744 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] le marquis d’Essertaux, le comte d’Heseques, Lefebvre de Vadicourt, le marquis de Riencourt, le marquis de Belloy Vaudricourt, le marquis du Fausset, Douville de Maillefeu , le marquis de Montdragon, de La JBarberie de Refuvel, le vicomte de Brisemond, Lemoine de Blangermout, Levail-lant d’Yaucourt , Bussi d’Ivrench , Lagrenée de Faulchoy. CAHIERS DES DOLÉANCES, PLAINTES ET REMONTRANCES DE L’ORDRE DU TIERS-ÉTAT DU BAILLIAGE D’AMIENS (1). L’assemblée des députés du tiers-état des bailliages d’Amiens et de Ham, réunis en exécution des lettres de convocation données à Versailles et de l’article 43 du règlement du 24 janvier dernier, pour former le cahier général des doléan ces, plaintes et remontrances desdits bailliages, considérant que l’objet de leur convocation a été de nommer des députés pour les représenter aux Etats généraux au royaume, et de leur donner des instructions et des pouvoirs généraux et suffisants, pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun des citoyens, a arrêté de prescrire à ses députés. Articles préliminaires. 1° De porter au pied du trône de Sa Majesté l’expression de sa respectueuse reconnaissance pour le grand et mémorable bienfait qu’elle a accordé au tiers-état de son royaume en lui donnant une représentation égale à celle des deux autres ordres dans sa prochaine assemblée des Etats généraux, et de supplier Sa Majesté d’être persuadée que l’ordre du tiers ne fera jamais usage de son influence que pour le maintien de son autorité royale, le salut et la prospérité de l'Etat. 2° De ne consentir à d’autres distinctions dans les différents ordres qu’à celles des préséances établies par l’usage. 3° De requérir que le vote ne soit pas pris par ordre, mais par tête et en alternant les avis de manière que deux députés du tiers opineront après un ecclésiastique et un noble. 4° De se retirer dans le cas où ils n’obtiendraient pas l’exécution de ces deux articles ci-dessus, si les députés des autres bailliages estiment à la pluralité des suffrages devoir le faire. 5° De se conformer aux autres pétitions ci-après contenues dans le cahier et d’y insister de tout leur pquvoir, sans qu’il leur soit permis de s’en départir autrement que par la pluralité des suffrages, en les autorisant au surplus à proposer et consentir tout ce qu’ils croiront en leur honneur, âme et conscience, être pour le plus grand bien du royaume en général, et celui de la province en particulier, quoique non exprimé dans le Cahier. PREMIÈRE PARTIE. De la constitution nationale. Une constitution solide et permanente, qui assure à tous les citoyens en général et à chacun d’eux en particulier" la liberté individuelle et la conservation des propriétés, est le plus précieux avantageque les Etats généraux puissent procurer (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’empire. à la nation ; c’est donc l’objet vers lequel doivent tendre tous les efforts des députés de la province ; qu’ils déploient pour l’établir toute l’autorité de la raison, toute l’énergie du caractère dont ils seront revêtus. C’est le premier vœu du peuple, ce doit être le premier ouvrage. Les députés proposeront donc, sur la constitution nationale, qu’il soit arrêté aux Etats généraux comme loi constitutionnelle du royaume : 1° Que le tiers doit avoir dans les Etats généraux une représentation égale à celle des deux autres ordres; 2° Que les Etats généraux seront perpétuels et se rassembleront tous les cinq ans ; 3° Qu’aucun subside ne pourra être établi, aucun emprunt ouvert, aucune loi portée que par le concours de l’autorité royale et de leur consentement ; 4° Qu’ils détermineront la forme du dépôt et de la promulgation des lois, dont l’exécution appartiendra au roi seul comme chef de l’Etat, et qu’en conséquence il ne pourra être établi de commission intermédiaire ; 5° Qu’il sera établi des Etats provinciaux dans tout le royaume, et notamment dans là Picardie, lesquels s’assembleront chaque année à une époque fixe, après que l’organisation en aura été déterminée par les Etats généraux ; 6° Que ces Etats particuliers seront chargés de l’assiette et de la répartition de tous les subsides et généralement de toutes les parties d’administration qui concerneront leurs provinces ; qu’en outre, dans l’intervalle d’un terme à l’autre, ils seront représentés par une commission intermédiaire à laquelle sera confiée le détail de l’administration et l’expédition des affaires urgentes; 7° Que le régime de toutes les municipalités, tant des villes que des campagnes, sera analogue à celui des Etats provinciaux et tellement ordonné que nulle place municipale ne soit perpétuelle, sauf celle de secrétaire qui sera permanente jusqu’à révocation; 8° Que dans l’un et l’autre ses représentants seront élus librement et pour un temps limité ; 9° Que lesdites administrations ne pourront établir aucuns octrois soit provinciaux, soit patrimoniaux, sans le concours et le consentement des provinces et des communes; 10° Que les délibérations des Etats généraux, celles des Etats provinciaux et le compte qui sera rendu par les municipalités aux communes assemblées seront publiés par la voie de l’impression. SECONDE PARTIE. De la police générale du royaume. * 1° La liberté civile est un droit inaliénable et imprescriptible, et toute mesure qui y porte atteinte doit exciter la réclamation générale des Français. L’exemple que le prince a donné de l’affranchissement des serfs et mainmortables dans ses domaines n’ayant pas été généralement suivi par tous les propriétaires des fiefs qui sont dans le même cas, les députés demanderont l’affranchissement absolu des serfs et mainmortables et l’abolition de toute servitude personnelle dans le royaume, telles que corvées, banalités et autres. 2° Afin que la liberté des citoyens ne puisse être de nouveau compromise par la révocation d’une loi dictée plus encore par l’amour de l’humanité que par la politique, les députés demanderont que l’édit de novembre 1787, qui assure aux non catholiques un état civil en France, soit sanctionné par l’assemblée des Etats généraux. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] 745 3° Les députés considéreront que les lettres de cachet ne sont le plus souvent qu’une arme perfide dans les mains des agents de l’autorité, qu’un moyen d’enchaîner l’opinion publique, la sauve-arde des 'mœurs et de la liberté, et qu’elles sont 'ailleurs inconstitutionnelles. En conséquence, ils demanderont ,que les lettres de cachet soient abolies et les prisons d’Etat supprimées et que les juges royaux soient autorisés à ordonner la détention d’un sujet qui aurait fait des actions déshonorantes, sur un avis des parents bien mo-- tivé, sans que ledit avis puisse, en aucun cas et sous aucun prétexte, donner lieu à la dénonciation -du ministère public. 4° La nécessité de propager les lumières, l’utilité d’une censure publique qui éclaire la conduite des hommes, épure les mœurs, arrête les injustices ou venge les opprimés, qui fixe l’opinion sur les administrations en général, les corps et les individus en particulier, tout réclame que la presse soit libre ; mais en même temps tout indique qu’il faut prendre des précautions pour réprimer les écrits séditieux et contraires à la religion et aux bonnes mœurs, et en conséquence les députés présenteront à l’assemblée des Etats d’arrêter que la presse sera libre dans tout le royaume, que tous privilèges d’imprimerie seront supprimés, que ceux qui exerceront à l’avenir cette profession formeront des corporations pour constater le temps d’exercice et la capacité des aspirants, et qu’enfln les imprimeurs seront assujettis à ne laisser sortir de leurs presses aucun écrit qu’il ne porte leur nom. 5° 11 sera pris les plus rigoureuses mesures pour assurer l’inviolabilité du secret de la poste, étant de l’essence d’une bonne constitution de respecter le secret des familles, de protéger la confiance réciproque et de donner un libre essor à l’opinion. En s’occupant de cet objet, les députés demanderont que le port des lettres soit fixé à raison des distances directes et non du circuit qu’on leur fait faire pour le profit de la régie. 6° La responsabilité des ministres aux Etats généraux sera demandée comme un moyen propre à éclairer leur conduite aux yeux du roi et de la nation. Les députés requerront en outre qu’ils soient assujettis à publier chaque année, dans l’intervalle d’une tenue d’Elats généraux à l’autre le compte de l’administration de leur département et l’emploi des fonds qui y auront été assignés. 7° Un plus grand enseignement au centre des provinces, de l’économie dans la dépense qu’entraîne un long cours d’études, sont des motifs qui ont porté l’assemblée à réclamer l’établissement d’une université dans la ville capitale de chaque province, ce qui serait d’autant plus facile à Amiens que le collège de celte ville a des revenus beaucoup plus considérables que les charges, et que l’extinction de l’ordre de Gluny laisse dans la province des biens immenses attendant encore *une utile destination. 