[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1790.] 401 commecitoyen, soit comme administrateur, puisse, dans un Etat libre, être plus longtemps livrée aux atteintes de la malveillance ou d’une prévention peu réfléchie . J’espère que vous reconnaîtrez dans ma démarche l’hommage pur que je serais toujours empressé de rendre à l’esprit de jusiice qui vous anime, et qui ne peut que me rassurer. « Signé : CHAMPION DE CiCÉ » « archevêque de Bordeaux. » M. le Président fait lire une lettre de M. d’An-givilliers. En voici la substance : « J’ai été dénoncé dimanche à l’Assemblée nationale comme ayant demandé 20 millions pour la réparation des maisons royales et fait cesser les travaux du canal de Versailles. J’ai l’honneur d’assurer que je n’ai rien demandé pour les réparations des maisons royales, et que je me suis renfermé dans les fonds modiques affectés à l’administration des bâtiments. Si l’on a voulu entendre la dette arriérée, cette assertion n’est point exacte : la dette arriérée n’est pas de 20 millions; elle n’atteint pas à 16. Elle remonte à une époque bien antérieure à mon administration. Quant au canal de Versailles, on n’a pas continué de fournir les fonds et la municipalité a fait cesser les travaux. » M. d’Estourmel demande le renvoi de ces deux lettres au comité des rapports. Après de longues agitations sur cette demande, l'Assemblée décide que la séance sera levée. La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 12 NOVEMBRE 1790. Nota. Par suite d’une erreur de mise en pages, la circulaire du garde des sceaux aux commissaires du roi, dénoncée par M. Démeunier ( Voy . lus haut, p. 281), a été omise dans la séance du novembre. — Nous l’annexons à la séance de ce jour. Lettre de M. le garde des sceaux à MM. les commissaires du roi. Monsieur, le roi vous a nommé son commissaire, chargé des fonctions du ministère public près le tribunal du district de... Je ne doute pas que vous n’ayez profondément réfléchi sur la nature et l’objet de la mission qui vous est confiée. Les fonctions que vous aurez à remplir sont tracées dans la loi même qui vous a créé, et en vertu de laquelle Sa Majesté vous appelle à requérir l’observation des lois dans la distribution de la justice, à assurer et garantir l’exécution des jugements, à prévenir et à rectifier les erreurs ou l’égarement de l’opinion sur le respect dû aux juges, à défendre ceux-ci contre eux-mêmes, s’il le faut, de l’oubli de leur caractère, à faire entendre, en matière d’impositions indirectes, la voix d’une justice impartiale et appliquée à ne recueillir que des notions exactes et des faits avérés. En vous montrant ainsi la suite et l’ensemble de vos principaux devoirs, je crois mettre sous lre Série. T. XX. vos yeux, dans tout son jour, la dignité de vos fonctions, puisque, dans un gouvernement ordonné pour le bonheur public, les fonctions et les dignités ne s’apprécient que par leurs rapports utiles, et les hommes ne s’honorent que par la mesure du zèle et des vertus qu’ils y développent. Les offices de commissaire du roi ne peuvent avoir aucun attrait pour l’ambition ; ils mont pas à lui offrir l’appât de la fortune, mais ils promettent au mérite et à la vertu le spectacle consolant du bien opéré par de longs efforts, la pure jouissance de la gratitude publique, digne récompense des travaux de ceux qui auront bien mérité de leurs concitoyens. C’est donc du sein d’un recueillement profond, du sein d’une méditation grave et sévère que vous avez dû étendre vos pensées et vos regards sur l’importante carrière que vous allez parcourir. Ainsi, ce ne sont point des considérations personnelles et intéressées, ce sont les plus nobles inspirations du patriotisme qui vous auront préparé à seconder le vœu du roi par une sage et courageuse administration de la justice. La confiance dont il vous honore aujourd’hui, en vous associant à sa paternelle sollicitude pour ses peuples, ne peut être dignement payée que par un dévouement sans réserve à l’étude et à l’exercice de vos devoirs. Que le généreux esprit qui l’anime se reconnaisse dans toutes les parties et dans tous les actes de votre ministère. Qui peut se dire sans émotion : J’ai à faire jouir un grand peuple des bienfaisantes intentions du monarque : j’ai à mériter au monarque les bénédictions et l’amour d’un grand peuple ! Si l’ordre est le fruit des lois, par lesquelles seules il existe ; si ce sont elles encore qui doivent le maintenir, en éclairer et en diriger les conservateurs, en prévenir ou en punir les infracteurs, ne sera-ce pas en grande partie sur vous que reposera l’ordre général ? Les lois sont le plus grand bienfait de la patrie; elles sont le lien qui en unit tous les membres ; elles seules procurent le prix des sacrifices que les citoyens ont dû faire aux avantages inappréciables qu’ils retirent de, la fédération sociale. Sans les lois, sans leur salutaire empire, point de sûreté personnelle, point de liberté, point de propriété. Confiez-vous toujours à ce principe, rappelez-le sans cesse aux juges, pénétrez-en tous les justiciables; que tous sachent que c’est d’une attention fidèle et soutenue au maintien des lois, d’une soumission volontaire et respectueuse que dérive cette heureuse harmonie sans laquelle il n’y a point de bonheur public, ni de prospérité particulière ; que tous sachent que la société veut et doit s’armer de sévérité, rejeter même de son sein celui qui, en secouant le joug salutaire des lois, romprait le pacte social et perdrait ainsi ses droits à la protection qu’il assure à tous les citoyens. Votre premier devoir sera donc de vous livrer à une étude constante et suivie des loisgénérales et particulières, de celles qui tiennent à l’ordre public comme de celles qui doivent régler les fortunes et les propriétés privées. Vous apporterez principalement votre application à prendre une connaissance approfondie de tous les décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi, et adressés aux tribunaux. Ils feront la base de vos réquisitions et de vos conclusions. C’est dans la méditation constante des lois, c’est dans la persévérance à en réclamer l’exécution, que le magis-26