son marché, qui est le seul où les habitants des montagnes puissent acheter des grains, soit constamment approvisionné. Il propose un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour supplier Sa Majesté dé faire donner ses ordres aux municipalités et aux gardes nationales du département du Gantai, de protéger, par tous les moyens qui leur sont confiés, la libre circulation des grains ; et, au surplus, que la municipalité de la ville de Murat est autorisée à faire un emprunt de la somme de vingt-quatre mille livres, pour l’employer à l’achat des grains nécessaires à la consommation de cette ville, à la charge du remboursement, six mois après, du produit de la revente desdits grains .• M. le baron de Cernon, au nom du comité de Constitution , demande à faire un rapport sur les réclamations des villes de Soissons et de Laon qui réclament toutes les deux le privilège d'être chef-lieu du département. L’Assemblée ajourne cette affaire à une séance extraordinaire qui, à cet effet, est indiquée pour ce soir. M. Chabroud, l'un des secrétaires, donne lecture d’une adresse de la ville et canton de Ma-rennes. L’esprit de patriotisme qui respire dans cet écrit est applaudi. M. Lemcreier demande qu’il soit fait une mention honorable de cette adresse au procès-verbal. Cette proposition est adoptée. M. Target, au nom des comités de Constitution et des recherches réunis , demande à faire un rapport sur les troubles des départements du Cher, de la Nièvre, de V Allier et de la Corrèze. L’Assemblée décide qu’il sera entendu. M. Target. Messieurs, dans les anciennes provinces du Bourbonnais, du Nivernais, du Berry et du Limousin, les assemblées primaires et électorales ont donné lieu à de très grands troubles. Plusieurs municipalités ont été forcées de publier (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.