8° Les mêmes motifs s’élèvent aussi en faveur de l’établissement d’une école de chirurgie, d’un cours d’accouchement; il est même plus indispensable encore que celui d’une université , à cause de l’impéritie des chirurgiens et des sages-femmes de campagne et des suitesiunestes qu’elle produit. En conséquence, les députés demanderont qu’il soit établi une école de chirurgie dans chaque capitale de province, et que nul ne pourra être reçu à l’avenir dans la profession de chirurgien, soit pour la ville, soit pour la campagne, qu’il n’ait fait son cours dans lesdites écoles et suivi les hôpitaux pendant cinq ans, qu’il ne sera perçu aucun droit pour leur réception, et qu’enfin il sera pareillement établi des cours d’accouchement gratuits pour former les sages-femmes. Les archives publiques sont éparses en mille mains diverses, les dépôts particuliers en sont souvent violés , il arrive souvent que le titre de l’office du dépositaire passe dans une main et ses actes dans plusieurs autres; enfin, on a l’exemple d’un tel abandon d’une propriété si précieuse qu’on rencontre tous les jours des minutes d’actes importants confondues avec des papiers inutiles et livrées à la dilapidation des mains ignorantes. Des motifs puissants ont déterminé rassemblée à requérir qu’il soit établi dans chaque bailliage ou sénéchaussée un dépôt public de tous les actes authentiques, où les notaires seront tenus de déposer une expédition de tous les actes qu’ils auront reçus dans l’année de la date de l’acte, sans que le dépositaire ou gardien puisse, en aucun cas, délivrer d’expédition ou copie des actes déposés, si ce n’est en vertu d’ordonnances qui ne pourront être accordées que dans le cas seulement de perte des minutes ; qu’au surplus, il sera fait défense aux officiers de justice de recevoir aucun acte de juridiction volontaire. La mendicité est un fléau pour la société; il est donc d’une bonne administration d’aviser aux moyens de la faire cesser. D’après ce principe, l’assemblée charge expressément ses députés de demander que les pauvres , infirmes et hors d’état de gagner leur vie, soient efficacement secourus dans les paroisses où ils demeurent, et qu’il ne leur soit pas permis d’aller demander des secours ailleurs; à l’égard des pauvres valides, il doit être pris des mesures pour leur procurer des moyens de subsistance, soit en les occupant à des travaux publics, soit tout autrement. TROISIÈME PARTIE. Du clergé. L’assemblée, sans porter atteinte à celles des prérogatives du clergé qui doivent être respectées, a cru pouvoir proposer quelques réformations qui paraissent intéresser l’ordre public et la nation en général : 1° La conservation et le maintien des libertés de l’église gallicane doivent fixer l’attention des Etats généraux. Jamais la nation ne s’est assemblée qu’elle ne s’en soit occupée. Les députés requerront donc que cet objet soit pris en considération. 2° Considérant que la cour de Rome ne connaît ni ne peut connaître les sujets à qui elle confère des bénéfices ou accorde des dispenses, ce qui en rend lusage abusif et purement fiscal ; que les grâces ou faveurs qui émanent de l’autorité spirituelle ne peuvent être payées à prix d’argent sans une espèce de profanation ; que les sujets d’un Etat ne doivent pas de tributs à un prince étranger, et qu’enfin il est d’une bonne administration de ne laisser sortir le numéraire du royaume que par échange avec une valeur au moins équivalente, l’assemblée charge ses députés d’insister sur l’abolition des provisions., expectatives, dispenses, et autres expéditions de cour de Rome, et pour que toutes soient données et accordées à l’avenir par les ordinaires diocésains ; l’assemblée les charge même d’examiner si, le droit d’accorder des dispenses pour les empêchements de mariage appartenant à la puissance séculière, il ne conviendrait pas de le lui restituer 746 [États gin. 1789.€ahiers.]r ARGHIVE&PARLEMENTAIRES. . [Bailliage d’Amiens;� comme oa A fait pour lés mariages des non catholiques. 3° Les annates sont un tribut que l’on paye au pape par un usage qui s’est perpétué jusqu’à nous et qui est contraire à l’article 14 de nos libertés. On sait que le produit des annates et de l’expédition des bulles fait passer à Rome 500,000 francs, année commune. Les députés demanderont que le droit ne soit plus à l’avenir payé en cour de Rome, mais versé dans la caisse de charité de chaque province. Ils demanderont aussi l’abolition des droits d’induit, même de ceux; accordés aux cours pour l’expectative des bénéfices. 4° La juridiction, quant au temporel, ne peut être qu’une, et les individus qui composent le clergé faisant partie de la nation comme ceux de la noblesse et du tiers, ils ne doivent pas plus avoir de juges particuliers et pris parmi eux que les deux autres ordres; et les députés insisteront, en conséquence de ce principe, pour que la juridiction temporelle sur les ecclésiastiques soit ôtée aux officiaux et autres juges purement ecclésiastiques. 5° Les députés demanderont la résidence des bénéficiers dans leurs bénéfices pendant au moins neuf mois de l’année, à peine d’être privés des revenus de leurs bénéfices comme le seul moyen de ramener les bénéfices à leur institution première, de les faire servir à l’instruction et à l’édification des gens de la campagne et entretenir parmi eux une abondance qui est le fruit de leurs peines et de leurs travaux. 6° La cumulation des bénéfices sur une même tête est contraire à leur institution et à l’intérêt général, qui réclame que leur bénigne influence s’étende sur un plus grand nombre' d’individus. En conséquence, on demandera que nul ecclésiastique ne puisse posséder plus d’un bénéfice. 7° La voix publique s’est élevée depuis longtemps contre l’insuffisance des portions congrues des curés et des vicaires. L’augmentation qui a été accordée il y a peu de temps est encore de beaucqup au-dessous du besoin, et l’assemblée, convaincue de cette vérité, charge les députés de demander que les portions congrues des curés de ville soient portées à 2,000 francs et celles de leurs vicaires à 1 ,000 francs, que les portions congrues des campagnes soient portées à 1,500 francs pour les paroisses composées de deux cents feux et au-dessous, avec augmentation' de 100 francs, pour chaque cinquante feux au-dessus et de la moitié pour les vicaires, au moyen de quoi le casuel forcé sera supprimé. 8° Les députés demanderont la réduction de la majeure partie des fêtes, dont l’institution est à charge au peuple sans aucun avantage réel pour la religion. 9° Les bonnes mœurs, l’unité de principe et de règles, le maintien de l’ordre dans la hiérarchie ecclésiastique, sont des motifs sur lesquels les dé-{>utés insisteront particulièrement pour obtenir 'abolition des litres de curé primitif et leur soumission aux ordinaires diocésains. 10° Ils demanderont également que tous les bénéfices simples, dont le titre ne sera point rapporté ou sera insuffisant pour faire le sort d’un ecclésiastique, soient supprimés, vacance avenante, et le revenu d’iceux versé dans une caisse particulière pour servir à l’amortissement des dettes du clergé. 11° Ils demanderont que les eanonicats soient affectés exclusivement aux curés, suivant l’ancienneté de-leurs fonctions, comme une juste récompense de leurs services dans le ministère, et qü’en général tous les bénéfices ne puissent être accordés qu’aux sujets diocésains.. 12° L’extinction et la sécularisation des abbayes commendataires et de tous les ordres religieux sera expressément demandée, avec translation des charges et fondations dont ils sont tenus dans les églises paroissiales des lieux, et l’aliénation de leurs biens, pour le prix en provenant être versé dans une caisse particulière, sous la direction des Etats provinciaux, et employé suivant. la desti nation qui sera avisée par les Etats généraux, notamment à l’acquit des portions congrues. . 13° Les dîmes ecclésiastiques sont un droit nuisible à l’agriculture et injuste tant par l’inégalité dé sa perception que parce qu’il se lève sur le produit réel des terres et non sur le produit net. Les députés demanderont donc leur extinction en faveur des fonds qui en sont grevés et qu’il soit assigné aux curés, à titre de remplacement, des honoraires conformes à ce qui a été dit à l’article des portions congrues. 14° Ils réclameront que les baux des biens des bénéfices ou gens demainmorte, même, de l’ordre de Malte, soient faits pour douze années ' entières et consécutives, sans pouvoir être résolus par la mort ou le changement des titulaires. * 1 5° Les députés insisteront également pour qu’il soit défendu aux ecclésiastiques de prendre aucuns biens à ferme, directement ou indirectement. 16° Ils demanderont qu’il soit pris des mesures pour que les reconstructions et entretiens des églises et presbytères cessent d’être à la charge des propriétaires. QUATRIÈME PARTIE. De la noblesse et du gouvernement militaire. 1° La noblesse ne doit pas être le prix des richesses; elle doit être au contraire la récompense des services et de la vertu. Ce serait une bonne institution que de< ne conférer la noblesse qu’à un certain nombre de personnes de chaque province, choisies et présentées au roi par les Etats provinciaux. Les députés proposeront donc cet établissement comme propre à rendre à cet ordre son ancienne splendeur. 2° La dernière ordonnance militaire paraît avoir été dirigée par esprit de corps directement contre le tiers-état. La suppression doit donc en être demandée et l’abolition absolue fie tout ce que les peines correctionnelles dans la discipline militaire peuvent avoir d’avilissant et de contraire à nos mœurs. Ils demanderont aussi l’admission du tiers-état aux grades militaires dans le service tant de terre que de mer. Le siècle de Louis XIV n’aurait pas vu la plupart des grands hommes qui l’ont illustré si cette ordonnance avait existé alors. . . 3° Les besoins de l’Etat et les principes d’une bonne administration ne pouvant admettre de places inutiles, les députés demanderont la suppression des gouvernements, commandements et états-majors des provinces et villes non frontières; le bon ordre semble exiger que ceux conservés résident dans leurs départements. 4° On demandera en même temps l’aliénation au profit de l’Etat des terrains employés aux fortifications inutiles et que les fonds nécessaires à l’entretien des fortifications qui seront jugées nécessaires soit déterminés invariablement ' 5° Le régime de la milice étant vicieux par les privilèges et les exemptions qu’il admet, les députés insisteront de la manière la plus positive sur sa suppression et demanderont que la milice soit convertie en une prestation en argent, à la- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d�Âmiens.] 747 quelle seront assujetties toutes les personnes indistinctement; tous les citoyens profitant de la défense commune doivent y contribuer également. 6° Celui de la garde-côte n’ayant pas lés mêmes inconvénients et n’étant pas susceptible d’être remplacé par aucun autre, les députés réclameront qu’il soit conservé ; mais ils demanderont en même temps qu’il soit payé sur les fonds de l’Etat vingt sols à chaque homme qui fera une garde de vingt-quatre heures. . 7° Les députés supplieront le roi de rendre le passage des troupes le plus rare possible, comme très-onéreux aux citoyens en particulier et à charge à l’Etat, et requerront à l’avenir que le logement soit une charge commune, à laquelle tous les ordres contribueront également. 