430 (Assemblée nationale.] le rapport de ses comités des domaines, des finances, de commerce et d’agriculture, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il sera fourni par le Trésor public, provisoirement et à titre d’avance, une somme de six cent mille livres pour être employée à l’achèvement des travaux du canal du Chàlorais, sauf à statuer ultérieurement par qui la dépense doit en être supportée. Art. 2. « Le payement de cette somme de six cent mille livres se fera de mois en mois, en six termes égaux de cent mille livres chacun, dont le premier est fixé au 1er juin prochain, et il sera effectué auxdiles époques entre les mains de l’administrateur comptable, qui sera indiqué par le directoire du département de Saône-et-Loire. Art. 3. « Ladite somme de six cent mille livres sera appliquée, en totalité, au payement des travaux qui restent à faire au canal, et nulle portion n’en pourra être distraite, même sous prétexte d’acquitter les dépenses précédentes, sauf à pourvoir d’une autre manière au remboursement des avances ci-devant faites par les entrepreneurs. » M. Deschamps, député de Lyon , demande, par lettre, la permission de s’absenter pour quelque temps. M. le marquis de Ronnay, député du Nivernais, adresse un billet à M. le président, pour demander à l’Assemblée la permission de faire UDe absence. (Ces congés sont accordés.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire et la question à débattre en ce moment est la suivante : « Le juge nommé par le peuple recevra-t-il des lettres-patentes du roi, scellées du sceau de l’Etat? » M. Fe Pélletler de Saint-Fargean. Avant de décider la question, il faudrait savoir si les officiers connus sous le nom d 'officiers du ministère public, auxquels la patente s’appliquera également, seront nommés ou par le roi, ou par le peuple, ou s’ils seront présentés par le peuple. M. Barrère de Fleuzac. Il y a une très grande différence entre ces questions : les officiers du ministère public forment une magistrature à part ; leur création donnera lieu à toutes les questions que vous avez parcourues sur les juges en général. Je demande qu’on suive l’ordre établi par M. de Beaumetz. M. Perez de Lagesse. Dans un Etat monarchique, il faut conserver, entre le peuple et le monarque, tous les liens qui ne sont pas funestes à la liberté. Vous avez décidé que les juges seront nommés par le peuple ; il n’y a plus d’inconvénient à accorder au roi une institution qui n’est que de pure formalité. M. Goupiileau. Je propose en amendement de décider que les provisions seront délivrées sans frais. M. de Robespierre. Il est sans doute dans l’intention de l’Assemblée que la formule soit rédigée de manière qu’elle ne paraisse pas être une institution. [8 mai 1790.] M. Fréteau. Vous n’avez rien encore décrété sur les juges de canton ; vous n’avez rien décrété sur la cour de révision : le mot juge est donc ici trop général. Pour ne rien préjuger, il faut dire que les juges de district et les juges d’appel recevront leurs provisions du roi. La question est mise aux voix avec les amendements , et décrétée en ces termes : « Le juge nommé par le peuple recevra des lettres-patentes du roi, scellées du sceau de l’Etat, lesquelles seront expédiées sans frais, et suivant la formule qui sera décrétée par l’Assemblée. » M. le Président met ensuite à la discussion cette autre question : « Les officiers du ministère public seront-ils entièrement à la nomination du roi ? » M. llllscent. Il est difficile d’approuver la distinction qu’on veut établir. S’il n’y avait qu’un seul magistrat à faire nommer par le peuple, il faudrait que ce fût le magistrat chargé des fonctions du ministère public; le nom seul de ministère public l’annonce assez. Le peuple doit nommer le magistrat chargé des intérêts de ceux qui n’ont pas de défenseurs, et de s’opposer à ce que l’ordre public ne soit pas troublé. S’il existe un délit public, et que le magistrat public ne veuille pas le poursuivre, ce délit restera donc sans vengeance? Il n’est pas vrai de dire que les procureurs généraux sont les coopérateurs du roi : le roi ne coopère pas à la justice. Ils correspondent, dit-on, avec