8° Les compagnies de maréchaussée, dont l’établissement a procuré jusqu'ici tant d’avantages, sont insuffisantes pour remplir pleinement l’objet de leur institution. Les députés proposeront donc d’augmenter les brigades de maréchaussée dans toute la France et notamment dans la province. CINQUIÈME PARTIE. De la justice. C’est maintenant une vérité universellement reconnue que la législation française est vicieuse dans presque toutes ses parties et qu’il est nécessaire de la réformer. Pour y parvenir, Les députés demanderont : 1° Qu’il soit formé un nouveau code civil et criminel le plus simple possible, et uniforme pour tout le royaume. 2° Ils représenteront combien il serait important de faire cesser cette diversité de coutumes qui rend, pour ainsi dire, étrangers les uns aux autres les sujets du même royaume et souvent de la même province, et occasionne de fréquentes contestations. Ils demanderont qu’il soit pris des mesures pour ramener, autant que les circonstances et les mœurs locales le permettront, les coutumes à l’unité désirable, au moins pour chaque province. 3° Si la défense de l’honneur et de la vie des citoyens est infiniment plus précieuse que celle de leur fortune, il doit paraître bien inconséquent que la loi, qui les oblige à recourir à des tiers pour stipuler leurs intérêts en matière civile, les prive de la faculté d’avoir des défenseurs en matière criminelle. La raison, l’humanité et la justice ne permettent pas de laisser subsister plus longtemps cette inconséquence, et il est essentiel que les députés demandent qu’il soit donné un conseil aux accusés pour les assister dans les actes d’instruction, même dans leur interrogatoire. 4° Le jugement des accusés étant nécessairement déterminé par la force et le concours, des preuves acquises par l’instruction, il est infiniment dangereux que le soin de recueillir ces preuves soit confié à un seul homme qui peut être prévenu ou distrait, et qui, pourtant, se trouve ainsi constitué seul arbitre de la vie et de l’honneur des citoyens. Il est dpnc indispensable de demander que l’instruction des procès criminels ne puisse être faite que par le concours de trois Juges. 5° G est encore un grand abus que le juge d’instruction tourne, réduise et modifie à son gré les réponses des accusés et les dépositions des témoins; il arrive souvent que le sens en est altéré. Il serait convenable que les interrogatoires et les informations fussent faites en forme de dialogue, entre ïe juge, les témoins et accusés*, et que les réponses de ceux-ci fussent dictées par eux aux greffiers. 6° Les exemples anciens et récents des méprises malheureuses de 1a justice invitent à appeler ad jugement dés procès criminels, tant en première instance qu’en dernier rèssort, le plus grand nombre de juges possible. Les députés demanderont que tout procès criminel ne puisse être jugé en première instance par moins de( cinq juges, en dernier ressort par moins de onze, et que ,1 avis le plus sévère ne passe qu’à la pluralité de trois voix. 7° Il n’est personne qui ne sente la nécessité d’exprimer dans les jugements criminels les délits qui ont motivé la peine qu’ils infligent; il y, a donc lieu à demander l’abrogation de la formule adoptée de condamner pour les cas résultant du procès. 8° Il est également intéressant que les juges soient tenus d’exprimer le motif de leurs jugements en matière civile Cette institution est propre à bannir l’arbitraire des jugements : un juge jaloux de sa réputation se gardera !de rendre un jugement dont il ne pourra donner une bonne raison. La partie, qui croira pouvoir se plaindre de en jugement, n’aura à combattre que le motif qui l’aura fait rendre. On ne pourra plus citer des arrêts que des circonstances inconnues ont déterminées,' ét dont l’une et l’autre partie se disputent souvent davantage. Enfin, cette précaution, aussi simple que sage, fera disparate la contrariété apparente des jugements, qui est, tout à la fois, déshonorante pour les cours et funeste aux parties qu’elle égare en flattant leurs intérêts. r,; V “9° Les députés demanderont l’abolition ' de la question préalable comme une peine barbare et inutile. . J 10° Les peines doivent être déterrninées par l’énormité du crime et non par les qualités des accusés : tous les hommes sont égaux devant lés tribunaux humains comme devant le tribunal de la justice, divine; tous, quel que; soit leur rang, leur condition, doivent être sournjs aux mêmes peines,' lorsqu’ils se sont > rendus coupables du môme délité - Il n’y a pas de raison pour que ceux en qui le crime aurait dégradé la noblesse dans leur extraction, en conservent les prérogatives jusque dans le châtiment que la loi leur inflige. Les députés doivent donc demaiider qu’il n’y ait plus, à l’avenir, pour : le même crime, qu’un seul genre de peine de mort, . qui sera commun à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient. .//i*—-; . 11° Les fastes de l’histoire prouvent que trop souvent les commissions extraordinaires n’ontété établies que pour perdre des Jnjiocents ou sauver des coupables illustres ; il dévient donc nécessaire de demander que nulle personne ne puisse être jugée, en matière civile et criminelle, que par ses juges naturels ; et qu’à cet effet, il ne puisse être établi aucune commission extraordinaire, sauf en cas de parenté de l’accusé avec les juges du lieu, ou autres motifs de grande considération à renvoyer l’affaire au tribunal plus prochain. 12° Les députés demanderont aussi l’abolition de l’usage abusif des évocations au conseil des affaires contentieuses. S’il est utile que le conseil conserve le droit de casser les arrêts qui ont jugé contrôla disposition des ordonnancés, iinei’estpas 748 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] moins que ce droit soit restreint à ce cas seulement que le motif d’injustice évidente dont il est si facile d’abuser, n'en soit plus un de cassation; et que le conseil, en cassant les arrêts, ne retienne jamais le jugement du fond. 13° Les droits de committimus ,. les évocations générales et particulières sont autant de moyens mis dans la main de l’homme puissant pour se soustraire aux justes réclamations du faible. Ils forcent le malheureux à chercher loin de ses foyers une justice dispendieuse et souvent favorable aux privilèges, ou à abandonner ses droits légitimes. Ces motifs sont plus que suffisants pour autoriser à demander la suppression des droits de committimus au grand et au petit sceau des évocations générales accordées à certains ordres, de l’attribution accordée au scel du Châtelet et du privilège des bourgeois de Paris. 14° Si deux degrés de juridiction sont nécessaires en matière civile, sauf pour les objets de peu d’importance, ces degrés, portés à un nombre plus considérable, sont extrêmement onéreux et abusifs par les frais ruineux et inutiles qu’ils occasionnent. Les députés demanderont donc qu’il n’y ait plus à l’avenir, en matière civile, que deux degrés de juridiction, même un seul pour les objets de peu d’importance. 15° De là dérive la nécessité d’ôter aux juges seigneuriaux la connaissance des affaires contentieuses, sauf à leur conserver l’exercice de la Iiolice, le droit d’accorder des saisines, recevoir es aveux et dénombrement, foi et hommages, de faire les saisies féodales, les actes de tutelle et curatelle, et celui d’apposer les scellés, et faire les inventaires concurremment avec les notaires. En ôtant la connaissance des affaires contentieuses aux juges seigneuriaux, on diminuera le nombre des procès; car l’expérience prouve que les justices seigneuriales occasionnent plus de procès qu’elles n’en préviennent. On obviera à une infinité d’abus qui ne sont, nulle part, aussi multipliés que dans les justices seigneuriales, où il se commet journellement des faux, des surprises et des vexations qu’il est impossible de réprimer. Il sera néanmoins très-utile de conserver aux juges seigneuriaux le droit d'informer et décréter en matière crimiuelle, sauf à renvoyer les procédures et les accusés, s’ils sont saisis, aux juges royaux. 16° L’uniformité dans les tribunaux inférieurs est certainement digne de fixer l’attention de l’assemblée nationale : il serait utile, mais il est im-ossible d’établir la présidialité dans tous ces tri-unaux; il paraîtrait plus à propos de leur donner à tous le droit de juger en dernier ressort, au nombre de cinq juges, toutes affaires non excédantes 500 livres. A l’égard des affaires de plus grande importance, il n’y aurait pas d’inconvénient à les porter aux cours supérieures, auxquelles le recours serait plus facile, s’il en était établie une dans chaque généralité, comme on le proposera ci-après : pourquoi les députés demanderont que les bailliages et sénéchaussées connaissent en première instance de toutes matières civiles et criminelles, sans aucune exception, avec pouvoir de juger en dernier ressort, au nombre de trois juges, les causes civiles personnelles non excédantes 100 livres, et toutes autres causes non excédantes 500 livres, au nombre de cinq juges. 17° Dans les bailliages, dont le ressort est étendu, il sera utile de conserver les prévôtés royales qui y sont établies, même de rétablir celles qui étaient ci-devant établies hors le lieu du siège du bailliage, et qui y ont été réunies ; par ce moyen les parties privées du recours aux justices seigneuriales, en trouveront un presque aussi facile et moins susceptible d’inconvénient dans les prévôtés : pourquoi les députés demanderont que les prévôts soient autorisés à connaître de toutes matières civiles en première instance, à la charge de l’appel aux bailliages et sénéchaussées pour les affaires non excédantes 500 livres, et aux cours supérieures pour celles excédantes ladite somme. Ils demanderont pareillement que les prévôtés réunies au bailliage d’Amiens, sauf la prévôté d’Amiens, soient rétablies. 18° Le ressort de chaque siège, devant être déterminé pour la convenance et pour la plus grande commodité des justiciables, les députés demanderont qu’il soit formé de nouveaux arrondissements pour chaque bailliage et sénéchaussée, même pour les prévôtés, de manière à ce que la justice soit, le plus que faire se pourra, rapprochée des justiciables. Mais ce n’est point assez que le recours aux tribunaux inférieurs soit rendu plus facile , il est encore plus important de rapprocher des justiciables la justice souveraine. Sa Majesté, frappée des inconvénients sans nombre attachés au trop grand éloignement des cours souveraines, avait tenté d’y remédier par son édit du 8 mai 1788. Mais les moyens employés pour y parvenir n’étaient point assez étendus, et offraient plusieurs vices essentiels. Il aurait été pourtant facile de remédier. En supprimant l’exécution de cet édit par sa déclaration du 23 septembre, Sa Majesté a annoncé que rien ne pourrait la détourner de l’intention où elle était de diminuer les frais de contestations civiles, de simplifier les formes de procédure, et de remédier aux inconvénients inséparables de l’éloignement où sont plusieurs provinces des tribunaux supérieurs. Sa Majesté a ajouté que, désirant atteindre au but qu’elle s’était proposé, avec cet accord qui naît de la confiance publique, elle a cru pouvoir renvoyer à l’époque prochaine des Etals généraux l’accomplissement de ses vues bienfaisantes. Le temps est donc venu où ce grand et important ouvrage doit être consommé d’une manière aussi stable que solennelle. Les députés devront faire connaître à l’assemblée nationale que l’établissement tenté par l’édit du 8 mai 1788 ne remplissait que très-imparfaitement l’attente des peuples, et que le but d’utilité publique qu’ils désirent ne peut être atteint que par l’érection d’une cour supérieure de justice dans chaque généralité. Ils demanderont l’établissement d’une cour supérieure dans le chef-lieu de la généralité, et insisteront spécialement pour que la province jouisse de ce précieux avantage. 19° On ne peut se dissimuler que la multiplicité des tribunaux d’exception ne soit un très-grand abus dans l’ordre judiciaire. Elle a été portée à l’excès dans l’unique vue de tirer des finances. Plusieurs de ces tribunaux-n’ont presque point de fonctions. Celles qui ont entre elles la plus grande analogie, et qui auraient à peine occupé utilement un de ces tribunaux, ont été scandaleusement divisées entre plusieurs. Personne n’ignore qu’il eût été facile qu’un seul tribunal connût des matières d’aides, gabelles, traites et tailles ; et ces objets font l’ali- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENT* AIRES. [Bailliage d’Amiens.] 749 ment stérile de trois tribunaux qui deviennent inutiles au moyen data suppression généralement demandée de ces droits. Les bureaux des finances sont onéreux par leur inutilité, par les privilèges qu’ils confèrent; leur existence, d’ailleurs, rend déserts les tribunaux utiles. Les députés demanderont que l’édit du 8 mai 1788, concernant la suppression des tribunaux d’exception, soit mis en vigueur. 20° On a toujours, mais inutilement, réclamé jusqu’à ce jour contre la vénalité des offices de judicature, introduite dans des -vues purement fiscales. Elle a produit des maux trop réels. - Elle a éloigné des places de judicature la science et le mérite, pour les assigner exclusivement à l’argent. Ceux qui exercent sur leurs semblables le plus saint, le plus auguste des ministères, n’y ayant plus été appelés par la confiance et la vénération de leurs concitoyens, plusieurs se sont crus dispensés de les mériter. D’autres, ayant acheté à prix d’argent le droit de juger, ont calculé ce qu’il devait leur produire sur le prix qu’ils en avaient payé ; et la considération de leur intérêt particulier a quelquefois influé sur leurs jugements. . Le moindre des abus qu’a produit la vénalité des offices, et il est très-considérable, a été de confier à la jeunesse et à l’inexpérience des fonctions redoutables, dont l’homme sage, réfléchi et capable n’approche pas sans frayeur. La régénération de l’ordre public ne serait point parfaite, si cet abus échappait aux réformes utiles qui se préparent; les députés demanderont donc la suppression de la vénalité des charges et offices de judicature en général. Ils demanderont que les magistrats des cours supérieures soient élus par les Etats provinciaux; ceux des cours inférieures par les municipalités de leur ressort, parmi les avocats et autres officiers gradués, qui auront exercé pendant cinq ans, et qui auront le mieux mérité de leurs concitoyens; Que les membres desdites cours soient pris dans les trois ordres, de manière que la moitié des places soit toujours affectée à l’ordre du tiers, et que tout soit présenté à Sa Majesté pour recevoir d’elle des provisions. 21® Ils demanderont qu’il ne soit recréé aucune place de commissaires enquêteurs, greffiers de f’écritoire, et contrôleurs des experts. Les enquêtes peuvent et doivent être faites par l’un des conseillers ; les offices de commissaires sont inutiles : leurs fonctions seraient mieux remplies par les juges. Une seule enquête suffit aux deux parties, sauf à elles à produire des témoins qu'elles voudraient faire ouïr. Il est abusif que le même témoin déposé du même fait dans deux enquêtes. En supprimant cet abus, on préviendra un grand scandale; on ne verra plus la même personne faire deux dépositions contradictoires su; le même fait, mais devant deux commissaires différents. Les greffiers del’écritoire ont été institués pour mettre les experts à l’abri de la surprise ; et il en résulte l’effet tout contraire, ces officiers se rendant à peu près maîtres de la rédaction des rapports, qu’ils tournent à leur gré. D’ailleurs, leur présence, inutile lorsqu’elle n’est pas dangereuse, augmente considérablement les frais des rapports, qui sont aujourd’hui énormes. Il serait moins dispendieux et plus simple que les rapports fussent rédigés par les experts, qui les déposeraient au greffe. 22° L’énormité des frais actuels des rapports tient encore à un autre abus qu’il est très-facile et très-urgent de réformer. Les procureurs des parties se transportent avec les experts sur le local où ils font des soutenues très-longues -, ils y produisent et discutent les titres. Ces discussions augmentent considérablement les vacations des experts qui y sont présents. Il serait plus simple qu’il s’ouvrît un procès-verbal au greffe, comme cela se pratique pour les ordres. Les parties y inscriraient, hors la présence des experts, leur dires et réquisitions; elles y feraient l’énumération de leurs titres et leur application. Tout étant dit de part et d’autre, le procès-verbal serait remis aux experts, qui y auraient, tout en procédant aux visites, tel égard que de raison, et qui inscriraient à la suite leur rapport. Les députés devront proposer cette forme simple et facile, comme propre à diminuer beaucoup les frais de visite. 23° lis demanderont particulièrement la suppression des offices de jurés priseurs comme infiniment onéreux au public ; l’Etat a été évidemment trompé dans Ja vente de ces offices, qui rapportent immensément à ceux qui les ont achetés à vil prix. 24° Ils demanderont la suppression des receveurs de consignations. Les droits attribués à ces officiers tombent directement sur les malheureux débiteurs, et souvent sur leurs créanciers, auxquels ils enlèvent une partie de leur collocation. Les deniers consignés peuvent être versés, sans frais ni remise aucune , dans les caisses des Etats provinciaux, 25° Le privilège dont jouissent les notaires de Paris est contre le droit commun; il doit être supprimé. Il est juste que chaque officier soit renfermé dans un ressort qui lui est assigné. Les députés demanderont la suppression de ce privilège; ils demanderont aussi que, dans le cas où les places de tabellions, attachées à aucune justice seigneuriale, seraient conservées, ceux qui en seront pourvus à l’avenir ne puissent être reçus que par les juges royaux, et avec les mêmes formalités auxquelles sont assujettis les notaires royaux pour leur réception. Ils exprimeront le vœu de l’assemblée pour que les juges soient plus sévères dans l’examen des sujets qui se présenteront pour être reçus aux charges de notaires. 26° Les lettres de ratification , substituées aux décrets volontaires, sont une bonne institution ; mais, comme les institutions humaines, elles ont leurs inconvénients. On en diminuerait l’étendue en ordonnant que les contrats de vente seront non-seulement affichés dans le siège de la situation des biens, mais encore dans celui du domicile du vendeur, sans que cette nouvelle affiche puisse donner lieu à de nouveaux droits. 27° Les députés demanderont l’abrogation des saisies réelles, décrets, ventes par licitation, ordre, et des formalités rigoureuses du retrait lignager, auxquelles procédures seront substituées des formes plus simples, plus faciles et moins dispendieuses. 11 est digne de l’assemblée nationale de prendre en considération les frais énormes que ces pro-r cédures occasionnent. Il n’arrive que trop souvent que le patrimoine enlevé par l’autorité de la loi à des débiteurs, malheureux devienne celui des officiers de la justice, en pure perte pôur les débiteurs et les créanciers.. [États 1789. Cahiers.] ARGHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.} 28° Les députés demanderont l’abrogation des yisauet;P§rentis pour mettre les sentences et arrêts à exécution , même pour former les demandes. . Cesformalités sont aussi vaines que ridicules. Jies sentences de tous les tribunaux sont rendues Sous l'autorité du roi ;leur exécution ne doit pas rencontrer d’obstacles dans toutes les terres de sa domination, 29° Les députés demanderont que les fonctions d’avocats et de procureurs soient réunies dans toutes les juridictions royales ; pourquoi nul ne Eourra exercer lesdites fonctions, s’il n’est gradué. s demanderont aussi qu’il soit fait un tarif universel pour les officiers de toutes les juridictions, proportionné à l’importance des villes où seront établies lesdites juridictions. 3Q° Les députés demanderont que la noblesse personnelle soit attribuée aux magistrats des cours supérieures et inférieures , pendant l’exercice de leurs fonctions ; laquelle sera transmissible à la troisième génération. Cette faveur est bien due à des magistrats qui consacrent leur vie à l’étude des lois, et qui rem-lissent avec assiduité les importantes et péni-les fonctions qui leur sont confiées. Et puisque , désormais, la noblesse doit être la récompense des vertus et des travaux utiles, qui plus que le magistrat intègre et laborieux a droit d’y prétendre? 