les ministres; mais les premiers présidents de cours souveraines y correspondent. C’est d’ailleurs une raison de plus pour que les officiers du ministère public ne soient pas choisis par les ministres. Si, quoique je sois loin de le croire, la question pouvait être décidée affirmativement, je proposerais en amendement que les officiers du ministère public soient choisis parmi les magistrats du tribunal auquel ils devraient être attachés. M. Chabroud. J’ai demandé, dans un ouvrage que j’ai publié, que la nomination du ministère public fût entièrement à la disposition du roi; c’était la conséquence de deux prémisses que je n’avais point exposées. Le roi est chargé de veiller à l’exécution de la loi; il ne pourrait remplir cette tâche sans coopérateurs, et il la remplirait mal si ces coopérateurs n’étaient pas de son choix. Il ne s’agit point ici d’une prérogative, mais d’une grande fonction. Vous avez décrété que le pouvoir exécutif suprême réside dans les mains du roi ; vous avez chargé le roi de l’exécution de la loi. Si le pauvre est opprimé, si la veuve et l’orphelin n’ont pas de défenseurs, c’est à celui qui fait exécuter la loi qu’il appartient de les défendre ; c’est par là que le roi mérite le nom de père du peuple : voulez-vous qu’il ne choisisse pas les coopérateurs auxquels il confie ses tendres sollicitudes? Il est convenable, il est avantageux pour le peuple de confier au roi ses actions publiques. Toute convention sociale a deux objets : l’intérêt général et l’intérêt particulier. On nomme loi l’acte qui protège et assure l’intérêt général ; de là proviennent les actions : les unes appartiennent à une partie du peuple, les autres appartiennent à l’universalité du peuple. Lesactions générales composent la volonté du peuple; elles se manifestent de différentes manières. Il y a une confusion de ceux qui accusent, de ceux qui sont accusés, et ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] 431 de ceux qui doivent juger. Je fuirais le lieu où le premier individu aurait le droit de m’accuser au nom du peuple : ce serait le moyen le plus sûr d’attenter à la liberté individuelle. Le peuple doit donc déléguer ses actions ; il ne peut les déléguer qu’au roi. En effet, s’il les déléguait à un individu choisi par le peuple, cet individu ne serait réellement, pour cet objet, que l’homme du district qui l’aurait choisi; il n’y aurait nulle unité, nulle cohérence entre plusieurs hommes qui agiraient séparément, ayant cependant tous l’intérêt général pour objet. Le magistrat du peuple n’aurait que son propre courage pour se défendre; s’il ne trahissait pas son devoir, son ministère serait seul, et dès lors nul. Je ne sais si les vues de M. l’abbé Sieyès ont séduit quelques esprits ; mais je crois qu elles ne soutiendraient pas l’examen : un grand système de police est un grand désordre. Les corps administratifs, les municipalités, les tribunaux doivent être surveillés par le ministère public, institué pour maintenir l’ordre de leurs fonctions et de la police générale. U ne police détachée ne convient que dans un pays où le despotisme règne à la place des lois.Je passe à l’institution qui serait la plus convenable. Le peuple ne peut exercer lui-même ses actions; il doit en déléguer l’exercice au roi : alors la nation aura un véritable mandataire, qui ne sera pas le mandataire d’un district, mais de l’universalité du peuple : ce mandataire aura un caractère digne d’elle et de lui-même. Alors les préposés seront soutenus par une grande autorité ; ils seront forts, même contre les juges, et n’auront à se défendre que de la prévarication. Enfin, le roi doit entrer comme partie intégrante dans la Constitution ; il participera à la législation, par le veto suspensif; à l’administration, par les ordres qu’il donnera aux administrateurs; au pouvoir militaire, par le commandement de l’armée; à la justice, en faisant exécuter les jugements. Une place doit être donnée au roi entre la loi et les violateurs de la loi; rassuré contre la crainte de l’avoir pour juge, je demande qu’il soit mon protecteur. (On demande à aller aux voix.) (La discusion est fermée.) M. d’André. Je