31° Cependant une décoration personnelle ne serait pas une indemnité suffisante des peines et des soins assidus qu’exige des magistrats l’expédition des affaires civiles et criminelles. Et en même temps que les députés demanderont la suppression des épices et vacations des juges, ils exprimeront le vœu, que forme l’assemblée, pour qu’il soit attribué des gages proportionnés à l’importance de leurs services. 32° La justice devant être rendue gratuitement , ce ne serait point assez de supprimer les épices et vacations des juges ; il est plus pressant, plus nécessaire encore de supprimer tous les droits fiscaux qui pèsent énormément sur les plaideurs. Trop longtemps le génie fiscal, en se mêlant aux fonctions augustes de la justice , est parvenu à tirer parti de la nécessité, où les uns sont contraints par la mauvaise foi des autres, d’avoir recours aux tribunaux. Les députés demanderont donc la suppression absolue de tous les droits fiscaux perçus sur les actes judiciaires. 33° Ils observeront cependant que le vœu de l’assemblée n’est point de comprendre dans cette suppression le droit de contrôle, Ce droit ale rare avantage d’avoir un objet utile, celui d’assurer la date des actes judiciaires. Mais il doit être converti en un simple droit d’enregistrement uniforme pour tout le royaume et pour tous les actes judiciaires. 34° L’assemblée a pensé qu’iautilement la justice serait dégagée des entraves de la fiscalité, si on ne prévoit les moyens propres à accélérer l’expédition des affaires. Le roi doit à ses sujets, de quelque condition qu’ils soient, et. sans acception de personne, bonne et briève justice ses officiers doivent l’acquitter de cette double dette. L’assemblée a, en conséquence, chargé ses députés de demander qu’il soit fixé un délai dans lequel tous procès devraient être terminés dans les différents tribunaux ; et que ce délai courre du jour où la partie la plus diligente aura enregistré sa cause dans un rôle public qui sera ouvert au greffe de chaque juridiction ; et que toutes les causes soient jugées dans l’ordre de leur insertion au rôle , sans qu’il soit permis aux juges , pour quelque cause et. sous quelque prétexte que ce soit, d’intervertir ledit ordre. ' ' Les députés représenteront que chaque citoyen ayant un droit égal à la distribution de la justice, il a celui de fixer son rang dans l’ordre de cette distribution, et que la raison et l’équité veulent que celui qui a lè premier imploré l’appui de la loi, reçoive aussi le premier la faveur de ses oracles. ‘ 35° Les députés observeront qu’il est essentiel que toute sentence , qui porte une condamnation réparable en définitive, soit exécutée par provision ; outre que cet hommage est dû à l’autorité de la loi, c’est un moyen d’éviter beaucoup d’appels que la mauvaise foi seule fait interjeter. Ils demanderont donc que toutes sentences soient exécutoires par provision , nonobstant appel, en donnant caution , et qu’il soit fait défenses aux juges supérieurs d’accorder contre icelles aucun arrêt de défenses. 36° Il n’arrive que trop fréquemment des difficultés entre les cultivateurs pour les limites de leurs dépouilles (sic) et ces difficultés, dont l’objet est ordinairement très-peu important , ne peuvent être jugées dans les tribunaux ordinaires, ni avec assez de célérité, ni avec la simplicité convenable à ces sortes d’affaires. Le vœu de l’assemblée serait qu’elles fussent réglées sans frais et sans instruction par les municipalités de chaque paroisse, dont les membres, pouvant à tout instant se porter sur le local , paraissent être plus propres que les juges à terminer sommairement ces sortes de contestations , pour le règlement desquelles il ne faut que l’œil éclairé d’un observateur impartial. 37° L’assemblée, qui vient de recevoir, de la part des ordres du clergé et de la noblesse , une déclaration qui caractérise leur justice et leur affection pour le troisième ordre , et tout à la fois leur zèle pour le salut et la prospérité de la patrie, n’entend pas porter la moindre atteinte aux droits de propriété des deux premiers ordres. Persuadée que les membres qui les composent ignorent l’abus qu’on fait, en leur nom, du droit de chasse qui appartient aux propriétés féodales , loin de l’autoriser, l’assemblée croit devoir entrer dans les vues d’équité qui caractérisent les deux premiers ordres, en formant un vœu qui ne fera, sans doute, que prévenir celui qu’ils formeront eux-mêmes. Ce vœu est que le code des chasses, reconnu vicieux, soit réformé ; Que l’arrêt du Parlement de Paris de l’année 1779, qui a apporté des entraves multipliées , et pour ainsi dire insurmontables, aux réclamations que nécessite souvent la trop grande multiplicité des lapins, soit cassé ; Qu’il soit fait un règlement simple qui trace une marche facile et peu dispendieuse pour constater les dégâts causés par les lapins , lièvres et toute espèce de gibier, et pour en assurer l’ip-demnité aux cultivateurs. 38° Le vœu de l’assemblée s’étendra jusque sur les gardes des seigneurs. Il est juste qu’ils aient des gardes tireurs, mais celui-là seul doit porter un fusil dans les temps où la chasse est permise. A l’égard des autres , ils ne doivent être armés en tous temps que d’une hallebarde et de pistolets de ceinture pour leur défense. Les accidents récents, arrivés par l’emportement aveugle de plusieurs gardes, sont des motifs pressants de requérir avec instance l’exécution striçteet sèvère des règlements qui leur défendent de porter des fusils. [Étftts gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'AmièhSj j ÎW Il serait, sans doute , à désirer que là déclaration d?un seul garde ne fût pas regardée comme suffisante pour constater un délit. Cependant, comme il serait ruineux pour les seigneurs d'avoir plusieurs-gardes, l’assemblée se bornera à demander qu’il ne soit ajouté foi en justice qu’aux procès-verbaux qui seront écrits entièrement de îa main du garde dont ils contiendront le rapport ; que nul ne soit reçu garde avau; l’âge de vingt-cinq ans, sans qu’il puisse être accordé de dispense a’âge, et que l’information, qui doit précéder sa réception, soit faite avec une sévérité salutaire, etne soitplus, commec’est aujourd’hui, line vaine et coûteuse formalité. 39° L’assemblée a également considéré que la maxime : nulle: terre sans seigneur , et nul franc-' alleu sans titre , s’est établie, depuis quelques siècles, par un abus manifeste des principes ; elle charge ses députés de demander que le franc-alleu puisse s’établir, comme toutes les autres propriétés, par une possession légale. 40° Enfin, l’assemblée , ayant considéré que l’établissement des Etats provinciaux doit rendre très-coûteux celui des intendants de province, il était à propos d’en demander la suppression. Qu’elle est d’autant plus indispensable que si l’établissement des intendants subsistait, il faudrait conserver aussi leurs subdélégués qui , depuis longtemps, exercent sur les habitants ae la campagne des vexations incroyables; leur notoriété dispense d’en faire ici l’énumération. ' SIXIÈME PARTIE. Des finances. Tous ceux qui profitent de la protection publique, à quelque ordre qu’ils appartiennent, dans quelque rang qu'ils soient nés, dans quelques pays qu’ils habitent, doivent contribuer, dans une juste proportion, à la dépense qu’exige l’honneur et la défense de l’Etat. Une province n’étant pas plus tenue qu’une autre aux charges communes, la surcharge des impôts, sous lesquels gémit depuis longtemps la Picardie, ne doit pas être éternellement l’unique distinction que lui ait valu son antique attachement à la couronne et sa constante fidélité. Et le roi, en garantissant les privilèges d’une province, ne s’est pas interdit de les communiquer à une autre. 1° Les députés demanderont donc et insisteront de tout leur pouvoir et sans départir, sur ce que tous les impôts en général, et de quelque nature qu’ils puissent être, soient payés par toutes personnes sans distinction d’ordre, de rang, de condition, ni de privilèges, ceux de l’ordre de Malte compris, et sans aucun abonnement ni traitement particulier. 2° Ils insisteront également sur ce que les impôts soient uniformes par toutes les provinces et villes du royaume. 3° Les députés ne pourront consentir aux subsides qui seront jugés nécessaires, que pour une tenue d’Etats généraux à l’autre. 4° Ils établiront que les pensions ne peuvent être considérées que comme des récompenses pécuniaires. En conséquence, ils demanderont la suppression de toutes celles qui n’auraient pas été personnellement méritées, et la réduction de celles exorbitantes. Et comme il convient de subordonner, en tout, la dépense à la recette, et conséquemment de fixer chaque partie de la première, les députés réclameront qu’il soit fait un fonds déterminé invariablement pour l’acquit des pensions qui seront légitimement accordées. Ils insisteront d’ailleurs sur toutes les réformes qui ne peuvent nuire ni préjudicier à l’honneur et à la défense de l’Etat et à la sûreté du royaume. 5° De tous les impôts qui pèsent aujourd’hui diversement sur les hommes et sur les propriétés, la taille, 'les aides et la gabelle sont les seuls qui aient été consentis par les Etats généraux: encore ont-ils subi une telle altération qu’ils ne conservent presque plus rien de leur institution primitive. Il faut donc demander la suppression de tous les impôts, parce qu’ils sont inconstitutionnels. D’après ce principe, les députés demanderont la suppression et abolition totale des impôts de la taille, capitation, accessoires taillables, vingtièmes, aides, gabelle et vente exclusive du tabac. Ils observeront que les tailles accessoires et capitation sont particulièrement ruineuses et accablantes pour les habitants des campagnes. 6° Us demanderont aussi la suppression des droits casuels et réservés dont la régie est tout à la fois vicieuse et vexatoire ; 7° Celle du centième denier, tant, sur les immeubles que sur les offices, et de tous les autres droits de pareille nature. 8° Ils demanderont l’abolition du droit de franc-fief, comme minutieux dans la perception, injuste dans son principe, révoltant dans l’extension qU’on lui a donnée, et contraire même aux intérêts du roi, par la gêne et par les entraves qu’il apporte dans le commerce des terres de nature féodale, et la vilité du prix auquel il les a réduites. 9° Le contrôle a un objet d’utilité, joint à celui de la fiscalité ; par cette raison, il sera nécessaire de le conserver ; mais, en même temps, il sera indispensable de composer un nouveau tarif qui, par la clarté et l’étendue du plan, ne laisse point de prise à l’arbitraire. Les règlements, intervenus sur cette matière, sont compliqués, nombreux et contradictoires; ils sont, d’ailleurs, tant à Davantage de l’administration qu’ils donnent lieu à des abus effrayants. En en formant un nouveau, il faudra donc y imposer la condition qu’il ne sera jamais interprété qu’en faveur des redevables. En conséquence, les députés demanderont la suppression du droit de contrôle, sauf à le convertir en un simple droit d’enregistrement pour tous les actes, sans qu’en aucun cas le droit puisse être multiplié à raison des stipulations, ni du nombre des parties, ni étendu aux actes de côftf-merce, qui n’ont point, jusqu’à présent, été assujettis au contrôle. 10° Les barrières intérieures divisent les intérêts entre lés citoyens d’un même Etat, les rendent étrangers les uns aux autres, apportent des entraves à la circulation et au commerce, et servent à la levée de subsides injustes, vexatoireé, et humiliants ; il convient donc de demander et d’insister sur le reculement des barrières, en rapportant la perception de tous les droits à l’entrée du royaume. Il sera, en même temps, formé un tarif général qui fixera les droits à percevoir aux barrières, sans qu’ils puissent être augmentés arbitrairement, et autrement que de l’avis et du consentement des Etats généraux. Pour favoriser l’industrie nationale, les droits à percevoir sur les marchandises fabriquées, tirées de l’étranger, seront portés au plus haut taux possible. Et, pat Te même principe, on prendra des çiesurespout àn-pêéfieHt sdftié ;âës maïiéfés prenfi'èrési, -et n«- 7Kâ [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] tamment des laines, soit par l’interdiction absolue de l’exportation, soit en les assujettissant à de très-gros droits à la sortie. La perception des impôts à l’entrée du royaume devra porter aussi particulièrement sur les superfluités, telles que le tabac, le café, le thé, le sucre, et autres objets de cette nature, autant, toutefois, que le comportera l’avantage du commerce des colonies et sans que les matières premières à employer dans les manufactures puissent y être assujetties et non plus que les grains, telles que luzerne, trèfle, et autres de pareille nature servant à l’agriculture. On affranchira, au contraire, par le tarif, de tout impôt à l’entrée, les matières de première nécessité, et notamment les graines, le charbon de terre et les huiles. 11° Les députés demanderont la suppression des octrois qui se perçoivent dans la Picardie, sauf à les remplacer d’une autre manière. 12° Les députés demanderont la réformation du régime des messageries, en ce qu’il donne lieu à des . recherches, à des gênes et à des exactions contraires à la liberté des citoyens, et qu’il est d’ailleurs nuisible au commerce. 13° Le régime actuel des ponts et chaussées, étant extrêmement dispendieux et arbitraire, les députés en demanderont la suppression, ainsi que l’abolition des corvées, sauf à y subvenir par une augmentation de subsides qui sera supportée et répartie sur les personnes. 14® Les députés demanderont la suppression des receveurs généraux et particuliers des finances, comme à charge à l’Etat, sauf à pourvoir à leur remboursement; et qu’il soit établi une caisse nationale sous la direction des Etats généraux, et des caisses provinciales sous celle des Etats provinciaux, en obligeant ces dernières à verser directement leurs fonds dans la première, de mois en mois. 15° Après que tous les retranchements qu’exigent la justice, le malheur des temps et la misère du peuple, auront été opérés, les députés demanderont la vérification et la fixation du montant de la dette publique ; ils détermineront et fixeront le remboursement des offices, et celui des domaines aliénés. Enfin, ils reconnaîtront et consolideront le tout comme dette nationale. L’assemblée, considérant que la multiplicité des impôts nécessiterait un plus grand nombre d’agents pour les percevoir et mulplierait les abus ; qu’il est de l’intérêt de la nation de les réduire au moindre nombre possible, et que les subsides qui frapperaient également sur toutes les propriétés réelles et mobilières, seraient les plus conformes aux principes de la justice distributive, charge ses députés de proposer et consentir l’établissement de deux impôts , l’un sur les propriétés réelles, l’autre sur les facultés industrielles et mobilières. 16° La perception du premier de ces deux impôts ne pourra être faite en nature, parce que ce mode serait injuste, indépendamment des inconvénients sans nombre qu’il entraînerait. En effet, le -cultivateur, qui a obtenu des productions abondantes par ses avances, et son travail, et son industrie particulière, payerait de trop, et le cultivateur indolent ne payerait pas assez. La différence des frais et mises, suivant la nature des terres ou l’espèce de culture, offre encore de nouveaux motifs de rejeter tout impôt perceptible en nature. En mesurant, au coiftraire, l’impôt, hon pas sur ce que le fonds a produit, mais sur ce qu’il a dû produire par une culture ordinaire, tous les inconvénients cessent et il n’ÿ a pas d’injustice : ce mode sera d’ailleurs propre à exciter l’émulation des cultivateurs. Les députés requerront donc que l’impôt qui sera établi sur les fonds soit perçu en argent, et supporté également par les trois ordres de l’Etat, sur un même rôle de répartition et dans le lieu de leur situation. Les propriétés foncières de pur agrément y seront également assujetties. 17° Le second ne portera que sur les revenus et bénéfices.non soumis à l’impôt réel; et le mode en sera déterminé par les Etats généraux de manière à écarter l’arbitraire et à rendre la perception telle qu’elle frappera plus particulièrement sur les capitalistes négociants et autres possesseurs de fortunes mobilières. 18° Les députés requerront qu’il soit appliqué� aux dépenses de chacun des départements, ainsi qu’aux objets de dépenses extraordinaires, une branche correspondante du produit des impôts, de manière que jamais les fonds d’un département ne puissent être versés et appliqués à un autre; et les administrateurs seront responsables de l’infraction qui sera portée à cette disposition. 19° Les appointements, traitements, pensions, arrérages de rente et généralement toutes les dettes de l’Etat, seront payés et acquittés dans les provinces sur les produits des caisses qui y seront affectés, et les quittances envoyées pour comptant au trésor national. 20° Le nouvel ordre de choses qui se prépare, en changeant le taux de la taxe des biens, nécessitera les Etats généraux de déterminer la retenue sur les rentes dans une autre proportion. 21° Il est des opérations ministérielles sur lesquelles les Etats généraux semblent ne pouvoir se dispenser de revenir, telle entre autres la réduction des rentes sur le roi faite par l’abbé Terray et par plusieurs de ses prédécesseurs dans le ministère des finances. Cette opération injuste a ruiné un grand nombre de familles, et la justice semble prescrire à la nation assemblée de chercher à réparer cette injustice. Le nouveau roi d’Espagne vient de donner, en ce genre, un bel exemple à suivre : il a ordonné, par son décret du 18 décembre dernier, que les dettes des rois ses prédécesseur seraient payées selon le montant de leur capital à ceux qui ont traité avec le roi, ou à leurs héritiers , et qu’il y aura composition avec ceux qui sont devenus créanciers par achat, cession, ou autrement. SEPTIÈME PARTIE. Du commerce , de V agriculture , des manufactures et des arts. Comme il est universellement reconnu que c’est au commerce et à l’agriculture que les Etats le plus florissants doivent leur splendeur, on ne saurait douter que ces articles intéressants ne fixent l’attention de l’assemblée nationale. Déjà, par un heureux accord, ces deux arts, étroitement liés en France, semblent se prêter un secours et un éclat réciproques ; car, si l’agriculture peut se glorifier d’avoir ouvert quelques branches au commerce fie spéculation, le commerce, à son tour, a la satisfaction de relever le courage trop souvent abattu des cultivateurs. A ces avantages mutuels, le commerce réunit presque seul celui d’entretenir l’abondance, de soutenir la guerre, de ramener la paix, et d’embrasser à la fois tous ces grands intérêts. Le commerce, en un mot, est en France la providcncer de l’Etat ; et la nation assemblée lui doit une protection d’autant plus éclatante (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.] 753 que les avantages qui y sont attachés sont actuellement un patrimoine commun à tous les ordres et à toutes les classes de citoyens. Pour parvenir à ce but si désirable, les députés demanderont : 1° Que, dans le cas où il y aurait trop d’inconvénient à rompre le traité de commerce avec l’Angleterre, il soit mis des droits additionnels sur les étoffes des fabriques anglaises, et qu’il soit apporté à leur circulation en France les mêmes entraves que les Anglais mettent, chez eux, à l’introduction et à la circulation intérieure des étoffes françaises ; à ce que les droits de sortie des marchandises expédiées d’Angleterre en France, soient les mêmes lorsqu’elles sont transportées sous le pavillon . français, que ceux qui sont perçus pour le transport sous le pavillon anglais : la réciprocité peut ici se concilier avec la foi due aux engagements; 2° Que le roi soit supplié de ne plus faire à l’avenir de traité de commerce quaprès avoir consulté les Etats provinciaux, les chambres consulaires, et de commerce; 3° Que le commerce soit libre pour tout le royaume aux Grandes Indes et au Levant, et que tous les privilèges exclusifs soient anéantis : ces privilèges ne servent qu’à étouffer l’émulation en France. Ce ne sont pas des privilèges que l’on doit accorder, mais des encouragements, des distinctions flatteuses, de l’honneur, enfin ; il fut et sera toujours le plus sûr aiguillon des Français ; 4° Que le commerce du sel soit libre et affranchi de tout droit : cette denrée, de première nécessité à l’humanité et à l’agriculture, doit ouvrir au commerce une nouvelle branche, sans jamais à l’avenir faire l’objet d’un impôt ; 5° Que la liberté au commerce du tabac, des eaux-de-vie et des vins étranger soit, à l’entrée du royaume, un droit uniforme pour