propose, en amendement, que le roi ne puisse choisir aucun membre de l’Assemblée nationale, que quatre ans après la clôture de la session, et aucun membre des législatures suivantes, que deux ans après la clôture de chaque session. (Cet amendement est universellement applaudi.) M. Douttevllle-Dumet* . Je demande que le peuple puisse présenter trois sujets au roi. M. Muguet de IVantbou. J’adopte l’amen dement de M. d’André; je demande laquestionpréalabiesur celui deM. Boutevilie-Dumetz. Les raisons qui vous ont déterminé hier à refuser la présentation de trois sujets au roi doivent vous déterminer à faire aujourd’hui le même refus ; mais je demande que les officiers du ministère public soient institués à vie, et ne puissent être destitués que pour cause de forfaiture jugée ; c’est le moyen de les rendre capables de remplir leurs fonctions. Pour éviter, dans les tribunaux, l’esprit d’intrigue que vous avez voulu prévenir, je propose d’arrêter que le roi ne puisse choisir les officiers publics parmi les officiers du tribunal ; s’il y avait accord, il y aurait complicité, et, dès lors, il ne pourrait y avoir surveillance. M. Defermon. Il est nécessaire que tout of-cier chargé de fonctions publiques soit renfermé dans les bornes de son ministère par la censure puissante de l’opinion publique; il faut pour cela qu’il soit connu des justiciables. Je propose que les officiers du ministère public ne puissent être choisis que parmi les citoyens actifs de chaque département. Un membre. Je demande que les officiers du ministère public soient exclus de toute assemblée administrative et de département. M. Sancy propose d’excepter de l’amendement de M. d’André les avocats et procureurs du roi des anciens tribunaux, et actuellement membres de la législature. (Il s’élève de très grands murmures.) M. Dupont (de Nemours). Je demande la question préalable sur l’amendement deM. d’André. Je ne suis ni orfèvre, ni attaché à la magistrature; mais je dois représenter qu’il n’est presque pas de carrière où l’on puisse se montrer d’une manière plus avantageuse à ses concitoyens que celle à laquelle nous avons été appelés. Je ne sais pas pourquoi nous aurions le mépris de nous -mêmes que suppose l’amendement de M. d’André. M. d’André. C’est précisément parce que je suis orfèvre que j’ai présenté mon amendement; il est conforme aux principes que vous avez adoptés quand vous avez déclaré qu’aucun membre de cette Assemblée ne pourrait accepter des places du pouvoir exécutif. Je n’ai pas voulu dire que quelqu’un dans cette Assemblée fût capable de se laisser séduire ; mais vous avez voulu ôter au pouvoir exécutif l’espoir de séduire. On me dit pourquoi je fixe quatre ans pour cette Assemblée, et deux ans pour les législatures suivantes ; c’est que vous êtes une Convention, et que les autres seront des législatures. On dit encore que les procureurs du roi perdent leur état, et je perds bien le mien ! En empêchant les procureurs du roi, je m’empêche aussi moi-même, et je crois, pour moi et pour les autres, faire une chose très utile. (On demande la question préalable sur les amendements.) La division de cette question préalable est proposée et accueillie. L’amendement de M. d’André et celui de M. Muguet de Nanthou sont adoptés à l’unanimitô. M. Dubois de Ctrancé propose d’ajouter à l’amendement, qui exclut les membres des assemblées administratives, l’exclusion des membres des municipalités. Cet ameudement et ce sou s -amendement sont également adoptés unanimement. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas à délibérer sur tous les autres amendements. La motion principale, telle qu’elle a été demandée, est unanimement décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « 1° Que les officiers chargés du ministère public seront nommés parle roi; « 2° Qu’ils seront institués à vie, et nepourront être destitués que pour forfaiture; « 3° Que les membres de l’Assemblée actuelle nepourront être nommés par le roi, pour remplir lesdites fonctions, que quatre ans après la clôture de la présente session ; et, ceux des législatures suivantes, que deux ans après la clôture des sessions respectives ;