toutes les provinces. Quand l’Etat ne ferait qu’économiser les frais de régie, ce serait déjà un grand avantage ; mais il empêcherait plus facilement la contrebande qui tue l’industrie, et il préviendrait le découragement que la complication des droits d’aides et que la vexation actuelle de la régie impriment sur le commerce des liqueurs ; 6° Que le poids, l’aune et les mesures de Paris soient communs et uniformes pour tout le royaume, comme un moyen efficace d’entretenir l’abondance, de maintenir, dans toutes les provinces, le juste équilibre dans les prix des mêmes denrées, et d’augmenter le commerce par la simplification des calculs devenus à la portée de tous les individus ; 7° Que la pêche nationale soit encouragée. Elle présente le double avantage de-fournir à l’Etat d’excellents matelots, classe précieuse de citoyens, et d’ouvrir, dans nos ports, différentes branches d’un commerce encore ignoré ; 8° La révocation de l’arrêt du 30 août 1784, qui, en permettant aux étrangers le commerce de nos colonies, fait la ruine et la désolation de nos provinces maritimes ; 9° Les députés aviseront aux moyens d’encourager la fabrication et l’exportation des toiles et des étoffes de nos manufactures, en accordant des primes d’exportation, ou en proposant de nouveaux traités de cammerce et d’amitié avec les autres puissances de l’Europe. Us observeront que les An-lais sont favorisés dans presque toutes les cours u Nord; et que, dans celles du Midi, telles que le Portugal et l’Italie, ils sont parvenus à faire prohiber celles de nos étoffes dont ils ne peuvent lre Série, T. Ier. soutenir la concurrence, comme pannes ciselées, pannes poil, tigrées, etc., et qu’en Espagne même, plusieurs de leurs articles jouissent sur les droits d’une faveur que la politique etde droit des gens réprouvent également. En conséquence, les députés demanderont qu’il soit pris des mesures suffisantes pour qu’aucune de nos étoffes ne soit prohibée nulle part, pour le seul avantage de l’Angleterre, et pour qu’auçune nation ne soit favorisée sur les droits d’entrée chez l’étranger, au préjudice du commerce de France. 10° Que les cotons filés en France puissent s’exporter à l’étranger en exemption de tous droits, ce qui laisserait dans le royaume le bénéfice de la main-d’œuvre, et ouvrirait une branche de commerce chez des voisins qui ont prohibé nos étoffes fabriquées avec cette matière, et qui accueillent favorablement le coton filé à notre manière. 11° Que toutes les matières premières, servant à la fabrication et à la teinture des étoffes, quelle que Soit leur origine, ne soient assujetties à aucun droit en France; la raison et la politique réclament impérieusement que tout ce qui sert à enrichir la nation, à augmenter sa population, à rendre les étrangers tributaires de son industrie, soit encouragé et non imposé. 12° Que le colportage soit interdit dans les villes, faubourgs et banlieues où il y a jurande. Ce commerce réunit tant d’abus que, si on ne juge pas devoir l’abolir partout, il ne doit, au plus, être toléré que dans les campagnes, pour la plus grande commodité de ses habitants. 13° Que les bureaux de marques et les inspecteurs de manufactures soient supprimés. Ces frais deviennent vexatoires et inutiles, vu l'entière liberté accordée aux fabrications. 14° L’abolition des lettres de maîtrises, et l’établissement d’un régime universel pour chaque espèce de profession d’arts et métiers, suivant lequel les aspirants seront tenus de faire apprentissage et chef-d’œuvre. C’est le moyen d’exciter l’émulation, et de perfectionner les arts, en assurant à chacun le juste tribut de ses talents et de son travail. 15° Que le transit de l’étranger à l’étranger soit permis par l’intérieur de la France, à l’exception seulement des étoffes qui pourraient entraîner des inconvénients. S’il est du devoir des députés de faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour ouvrir de nouvelles branches de commerce et améliorer celles déjà existantes, il ne l’est pas moins de la réforme de la législation. Deux siècles et plus écoulés depuis le premier établissement des juridictions consulaires, nécessitent aujourd’hui les changements survenus dans nos mœurs et nos usages mercantiles. En conséquence, les députés demanderont : 1° Que le nouveau code ait particulièrement en vue la bonne foi du commerce, l’abréviation des procès et la prescription des formes ; 2° Que l’ordonnance de Blois, et l'ordonnance de 1759 seront exécutées ; mais qu’il sera ordonné de suivre , la procédure sommaire prescrite pour les matières de commerce ; 3° Que les sentences consulaires soient exécutées par tout le royaume, nonobstant tous arrêts de défense, lorsqu’il aura été donné caution pour l’exécution provisoire ; _ 4° Que les privilèges de refuge attachés à certains lieux, tels que le Temple et autres, soient supprimés. Dans ce siècle de la raison et de la philosophie, on a peine à croire qu’il existe encore de ces lieux, où on trouve l’impunité de 48 IM [Etats gin. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Amiens. J violation de ses engagements, et où l’on se dérobe à Ja sévère vigilance de la justice ; 5° Que toutes les juridictions consulaires auront un procureur-syndic choisi parmi les anciens consuls ; 6° Que les faillites, revendications, ordre et répartitions de deniers soient restitués aux juridictions consulaires, à la charge d’y procéder sans frais, et sans retard, sauf, cependant, l’exécution de l’ordonnance de 1759, et sous les modifications portées en l’article 2 ci-dessus -, les longueurs et les frais énormes nécessaires pour parvenir à la liquidation des faillites portées devant les juges royaux mettent presque toujours les faillis hors d’état de se rétablir : ils augmentent la pertedes créanciers, déjà assez infortunés, et donnent lieu à de nouveaux malheurs ; 7° Que, dans toutes les faillites, le ministère public soit tenu de vérifier si elles sont ou non frauduleuses. Dans le premier cas, il poursuivra extraordinairement le failli, lequel sera toujours emprisonné provisionnellement. La multiplicité des banqueroutes frauduleuses exige qu’on mette en vigueur les lois promulguées à ce sujet; 8° Qu’il soit donné aux juridictions consulaires une ampliation de pouvoir en dernier ressort, en proportion de l’augmentation du numéraire et du commerce ; 9° Que tous les effets de commerce n’aient qu’une seule et même échéance dans tout le royaume : cela dispenserait les citoyens de toutes les classes, qui reçoivent en payement ces sortes d’effets, d’une étude continuelle des usages locaux, et leur éviterait les inconvénients sans nombre qui en résulteut; et cependant, qu’il soit accordé au porteur d’effet dix jours après l’échéance, pour faire la demande, autant pour le recours et la garantie dans les dix premières lieues, et un jour de plus pour chaque cinq lieues jusqu’au premier endosseur, et à dater du jour du protêt: 10° Que la contrainte par corps, dans tous les cas où elle aura lieu, soit exercée en tout temps, à toutes heures, et en tous lieux. 11° L’assemblée, ayant pris en considération le commerce de la côte d’Afrique et de nos colonies, est demeurée d’accord que la traite des nègres est l’origine des crimes les plus atroces; qu’un homme ne peut, à aucun titre, devenir la propriété d’un autre homme ; que la justice et l’humanité réclament également contre l’esclavage. L’assemblée, convaincue en même temps qu’un bien de cette nature ne peut être Fouvrage d’un jour, et que son voeu ne peut pas perdre de vue la culture des colonies et la propriété des colons dont elle ne prétend pas détruire les richesses, mais seulement en épurer la source, et les rendre innocentes et légitimes, a chargé ses députés de demander aux Etats généraux d’aviser aux moyens les plus convenables d’anéantir la traite des nègres et de préparer l’abolition de l’esclavage des noirs. Agriculture. 1° Les députés demanderont la suppression des haras et gardes-étalons, parce que leur établissement est absurde et préjudiciable à la propagation et à l’amélioration de l’espèce des chevaux. 2° L’éducation des bestiaux qui servent à la culture des terres, et dont les hommes tirent, tout à la fois leur nourriture et leurs vêtements, est encore loin de la perfection. Cette branche d’industrie doit exciter l'attention des Etats généraux. Loin d’être grevé par l’impôt, le cultivateur intelligent, qui aura multiplié ses élèves,' doit recevoir des récompenses. Les députés feront donc connaître la nécessité d’aviser aux moyens de perfectionner l’éducation des bestiaux, et d’accorder, à cet effet, des primes d’encouragemenl aux cultivateurs les plus industrieux. 3° Quoique Ja suppression de tous les privilèges ait été demandée de la manière la plus positive, 1’assemblée croit devoir recommander ici , de nouveau, à ses députés de requérir la suppression de ceux d’exploitation de terres et d’exemption d’impôts attribués aux maîtres de postes, sauf au gouvernement à pourvoir au dédommagement de ceux auxquels les brevets ont été accordés, selon que ce dédommagement sera réglé par les Etats 1 provinciaux. I 4° 11 est aussi juste de décharger de tout impôt | les prés tourbés, jusqu’à ce qu’ils soient remis en I culture, attendu que la tourbe y a été soumise ] lors de son extraction pour toute la valeur princi-I pale de son produit. 5° La libre navigation des rivières intéresse également l’agriculture et le commerce. Jusqu’à présent, toutes les rivières, excepté les grands fleuves, ont été regardées comme des propriétés particulières; et d’après cette invasion générale sur la chose publique, les seigneurs riverains les ont obstruées et surchargées de moulins qui gênent la circulation dans l’intérieur des provinces, et privent les habitants des campagnes d’un transport facile de leurs denrées dans les villes qui les avoisinent. L’établissement de ces moulins a d’ailleurs des inconvénients qu’une bonne administration ne saurait tolérer. Ils occasionnent des inondations fréquentes qui détruisent les moissons, changent en cloaques infects les prairies destinées à la pâture des bestiaux, et portent la destruction et la mort dans les habitations d’une infinité d’hommes, que les circonstances, les besoins et la profession forcent de s’établir sur le bord des rivières. Leur libre navigation produirait d’ailleurs l’avantage inappréciable d’une plus grande économie dans la confection et l’entretien des routes. Les députés demanderont donc que les rivières soient rendues libres à la navigation. En conséquence, qu’il ne soit plus établi de moulins que sur des canaux formés hors du lit naturel de ces rivières; qu’enfin, les propriétaires des moulins puissent les employer à l’usage qui leur paraîtra le plus avantageux. ' 6° Ils demanderont, en même temp&, qu’il soit permis aux habitants, dont les propriétés avoisinent les ruisseaux et rivières, d’y faire, deux fois la semaine, des tranchées pour arroser les prairies. 7° Les députés exposeront le dommage que la plantation des bois et remises cause à l’agriculture; et ils réclameront en conséquence qu’il ne soit plus permis à qui que ce soit de planter des bois et des .remises, sinon à la distance de vingt pieds des propriétés particulières, et sous la condition de les borner et fossoyer ; qu’il leur soit défendu de planter dans les rues de leurs villages, ainsi que dans les chemins vicinaux et vi-comtiers. 8° La protection que l’on doit à l’agriculture exige qu’il soit fait défense à tous ceux qui ont des colombiers ou volières, d’en laisser sortir les pigeons dans les temps de semaille et de moisson. 9° Les députés demanderont aussi la suppression de tous droits de palette, d’étalage, d’afforage, [Etats gén. 1789. Cahfers.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Amiens.} ‘feft mort et vif herbage, de péage, barrage, pontenage, travers, et autres de pareille nature, et du droit de tiercement de parc, qui se perçoit au profit des seigneurs, parce que ces différents droits, restes déplorables du gouvernement tyrannique de la féodalité, pèsent sur les propriété comme sur le commerce, et appauvrissent les campagnes. 10° Que le rachat de tous les autres droits féodaux sera autorisé, en y comprenant le droit de champart, qui serait payé au denier vingt-cinq, attendu qu’il est extrêmement onéreux aux cultivateurs, et qu’il est de l’intérêt des seigneurs comme des propriétaires d’éteindre ce droit. 11° Il existe, dans la province, un droit féodal exorbitant du droit commun : c’est un relief qui emporte le quint et requint en toute mutation même de père en fils.' Il arrive souvent qu’en peu d’années, l’ouverture de ce droit absorbe la valeur entière de la propriété. Les députés demanderont donc qu’il soit ramené au même mode de perception que les autres de pareille nature , ce qui est d’autant plus juste que les propriétaires n’en orient aucuns titres constitutifs. ° Dans le cas où les députés n’obtiendraient pas la faculté de racheter les droits féodaux, ils demanderont que les censitaires ne puissent être tenus de fournir, pour le payement de leurs cens, d’autres grains que ceux qui auront été par eux récoltés sur les fonds qui en sont grevés. 13° Ils demanderont aussi que les seigneurs soient tenus de faire les frais de la rénovation de leurs terriers, et qu’il ne puisse être exigé aucuns deniers des vassaux et tenanciers à l’occasion des déclarations et aveux qui pourraient leur être demandés. 14° La Picardie est devenue l’émule de la Normandie pour la quantité de cidre qu’on y fait; mais en Normandie il est permis de convertir cette liqueur en eau-de-vie. Pourquoi la Picardie n’aurait-elle pas cet avantage? L’assemblée charge donc les députés de réclamer le droit de faire fabriquer des eaux-de-vie; l’intérêt public le sollicite en sa faveur. HUITIÈME ET DERNIÈRE PARTIE Amirauté. Les députés demanderont : 1° Que l’ordre des classes pour le service de la marine soit plus régulièrement suivi; 2° Que jamais un père et plusieurs enfants ne puissent être levés pour partir ensemble et servir en même temps ; 3° Que jamais les maîtres pêcheurs ne puissent être pris pour le service du roi ; 4° Que tous les droits de l'amirauté soient réduits en un seul ; 5° Qu’il soit fait un tarif proportionnel sur les droits à percevoir sur les navires étrangers, entrant et sortant des ports de France, et semblables à ceux qui se perçoivent sur les navires français dans les ports étrangers; 6° Les députés demanderont l’abolition de toutes vacations aux côtes, échangées contre une prime raisonnable sur la valeur des effets naufragés, et remise des procès-verbaux aux réclamants dans la quinzaine suivante ; 7° L’économie exige que le nombre des amirautés soit réduit. Pétitions particulières à la ville d'Amiens. Les députés requerront: 1° Que les membres qui composeront le corps municipal de la ville d’Amiens ne puisse avoir de voix délibératives, ni collectivement, ni particulièrement, pour la nomination des maire et échevins qui doivent les remplacer ; 2° Que les octrois municipaux et provinciaux seront supprimés, comme établis sans le Concours de la commune, ainsi que l’abolition de toutes les charges créées par les villes ; 3° Que les officiers municipaux ne pourront faire aucune construction, aliénation de leurs propriétés et privilèges qu’après y avoir été autorisés par la commune assemblée ; 4° Que la milice bourgeoise sera supprimée, et les finances de leurs commissions de capitaines et autres officiers remboursées ; 5° Que le commandement des troupes dans la place sera attribué au maire de la ville. Pétitions particulières du bailliage de Ham. 1° Arrêté qu’il sera demandé pour la ville de Ham, un port sur le canal de Somme. 2° Le parachèvement des travaux du canal, depuis Saint-Simon jusqu’à Ham, et de Ham à Péronne, est bien essentiel, parce que les communications sont interceptées, n’y ayant que de faux ponts de mauvaise construction sur lesquels on n’ose se hasarder pour le transport des denrées et marchandises. Ces travaux avanceraient bien plus promptement si on y employait des troupes. La direction en serait laissée à‘l officier choisi par l’administration, et l’inspection en serait confiée aux officiers municipaux. 3° Les états-majors des villes et places du royaume étant supprimés, le château de Ham servirait utilement à loger un bataillon d’infanterie. Cette garnison pourrait être employée au parachèvement des travaux du canal et à l’entretien des principales routes. Ce château a servi jusqu’à présent à renfermer des prisonniers d’État; mais il y aura assez d’autres citadelles à cet usage quand les lettres de cachet seront soumises à des formes légales, si toutefois l’usage n’en est pas entièrement proscrit. 4° La suppression des états-majors produira un autre bien à la ville de Ham, c’est-à-dire la décharge d’une somme de 700 francs que le gouvernement lui fait payer pour le logement des officiers de l'état-major, d’un garde-magasin, du directeur des fortifications, de l’ingénieur, quoique le logement leur soit payé. Ils sont pour la plupart logés dans des appartements qui ont été construits en dernier lieu, et qui ont beaucoup coûté au roi. 5° La ville de Ham n’a pas de revenus patrimoniaux ; elle perçoit un octroi et la moitié d’un autre. Ces deux octrois sont une charge qu’elle impose sur elle-même. La moitié du premier octroi, que Louis XIV s’est attribuée par son ordonnance de 1681 , et les 10 sous pour livre, qui se perçoivent sur les deux octrois au profit du roi, lui font, de cet impôt, une nouvelle taille,' et une taille plus onéreuse que la taille ordinaire. Elle en requiert la suppression, et le remplacement pour subvenir à ses charges par l’abandon des fortifications, glacis et autres fonds sur lesquels le gouvernement et l’état-major prennent ce qu’ils appellent leurs émoluments à moins qu’on ne préfère de leur concéder des domaines dépendant ae quelques établissements à supprimer. 6° M. le marquis d’Hautefort perçoit à Ham un droit de péage qu’il tient en engagement de la châtellenie de Ham. La perception de ce droit met des entraves au commerce. La ville demande à racheter ce droit pour le prix qui doit être estimé, déduction faite de la charge ae l’entretieu de la chaussée sur laquelle il est à percevoir* Qn 7S6 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVÉS n’a jamais yu M. le marquis d’Hautefort, ni ses auteurs, dépenser un sou pour cet entretien ; on espère que monseigneur le duc d’Orléans, seigneur apanagiste de la châtellenie de Ham, voudra bien faire le sacrifice de sa redevance féodale sur le droit du péage. 7° Le même seigneur perçoit aussi un droit de mesurage sur les grains qui se vendent au marché. Il est intéressant pour l’approvisionnement de la ville, et pour la liberté du commerce, que ce droit soit supprimé. La ville indemnisera M. le marquis d’Hautefort par voie d’accord : elle demande à y être autorisée. 8° Les chemins de Ham à Péronne, à la Terre et à Chauny, ont besoin d’être réparés et mis en état. Ils auraient la double utilité de procurer l’importation, dans la Basse-Picardie et dans f Ar tois, des vins du Soissonnais, du Laonnais et de la Champagne, et de servir au passage des troupes êt au transport des armes et munitions de guerre, sans parler des autres avantages qu’on en pourra retirer en général. 9° Le faubourg de Ham, appelé faubourg de Saint-Sulpice, est séparé de la-ville par la rivière de Somme ; de là il est de la généralité d’Amiens, tandis que la ville est de la généralité de Soissons. PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Amiens.) Il est juste que le faubourg soit de la généralité de Soissons, comme la ville de qui il dépend, et qu’il soit compris, comme elle, dans l’élection de Noyon, au lieu de faire partie de l’élection de Saint-Quentin. 10° L’emplacement de la ville sur une grande route rendra plus avantageux au commerce rétablissement d’une foire franche, fixée au dix-huit de chaque mois, qui se tiendra alternative-•ment dans la ville et dans le faubourg de Saint-Sulpice, au moyen de quoi les deux foires, qui ont coutume de se tenir en mai et en septembre, seront supprimées. 11° La ville de Ham n’a dans son bailliage qu’un ressort très-resserré. Elle demande, avec tous les habitans des campagnes voisines, un arrondissement qui peut lui être accordé facilement, sans démembrer essentiellement les bailliages voisins, qui ont trop d étendue. Le présent cahier a été fait et arrêté le quatrième jour d’avril mil sept centquatre-vingt-neuf, sur le rapport de Messieurs les commissaires nommés le deux de ce mois et signé d eux et, de nous, président de l’assemblée, suivant le procès-verbal de cejourd’hui.